10 - Dérapage
Nanaka se réveilla un peu plus tard et s'aperçut qu'elle s'était assoupie. Dehors, le ciel était encore noir. Elle jeta un œil au réveil de l'hôtel.
Deux heures du matin...
Les effets de l'alcool s'étaient dissipés et elle se sentait engourdie.
À côté d'elle, Mikey dormait toujours. Sa tête avait roulé sur le côté et il avait les lèvres entrouvertes.
Il dort... ?
Nanaka n'avait pas souvenir de l'avoir déjà vu dormir. Autrefois, c'était tout juste s'il somnolait de temps à autre.
Il a tellement changé, se dit-elle.
Elle replia son bras sous sa tête et, durant une minute, elle le regarda dormir. Sa poitrine se soulevait au rythme de sa respiration et il avait l'air si paisible.
Je t'aime Mikey.
Ce constat lui serra le cœur.
Finalement, elle sortit du lit sans faire de mouvements brusques. Elle récupéra ses vêtements, se rhabilla et partit.
Quand Mikey se réveilla à son tour, le soleil était en train de se lever.
Il tendit la main à côté de lui, mais il ne rencontra que le vide. Nanaka n'était plus là.
Le crâne douloureux et les paupières encore collées par le sommeil, il se redressa sans voir la moindre trace de la femme avec laquelle il avait passé la soirée.
Il n'eut pas le temps de se poser plus de questions. Des coups retentirent à la porte et la voix de Draken monta dans le couloir.
– Mikey ! Debout ! Si tu n'es pas dehors dans cinq minutes, j'entre ! Que la jolie demoiselle avec toi soit habillée ou non !
Il dormait dans la chambre voisine de la sienne et les ébats du couple ne lui avaient apparemment pas échappé.
Tous les deux se retrouvèrent dans le couloir et Draken tendit à Mikey un gobelet de café à emporter.
– Merci Kenchin, dit ce dernier en buvant une gorgée.
– Tu avais l'air bien bien bourré hier soir, lui dit Draken.
– Tu nous as entendu ? Oui, j'ai un peu forcé...
– Tout l'étage vous a entendus, lui apprit Draken.
Ils se mirent en route.
– Sérieux ? Merde... Souffla Mikey.
Son mal de tête commençait à se dissiper, mais il avait toujours du mal à fixer les appliques lumineuses du couloir.
– C'était qui ? Lui demanda Draken tandis qu'ils arrivaient devant l'ascenseur.
– Une fille... que j'ai rencontré hier... je crois... pourquoi ?
Draken secoua la tête.
– Pour rien.
Ils entrèrent dans la cabine quand les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et Draken appuya sur le bouton du rez-de-chaussée.
– Allez, dit-il, finis ton café. Tu as une course à gagner. Si jamais tu perds, Koko et Kisaki vont t'arracher les couilles... Non, à la réflexion, ils vont m'arracher les couilles à moi. Ces deux-là ont l'air de croire que c'est toujours ma faute et ils déconnent zéro quand il est question de pognon.
Ils rigolèrent à la pensée de leurs sponsors aussi proches de leurs sous l'un que l'autre.
Les épreuves préliminaires du championnat s'étalaient sur trois jours. Le premier, les coureurs se familiarisaient avec le circuit et ils préparaient les réglages de leur machine. Durant les deux jours suivants, les courses se succédaient et la moyenne des temps réalisés par les pilotes décidait de leurs positions sur la grille de départ lors du grand prix du mois prochain.
Accroupi au pied de la Honda RS500 de Mikey, Draken vérifiait que les mécaniciens avaient correctement suivi ses directives. Même si leur écurie disposait maintenant de personnels compétents – surtout grâce à l'argent de leurs sponsors – Draken continuait à mettre la dernière main au moteur de la moto de Mikey avant chaque course. Après tout, c'était déjà lui qui s'occupait de sa CB250T – sa babu – lorsqu'ils faisaient partie du Toman.
(NDA : La Honda CB250T est appelée babu à cause du bruit de son pot d'échappement)
Adossé à la cloison de leur stand, à juste deux pas derrière lui, Mikey finissait son troisième café de la matinée. Les effets de sa beuverie de la veille avaient enfin disparu et il se sentait maintenant d'attaque et prêt à affronter la course.
Draken se releva en essuyant ses mains sur un chiffon.
– Comment tu te sens ? Lui demanda-t-il.
– Fin prêt Kenchin, répondit Mikey en jetant son gobelet dans la poubelle voisine. Je vais tous les écraser.
– N'oublie ce qu'on a dit, reprit Draken. Ménage ta moto, tu as trois courses à enchaîner en moins de quarante-huit heures. Si jamais on a un problème mécanique grave, même moi je ne pourrais rien pour toi.
– T'inquiète, je n'ai pas oublié.
Le regard de Mikey s'égara vers l'entrée des stands où Nanaka venait d'apparaître en compagnie de Makoto, sa caméra sur l'épaule. Tous les deux venaient recueillir les impressions des coureurs juste avant le départ de la première course.
Draken suivit la direction de son regard.
– Hmm ? Dit-il. C'est elle la fille d'hier soir ?
Mikey hocha la tête.
– Ouais.
– Mignonne, reconnut Draken.
Nanaka plissa les yeux en franchissant la porte. Chaque rayon de soleil semblait avoir décidé de lui transpercer le crâne comme une aiguille ce matin. Elle se réfugia dans les stands qui empestaient l'essence avec un soupir soulagement.
– Ça t'apprendra à picoler... Murmura Makoto.
– Ta gueule toi, marmonna-t-elle en guise de réponse.
Elle n'était pas en état de lui asséner une réplique plus élaborée.
