Partie Unique
Debout, au milieu de cette étroite cabine téléphonique, trempé jusqu'aux os, je fixe l'appareil face à moi, le regard vide et lointain. Dehors, une pluie diluvienne déverse des tonnes de mètres cubes d'eau dans les rues sombres et désertes de la ville endormie. La nuit noire enveloppe les bâtiments et seules quelques étoiles éclairent encore les sinistres avenues. Il est tard et la circulation se fait donc rare malgré que, à leur passage, le peu de voitures roulant illuminent de temps en temps la cabine où je me trouve, mettant ainsi en valeur les innombrables gouttes d'eau ruisselant sur la vitre. Mon souffle chaud et haletant s'échoue sur cette dernière, faisant ainsi apparaître de la buée. J'hésite. Que dois-je faire ? Appeler ? Est-ce une bonne idée ? Ou bien abandonner ? En suis-je seulement capable ? Tant de questions se bousculent dans ma tête mais aucune réponse ne me vient. Une douleur intense s'installe alors dans mon crâne et me donne le vertige. Je me sens si mal... Sa délicieuse voix me manque... Sa douce peau, son délicat touché, son sublime rire et ses soyeux cheveux. Tout me manque chez lui.
Mais désormais, tout est fini.
Réellement ? Je ne peux m'y résoudre... J'ai besoin de le réentendre, de l'entendre le dire lui même, de vive voix. Que tout est terminé.
Dans un geste lent et las, j'insère une simple pièce dans la fente prévue. Un petit bruit métallique résonne alors dans la cabine suivi de celui d'une voiture qui passait par là. Je décroche ensuite le téléphone et compose d'une main tremblante ce numéro que je connais par coeur. Les touches effacées s'enfoncent difficilement sous mes doigts moites. Une fois fini, un son nasillard se fait entendre puis un déclic et une voix grave. Sa voix.
"Allô ?"
Mes lèvres s'entrouvent légèrement, voulant laisser une multitude de choses se dirent, mais rien ne sortit. Les mots restaient coincés au fond de ma gorge soudainement sèche. La voix au bout du fil se répéta.
"Allô ?"
"Taehyung ?"
Son nom. Seul son nom avait réussi à passer la barrière de mes lèvres. Son nom soufflé d'une voix hésitante et faible. Une voix cassée par la tristesse. Une voix désormais solitaire.
"... Jin ?"
Et maintenant, mon nom. Mon nom prononcé par sa merveilleuse et unique voix. Mon nom devenu subitement plus beau, plus noble.
Un long silence s'installe. Il n'est ni pesant ni apaisant. Il est juste léger et empli de nostalgie. Celle de tous ces moments passés ensemble. Tous ces moments désormais passés. Tous ces moments que je n'oublierai jamais.
"Dis-le."
Second silence. Second moment de nostalgie.
"Dire quoi ?"
Ne fais pas l'innocent... Par pitié... Pas maintenant...
"Dis-le moi... s'il te plaît..."
Je sens les larmes me monter aux yeux, me brûlant ces derniers. Mais je me retiens, je ne peux pas les laisser couler. Les laisser montrer mes véritables sentiments. Je ne peux pas craquer. Pas maintenant. Pas encore. Je dois tenir bon, ne pas lâcher, juste un peu plus.
"... Jin..."
J'entends à travers le combiné son triste soupire. Je sais. Je sais que je me fais du mal mais... j'en ai besoin. Si je veux avancer, j'ai besoin de l'entendre le dire. J'ai besoin d'entendre de mes propres oreilles, de sa propre voix, ces mots si durs. Ces mots qui me font si mal.
"Dis-le..."
Un dernier silence avant la fin.
"Tout est fini entre nous, Jin."
Alors cela est bien vrai ? Pourquoi ne m'en suis-je pas douté plus tôt ?...
"Je suis désolé..."
Idiot... Ne t'excuse pas... Tu n'en as pas le droit... Tu n'as pas le droit... Ce n'est pas juste... Ce n'est pas du jeu... Jusqu'au bout... Jusqu'au bout me feras-tu souffrir ? Jusqu'au bout me briseras-tu mon coeur ?
"Je t'aime..."
Les mots m'échappent tel un appel à l'aide. Le dernier.
"... Adieu."
Non...
Plusieurs petits bips sonores se font entendre, martelant ma tête, la sciant en deux, résonnant dans l'espace devenu suffocant.
C'est la fin. La fin de tout. De rien. Le néant envahit peu à peu mon esprit, effaçant au passage les innombrables questions fusant dans mon crâne. De minuscules perles salées roulent tout le long de mes joues rebondies et rouges, laissant évacuer toute ma tristesse, tout mon désespoir, toute ma détresse, tout mon désarroi. Que plus rien ne reste, que tout s'en aille. Que tout disparaisse, que rien ne se garde.
Même nos "je t'aime" désormais seront passés.
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"When this night passes,
I fear that I won't be able to see you again."
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"When that moon sets and the sun rises.
You, who had been with me.
Will you be gone?"
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"If I close my eyes,
I think the time we spent together will come to mind.
If I close my eyes,
I think only the happy memories will be brought to mind again."
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"When this night passes,
I fear that I will remain alone."
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