37 - Audience préliminaire

– Je ne peux pas vivre avec ce que j'ai fait sur la conscience... Dit Nanaka. C'est trop horrible.

Mikey abattit les poings sur la paroi en plexiglas et la gardienne et l'avocat se redressèrent aussitôt. Mais Mikey n'en avait rien à faire.

– NON ! Hurla-t-il. JE T'INTERDIS DE FAIRE ÇA, TU M'ENTENDS ? CES GENS, C'ÉTAIT PAS TOI, C'ÉTAIT PAS NOUS ! ALORS ARRÊTE ÇA !

Nanaka se leva à son tour avant qu'il en dise trop et la gardienne vint l'attraper par le bras. De l'autre côté de la vitre, Mikey continuait à marteler la paroi.

– ARRÊTE ÇA TU M'ENTENDS ? ARRÊTE !

– Mikey... Mikey... L'appela Nanaka pour attirer son attention tandis que la femme la tirait en arrière. Mikey écoute-moi, tu avais raison...

Elle profita d'un instant de silence pour reprendre.

– Je t'aime... Dit-elle. Je t'ai toujours aimé... Tout ce que j'ai toujours voulu, c'est te protéger... Je ne voulais pas que ce monde-là soit de retour dans ta vie... Je ferai n'importe quoi pour ça et je continuerai parce que je t'aime.

Elle réussit à faire un pas en avant et à poser la main sur la vitre. De l'autre côté, Mikey posa la sienne et, durant une seconde, il n'y eut plus qu'eux.

Ensuite la réalité les rattrapa et la gardienne saisit Nanaka par le coude pour l'emmener.




Les poings serrés, Mikey regarda la porte par laquelle Nanaka venait de disparaître.

– MERDE ! Cria-t-il en frappant la vitre.

L'avocat le rejoignit.

– Calmez-vous, lui dit-il, ou nous allons avoir des problèmes.




Dans le couloir menant aux cellules, Nanaka sentait son cœur battre à la volée dans sa poitrine, mais pour la première fois depuis plusieurs jours, ça n'était pas de la peur.

Je l'aime, oui je l'aime !

Cette pensée lui tenait lieu de bouclier. Elle avait le sentiment que rien ne pourrait lui arriver tant qu'elle la garderait à l'esprit.

Je l'aime et je ferai n'importe quoi pour le protéger... Même me tenir loin de lui.

Quand Nanaka avait décidé de signer des aveux quelques jours auparavant, c'était bien les crimes qu'elle avait commis lorsqu'elle appartenait au Bonten qu'elle avait en tête, Mikey avait vu juste.

Nanaka songeait confusément que si elle était punie, alors le monstre qui en était en elle disparaîtrait.

Je dois mettre un terme à cette histoire et pour ça, le meilleur moyen, c'est de laisser faire la justice.

Mais elle se mentirait si elle disait qu'elle n'avait pas peur. L'idée du procès et de la condamnation qui l'attendait la terrifiait au point qu'elle ne mangeait presque plus rien.

Tout ça, c'est presque fini. Après l'audience préliminaire, je serai pratiquement fixée sur mon sort.

C'était là que le procureur annoncerait la peine maximale qu'il réclamait.




En sortant du bâtiment, Mikey se retint de donner des coups de poings dans tout ce qu'il croisait.

– MERDE !! Cria-t-il encore.

Il regarda autour de lui à la recherche d'un moyen de se libérer de sa colère. Puis il inspira, se passa les deux mains dans les cheveux et il se tourna vers l'avocat qui s'était arrêté à son niveau.

– Qu'est-ce qui va se passer maintenant ? Demanda Mikey.

– Maintenant, nous allons nous préparer pour l'audience qui aura lieu après-demain, répondit l'avocat. Le procureur mettra sans doute en avant les aveux de votre amie et, s'il est de mauvaise humeur, il pourra requérir jusqu'à trente ans de prison.

