39 - Kisaki Tetta

Dans l'ascenseur qui menait aux bureaux de l'entreprise de Kisaki et Koko, Mikey retournait l'affaire en tout sens dans sa tête. Shichi n'avait rien à voir avec les deux autres meurtres dont on l'accusait, de cela il était certain. Son visage, au moment où elle avait réalisé ce qui se passait, était éloquent.

Mais qu'est-ce que ça veut dire ? D'où sortent ces deux autres corps ?

Il n'y comprenait plus rien. Il avait besoin de parler à un type plus intelligent que lui. Kisaki saurait lui, il en était sûr. Ou au moins il aurait une piste qui lui permettrait d'arrêter de tourner en rond comme un lion en cage et de commencer à agir.

Derrière lui, dans la cabine, Draken et Haruchiyo, mais aussi Takemicchou et Chifuyu qui avaient tenu à les accompagner, demeuraient silencieux.

– C'est dingue, souffla Chifuyu. À un instant, le juge était à deux doigts de lui tapoter l'épaule en lui disant c'est pas bien ce que vous avez fait et la seconde suivante on aurait dit qu'il préparait la corde pour la pendre.

Takemichi lui donna un coup de coude dans les côtes en lui désignant Mikey et Chifuyu se mordit la langue. Il reprit.

– Enfin, je ne veux pas dire qu'ils vont... Tu vois... C'est juste...

Ce fut Draken qui le sortit d'embarras.

– T'en fais pas Matsuno, dit-il. On est tous sous le choc. Ça s'est passé tellement vite qu'aucun de nous n'a eu le temps de réaliser.

– Oui, c'est vrai Draken, répondit Chifuyu.

Avant que le silence ait repris ses droits dans l'ascenseur, Draken se tourna vers Haruchiyo.

– Et sa sœur, dit-il, elle tient le coup ?

– Plus ou moins, dit Haru. Elle fait surtout bonne figure pour ne pas inquiéter sa mère et son grand-père. D'ailleurs elle est retournée s'installer là-bas quelque temps.

– Oui, je comprends, dit Draken. Mieux vaut être entouré de ses proches dans ce genre de cas.

Le tintement de l'ascenseur mit fin à la conversation et tous les cinq sortirent de la cabine.

La standardiste ne parut pas surprise en les voyant approcher. Elle les accueillit de son habituel sourire commercial.

– Monsieur le Président et monsieur le vice-président vous attendent dans le bureau de monsieur Kokonoi, leur dit-elle avant même qu'ils n'aient expliqué la raison de leur visite.

– Merci, la remercia Draken en masquant sa surprise.

Il prit le chemin du bureau de Koko, les quatre autres dans son sillage.

– Ôte-moi d'un doute Mikey, dit Draken, est-ce qu'on a déjà réussi à surprendre ces deux-là lors de l'une de nos visites ?

Mikey réfléchit.

– Hmm, dit-il, maintenant que tu le dis, je ne crois pas...

– Moi ça ne me surprend pas ! Répondit Chifuyu avec véhémence. Kisaki a l'instinct d'une fouine !

Ses compagnons le regardèrent, surpris par son éclat. Seul Takemichi dissimula un sourire. Même s'il n'en gardait presqu'aucun souvenir, Chifuyu n'avait jamais pardonné à Kisaki sa responsabilité dans les événements des précédentes timelines.

– Ça n'est pas très gentil Chifuyu, lui fit-il remarquer. Kisaki est de notre côté, tu te rappelles ?

– Hummf ! Lâcha Chifuyu.

La double porte du bureau de Koko apparut et Draken frappa.

Entrez ! Leur dit-il à travers le battant.

Ils franchirent le seuil et Koko leur adressa un rictus depuis son fauteuil de PDG, un pied posé sur le coin de son bureau.

– Regarde ça Kisaki, dit-il. On dirait qu'ils finissent par comprendre qu'il faut venir nous voir sans attendre !

