Too much labour
https://youtu.be/ceOJUq1sttU
Enceinte à nouveau...
Ce n'est pas possible...
Je fixe bêtement le test de grossesse sans pouvoir faire un geste. J'espérais que ce soit négatif, mais non. Louis crie depuis son berceau, je ne réagis même pas. Le fil de ma vie défile devant mes yeux.
A 25 ans, je suis tombée amoureuse. Jean me disait que j'étais la femme la plus merveilleuse au monde, qu'il ferait tout pour me rendre heureuse. Et je l'ai cru.
J'ai renoncé à une prometteuse carrière d'avocate quand je me suis mariée. Je voulais travailler mais je me suis retrouvée enceinte tout de suite et Jean m'a convaincue de rester au foyer jusqu'à la rentrée de Léo en maternelle.
Alors, je suis restée au foyer.
A longueur de journée, tous les jours, thérapeute, mère, servante...
J'aimais mon fils et j'étais heureuse mais en même temps, j'étais impatiente de retourner travailler. Je ne voyais plus mes anciennes amies et je me sentais seule.
Parfois, mes copines Delphine et Aïcha me téléphonaient et me proposaient de sortir pour boire un café ou aller au ciné. Jean disait que c'était super, que je devais prendre du temps pour moi. Et au dernier moment, il m'annonçait qu'il devait sortir pour une urgence. J'étais obligée d'annuler pour garder les enfants. C'est comme ça que Delphine et Aïcha ont fini par se lasser de moi.
Quand Léo a eu trois ans, c'est Nolan qui est né. Je suis encore restée à la maison. Je devais m'occuper de toutes les corvées, Jean restait devant la télé à longueur de soirée.
Il était gentil mais il avait toujours quelque chose qui clochait. Par exemple, quand c'était moi qui choisissait le restaurant, il se trompait dans la réservation et on mangeait ailleurs. Il finissait toujours par avoir le dernier mot.
Pour quelqu'un que je prenais pour mon sauveur, tu me fais faire beaucoup de travail.
Il fallait que je sois disponible sexuellement en permanence. Il me culpabilisait quand je ne lui donnais pas ce qu'il voulait. Pour lui, une vraie femme devait absolument aimer le sexe. Mais souvent, s'occuper de lui, c'était comme s'occuper d'un troisième bébé, ce qui faisait tomber ma libido en chute libre. Je n'avais pas signé pour ça.
Et le silence hante notre chambre à coucher.
La seule fois où j'ai réussi à lui faire vider le lave-vaisselle, il l'a fait tellement mal que j'ai été obligée de tout refaire derrière lui. Pareil pour toutes les autres corvées. Et évidemment, il prétendait que ce n'était pas si grave puisqu'il m'aimait.
Je sais que tu es un homme intelligent et que tu utilises la fausse incompétence comme arme. C'est de la domination sous couvert.
Je souriais en permanence pour que mes fils soient heureux. Je disais qu'ils étaient la lumière de ma vie. Nolan est entré en maternelle et je me suis trouvée enceinte de Louis. Au moment où je pensais pouvoir enfin reprendre ma vie sociale d'avant.
Ça me fout une putain de fatigue.
Cette grossesse n'était pas du tout prévue. Je me souviens, j'ai demandé à Jean s'il avait acheté la mauvaise marque de préservatifs, il m'a répondu que non et que quand même, j'aurais dû faire attention.
Et ensuite, il m'a dit qu'il m'aimait de tout son cœur.
Il répétait que c'était dommage que je ne sois pas plus gentille avec lui. Il me fait culpabiliser. C'est toujours moi qui doit m'excuser, jamais lui.
Si notre amour prenait fin, est-ce que ce serait le pire ?
Et voilà, je suis encore enceinte. J'aimerais bien avoir une fille, pour changer. Seulement...
Si on avait une fille, je regarderais et je ne pourrais pas la sauver. Torture émotionnelle depuis le bout de ta grande table. Elle ferait ce que tu lui apprendrais, elle rencontrerait le même destin cruel...
Il la transformerait en cendrillon. Je ne peux pas faire ça à cette petite fille qui n'est même pas encore née !
Alors maintenant, je dois m'enfuir pour défaire cette erreur.
J'attrape ma valise, j'y jette pêle-mêle ce qui me tombe sous la main. J'envoie un texto à ma sœur Karine, je lui demande si elle peut m'héberger quelques jours. Elle répond oui. Au moment où je lis sa réponse, j'ai l'impression de renaître. Karine habite à 200 kilomètres mais elle est d'une loyauté sans faille. Je sais que je peux compter sur elle.
J'emmène le petit Louis et le petit Nolan, Jean est parti en balade avec Léo, l'aîné. Du haut de ses sept ans, Léo a déjà intégré les messages de son père, à savoir que les filles sont des bonniches et que les garçons sont supérieurs. Je ne sais pas si j'arriverai à le sauver. Mais il faut que j'essaie.
Machine à bébé 24 heures sur 24, pour qu'il puisse vivre ses rêves patriarcaux.
Adolescente, je rêvais de devenir avocate. Il n'est peut-être pas trop tard pour réaliser ce rêve. Je ferai tout pour que ma fille puisse réaliser les siens. Elle sera une guerrière, une femme forte, une féministe. Et si mon quatrième enfant est un garçon, eh bien, je lui apprendrai à respecter les filles.
Je dois au moins essayer...
J'ai un enfant sous chaque bras, un grand sac sur mon dos. Je mets tout dans ma voiture et je m'enfuis. J'ai peur mais en même temps, je ressens une curieuse sensation de légèreté. Est-ce que c'est ça, l'espoir ?
Je continuerai à espérer.
*
Merci d'avoir lu cette histoire !
Elle a été écrite dans le cadre du concours de @FanDeMangas47, avec pour inspiration la chanson « Labour » de la très talentueuse Paris Paloma, sur un sujet malheureusement toujours d'actualité. A toutes et tous, bonne journée !
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