Mikey sentit une boule énorme se coincer dans sa gorge.

– Trente ans... Répéta-t-il.

Konemori baissa les yeux vers lui.

– Mais c'est la version la plus pessimiste, le rassura-t-il. Dans ce genre de cas, les peines plafonnent le plus souvent à dix ans.

Dix ans. Mikey se souvenait, c'était la peine dont avait autrefois écopé Kazutora après la mort de Baji.

– Je vois, dit-il.

– Toutefois je pense pouvoir la réduire encore de cinq ans, reprit l'avocat, en mettant en avant l'absence d'antécédents de votre amie. Elle n'a jamais eu affaire à la justice par le passé. Rien, pas même une contravention pour excès de vitesse. C'était une citoyenne modèle jusqu'à ce soir-là, le juge en tiendra compte.

– Très bien.

Mikey inspira et expira plusieurs fois. Il devait se calmer. Tout n'était pas encore perdu. Même si Shichi renonçait à se défendre, ça ne voulait pas dire qu'elle passerait le restant de sa vie en prison. Ils n'allaient pas rester les bras croisés.

Je te sortirai de là que tu le veuilles ou non ! Ensuite on parlera... on aurait dû le faire depuis le début toi et moi, mettre tout à plat... C'est de ma faute Shichi, j'ai oublié que toi, cette période-là, tu l'as vraiment vécue.

Il s'en voulait de n'avoir pas imaginé ce qu'elle pouvait ressentir après avoir passé peut-être des années auprès de la version de lui-même qui avait perdu la raison.

Je ferai en sorte que l'on prenne un nouveau départ tous les deux, se promit-il, tu verras, je réussirai. Ensuite, toi et moi on pourra aller de l'avant.




Deux jours plus tard, Draken accompagna Mikey et Haruchiyo à l'audience préliminaire qui devait avoir lieu au palais de justice, dans le quartier de Kasumigaseki. 

Riko était venue avec sa mère et son grand-père et les Tadano se tenaient assis côte à côte, cherchant du réconfort dans la proximité les uns des autres.

Juste avant que l'huissier ne ferme la porte, Takemichi et Chifuyu se faufilèrent à l'intérieur.

– On a réussi à venir finalement ! Souffla Chifuyu en s'asseyant à côté de ses amis.

Mikey ne tourna même pas la tête à leur arrivée, il avait les yeux rivés sur la porte qui se trouvait derrière le bureau de l'huissier, celle par laquelle Nanaka devait arriver.

Takemichi lui jeta un regard inquiet puis Chifuyu et lui échangèrent un coup d'œil.

Quand la porte s'ouvrit quelques minutes plus tard, Mikey se redressa, comme mu par un ressort.

– Là voilà... Murmura Riko quelque part derrière lui.

– Elle n'a pas maigri ? Répondit sa mère d'une voix angoissée.

Mikey entendit le grand-père grommeler, mais il n'y prêta pas garde. Toute son attention était focalisée sur la jeune femme qui venait d'entrer.

Elle avait les cheveux lâchés et le front bas. Ses mains jointes devant elle étaient toujours attachées par des menottes et elle évitait les regards du public comme de sa famille.

Le policier qui la tenait par le coude la conduisit jusqu'à son avocat et elle s'assit à ses côtés en silence.

Finalement, elle leva les yeux vers Konemori.

– C'est vous, dit-elle simplement.

– C'est moi, répondit-il.

– Pourquoi êtes-vous là ? Un avocat commis d'office aurait très bien fait l'affaire...

Il grimaça et, pendant une seconde, on discerna l'ancien yakuza sous l'avocat.

– Je suis payé, dit-il.

– Pas par moi.

– Non, pas par vous, et pas en politesse non plus de toute évidence.

Nanaka soupira.

– Je suis désolée, dit-elle. Vous n'y êtes pour rien c'est vrai. Pardonnez-moi.

– C'est rien de le dire.

