Préparer le café
Iruka ferme les yeux un instant, avant d'ouvrir une porte. Celle de la maison familiale. Il pénètre à l'intérieur. Il y fait sombre et seul quelques rayons de soleil parviennent à y pénétrer. Il passe sa main nonchalamment sur une étagère, et la poussière contenu dessus se met à vivre à travers la faible lumière. Il soupire. Il y a ce cadre sur lequel semblent l'observer les être défunts.
« Que ferais-tu à ma place... Hein maman ? Demande Iruka en prenant le cadre dans ses mains. »
Il se met à rire en secouant sa tête, et repose le cadre à sa place, brisant le silence. Comme si elle pouvait lui répondre...
Pourtant, il en aurait bien besoin. Qui aurait un jour cru qu'il ne doive enfiler ce masque ? Qui aurait cru un jour que...
Il le regarde. De ses yeux perçants, tatoués de rouge. Il est de porcelaine et pourtant Iruka frissonne jusque dans ses tripes à la seule seconde où leurs regards se croisent. Il y a ce minuscule rayon de soleil qui vient tracer une ligne sur les fentes, et pourtant inanimé le masque lui semble soudain être la chose la plus terrifiante qu'il n'ait jamais vu. Il déglutit, puis, de quelques pas, se retrouve face à lui.
« Et si l'on avait demandé ça à quelqu'un d'autre ? »
Comme s'il allait laisser ce rôle à quelqu'un d'autre, pense furieusement Iruka en faisant glisser ses doigts sur la porcelaine. Elle est froide et Iruka sent son cœur s'accélérer à la simple idée de l'imaginer sur sa peau.
« Ne me regarde pas comme ça, halète Iruka en faisant quelques pas en arrière. »
Comme s'il allait obéir, Iruka attend. Mais finalement, c'est lui qui détourne le regard.
« Et toi, dis-moi, que ferais-tu si les rôles étaient inversés ? »
Il y a ce sentiment en moi qui bouillonne. Comme à la fois la volonté d'oublier le jour où nous nous sommes rencontrés ou d'au contraire le graver dans mes os. Ce sentiment qui tel un reflet de ce que tu es, danse comme un paradoxe jusque dans mes tripes. Si bien que si je le gravais véritablement dans mes os, alors en dépit de la douleur je choisirai sans nul doute de me les briser.
Et si l'on me donnait le pouvoir de remonter le temps, alors ce souvenir je l'effacerai surement. Pourtant, si tu savais à quel point je t'aime, Kakashi.
« Laisserais-tu n'importe qui s'en charger ? »
J'étais telle une bête enragée, et pourtant je n'aurais jamais pu faire quelque chose face à celle qui nous défiait. Je courrais en vain vers la vie qui nous fuyait. Je criais quitte à en perdre définitivement la voix dans le seul espoir de rejoindre ceux qui prenaient part au combat. Je hurlais sans que personne n'en éprouve quoi que ce soit, parce qu'au plus fort que ne fut ma voix, jamais elle n'aurait pu atteindre ceux qui n'étaient plus là.
Tels furent les larmes d'un enfant qui n'espérait que rejoindre ses parents.
Et je t'ai vu toi.
« Ou bien est-ce que tu choisirais toi-même de t'en charger ? »
Tu regardais sans regarder. L'on t'avait aussi dit de rester mais dans ton regard dansait la volonté de résister. Ton esprit se battait contre son enveloppe corporelle qui l'avait verrouillé. Et aussi bien que moi tu avais assisté au spectacle macabre de la mort qui voulait nous emporter. Tu te taisais tandis que je criais, et j'avais l'impression que tes larmes invisibles, à travers mes propres orbites s'écoulaient. Il y avait ton corps adossé contre ce mur, il y avait ton regard aussi inexpressif que ta silhouette, en totale opposition avec ce chakra furieux qui m'avait coupé le souffle. Tu m'avais regardé de haut, comme si j'étais la chose la plus insignifiante parmi le chaos qui de loin nous épiait.
Et tu avais raison, Kakashi.