– Ouais, ouais, dit-il en rigolant à demi.
Nanaka le foudroya du regard. Puis elle se reprit, se composa son masque de journaliste modèle et se dirigea vers le premier des pilotes, Makoto dans son sillage.
– Tu ne vas pas lui parler ? Demanda Draken à Mikey.
Ce dernier était toujours adossé au mur derrière lui. Il n'avait pas fait un mouvement.
– Non, dit-il.
– Pourquoi ? Ça ne s'est pas bien passé entre vous ?
– Je ne sais pas, répondit Mikey, elle n'était plus là quand je me suis réveillé.
Draken ricana et Mikey tourna vers lui un regard noir.
– Monsieur le pilote s'est fait soulever par une fille ? Dit Draken. C'est la rançon du succès, ça.
– Continue comme ça et je raconte à ma sœur que tu as "perdu" la cravate qu'elle t'avait offerte.
Draken s'étouffa.
– Faux frère... Marmonna-t-il tandis que Mikey lui adressait un sourire très content de lui.
Plus loin, Nanaka et Makoto continuaient à remonter la rangée de pilotes, micro au poing pour elle et caméra sur l'épaule pour lui. Mikey reprit.
– Dis Kenchin, tu la connais, toi, cette fille ? Je veux dire, sa tête te dit quelque chose ?
Draken se redressa et il la dévisagea un long moment.
Il secoua la tête.
– Non, jamais vue, dit-il. Pourquoi ? Tu la connais, toi ?
Mikey mit un temps à répondre.
– Je n'en sais rien, j'ai... l'impression oui, dit-il. Mais surtout, hier, elle m'a appelé Mikey.
– Hm ? Elle a dû le lire dans un magazine spécialisé. Tu commences à être connu, tu sais ?
– Peut-être... Reconnut Mikey.
– Et toi, poursuivit Draken, tu as dû la voir à la télé mais tu ne t'en rappelles pas. C'est une journaliste après tout.
C'est possible, songea Mikey, mais ça n'explique pas comment elle connaissait mon nom quand on était gosse.
Il se redressa et décida de laisser tout ça de côté pour le moment. Il avait une course à gagner.
La migraine continuait de lui marteler les tempes et Nanaka n'avait qu'une hâte, rejoindre sa chambre, se faire couler un bain et se prélasser dedans pendant au moins une heure.
S'ils s'imaginent que je vais assister à leur course débile, ils se trompent. Makoto n'a qu'à rester lui, il me fera un compte rendu, il adore ce genre de trucs.
Elle aussi avait aperçu Mikey un peu plus tôt, tout au bout de la rangée. Mais elle se disait que, avec un peu de chance, le départ serait donné avant qu'elle l'atteigne.
Tu es au courant que tu devras l'interviewer à nouveau quand même, hein ? Lui dit une petite voix.
Oui, répondit-elle, mais si au moins je pouvais ne plus avoir mal au crâne ça serait plus simple.
La veille elle n'avait pas oublié qu'elle serait amenée à le recroiser durant les deux prochains jours et elle n'avait aucun doute sur ce qu'il allait se dire après qu'elle lui ait faussé compagnie au milieu de la nuit.
Il va penser que je suis une traînée...
Cette idée lui importait peu. Du moment qu'il était en sécurité loin d'elle, c'était tout ce qui comptait.
Toute à ses réflexions, Makoto et elle arrivèrent au niveau de Kentarō Seto, le coureur qui l'avait lourdement draguée la veille.
Nanaka s'approcha.
– Monsieur Seto, comment abordez-vous cette première course ? Lui demanda-t-elle. Pensez-vous toujours pouvoir vous démarquer de vos concurrents ?
Seto ne se retourna même pas.
– Dégage salope, lâcha-t-il.
Nanaka en resta sans voix et Makoto baissa la caméra.
– Hé mec, dit-il, tu parles autrement, ok ?
Autour d'eux, des têtes avaient commencé à se lever.
– Mikey, regarde, Dit Draken.
Mikey tourna les yeux vers le petit groupe et il fronça les sourcils. Seto était un sale type qui aimait causer des problèmes. Il ne l'avait jamais aimé.
– On dirait qu'il cherche la bagarre, dit Draken, tu crois qu'on devrait intervenir ?
Avant que Mikey ait répondu, Seto se pencha vers Makoto.
– Ta copine c'est une salope, lui dit-il en forçant sur sa voix pour que tout le monde l'entende, je fais que dire la vérité. Tout le monde le sait ici. Si ça te gêne, c'est peut-être parce que t'es le seul à ne pas lui être passer dessus.
– Espèce de... Dit Makoto en armant son bras, la caméra toujours sur son épaule.
Le pilote n'attendait que cela. Makoto essaya de le frapper et l'autre le repoussa avec rudesse, le faisant tomber sur une pile de roues, la caméra sur les genoux.
Nanaka ne lui laissa pas le temps d'aller plus loin. Elle saisit le pilote par le coude, à la base de son articulation. Lorsque Seto s'aperçut que son bras ne lui répondait plus, il était trop tard. Nanaka lui avait écrasé la gorge d'un coup violent.
Il tomba à genoux en toussant pour tente de reprendre sa respiration et des flashs lumineux éclatèrent devant ses yeux.
Mais Nanaka n'en avait pas fini. Elle lui replia le bras dans le dos, l'aplatit au sol et lui écrasa les omoplates du genou.
Elle se pencha à son oreille avec une expression menaçante.
– Vas-y... Donne-moi une bonne raison de te finir.
Lorsqu'elle releva la tête, tout le monde put voir l'aura meurtrière dans son regard.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top