Kisaki, assis sur le canapé en cuir, les jambes croisées sur son pantalon de costume au pli impeccable, se contenta de sourire.

– Entrez ! Répéta Koko. Et expliquez-nous ce qui vous arrive !

– Comme si vous n'étiez pas au courant... Grommela Chifuyu.

Koko lui tira la langue.

– Tu as raison, reconnut-il.

– Konemori vient de m'appeler, leur révéla Kisaki. Il m'a dit ce qui était arrivé.

Mikey fit un pas en avant.

– Alors tu es au courant qu'ils veulent condamner Shichi à mort ! Dit-il.

Draken le rejoignit et il lui mit la main sur l'épaule.

– Calme-toi Mikey, dit-il.

Il avait l'impression d'avoir répété cette phrase une bonne vingtaine de fois depuis une heure.

Kisaki se leva.

– Tout n'est pas encore perdu, dit-il. Même si j'espérais que nous n'aurions pas à en arriver là.

– Tu savais que ça se passerait comme ça ? S'étonna Takemicchou.

– Je m'en doutais, oui, lui dit Kisaki en lui retournant son regard. Mais peut-être vaut-il mieux attendre les autres pour en parler.

– Quels autres ? Demanda Draken sans comprendre.

Ce fut Chifuyu qui lui répondit.

– Je... J'ai appelé du monde en chemin pour leur expliquer ce qui se passait, dit-il penaud. Certains m'ont dit qu'ils arrivaient.

Kisaki réfléchit.

– Vu l'heure, dit-il, je dirai que nous attendons les Kawata – leur restaurant n'ouvre pas avant plusieurs heures – Mitsuya – son dernier défilé date d'il y a même pas une semaine il doit être encore en repos – et sans doute aussi Kazutora et Baji qui n'auront pas supporté de laisser seul leur comparse.

Il tourna un regard amusé vers Chifuyu et ce dernier rougit.

– C'est ça... Marmonna-t-il gêné d'avoir été ainsi mis à jour. Pachin et Peyan ne pourront pas venir, ils étaient occupés à l'agence...




Moins de vingt minutes plus tard, Baji, Kazutora, Mitsuya et les jumeaux Kawata avaient pris place à leur tour dans le bureau du chef d'entreprise.

– C'est moi ou c'est de plus en plus luxueux ici ? Dit Smiley en regardant autour de lui depuis le canapé, à la place qu'occupait Kisaki un instant plus tôt.

Le bureau de Koko débordait en effet d'objets précieux. De tout côté on voyait des vases, des sculptures, des tableaux qui devaient valoir une petite fortune. Même son bureau, une sorte de monstre énorme en bois précieux, devait coûter à lui seul plusieurs mois de salaire d'un employé moyen et il était posé sur un tapis tellement épais qu'il tenait plus de la jungle que de la moquette.

– Enfin quelqu'un qui le remarque ! S'exclama Koko. En voilà un qui a du goût !

– Nous ne sommes pas là pour parler de la déco douteuse du bureau de Koko, leur rappela Draken.

Koko lui jeta un regard blessé, mais Baji enchaîna avant qu'il ait pu répondre.

– C'est vrai ce que nous a dit Chifuyu ? Dit-il en se tournant vers Mikey. Le tribunal essaie de mettre deux meurtres de plus sur le dos de ta copine ?

Il n'avait encore jamais rencontré Nanaka, mais le simple fait qu'elle soit la petite amie de Mikey le poussait à vouloir l'aider.

– C'est ça, confirma Haruchiyo.

– Si au moins elle n'avait pas signé la première confession ! S'exclama Chifuyu.

Kisaki se redressa en soufflant.

– On s'en fout de ses aveux, dit-il. Ce papier n'a aucune importance.

– Je ne vois pas comment tu peux dire ça, protesta Smiley. C'est quand même ce papier qui la conduite devant un juge.

– On ne peut pas annuler ce genre de confessions ? S'enquit Chifuyu en regardant les autres. Dire ah non, je me suis trompé c'était pas moi ?