Un instant plus tard, elle reprit.

– Vous voulez bien faire quelque chose pour moi ? N'en faites pas trop, ok ?

– Je ferai ce que j'ai à faire et je ne le ferai pas pour vous.

Nanaka réussit à pouffer de rire.

– C'est paradoxal pour un avocat de dire ça à son client, dit-elle.

Konemori laissa échapper un grognement.

– C'est vrai, reconnut-il, mais ça n'est pas de ma faute si vous n'êtes qu'une sale gamine qui mérite de se faire botter le cul pour voir si ça lui remet les idées en place.

Nanaka n'eut pas le temps de répondre. Le juge, à qui leurs messes basses n'avaient pas échappé, frappa plusieurs fois le socle de son maillet pour ramener le silence dans la salle.

– En d'autres circonstances, reprit Nanaka à mots si bas que Konemori dut tendre l'oreille pour l'entendre, je crois qu'on se serait bien entendu.

– Moi pas, répondit-il.




Comme l'avait prédit l'avocat, la confession de Nanaka, comme son passé irréprochable, parurent faire effet sur le juge.

Lorsqu'elle passa à la barre, à la fin de l'audience, il se pencha vers elle avec une attitude paternaliste.

– Mademoiselle Tadano, dit-il, croyez-vous que votre grand-père vous a enseigné les arts martiaux pour que vous en fassiez cet usage ?

Plus gênée qu'elle ne l'avait été durant toute la séance, Nanaka secoua la tête.

– Non, votre Honneur, dit-elle.

Elle évitait le regard de son grand-père, plus loin dans l'assistance.

– Comprenez-vous la gravité de ce que vous avez fait ? Continua-t-il.

– Oui, votre Honneur. Je la comprends.

– Bien...

La porte de la salle s'ouvrit, interrompant le juge, et l'assistant du procureur entra avec fracas, faisant se tourner toutes les têtes.

L'homme regarda autour de lui, puis il rejoignit le procureur installé au premier rang et il lui tendit un dossier.

– Ce que vous m'aviez demandé, souffla-t-il assez fort pour que tout le monde l'entende.

Le juge fit jouer son maillet.

– Monsieur le procureur, dit-il, qu'est-ce que ça signifie ?

Le procureur se leva tout en feuilletant les papiers que son assistant venait de lui donner.

– Veuillez m'excuser votre Honneur, dit-il, mais j'aimerais interroger une nouvelle fois mademoiselle Tadano. De nouveaux éléments viennent de m'être transmis.

Konemori se redressa.

– Objection, intervint-il. L'accusation doit avoir remis à la défense toutes les pièces constituant le dossier avant l'audience.

– Je le sais parfaitement maître Konemori, répondit le procureur, mais ces pièces sont d'une gravité extrême et elles viennent seulement de me parvenir.

Intrigué, le juge demanda à Nanaka de revenir prendre place à la barre et le procureur la rejoignit.

Il déposa une photo devant elle.

– Connaissez-vous cet homme ? Dit-il.

Elle examina le cliché. Un quadragénaire légèrement dégarni portant les lunettes à montures d'écailles.

– Non, monsieur, dit-elle.

Le procureur se tourna vers le greffier.

– Veuillez noter que mademoiselle Tadano a répondu de prime abord ne pas connaître la victime.

Victime ? Se dit Nanaka.

Il revint à elle.

– Mademoiselle, qu'avez-vous répondu à l'inspecteur Ido la première fois qu'il vous a présenté la photographie de l'homme que vous avez tué ?

Nanaka déglutit péniblement, la gorge sèche.

– Que je ne le connaissais pas... Dit-elle.

Konemori se leva à nouveau.

– Où voulez-vous en venir ? Demanda-t-il.

– À une question très simple, répondit le procureur avant de se tourner vers Nanaka : Mademoiselle Tadano, combien de personnes avez-vous tuées en réalité ?

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