15 - Deux sœurs

Installée sur son canapé, les jambes repliées sous elle, Nanaka faisait défiler les images sur l'écran de son téléphone sans les voir. Finalement, elle le reposa à côté d'elle et laissa tomber sa tête en arrière sur le dossier.

Pourquoi je me sens si mal ?

Cela faisait deux jours qu'elle était rentrée de Motegi et, depuis, elle n'avait pas cessé de penser à Mikey.

Elle leva les mains et appuya ses paumes sur ses yeux, comme pour en chasser les images qui revenaient hanter sans arrêt son esprit. En vain.

Je croyais qu'une fois qu'il serait loin, tout cela serait fini... Mais je me trompais.

Elle finit par se lever et rejoignit la fenêtre.

Dehors, le soleil se couchait sur Tokyo et, du haut de son appartement, Nanaka avait vu sur les toits d'Azabujūban, le petit quartier résidentiel au sud de Roppongi.

Il me faut du temps, se raisonna-t-elle, voilà, c'est tout. J'ai pris la bonne décision, mais il me faut du temps pour l'oublier et passer à autre chose.

Son téléphone sonna sur le canapé et Nanaka leva la tête, tirée de ses pensées.

 Elle abandonna la fenêtre pour aller le ramasser.

C'était Riko, vit-elle en regardant l'écran.

Aussitôt que le nom de sa sœur s'était affiché, Nanaka s'était souvenue de ce mystérieux garçon dont elle s'était promis de découvrir l'identité.

Comment j'ai pu oublier un truc pareil ?

Elle se serait mise des claques. Son histoire avec Mikey l'avait tellement perturbée qu'elle était complètement passés à côté de cette affaire alors qu'elle s'était promis de s'en occuper dès son retour.

Je suis quel genre de sœur franchement ? S'admonesta-t-elle.

Elle décrocha.

Salut Nana ! Dit Riko. Quoi de neuf ? C'était sympa ton petit voyage ?

Nanaka se laissa tomber sur le canapé.

– Chiant à mourir, répondit-elle. Rien que des engins bruyants qui puent l'essence et des types dix fois plus lourds que leur machine.

Sauf un, ajouta son esprit tandis que son cœur manquait un battement. Un d'entre eux n'était pas comme ça.

Tu parles, je parie que tu t'es amusée, mais que tu ne veux pas me le dire parce que je suis restée à cuire à Tokyo et que tu ne veux pas que je sois jalouse.

Bon, j'avoue, ironisa Nanaka. Je suis tombée amoureuse des motos. Je vais passer mon permis la semaine prochaine et ensuite je pars faire le tour du monde sur une grosse cylindrée. Vous ne me reverrez plus avant un an ou deux.

Un silence monta de l'appareil.

C'est vrai ? Demanda Riko d'une toute petite voix.

Nanaka étouffa un rire.

– Mais non, andouille ! Dit-elle. Je te fais marcher !

Elle était toujours étonnée de voir à quel point Riko pouvait être crédule parfois.

En comparaison, j'ai l'impression de voir le mal partout, se dit Nanaka.

Nana ! S'indigna Riko. Arrête de faire ça !

– C'est pas de ma faute si tu tombes dans le panneau à chaque fois, répondit Nanaka en haussant les épaules, mais en riant toujours.

Riko était la personne la plus importante de sa vie, avant même sa mère ou son grand-père. Toutes les deux étaient comme une seule personne dans deux corps séparés. Nanaka ne pouvait pas envisager un monde sans elle.

Une seconde, le souvenir lui revint de cette autre réalité où Riko était morte et elle ferma les yeux avec force pour le chasser.

Non, ça n'arrivera plus... Je ferai n'importe quoi pour éviter ça...

Pourtant, ces derniers jours, elle avait totalement oublié Riko et ce garçon.

C'est à cause de Mikey... Lorsque je ne penserai plus à lui, tout reviendra à la normale. C'est juste une question de temps, ça va passer là aussi.

(NDA : Kazutora vibes !)

La pensée que, même durant seulement quelques jours, une personne avait supplanté sa sœur dans son esprit mettait Nanaka mal à l'aise. Elle pinça les lèvres pour étouffer la culpabilité qui lui remonta dans la gorge comme une bile amère.

