20 - Un pas en avant
À la fin de la soirée, Nanaka resta avec Riko pour l'aider à ranger.
– Alors ? Dit Riko en s'approchant l'air inquiet. Haru ? Tu le trouves comment ?
Nanaka feignit de réfléchir, appuyée sur son balai.
– Je ne sais pas Rikorin, dit-elle enfin. Je préfèrerais quand même que tu trouves un garçon avec une carrière un peu plus sérieuse que youtubeur.
Riko se décomposa et Nanaka n'y tint plus. Elle explosa de rire.
– Je déconne ! Dit-elle. Mais c'est incroyable comme c'est facile de te faire marcher !
– Nana ! S'indigna Riko le cœur encore battant.
Nanaka se pencha vers sa sœur.
– Il est parfait, lui dit-elle. Il a l'air très amoureux de toi et vous allez bien ensemble !
– Moi aussi je l'aime Nana ! Tu n'imagines pas comme je l'aime !
Nanaka se redressa et elle la regarda. Elle en avait une idée assez précise au contraire.
Elle se détourna pour recommencer à balayer la pièce.
Si Nanaka s'amusait ainsi à taquiner sa sœur, ça n'était pas sans raison. Leur mère était une femme gentille et facile à vivre, mais leur grand-père, lui, était un homme de la vieille école. Nanaka pouvait entendre d'ici ce qu'il allait dire à Riko quand elle lui parlerait de Haruchiyo.
– Un "youtubereux" ? C'est quoi ça comme métier ? Ça existe seulement ?
Quand les jumelles lui auraient expliqué, il ajouterait sans doute :
– Hummf ! Un vidéaste amateur tu veux dire ! C'est pas avec ça qu'on nourrit une famille !
En asticotant sa sœur, Nanaka s'assurait que Riko était prête à répondre à toutes les répliques du vieux bonhomme.
Et ça n'a jamais manqué, se dit-elle.
Nanaka se souvint du jour, bien des années plus tôt, où Riko leur avait parlé à maman et lui de son premier petit ami.
– Je suis tellement contente pour toi Rikorin ! S'était exclamée Setsuko.
– Hummf ! Avait dit le vieux grand-père. De mon temps, une jeune fille attendait d'être mariée pour fricoter avec un garçon.
Grâce à Nanaka, Riko s'était attendue à cette remarque.
– De ton temps... Tu veux dire au moyen-âge ? Avait-elle répliqué du tac au tac sans se départir une seconde de son sourire d'ange.
Nanaka s'était étouffée de rire pendant que leur grand-père s'étranglait, lui, d'indignation. Ses petites filles avaient hérité de son répondant, il ne pouvait pas faire l'étonné.
Riko se rapprocha de Nanaka alors qu'elle était plongée dans ses pensées.
– Et toi alors ? Lui dit-elle. Avec Mikey ?
Nanaka se redressa, surprise.
– Hein ? De quoi tu parles ? Dit-elle.
Autant les questions de son grand-père la faisaient rire, autant les remarques de sa sœur jumelle la plongeait parfois dans l'embarras, comme si Riko lisait dans son esprit.
– Allez ! Insista Riko. Je vous ai vu tous les deux sur le balcon tout à l'heure ! Il te souriait et toi tu riais ! Et puis ta tête en arrivant se passait de mot ! Avoue, il s'est passé un truc pendant ton voyage ?
Nanaka hésita.
– Il se peut, dit-elle, que nous ayons un peu dérapé lui et moi.
Riko se pencha un peu plus.
– Ce que je veux savoir moi Nana, c'est si ce beau gosse a dérapé à l'intérieur de toi ?
Nanaka recula d'un pas, le visage cramoisi.
– Rikorin ! S'insurgea-t-elle. Comment est-ce que tu parles ? Je vais le dire à maman !
– Ça, ça veut dire oui, rigola Riko en se redressant.
Elle se détourna, satisfaite d'elle, pour reprendre le ménage et ajouta en riant :
– Si tu veux le dire à maman, vas-y Nana ! Mais tu es bien la seule à croire que je suis encore une innocente oie blanche !
