12 - Discussion
Nanaka descendit rejoindre Makoto qui l'attendait dans le hall de l'hôtel.
– Alors cette course ? Demanda-t-elle.
– Parce que ça t'intéresse maintenant ? Dit-il d'un air surpris.
Elle renifla.
– Bien sûr que non, je demande juste par politesse.
Le cameraman sourit. Sa coéquipière était de retour.
– Sano a gagné, dit-il. Mais c'était couru d'avance. Il est d'un tout autre niveau comparé aux autres. J'ai pu le voir moi-même aujourd'hui.
– Si tu le dis, répondit Nanaka en lui emboîtant le pas vers la salle du restaurant où était servi le repas de midi.
Makoto reprit.
– Je ne te demanderai pas d'où tu le connais.... Commença-t-il.
– Non, tu ne me le demanderas pas, le coupa Nanaka.
– ... Mais si tu nous obtenais une interview exclusive, poursuivit le cameraman comme si elle ne l'avait pas interrompu, le patron t'aurait à la bonne.
Sa remarque la fit réfléchir.
– C'est impossible, répondit-elle finalement.
Makoto était étonné. Il était persuadé qu'il n'y avait rien de plus important que sa carrière aux yeux de Nanaka. À part peut-être sa sœur.
– Ok, dit-il, c'est pas grave, oublie.
Tous les deux allèrent déjeuner et Makoto en profita pour lui faire le compte rendu de la course. Il ne se contenta pas d'un résumé malheureusement. Il lui refit la course virage après virage.
– Sano devançait le deuxième de plusieurs secondes dans la dernière ligne droite, dit-il. Vraiment impressionnant !
Nanaka se retint de bâiller d'ennui. Elle ne comprenait pas comment on pouvait s'intéresser à ce genre de choses.
Ce sont juste des gosses qui font une course de vélos, sauf que le leur est boostés avec un moteur. Je vois les mêmes en bas de chez moi tous les jours !
Après avoir compris dans les grandes lignes comment s'était déroulée la première épreuve, Nanaka laissa son esprit partir à la dérive pendant que le cameraman continuait son monologue.
Une ombre tomba sur la table et tous les deux levèrent les yeux.
C'était Mikey.
Leurs réactions furent à l'opposé l'une de l'autre. Le visage de Makoto s'éclaira tandis que Nanaka blêmit. Elle ne s'attendait pas à le revoir si vite.
– Bonjour, dit Mikey. Je peux vous interrompre ?
– Bien sûr ! Dit Makoto en se redressant. Je partais de toute façon, Tadano, on se retrouve après ? Tu n'as qu'à mettre le repas sur ma note.
Il se leva si vite que Nanaka n'eut pas le temps de répliquer.
Makoto félicita Mikey pour sa victoire et tourna les talons sans attendre de réponse.
Mikey s'assit à la place qu'il venait de laisser et Nanaka contempla la porte d'un air incrédule.
Il vient de me faire quoi, là ?
Elle pouvait presque entendre les pensées qui avaient traversé l'esprit de son cameraman. Quelque chose comme, si je la laisse seule avec lui, elle pourrait bien nous obtenir une exclusivité !
Nanaka sourit, mais pas un gentil sourire.
– Ah tu le prends comme ça ? Murmura-t-elle.
Elle se tourna vers Mikey et lui demanda :
– Tu veux manger un truc ? C'est lui qui paie.
Mikey déclina son offre et Nanaka commanda pour elle-même le dessert le plus cher de la carte. Un parfait au chocolat parsemé d'éclats de noisettes et de pistaches et couronné de plusieurs truffes au chocolat noir qui lui mirent l'eau à la bouche en arrivant.
– De quoi voulais-tu parler ? Dit-elle en plongeant la cuillère dans le dessert.
Rien de tel que les sucreries pour redonner le moral.
– Rien de spécial en vrai, reconnut-il. J'avais juste envie de te voir.
Nanaka releva un œil.
– Désolée pour hier soir, dit-elle enfin. Ça ne se fait pas de partir comme je l'ai fait, je le sais.
– T'en fais pas, tu fais bien comme tu veux, lui dit Mikey. Et puis vue la réaction de ce gros lourd de Seto, je peux comprendre...
– Oui...
Un silence passa entre eux.
Nanaka lui tendit une cuillère.
– Tu en veux un peu ? Dit-elle en montrant la glace. Ça va être trop pour moi toute seule.
Mikey accepta.
– Ok.
– Bravo pour ta victoire au fait, reprit-elle tandis qu'ils se partageaient le dessert.
– Je te l'ai dit, je suis le meilleur.
Nanaka leva les yeux et elle croisa son petit sourire en coin.
Elle étouffa un rire.
– Idiot... Souffla-t-elle.
Elle finit par poser un instant sa cuillère et replier les bras sur la table.
– Et en vrai, tu es là pour quoi ?
Mikey continua à piocher dans le parfait au chocolat sans la regarder.
– Je te l'ai dit, répondit-il, j'avais envie de te voir.
