La voiture modifiée se dirigea vers le centre-ville, passant dans des tunnels éclairés par des néons et sur des ponts surélevés.

Des deux côtés de la route, la plupart des magasins et des appartements avaient leurs lumières éteintes, indiquant à quel point l'endroit était désolé, bien que l'infrastructure de la ville n'ait pas été détruite par les réfugiés.

Un train passa au-dessus de leur tête, avec presque personne à l'intérieur. Shen Siwei détourna son regard de l'extérieur.

- Vous ne subissez pas de pannes de courant ? questionna-t-il.
- Pour réduire la consommation d'énergie, ceux d'en haut découragent toute activité nocturne. Après vingt-heures, les transports en commun dans la partie inférieure ne fonctionnent plus, répondit Barn, ajoutant d'un ton sarcastique. N'est-ce pas incroyable ? Nous ne sommes pas contrôlés par les niveaux supérieurs.

Shen Siwei poursuivit la conversation.

- Pourquoi ?

Le but de sa visite était de comprendre cela ; sinon, il aurait tué depuis longtemps.

Barn haussa les épaules avec indifférence.

- Demande à Klet. À part lui, personne ne connaît les détails de l'approvisionnement énergétique de la ville.

Le capitaine cessa ses questions et observa à nouveau par la fenêtre. Pas une seule personne n'était visible dans les rues désertes ; seuls des nettoyeurs IA en patrouille. De minuscules robots ramassaient des pelures de fruit sur le bord de la route, prenant une demi-seconde pour évaluer leur composition, avant d'ouvrir la bouche pour jeter les déchets dans des incinérateurs intégrés, les éliminant instantanément.

Soudain, des coups de feu résonnèrent, touchant le petit robot et transformant son travail en un tas de ferraille. Shen Siwei vit un magasin activer son système de défense, tuant deux voleurs par balles.

L'intelligence artificielle innocente à proximité, était un simple dommage collatéral.

Le propriétaire du magasin se tenait à l'entrée, un fusil de chasse en mains, hurlant sur les cadavres des voleurs.

- J'avais dit, cash ou rien !
- Inconscients...

La voix méprisante de Barn résonna aux oreilles de Shen Siwei.

- Malgré les avertissements du vendeur, ils ont attaqué un magasin avec des systèmes de défense.

Tous les habitants du district Z dans la zone ouest de la ville X n'avaient pas évacué. Certains restaient cloîtrés, tandis que d'autres s'appuyaient sur les systèmes de défense de leurs magasins pour poursuivre leurs activités. Désormais, cet endroit était une zone de guerre, causant une flambée des prix.

L'incident avait probablement été provoqué par des prix trop élevés, qui avaient conduit les réfugiés à recourir au vol.

Cependant, rien de tout cela n'avait d'importance pour Shen Siwei ; il se sentit seulement désolé pour l'innocent robot.

Peu de temps après, la voiture arriva sur la place du centre-ville. Il y avait un petit conteneur et de nombreux sans-abri, debout ou assis, semblaient attendre quelque chose d'excitant.

Shen Siwei eut soudain un mauvais pressentiment.

- Où est Klet ?

Barn leva le menton, pointant le conteneur.

- Au centre de commandement.

Il faisait entièrement noir dans le conteneur et on ne pouvait pas apercevoir l'intérieur clairement. Le capitaine ne crut pas un seul instant que ça pouvait être le soi-disant centre de commandement, mais Barn poursuivit :

- Il est souterrain, le conteneur n'est que l'entrée.

Cela semblait raisonnable, mais toujours étrange. Pourquoi choisir une entrée si visible ?

Shen Siwei sortit de la voiture, regardant prudemment autour de lui, immobile. Barn semblant perdre patience, se dirigea vers le conteneur tout en le pressant.

- Négociateur, ne veux-tu pas voir Klet ?

Oui, il voulait le voir et ne voulait plus perdre de temps.

Barn entrant lui-même dans le conteneur, ses doutes s'allégèrent un peu et il le suivit dans l'obscurité. Cependant, dès qu'ils furent tous les deux complètement à l'intérieur, son mauvais pressentiment s'avéra être vrai. Son guide qui avait avancé de façon à créer une distance entre eux, qu'il aperçut grâce à la faible lumière, fit soudain un bruit étrange ; la seconde suivante, des ombres clignotèrent devant et derrière lui, suivies d'un bruit de fermeture de porte.