« Ou peut-être choisirais-tu de déserter ? »
Je n'étais rien encore ce jour-là. Toi, tu semblais déjà porter sur tes épaules le monde qui bientôt peut-être n'existerait plus. Tu regardais la mort arriver sur nous comme une vieille amie. Tu sais, le genre d'ami à qui tu ne peux jamais refuser le café. Celle qui s'invite chez toi sans même te demander ton avis, celle qui te trahi sans jamais te demander pardon. C'est cela que j'ai vu en toi ce jour-là, Kakashi. Le regard de quelqu'un qui n'attendait plus rien de la vie et qui attendais à la fois tout. Qui connaissait tout de cette amie tout en ignorant absolument tout. Ou peut-être était-ce moi qui ne comprenait pas ce qui dansait dans cet onyx qui me regardait comme un insecte. Je me demandais ce que tu pensais de moi, moi qui ne connaissais pas encore cette amie intrusive. Moi qui criais en pensant ce soir pouvoir la faire fuir.
Tu ne t'étais pas accroupi pour me réconforter.
Tu ne m'avais pas adressé un seul mot.
Mais tu n'avais pas cessé de me regarder.
De ce regard qui m'avait dit que je devais être prêt à préparer le café.
A la vieille amie qui venait de s'inviter à Konoha.
Ce soir, tu m'avais volé ma naïveté.
Et je ne t'en ai jamais voulu, Kakashi. Parce que nous avions perdu tout les deux ce soir, plus que quelques échoppes.
Nous avions perdu ceux qui faisaient encore de nous des enfants.
Ressuyant furieusement les larmes qui coulent abondement, Iruka saisie le masque de renard de sa maman.
« A nos souvenirs d'enfant, Kakashi »
Et c'était dur, Kakashi. Tellement dur ! Je m'étais retrouvé seul sans savoir quoi faire de moi ! Je marchais sans jamais savoir où je devais aller. Sans même comprendre pourquoi je continuais de marcher... Je passais mon temps à pleurer ceux qui nous avaient sauvés, si bien que je ne savais plus très bien quel était la sensation de ne pas pleurer. Et je te regardais de loin, Kakashi.
Toi qui seul continuait de marcher. Tu semblais ne jamais te poser de questions, et chaque pas que tu posais me donnait l'impression que tu fuyais quelque chose. Kakashi, moi aussi, j'avais ce sentiment de vouloir m'enfuir quelque part sans savoir où aller et je tournais en rond. Mais toi tu marchais droit, mais peut-être était-ce parce que le chemin de la vie ne t'en donnais pas le choix.
Je te regardais fuir le moindre morceau de joie. Toi qui envoyait bouler les amis qui pourtant t'offraient de nouveaux chemins. Tu accompagnais la solitude tandis que j'essayais de la fuir. Et malgré nos différences nous semblions les mêmes. Quand le soir, qu'il vente ou qu'il pleut, nous étions tout les deux devant les noms gravés des disparus. Je pleurais tandis que tu te taisais. Et ton regard sur moi me jugeait à chaque fois. Et j'essayais de faire comme toi, de me tenir droit et fort devant les héros de Konoha. Imperturbable, comme toi. Et ce jour là j'avais réussi. J'avais ravalé mes larmes jusque dans mes os et cette fois tu ne m'avais pas regardé.
« Je sais comment c'est dur. ».
Tu m'avais juste dit ces mots avant de disparaitre dans la fumée. Et cette confidence déguisée que tu m'avais faites m'avait appris une chose. Toi qui jusque là ne semblait rien ressentir, te cachait derrière ce masque qui jamais ne te quittait. Et ce masque je n'ai jamais voulu te l'enlever, Kakashi. Car je savais que c'était grâce à lui que tu parvenais à continuer de marcher.
Il quitte la maison, le masque froid dans la main, et même la lune qui siège haut dans le ciel lui semble le juger.
« Mais en ais-je véritablement le choix ? »
Et je te jalousais, Kakashi. Et pourtant maintenant je savais que plus que moi encore tu souffrais.
Tu faisais la gloire de Konoha tandis que je la coloriais.
Tu affrontais toujours cette vieille ami pour que plus jamais elle ne vienne prendre le café chez nous, tandis que faible je la fuyais.
J'avais compris des années qui avaient suivies, que je voulais être comme toi, Kakashi.
J'avais coupé ton chemin que comme d'habitude tu prenais. Mais tu m'avais évité comme l'insecte que tu pensais que j'étais. Mais tout les jours devant toi je me posais, les bras croisés, en dessinant sur mon visage la détermination qui jusque là me manquait.
Et un soir, tu t'étais arrêté. Tu avais arrêter de marcher, toi qui jamais ne l'avais fait, dans le simple but de me regarder. Et en cet instant j'avais cru que même mon cœur voulait s'enfuir pour ne pas subir le jugement que tu allais m'offrir pour cet affront.
