Un baiser d'amour sincère.

L'annonce avait fait l'effet d'un coup de tonnerre sur les Vengeurs... la solution paraissait si simple et pourtant si compliquée. Tout septique qu'il pouvait l'être, Steve était forcé de constater que des similitudes évidentes entre les événements présents et la légende que Thor leur avait racontée étaient troublantes.

Un poison, délivré par la ruse, profitant d'un moment d'inattention, par l'intermédiaire d'une nourriture à priori innocente.

Un état clinique comparable, présentant les signes d'un profond sommeil impossible à briser.

Sept protecteurs puissants autour de la malheureuse victime.

Si on lui avait raconté la même histoire quelques mois auparavant, Steve aurait ri au nez de ses interlocuteurs. De la magie ? Des enchantements ? Cela semblait ridicule... sauf que ridicule ne voulait pas dire impossible. Quand on regardait par la fenêtre, on voyait encore certains quartiers de New York en pleine reconstruction après le passage des Chitauri. Il y avait de la vie extraterrestre quelque part dans la galaxie, et une armée de ces aliens avait tenté d'envahir New York sous la direction d'un mage asgardien. Un petit poison associé à un maléfice, cela semblait dérisoire à côté. La magie existait bel et bien.

En bref... Il leur manquait uniquement le prince charmant...

Steve soupira. Il avait un plan, et si cela se déroulait comme prévu, Tony serait sur pieds d'ici quelques heures. Il se forçait à penser que c'était nécessaire, qu'il en allait de la santé de son collègue et ami... certes, il aurait pu laisser cette importante tâche à quelqu'un d'autre mais il tenait à agir en faveur du rétablissement de l'ingénieur. Il se sentait coupable. Coupable, car on avait berné Tony en usurpant son identité au travers d'un innocent mot griffonné sur un papier.

Alors il avait quitté le salon, résigné, indiquant à ses compagnons qu'il faisait ce qu'il avait à faire. Aucun d'entre eux ne l'avait retenu.

Il ne lui restait que quelques mètres à parcourir...

Steve toqua deux coups secs à la porte, ne s'attendant pas réellement à une réponse. A vrai dire, sa visite était pour le moins...spontanée.

-Entrez...Lui répondit une voix claire.

Ils'exécuta et referma la porte derrière lui puis avança.

-Capitaine ? Que faites vous ici ?! Lui demanda son interlocutrice, plus qu'étonnée. Je...je pensais que vous aviez décidé de rester à l'infirmerie avec Tones.

-Bonjour Mademoiselle Potts, salua doucement le grand blond, se forçant à sourire alors qu'il se rapprochait du bureau qu'occupait la charmante rouquine.

Son regard de stratège détailla discrètement la PDG de Stark Industries : son tailleur était ajusté mais froissé, son chignon était certes travaillé mais certaines mèches s'en échappaient, et son maquillage tentait vainement de cacher sa pâleur et sa fatigue...

Virginia « Pepper » Potts n'était pas sous son meilleur jour. Mais qui était-il pour critiquer ? Lui-même ne devait pas être dans un état des plus glorieux, et il n'avait certainement pas passé la nuit à tenter de gérer une entreprise dont le patron vient de tomber dans le coma.

Avec un sourire presque maternel, elle l'invita à s'installer en face d'elle. Depuis toujours, ils étaient dans le même camp et se vouaient un respect mutuel.

Assise derrière cet imposant bureau, elle lui rappelait légèrement Peggy : une femme dans un monde d'hommes, plus compétente que nombre de ses homologues masculins et exigeant un travail parfait, au minimum. Deux femmes à l'air strict qu'il ne valait mieux pas contrarier, mais qui étaient les alliées les plus loyales et à l'écoute dont on pouvait rêver. Miss Carter avait laissé un bel héritage pour les femmes du vingt-et-unième siècle. Et Pep'assurait fièrement la relève.

Alors, Steve cessa d'hésiter, et commença à tout lui raconter, comme à une amie. Comment il avait passé la nuit à côté de ce lit d'hôpital, comment il avait fouillé le laboratoire avec l'aide de Jarvis, la découverte de l'arme du crime, les dernières conclusions de Bruce et enfin les révélations de Thor.