Il n'avait pas eu le temps de comprendre ce qui se passait que déjà les panneaux de fer du conteneur tombaient, révélant une cage carrée en fer, cachée à l'intérieur. Elle avait deux grilles à l'avant et à l'arrière et une ouverture au-dessus et en dessous. Barn s'était délibérément éloigné avant de libérer les deux portes fixées sur le dessus du conteneur et une fois celles-ci baissées, il avait enfermé Shen Siwei dans la cage de fer.

Les fontaines musicales de la place s'allumèrent et des jets d'eau furent tirés dans le ciel comme des feux d'artifice, répondant aux acclamations sauvages de la foule. Des gouttes d'eau de la taille de gros-grains tombèrent, mouillant les cheveux et les vêtements du captif. Son uniforme, déjà sale, collait étroitement à son corps, le faisant paraître encore plus débraillé, ce qui excitait davantage les spectateurs.

- Le négociateur mouille !
- Plus fort, les jets !

Shen Siwei ne bougeait pas, sans expression, les yeux mi-clos, permettant aux gouttelettes de glisser sur ses joues. Il avait deviné qu'il s'agissait d'une cage utilisée pour capturer des monstres mutants.

L'environnement à l'extérieur de l'Arbre de Vie était rude, en raison du climat rigoureux, mais aussi à cause des monstres mutants endémiques causés par les radiations. C'est également pourquoi les réfugiés voulaient retourner à l'intérieur de l'Arbre.

Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, ils n'avaient pas d'aussi gros outils pour chasser les monstres à son époque. Apparemment, beaucoup de choses avaient changé à l'extérieur pendant les vingt années où il était endormi.

- Reste pas là comme un con ! cria quelqu'un. Enlève tes gants, qu'on jette un coup d'œil !

D'autres ajoutèrent immédiatement :

- Ouais ! Enlève-le tout, petit à petit !

En entendant les remarques insupportables, Shen Siwei ferma les yeux, prenant une profonde inspiration pour réprimer la colère qui montait en lui. Un petit conteneur sale avait été placé sur la place, comme un gradin, et de nombreux réfugiés se tenaient ou s'asseyaient autour de la place, attendant avec impatience que quelque chose se produise.

La force musculaire du captif était supérieure au bras droit mécanique de Barn, il pouvait facilement casser les barres de fer de la cage.

Mais, en même temps, il ne pouvait pas le faire.

Une fois son identité révélée, la mission serait officiellement un échec.

Shen Siwei, refusait de rentrer les mains vides.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? L'argent n'est pas arrivé ?

Barn, qui était le plus proche de lui, avait un regard lubrique qu'il ne faisait aucun effort pour cacher. Il alluma le petit ordinateur dans sa paume, accéda au système de paiement en devises, puis lança les pièces virtuelles dans les airs, vers le prisonnier, avec son pouce.

Les gens ordinaires ne fermeraient pas délibérément leurs canaux de paiement, alors l'ordinateur de Shen Siwei captura automatiquement le code de devise transmis et confirma la réception.

- Reçues, cinquante pièces.

Barn éclata de rire.

- Est-ce que ça te suffit pour te déshabiller, maintenant ?

Sa colère réprimée sur le point d'exploser, le capitaine bougea ses doigts, voulant casser la cage de fer, mais au dernier moment, il se retint.

Alors, c'est comme ça que Klet le saluait ?

Les appels à Shen Siwei pour qu'il se déshabille devenaient de plus en plus forts, mettant sa patience à l'épreuve, mais le bruit de moteurs rugissants couvrit bientôt les cris salaces. Plusieurs véhicules tout-terrain entrèrent lentement au centre de la place, s'arrêtant près de la cage de fer. Tous se turent immédiatement, et même la fontaine musicale s'arrêta. Quelques personnes descendirent de voiture et Shen Siwei reconnut immédiatement l'homme qui marchait devant.

Klet.

Son mètre quatre-vingt-quinze était plus impressionnant que dans les vidéos et ses traits robustes semblaient plus minutieusement dessinés que ceux d'une sculpture, chaque ligne soulignant parfaitement son aura héroïque. Il portait un t-shirt noir moulant avec un gilet tactique sur le dessus, des mitaines et une paire de Dr. Martens montantes aux pieds. Ses yeux profonds scrutaient les réfugiés sur la place, tous évitant son regard, n'osant pas faire de bruit. Face à cette scène, le captif réalisa quelque chose.