Mais si je voulais être comme toi, ne devais-je déjà pas cesser de te croire plus fort que moi ? Et ça, bien-sûr que tu l'étais, Kakashi. Simplement, j'en avais juste marre que depuis des années, tu continus de me considérer comme un insecte.
Et j'étais resté devant toi en position de combat, sous le soleil couchant qui semblait plus haut que moi.
Et à ça tu avais simplement souris. Enfin, je crois. De cette paupière qui jusque là jamais ne s'était courbée. Tandis que je tremblais d'appréhension, que je sentais l'adrénaline du futur combat que je m'imaginais, tu t'étais simplement approché pour me secouer les cheveux. Et tu avais continuer ta route, en remettant ta main dans ta poche.
J'en ri encore aujourd'hui Kakashi. Je ne me souviens plus si j'avais rougi de gêne, de colère ou bien d'autres chose qu'à cet âge je n'étais pas sûr de comprendre. Mais en dépit de la honte que j'avais ressenti, j'avais surtout compris que depuis longtemps nous étions amis. De drôles d'amis. Et surtout, que je n'étais plus un insecte à tes yeux. J'étais encore petit devant ta grandeur mais tu avais daigné t'arrêter pour me caresser. J'avais eu l'impression d'être un chien et ça m'allait très bien.
Car des années que j'avais passé à t'observer, j'avais compris que tu aimais plutôt ça, les chiens.
Alors comme un chien, pendant des jours je te suivais. Je t'accompagnais tout les soirs et a tes côtés je marchais. Nous étions deux cette fois à marcher sans trop savoir où aller, mais nous avions ensemble emprunter un même chemin.
« Qui aurait cru que nos chemins allaient se recroiser ainsi... hein. Dis-moi Kakashi, que vas-tu faire quand je vais te retrouver ? »
Tu ne m'avais plus jamais évité. Et j'avais l'impression d'être à tes côtés un privilégié. Nous ne faisions rien d'autre que marcher, et pourtant j'aimais à croire que cela signifiait quelque chose. Les semaines étaient passées et un jour tu t'étais arrêté. Tu t'étais retourné pour me regarder. Et dans ton œil j'avais lu des choses qu'un adolescent ne pouvait pas encore comprendre. Aujourd'hui je le sais, Kakashi, ce que ce regard signifie. Car j'aimerais tant que tu sois encore là pour me regarder ainsi.
Tu avais froncé ce sourcil mystérieux et m'avais demandé :
« Comment tu t'appelles ? »
Ça aussi j'en ris encore aujourd'hui.
« Umino Iruka ! »
Avais-je simplement répondu. Bien-sûr, qui étais-je à côté de Hatake Kakashi ? Pourtant encore une fois il y avait eu cette paupière courbée et puis cette main sur mon épaule.
« Dis-moi, Umino Iruka. Pourquoi tu me suis comme ça ?
-Parce que je veux être comme toi. »
A ma réponse ton regard s'était assombri et ta main sur mon épaule, je l'avais sentie, s'était tendue. Tu l'avais retirée et m'avais répondu.
« Sais-tu ce que cela signifie, être comme moi, Umino Iruka ?
-Je veux marcher droit comme toi. Je veux arrêter de fuir et devenir aussi fort que toi. »
Et ça aujourd'hui je le comprend Kakashi.
Être comme toi, c'est avoir sur ses épaules des responsabilités que l'on aimerait éviter. C'est pleurer la noirceur du monde que tout le monde ignore. C'est éviter le soleil car il est bien trop lumineux pour nous, hommes de l'ombre. C'est laisser la lune nous accompagner et nous juger dans nos méfaits les plus obscures, afin que puissent vivre ceux qui sous le soleil tout les jours, dansent dans l'ignorance aussi belle qu'absurde.
S'ils savaient, Kakashi.
S'ils savaient que sans nous, ils devraient tous préparer le café.
Et pourtant, ils nous évitent comme la peste et je les comprend. Autour de nous flotte cette aura obscure qui fait de nous ce que nous sommes.
Tu sais, j'ai du emprunter le masque de ma maman, Kakashi.
Tout à l'heure, j'ai brisé furieusement ma porcelaine contre le mur de notre chambre.
Car si je repense à tout cela, Kakashi, c'est parce que j'ai reçu l'ordre de te tuer.
« Kakashi, à ton tour, es-tu prêt à préparer le café ? »
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