Nanaka scruta son visage pour essayer de deviner la vraie raison de sa venue. En vain. Lui qui semblait un livre ouvert à certains moments, paraissait tout à coup totalement hermétique.
Il est peut-être juste venu voir si je n'ai pas été blessée tout à l'heure... Se dit-elle.
Enfin Mikey reposa sa cuillère et il se redressa.
– On va faire un tour ? Dit-il.
– Hmm ?
Nanaka se demandait d'où venait ce revirement. Puis elle baissa les yeux sur la glace et ouvrit des yeux stupéfaits.
– Tu as englouti tout mon parfait au chocolat ? S'indigna-t-elle.
– Oui, avoua-t-il, c'était trop bon.
Elle le suivit dehors sans savoir si elle devait rire ou se sentir irritée. Il fit quelques pas sur le parking, les mains dans les poches. Plus bas, sur le circuit secondaire, plusieurs pilotes s'entraînaient en vue de la prochaine course. Pas lui. Il était le meilleur comme il disait lui-même.
Nanaka le rejoignit et elle s'arrêta à son niveau.
Elle devait lui dire. Il le fallait. Il devait se tenir loin d'elle à partir de maintenant. Pour son propre bien.
– Mikey...
– Tu sais...
Tous les deux avaient parlé en même temps. Ils se turent et le silence reprit ses droits entre eux.
– Toi d'abord, dit Mikey en tournant les yeux vers elle.
Elle secoua la tête.
– Non, toi vas-y, dit-elle.
Il ramena son attention sur le circuit en contrebas.
– J'ai envie qu'on se revoit, dit-il.
Nanaka ne dit rien. Il poursuivit.
– On pourrait se faire un vrai rendez-vous une fois de retour à Tokyo, je connais des coins sympas, qu'est-ce que tu en dis ?
À côté de lui, Nanaka ferma les yeux et elle inspira.
– Mikey, dit-elle, tu ne dois pas faire entrer quelqu'un comme moi dans ta vie. Je ne suis pas... une personne qui peut t'apporter de bonnes choses.
Elle avait réussi à parler sans trembler et cette petite victoire lui redonna confiance en elle.
– J'ai vraiment passé un bon moment, reprit-elle. Le meilleur depuis longtemps, je dois le reconnaître. Mais ça ne doit pas aller plus loin, tu comprends ?
Mikey ne dit rien. Finalement, Nanaka lui adressa un sourire et elle fit demi-tour.
– Je vais y aller, dit-elle. Bonne chance pour tes courses.
Elle n'avait pas fait deux pas, qu'il la rappela.
– Et si tu me laissais décider ce qui est bon pour moi ou pas ? Lui dit-il.
Il n'y avait pas de reproches dans sa voix. Juste de la détermination.
Nanaka s'immobilisa et il poursuivit.
– Je te propose un pari, dit-il. Si je remporte les deux prochaines courses et que je pars en pole position pour le championnat, tu sors avec moi. Si je perds, je disparais de ta vie.
Nanaka pivota vers lui.
– Ça n'est pas un jeu Mikey ! S'exclama-t-elle.
– Je sais, je suis très sérieux, répliqua-t-il.
Elle se figea. Il l'était. Elle pouvait le voir dans son regard.
Elle renifla.
– Tu parles d'un pari, lui dit-elle. Tu dis tout le temps que tu es le meilleur, il est où le défi ?
– C'est vrai tu as raison, reconnut-il. Alors on va faire l'inverse. Si je finis bon dernier aux épreuves préliminaires et que je pars en dernière position pour le grand prix, on sort ensemble.
Nanaka n'arrivait pas à en croire ses oreilles.
Elle éclata de rire.
– Tu es complètement fou ma parole ! Dit-elle.
Finalement elle tourna les talons.
– Fais ce que tu veux, lui dit-elle, moi je retourne travailler.
Mikey la regarda s'éloigner, pensif.
Il resta un bon moment sur le parking à contempler la porte par laquelle elle venait de disparaître.
L'expression qu'avait eu Nanaka lorsqu'elle lui avait dit de sortir de sa vie – cet espèce de demi-sourire –, continuait à flotter devant ses yeux.
Il le connaissait bien ce sourire et pour cause.
C'était celui qu'il affichait lorsqu'il avait tourné cette vidéo pour Takemicchou. La vidéo où il lui disait de ne pas chercher à le revoir. celle qu'il était allé mettre dans la capsule temporelle quelques jours après qu'ils y aient tous rangé leurs souvenirs.
C'était le sourire qu'il avait le jour où il avait décidé de couper les ponts avec tous ceux qui comptaient pour lui pour les protéger. De laisser les pulsions sombres s'emparer de lui et le dévorer totalement.
Il s'en souvenait encore.
Mikey ramena les yeux sur le circuit qui s'étendait en contrebas.
– Sauf que Takemicchou a refusé de baisser les bras, dit-il pour lui-même. Et que je ne le ferai pas non plus.
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