-Je sais que ça paraît complètement fou mais... il faut que vous tentiez le coup,Pepper. Vous êtes sa petite amie... après tout, peut être que la légende que nous a racontée Thor est vraie... conclut il au bout d'une bonne demi-heure sans interruption, ressentant toujours ce pincement au cœur lorsqu'il pensait à l'ingénieur inconscient.

La jeune femme baissa la tête, gênée. Puis, les mains légèrement tremblantes, elle répondit :

-Je...je suis désolée, Steve. Je ne pense pas pouvoir être d'une aide quelconque dans cette situation.

-Mais...

-Tony et moi ne sommes plus ensemble.

Steve écarquilla les yeux sans comprendre, et Pepper ajouta :

-Nous sommes restés discrets là dessus, les médias avaient d'autres chats à fouetter dernièrement. Mais... avec Iron Man, la création des Avengers, une entreprise multinationale à gérer et un monde à sauver... nous avons dit stop. Elle sourit légèrement et continua : Nous avons décidé d'un commun accord de nous séparer...mais nous restons en très bons termes, je vous l'assure ! Je suis fière de pouvoir soutenir Tony en tant que directrice de Stark Industries et en tant qu'amie... mais je ne me voyais plus jouer le rôle de la petite amie. Je n'ai plus de sentiments pour Tony depuis un certain temps et il en est de même de son côté. Je suis sincèrement désolée...

Steve plongea sa tête dans ses mains, soudainement épuisé. Son dernier espoir s'était envolé. Si même Pepper n'était pas en possibilité d'aider Tony, qui le pourrait ? Que se passerait-il si personne ne pouvait le sauver ? Dans sa détresse, il réussit tout de même à souffler :

-Ce n'est rien, Pepper. Ne vous excusez pas. J'aurais essayé au moins...et je suis désolé pour votre séparation, je n'étais pas au courant...

Il se leva ensuite et se dirigea d'un pas lourd vers la porte. C'était comme si on lui avait annoncé une deuxième fois que Tony était dans le coma. Il avait accouru ici avec une lueur d'espoir en lui mais celle-ci avait été étouffée brutalement. Juste avant de sortir de la pièce, il entendit Pepper souffler :

-Tony Stark est un homme qui en vaut la peine, et je ne regrette pas un seul instant durant lequel je l'ai aimé. Il y a forcément quelqu'un dans cette Tour qui a des sentiments pour lui, aussi bien cachés qu'ils soient. J'espère juste qu'il ne sera pas trop tard...

.....

Retour à la case départ. Démuni, le soldat laissa ses jambes le porter tout doit jusqu'au centre médical de la Tour. Ne faisant pas attention à là où il mettait les pieds, il faillit rentrer dans quelqu'un qui empruntait le couloir dans l'autre sens, venant probablement de la chambre de Tony:

-Oh ! Excusez moi... dit-il en s'assurant qu'il n'avait pas blessé cette personne.

-Non c'est moi qui suis désolée...

Vêtue d'une blouse blanche et de petites lunettes à la monture dorée, ils'agissait d'une femme qui arrivait à peine à l'épaule de Steve. S'apercevant qu'elle venait de foncer dans Captain America, elle recommença à s'excuser platement :

-Pardonnez moi, Capitaine, je rejoignais le briefing du docteur Banner mais je crois que je me suis perdue...

-Oh... se souvint Steve, Vous êtes une des infirmières que Bruce a recrutées ?

-Oui...enfin... Non... je ne suis pas vraiment infirmière, je suis plutôt biologiste, et c'est un privilège de travailler pour les Avengers... enfin... vu les circonstances, j'aurais préféré que cela se passe autrement... Je suis vraiment désolée pour monsieur Stark.

Steve hocha la tête et, serviable comme toujours, se proposa de guider la jeune femme jusqu'à la pièce de l'aile médicale qui servait de bureau à Bruce.

-Je suis le docteur Brown au fait... Aliénor Brown... enfin je ne pense pas que vous vous souviendrez de mon nom,murmura la petite scientifique blonde comme les blés.

-C'est un honneur de vous avoir parmi nous, Aliénor,la rassura Steve.

