Riko posa la tête sur la poitrine de Haru et elle goûta les battements anarchiques de son cœur qui résonnait à son oreille. Ses doigts caressèrent son torse recouvert d'un voile de sueur et Haru prit sa main dans la sienne.

– Tu sais à quel point je t'aime Ri ? Dit-il.

– À peu près autant que je t'aime moi, lui répondit-elle.

Il pouffa de rire et redressa la tête juste assez pour poser un baiser sur son front.

Riko se sentit somnoler entre ses bras. Dehors, la nuit d'été était emplie des stridulations des cigales. Elles étaient bruyantes à cette époque de l'année, mais Riko avait toujours beaucoup aimé leur chant. Il la berçait.

– Dis Haru, reprit-elle un moment plus tard, je peux te poser une question ?

– Hmm ?

Lui aussi était en train de s'endormir.

Riko reprit.

– C'est quel genre de garçon, Mikey ?

Haruchiyo rouvrit les yeux. Il réfléchit.

– C'est le type le plus fort que je connaisse, répondit-il enfin.

Contre lui, Riko se raidit.

– Comment ça ? Dit-elle.

– Je t'avais dit que quand j'étais plus jeune, je faisais partie d'un gang ?

Elle hocha la tête et il poursuivit.

– Notre boss, c'était Mikey, dit-il. De tous les bōsōzokus de la capitale, c'était lui le plus fort ! À tel point que jamais personne n'a pu le battre ! On l'appelait Mikey l'Invincible !

Riko ne dit rien et, emporté dans son élan, Haru continua.

– Au début on étaient neuf, les fondateurs du Toman, tu vois ? Mais en quelques années on a soumis tous les gangs de Tokyo, depuis le Black Dragon de Taiju Shiba jusqu'au Tenjiku d'Izana Kurokawa ! Mikey était tellement fort qu'ils ont tous fini par nous rejoindre en comprenant qu'ils ne pourraient rien contre le Toman ! Encore aujourd'hui, personne n'a oublié Mikey l'Invincible et son High Kick Atomique !

Riko demeura silencieuse. Sa main s'était immobilisée sur le torse de Haru.

Au bout d'un moment, Haru se figea lui aussi. Une idée venait brusquement de lui traverser l'esprit. Il s'assit dans le lit.

– Ne me dis pas que tu craques sur lui ? Demanda-t-il.

Riko le regarda, surprise. Puis elle éclata de rire. Elle se redressa à son tour et laissa courir ses doigts sur son bras.

– Et si c'était le cas ? Le taquina-t-elle.

Haru fronça les sourcils. Il la repoussa sur le lit et se pencha au-dessus d'elle, les mains posées de part et d'autre de sa tête.

– Je refuse ! S'insurgea-t-il comme un gamin.

Riko feignit de s'étonner.

– Mais je croyais que c'était le type le plus incroyable et le plus fort que tu connaissais ? Tu devrais être content qu'il me plaise, non ?

Haru plissa le nez.

– Je m'en fiche, tu es à moi ! Dit-il.

Il fondit sur sa gorge qu'il couvrit de baisers empressés, léchant et caressant tour à tour la morsure qu'il lui avait faite dans le cou un peu plus tôt.

Riko se tortilla en riant.

– Arrête Haru ! Tu me chatouilles ! C'est bon ! Je me rends ! C'était une blague !

Elle ne fit pas mine de le repousser pourtant, bien au contraire.

Quand enfin il se laissa tomber sur elle, le nez dans son cou, il murmura :

– Tu n'es pas amoureuse de Mikey, hein ?

Riko le prit dans ses bras.

– Bien sûr que non Haru, dit-elle. Tu sais bien qu'il n'y a que toi qui compte à mes yeux.

Contre elle, Haruchiyo parut ronronner d'aise.

– Mais alors, pourquoi tu me poses des questions sur lui ? Lui demanda-t-il.

– C'est à cause de Nana, dit-elle. Je crois qu'il y a quelque chose entre Mikey et elle...

Haru releva la tête.

– Ta sœur ?

Elle hocha la tête.