– Rikorin ! Répéta Nanaka.
Riko revint vers elle.
– Vous aussi vous faites un joli petit couple, lui dit-elle.
Nanaka replongea dans ses pensées.
Mikey et moi... ? Se dit-elle. Après tout, pourquoi pas ? Je n'ai plus rien à lui cacher maintenant...
La révélation que lui avait fait Takemichi et Mikey un peu plus tôt la laissait encore stupéfaite. Nanaka n'arrivait pas encore à réaliser que, comme elle, tous les deux venaient du futur.
Il faudra que je lui demande comment c'était de là d'où ils viennent. Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà rencontré Takemichi, pourtant s'il avait appartenu au Bonten je l'aurais forcément croisé... Ils ont l'air tellement proches tous les deux.
Nanaka avait fini par accepter le rendez-vous de Mikey et tous les deux avaient convenu de se retrouver devant la gare de Shibuya le lendemain.
Pour la première fois depuis longtemps, Nanaka se sentait heureuse.
Commencer une nouvelle vie et laisser tout le reste derrière moi ? S'il l'a fait, alors pourquoi pas moi ?
À treize heures le lendemain, Nanaka se tenait devant la statue du chien Hachiko, le point de rendez-vous du quartier, pour attendre Mikey.
Pourquoi je suis aussi stressée ? Se demanda-t-elle. Ça n'est pas mon premier rendez-vous.
Pourtant, elle ne parvenait pas à faire taire les battements affolés de son cœur. Elle trépigna d'un pied sur l'autre en scrutant la rue bondée de monde en ce dimanche de septembre. La chaleur était toujours aussi lourde et il lui tardait que l'automne et ses nuits plus fraîches commencent. Pour l'occasion elle avait ressorti une de ses petites robes d'été, de celles qu'elle ne pouvait jamais mettre durant la semaine où le tailleur était de rigueur.
Nanaka ne pouvait pas s'empêcher de se demander ce que Mikey avait prévu pour leur rendez-vous.
En dehors de cette soirée au restaurant, nous n'avons jamais rien fait comme un vrai couple, fut-elle obligée de reconnaître.
Maintenant qu'elle avait pris sa décision, elle avait hâte de voir ce que cette nouvelle vie lui réservait.
Un grondement de moteur lui fit tourner la tête et Nanaka vit arriver une moto portant un manji peint sur le réservoir.
Le conducteur s'arrêta à son niveau et il retira son casque.
– Mikey ? Dit-elle en le rejoignant en deux pas.
– Salut ! Dit-il. Je ne suis pas en retard ?
– Non, non, le rassura-t-elle, je viens d'arriver.
Elle laissa ses yeux courir le long de la moto et Mikey le remarqua.
– Elle te plaît ? Lui dit-il. C'est ma vieille babu, j'avais envie de la sortir un peu.
Il décrocha le second casque qu'il portait au bras et le lui tendit.
– On va faire un tour ? Dit-il.
Nanaka le regarda, incrédule.
– Mikey, je suis en robe, lui dit-elle puisqu'il ne semblait pas le voir.
Il l'examina des pieds à la tête et sourit.
– Oui, ça te va drôlement bien d'ailleurs !
Nanaka soupira tout en réprimant un rire.
– Je veux dire, je suis en robe, je ne peux pas monter sur une moto !
Mikey la balaya une nouvelle fois du regard et Nanaka se sentit rougir.
– C'est bon ça devrait aller, dit-il, elle est assez longue !
Nanaka ne put se retenir plus longtemps d'éclater de rire.
Elle finit par prendre le casque qu'il lui tendait.
– Si jamais quelqu'un voit ma culotte, ce sera de ta faute ! Lui dit-elle en l'enfilant.
Il lui tendit la main et elle s'installa derrière lui en prenant soin de rabattre sa jupe sous ses fesses pour la coincer.
– C'est bon ? Dit-il. Alors tiens-toi bien.
– Où est-ce qu'on va ? Demanda-t-elle.
Mikey lui jeta un œil par-dessus son épaule et il remit son casque.
– Je n'en ai aucune idée ! Avoua-t-il.
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