Rikorin est trop gentille pour ce monde, se répéta-t-elle. Je dois prendre soin d'elle, je dois la protéger et pour ça je dois mettre de côté tout ce qui pourrait me détourner d'elle.

Nanaka savait très bien ce que leur mère dirait de cette idée. Elle pouvait presque l'entendre, comme ce jour-là, lorsqu'elles étaient enfants.

– Rikorin sait se débrouiller toute seule tu sais Nana, lui avait dit Setsuko.

Ce jour-là, Nanaka avait frappé une petite fille de leur école qui s'était moquée de Riko parce qu'elle avait toujours les meilleures notes et la mère de la petite était venue se plaindre chez les jumelles.

– Cette fille s'est moquée de Rikorin ! S'était exclamée Nanaka, butée.

– Oui et ta sœur rencontrera bien d'autres gens comme elle dans sa vie, c'est inévitable, avait dit leur mère.

Voyant que Nanaka gardait les yeux baissés sur la table et une expression têtue sur le visage, Setsuko avait ajouté :

– Est-ce que tu sais où est allée Riko cet après-midi ?

Nanaka l'avait regardée. Elle n'en savait rien. Rikorin était sortie un peu plus tôt sans lui dire où elle allait.

Elle avait secoué la tête et sa mère avait répondu :

– Elle est allée trouver cette petite fille pour lui proposer de devenir son amie.

Nanaka était restée muette de stupéfaction.

C'était tout Riko ça. Devenir amie avec celle qui lui avait fait du mal.

Sauf que moi, reprit Nanaka pour elle-même, je sais que Riko risque de mourir et je ferai n'importe quoi pour que ça n'arrive pas.

– ... tu veux bien Nana ?

Nanaka parut se réveiller en entendant la question de sa sœur.

– Tu disais quoi ?

Je disais que je t'appelais parce que je voulais te présenter quelqu'un et que j'aurais aimé qu'on se fasse une soirée ensemble.

Oh ! Dit Nanaka. Je vais enfin rencontrer l'otaku du Comiket ?

Le silence au bout du fil était éloquent. Nanaka pouvait presque voir Riko, le téléphone dans la main et les joues gonflées d'indignation.

Sa réaction fut exactement celle que Nanaka attendait.

Nana ! Tu as fouillé dans mes affaires ! S'insurgea sa sœur.

Nanaka éloigna le téléphone de son oreille en rigolant pour ne pas se faire assourdir.

– Je n'ai pas fouillé, corrigea-t-elle en ramenant le combiné à elle, tu avais laissé le programme dans la poubelle de ta chambre.

C'est ce que j'appelle fouiller, moi !

– Ah si tu chipotes aussi...

Cette mauvaise foi ! La coupa Riko.

Nanaka ne releva pas.

– Alors ça y est, tu vas enfin me le présenter ? Dit-elle. Tu sais que j'attendais ça avec impatience, moi.

Oui et d'ailleurs il aimerait que je rencontre ses amis aussi. On pensait faire une grosse soirée  avec tout le monde la semaine prochaine, qu'est-ce que tu en penses ? 

C'est une bonne idée, ça devrait être sympa.

Une soirée avec une bande d'otakus, se dit Nanaka, ça va être une grande première pour moi.

Au téléphone, Riko garda une seconde le silence. Finalement Nanaka lui demanda :

– Rikorin ? Tout va bien ?

Ce garçon Nana, reprit Riko, il est vraiment important pour moi. Je veux dire, c'est la première fois qu'un garçon est aussi important pour moi. J'espère vraiment que vous vous entendrez bien.

– J'en suis sûre... La rassura Nanaka avant d'ajouter d'un air égrillard : On n'est pas jumelles pour rien !

Pas l'apprécier à ce point Nana ! S'indigna de nouveau Riko.

– Je rigole ! S'esclaffa Nanaka en pouffant de rire.




Quand elle raccrocha quelques minutes plus tard, Nanaka ne pensait plus à Mikey. Une autre idée l'avait remplacé. Une idée qui fit naître une expression dure sur ses traits.

Et si jamais il s'avère que c'est quelqu'un qui risque d'être dangereux pour toi Rikorin, je n'hésiterai pas à l'éloigner de toi, je serai sans pitié.



NDA : Vous sentez la douille arriver ?? 。゚( ゚^∀^゚)゚。

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