– Tu le gardes pour toi, dit-elle, mais tous les deux ont eu une aventure la semaine dernière, lors de cette compétition...

– Vraiment ?

– Et je me demandais si ce garçon était quelqu'un de bien pour elle.

Haru la regarda dans les yeux et Riko poursuivit.

– Mais d'après ce que tu me dis c'est un chef de gang, violent et bagarreur. Je n'aime pas l'idée de voir ma sœur avec ce type.

Il y avait de la férocité dans sa voix.

– Moi aussi j'ai fait partie d'un gang, lui rappela-t-il.

– Oui, mais toi tu es gentil, rétorqua-t-elle en prenant son visage entre ses mains.

Elle pressa ses joues jusqu'à ce que la bouche de Haru forme une moue puis elle amena ses lèvres à elle pour les embrasser avant de conclure :

– Alors que lui, de ce que tu m'en dis, il est brutal et impitoyable ! Je n'aime pas ça.

– Brutal et impitoyable c'est peut-être un peu exagéré...

– C'est toi qui viens de me dire qu'il a soumis tous les gangs de bōsōzokus de la capitale par la force !

– Il n'était pas tout seul, lui rappela-t-il.

Peine perdue. Riko ne l'écoutait plus.

– Si jamais il fait du mal à nee san, gronda-t-elle, je ne le lui pardonnerai pas !

Haru la regarda en silence.

Toutes les deux n'étaient pas jumelles pour rien.

– Est-ce que ça te dirait qu'on se fasse une sortie tous les quatre ? Lui dit-il. On pourrait aller au restaurant, discuter, faire vraiment connaissance et comme ça tu te rendrais compte que Mikey n'est pas un ogre.

Riko ramena son attention sur lui.

– Tu crois ? Dit-elle.

– Je suis certain... Dit-il, avant de conclure : Allez, on fait ça !

Il revint se blottir contre elle et Riko referma machinalement ses bras autour de lui. Mais elle était toujours préoccupée et Haru s'en aperçut.

– Ne t'en fais pas Riri, lui dit-il. Mikey c'est quelqu'un de bien. Si ça n'avait pas été le cas, il n'y aurait jamais eu autant de monde pour le suivre.

Haruchiyo et Mikey s'organisèrent ensemble dès le lendemain. Mikey avait immédiatement accepté quand Haru lui avait parlé de la soirée qu'il projetait et, après quelques échanges, tous les deux se mirent à comploter dans leur coin au point que Riko finit par appeler sa sœur.

– Qu'est-ce qu'ils fabriquent Nana ? Haru ne veut rien me dire.

– Je ne peux pas te répondre Rikorin, je n'ai rien compris à cette histoire. Pourquoi est-ce qu'on doit aller au restaurant tous les quatre déjà ?

Riko se mordit la lèvre.

– C'est une idée de Haru, mentit-elle, pour qu'on puisse mieux faire connaissance.

– Hmm, je vois... Tu veux que j'essaie de tirer les vers du nez de Mikey ? Je ne pense pas que ça servira à grand-chose, mais je peux tenter ma chance.

Riko soupira.

– Non, laisse c'est bon. On verra bien demain soir.

Deux jours après la discussion de Riko avec Haruchiyo, tous les quatre se donnèrent rendez-vous dans le quartier de Shimokitazawa.

(NDA : Shimokitazawa est un quartier non loin de Shinjuku, réputé pour ses petites boutiques et ses ruelles à l'apparence traditionnelle)

– Où est-ce qu'on va ? Demanda Nanaka en regardant Mikey qui la tenait par la taille.

– Vous verrez bien, répondit-il.

Il arborait un petit sourire satisfait dont on trouvait la copie quasi identique sur le visage de Haru.

Les deux sœurs échangèrent un coup d'œil, étonnées par leur silence, puis Nanaka haussa les épaules.

Si ça peut leur faire plaisir de nous faire la surprise...

Arrivés devant un petit restaurant de ramens, elle examina l'enseigne.

Sugoaku, lut-elle. Les démons jumeaux ? C'est une blague ?