– Ça ne fonctionne pas comme ça, lui fit remarquer Mitsuya. Une fois les aveux signés, tu es coupable aux yeux de la loi.

Chifuyu se renfrogna.

– C'est mal fichu... Dit-il.

Kisaki reprit d'un ton irrité en faisant les cent pas.

– Je vous dis que ce ne sont pas ses aveux le problème. En fait, toute la difficulté tient en une seule question...

Il s'arrêta devant Mikey et il lui demanda :

– Toi qui la connais le mieux, est-ce qu'elle a tué le premier de ces types ?

Un silence suivit.

Kazutora intervint.

– Tu es dur Kisaki, dit-il. La situation n'est pas facile pour Mikey...

Kisaki se tourna vivement vers lui.

– Et pourtant, dit-il, c'est la seule information qui compte pour le moment !

Tous le regardèrent sans comprendre.

Mikey, lui, baissa la tête et réfléchit.

Est-ce que Shichi avait tué le gars dans la ruelle ? Elle avait l'air de croire que oui lorsqu'il l'avait vue et lui-même ne s'était pas vraiment posé la question. La seule chose qui lui importait jusqu'à présent, c'était de la faire innocenter, peu importe qu'elle soit coupable ou non. Mais Kisaki semblait accorder beaucoup d'importance à ce point.

– Non, dit-il enfin. Non, elle ne l'a pas tué.

Draken fronça les sourcils.

– Tu en es sûr ? Dit-il. Je veux dire, personne n'était là pour voir ce qui s'est passé... Même elle ne s'en souvient pas d'après ce que nous a dit le flic et tu as bien vu ce qui s'est passé à Motegi.

Mikey secoua la tête.

– Non, c'est impossible, dit-il, j'en suis certain. Shichi n'aurait jamais perdu le contrôle au point de tuer un type comme ça. Même soûle. Le cogner oui, mais pas le tuer.

Il leva les yeux et croisa le regard de Takemichi.

– Elle n'est pas comme moi, ajouta Mikey.

Takemicchou et lui se regardèrent en silence et tous les deux se comprirent. 

Les pulsions sombres n'existaient plus.

Takemichi se redressa.

– Si Mikey le dit, je le crois, dit-il. Je lui fais confiance.

Kisaki les regarda l'un après l'autre.

– Très bien, dit-il, voilà qui va nous simplifier la tâche.

– Comment ça ? S'enquit Smiley.

Il ne comprenait décidément plus rien.

Kisaki rejoignit le bureau de Koko sur lequel il avait posé son téléphone.

– C'est pourtant simple, dit-il. Si ça n'est pas elle qui l'a tué, c'est que quelqu'un d'autre l'a fait. À nous de trouver qui et de le faire parler.

– Tu veux faire ça comment ? Lui demanda Draken. On n'est pas flics je te rappelle.

– Non, lui rétorqua Kisaki, nous sommes beaucoup mieux que des flics. Nous sommes le Tokyo Manji Kai. La rue, c'est notre milieu, c'est là qu'on a grandi et qu'on a toujours vécu. N'importe lequel d'entre nous connaît les bas-fonds de cette ville mieux que n'importe quel policier, je me trompe ?

Aucun d'eux ne put dire le contraire.

– Tu as peut-être raison, dit Smiley, mais le Toman, c'est fini maintenant.

Kisaki se tourna vers lui.

– Ose me dire que tu n'as gardé aucun contact, lui dit-il avant de regarder autour de lui. Osez me le dire tous.

À nouveau, personne ne répliqua. Kisaki revint à son téléphone et il ajouta :

– Par ailleurs quand bien même vous auriez tous coupé les ponts avec ce milieu, dit-il, ça n'est pas mon cas. Je me suis dit que ça pourrait servir un jour et j'ai eu raison.

Il leva les yeux vers Mikey et conclut :

– Un mot de toi boss et je mets mes anciens informateurs sur le coup.

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