Arrivés devant le bureau, ils entrèrent alors qu'une réunion agitée avait lieu. Plusieurs infirmiers discutaient l'air grave, tendis qu'un docteur griffonnait des notes à la va-vite, l'air pas plus rassuré. Bruce était en grande conversation avec un homme aux cheveux noirs légèrement grisonnants qui parlait fort en agitant les mains. Toutefois, l'arrivée du capitaine sembla calmer quelque peu le chaos qui régnait dans la pièce.

-Que se passe-t-il ici ? Intervint le soldat.

-Oh...Steve, dit Bruce en se retournant avant de désigner l'homme avec qui il était en train de discuter, Je te présente Chris Jung. C'est un médecin réputé qui en connaît un rayon sur les empoisonnements et il... a fait quelques diagnostics sur Tony qui sont... un peu inquiétants.

-Quels genres de diagnostics ? Demanda Steve, la gorge nouée.

-Avec tout le respect que je vous dois, capitaine, vous devriez plutôt laisser les professionnels travailler. Je ne pense pas que vous soyez le plus qualifié pour avoir accès à ce dossier. Lui répondit le docteur Jung en regardant le Vengeur de haut en bas, d'un air méprisant.

-Je vous demande pardon ? Grogna Steve.

-Si j'étais vous, j'éviterais de traîner dans les pattes des médecins qui tentent de sauver ce qui peut encore l'être et je m'intéresserais plutôt à comment la personne qui a filé ce poison à Stark a réussi à le faire. Je croyais que cette Tour était sécurisée. Répliqua-t-il.

Steve avait avancé d'un pas pour aller expliquer sa façon de penser à ce médecin qu'il détestait déjà quand Bruce l'arrêta d'un regard et se tourna vers son collègue.

-Chris, s'il vous plaît. Vous savez à qui vous avez affaire. Le captain est proche de Tony, il a le droit de savoir.

Le professeur Jung poussa un long soupir exaspéré mais finit par écouter Banner :

-Bien...de toute manière il ne faut pas être un génie pour comprendre que votre ami Stark est entre de beaux draps. Tout le monde sait qu'il avait un penchant pour les soirées, l'alcool et autres substances douteuses dans sa jeunesse. Je n'ai pas eu besoin de tests poussés pour savoir que son foie n'est pas dans le meilleur des états. Lâcha le docteur sans une once de délicatesse.

-Quel est le rapport ? Interrogea le soldat, complètement perdu.

Jung lui jeta un regard presque scandalisé et remonta ses lunettes d'un air suffisant, avant d'annoncer avec l'attitude de celui qui sait tout mieux que les autres :

-Les reins et le foie jouent un rôle majeur dans la filtration du sang et l'élimination des toxines... une consommation excessive d'alcool sur des années a des effets dévastateurs sur ces organes sensibles...

-Mai son ne sait rien de la molécule qui l'a intoxiqué ! S'exclama la jeune Aliénor, qui semblait être la seule scientifique recrutée par Bruce à avoir le cran de s'opposer à son aîné. Le fonctionnement de cette toxine nous est totalement inconnu !

-Qui a ramené une stagiaire ici ? Répondit dédaigneusement Jung, Un poison est un poison, jeune fille. Avant de vouloir jouer les petits chimistes et trouver un antidote j'aimerais m'assurer que ce patient ne va pas nous claquer entre les doigts parce que son corps ne suivra plus... et vu la violence de ce poison je suis pas très optimiste.

-Je suis titulaire d'un doctorat ! Et nous trouverons un antidote, nous sommes en ce moment même en train d'étudier la substance qui l'a empoisonné ! Répondit fougueusement la biologiste.

-Faites vite alors... moi, je ne lui donne que quelques semaines de survie si on n'agit pas promptement. C'est scientifique. Même s'il semble dormir comme un gamin, Stark est en train de mourir lentement sous nos yeux. Déclara trop calmement l'homme.

Steve n'entendit pas la suite du débat animé entre les médecins.

Tony était en train de mourir ?

Non...non... il ne pouvait pas accepter ça. Il ne pouvait pas lui faire ça, il ne pouvait pas le regarder passer à deux doigts de la mort... encore une fois.

Pas encore...

Il quitta la salle précipitamment sans même s'excuser de son départ brusque. Sa vision était brouillée par une nouvelle vague de larmes salées. Il avait besoin de voir Tony, de s'assurer qu'il allait bien, de croire encore un tout petit peu que tout allait bien se passer...