Klet semble ignorer ce qui se passe ici.

Jetant un coup d'œil désinvolte à l'homme en cage, le leader des réfugiés regarda Barn.

- Il y a de l'ambiance ici.

Son ton ne révélait aucune émotion, comme s'il énonçait un fait. Mais à en juger par les réactions des autres réfugiés, ça ne semblait pas être bon signe.

- On s'amuse un peu, c'est tout.

Barn pointa Shen Siwei avec son menton.

- J'ai amené le négociateur, ajouta-t-il.
- Est-ce que je te l'ai demandé ? rétorqua Klet.
- Il est venu jusqu'ici pour négocier avec nous. Comment pouvons-nous le laisser partir comme ça ? Nous devrions au moins...

Barn s'arrêta un instant.

- Communiquer, n'est-ce pas ?
- As-tu fini de communiquer ? demanda à nouveau Klet.

L'autre homme babillait seulement, ne sachant pas comment répondre. À contrecœur, il détourna les yeux.

- J'ai dit que je ne négocierais pas, donc je ne le ferai pas, avertit le leader. Je l'emmène avec moi.

Il se rapprocha de Barn, baissant la voix :

- Comporte-toi bien et ne me cause pas de problèmes.

Les réfugiés autour de la place n'entendirent peut-être pas clairement la conversation entre les deux patrons, mais Shen Siwei, qui était juste à côté d'eux, oui.

À l'évidence, Klet ne voulait pas du tout négocier avec lui. C'était la décision de Barn de l'amener en ville sans le consentement du chef.

L'imposant leader se dirigea vers le côté de la cage de fer et ouvrit la porte à mains nues.

- Sortez !

Le capitaine leva un sourcil imperceptible. Cette cage n'était pas un jouet. À en juger par les barres de fer tordues à la serrure, il était impossible d'ouvrir la porte à mains nues.

Se pouvait-il que le bras de Klet soit aussi une prothèse mécanique ?

Il n'avait pas le temps de trop y réfléchir vu la situation, alors il sortit. Barn, à ses côtés, n'était clairement pas disposé à le laisser être emmené si facilement.

- C'est moi qui l'ai ramené jusqu'ici. Tu vas le prendre, juste comme ça ?

Avec lui en tête, les autres réfugiés gagnèrent soudain en confiance et se joignirent à l'agitation.

- C'est vrai, pourquoi ne pas négocier avec nous ?

Les réclamations s'intensifièrent et les gens accompagnant Klet déverrouillèrent leurs armes, tandis que les protestataires sortaient les leurs.

La scène surprit un peu Shen Siwei.

Les réfugiés n'étaient pas unis entre eux, comme il le pensait.

L'odeur de la poudre à canon s'intensifia. Klet ouvrit calmement le système de paiement et lança une pièce virtuelle à Barn.

- Est-ce que ça suffit ?

Le petit ordinateur de l'autre homme, accusa réception.

- Reçue, une pièce.

Les subordonnés de Klet ne purent s'empêcher de ricaner, mais l'expression de Barn était très laide. Une simple pièce de monnaie, revenait à cracher à un mendiant d'aller voir ailleurs. Shen Siwei développa à cet instant une légère préférence pour Klet, parce que tout à l'heure, crête punk l'avait humilié. Au moins, il l'avait aidé à retrouver une certaine dignité.

Mais, réflexion faite, il songea que ça n'allait pas. Son corps avait mis vingt ans à guérir, grâce à la technologie secrète la plus avancée de l'armée. Bien qu'il ne soit pas sûr de sa valeur réelle, il l'avait, au final, acheté pour une seule pièce dérisoire.

Avait-il seulement demandé son avis, d'ailleurs ?

Klet ignora Barn, se dirigeant vers le véhicule tout-terrain. Il avait exposé son dos sans aucune précaution, mais même ainsi, l'autre n'avait pas osé faire le moindre mouvement. Avant de monter dans la voiture, le leader des réfugiés s'arrêta, regardant enfin Shen Siwei ; de haut en bas, même. Puis, tendant la main par la fenêtre de la voiture, il saisit une veste qu'il lui jeta sur la tête.

- En voiture.

Je vous présente mon sale gosse, Klet qui vient de s'acheter un mari sans le savoir.

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