Chapitre 16

Ma mère me dépose dans le centre-ville, intriguée par ma démarche.

- Tu es sure que tu veux y aller toute seule ?

Je hoche la tête en défaisant ma ceinture. Je fouille dans mon sac à main, m'assurant que je n'ai rien oublié.

- J'en ai envie. Je t'appelle si j'ai un problème, maman.

- Ca va, ma chérie. Je viendrai te chercher dans deux heures ici. Fais attention, Eden. Je t'aime.

J'ouvre la portière en emportant mon sac à main. Je me penche pour pouvoir lui parler.

- Ca va aller. Moi aussi, maman. A tout à l'heure.

Je claque la portière et m'avance sur le trottoir. J'entends la voiture de ma mère s'éloigner dans la circulation. Il n'y a pas grand monde dans les rues. Il fait pas très chaud et ils préfèrent nettement faire les magasins dans un endroit fermé tel qu'une galerie.

Je rentre dans la première boutique d'homme que je vois. Je suis un peu perdu face à tout ça. Une vendeuse me voyant hésitante, arrive tout de suite pour m'aider.

- Que vous faut-il, mademoiselle ?

- Plusieurs pyjamas si vous avez. Je ne sais pas trop quelle taille. Si je vois le vêtements, je saurai normalement. Il est mince et assez athlétique. Enfin, il l'était. Il a perdu sa musculature.

- D'accord. Venez, je vous les montre.

Elle m'attend alors que je boite jusqu'à elle. La femme semble curieuse mais ne me pose aucun questions concernant mes jambes. Elle pointe du doigt plusieurs pyjamas qui ne sont pas laids du tout. J'en prends déjà trois. La taille, ça devrait être bon.

- C'est un cadeau ? me demande la vendeuse d'environ une trentaine d'année.

Je rougis et elle se met à sourire.

- Pas vraiment. C'est pour un ami à l'hôpital, lui expliqué-je.

- Oh, je suis désolée. Il n'a rien de grave, j'espère ?

- Il est dans le coma depuis plus d'un an et demi. Je l'ai connu à l'hôpital alors que je sortais du coma. J'aimerais l'aider. Il n'a rien. Juste une robe de clinique et une brosse à dent.

Elle parait vraiment choquée et triste. Je n'avais pas prévu de raconter tout ça mais elle semble tellement sympathique.

- Vous allez mieux ?

- Franchement, je m'en sors bien. J'aimerais aussi lui acheter des tenues de tous les jours. Pour quand il se réveillera. Il n'a vraiment rien.

La vendeuse m'emmène tout de suite à l'autre bout du magasin pour me montrer différents habits. Je ne sais pas son style alors je prends de chaque. Des pantalons, des t-shirts, des sous-vêtements, des pulls. Je ne compte pas ce que je dépense.

- J'espère que ça lui plaira quand il ouvrira les yeux, dit la vendeuse.

Elle a l'air contente de m'aider.

- Il lui faut quoi d'autres ?

- Je ne sais pas. Les garçon ont besoin de quoi ?

- D'une brosse à cheveux pour la plus part. Votre ami a des cheveux ?

J'éclate de rire aussitôt.

- Il a une fameuse touffe qu'il faut que je coupe. Une tignasse extrêmement bouclée. Je me demande vraiment comme je vais faire.

Elle rit avec moi et me montre les accessoire pour homme. 

- Voici une bête brosse. Le peigne ne suffira malheureusement pas. Je pense que vous avez tout.

On se rend à la caisse et je paie. 

- J'espère que vous vivrez une belle histoire tous les deux.

Je la regarde avec surprise. J'ai droit à un clin d'œil.

- Pourquoi ?

- Si vous faites tout ça pour lui, c'est que vous êtes amoureuse. Ou en tout cas, vous l'appréciez.

- Je l'apprécie en tant qu'ami.

Son regard me crie que je suis une menteuse. Je sais que je ne suis pas amoureuse. Je ne le connais même pas ! Je lui parle et il ne le répond jamais. On ne tombe pas amoureux comme ça, si ?

- Prenez soin de vous. A bientôt !

Je lui fais un signe de la main, puis emporte tous mes sacs. Je fais d'autres boutiques à la recherche de vêtements pour moi, cette fois-ci. Je prends des habits à ma taille. J'en ai marre de mettre des pantalons et de les serrer au maximum avec une ceinture. Mon corps flotte dans tout. Je me reprends des chaussures et une veste d'hiver. Je vois que les deux heures sont presque écoulées. Je prends un smoothie que je déguste en marchant. J'ai très mal à ma hanche maintenant.

C'est épuisant cette situation. Dès que je rentre, je vais faire une sieste. 

Cette nuit là, je rêve que Kiéran meurt. Je lui rends visite à l'hôpital et il fait une deuxième crises cardiaque. Cette fois-ci, impossible de le réanimer. Son cœur ne repart pas. J'assiste à sa mort. A sa peau qui devient froide. Je suis impuissante face à ça. Et je suis dévastée. 

Il meurt, seul sans famille mais entouré d'une équipe médicale qui l'aime énormément. Qui ont veillé sur lui jour et nuit. Qu'ils l'ont soigné, qu'ils l'ont lavé, nourri, changer ses poches d'urines. Qui ont tout fait.

Je sais que c'est faux. J'essaie de me réveiller. Je n'y arrive pas. C'est l'enfer. Les infirmières recouvrent le corps sans vie de Kiéran d'un drap blanc. Je m'approche doucement pour le regarder. On a jamais parlé. On en a pas eu l'occasion. 

Lorsque je me réveille, je me rends compte que je pleure. J'essuie mes larmes et enfouis mon visage dans mon oreiller. J'étouffe mes sanglots. Comment peut-on aussi vite s'attacher à une personne ? Je ne comprends pas.

Je jette un coup d'œil à l'heure sur mon téléphone. Il n'est que trois heures et demi du matin. Je n'arriverai pas à me rendormir. J'essaie mais le sommeil ne vient pas. Je prends une rapide douche pour enlever toutes traces de sueur et de larmes. Je descends et prépare un petit déjeuner copieux. 

Vingt minutes plus tard, la lampe du couloir s'allume soudainement et maman me rejoint en frottant ses yeux ensommeillés. Elle embrasse mon front et me regarde faire mon déjeuner.

- Tu vas bien, Eden ? Normalement, tu es une lève-tard.

Je soupire en retournant ma crêpe.

- Je fais des cauchemars. Je n'arrive plus à me rendormir. Autant que ce temps me soit précieux.

Je sais que je l'ai réveillé mais de toute façon, elle devait de toute manière se préparer. Ils ont besoin d'elle au refuge. Elle s'occupe énormément des chiens et des chats. Il y a beaucoup d'arrivées d'animaux dans la nuit. Il faut quelqu'un qui les récupère pour les installer dans leur box.

- Ca ira mieux la nuit prochaine, chérie. Tu me fais des crêpes ?

Elle s'assoit à table et prend un journal qu'elle feuillette. Je prépare une seconde assiette, elle a sa réponse. Une fois tout cuit, je dresse les crêpes dans les assiettes avec le sirop d'érable et des fraises. Je prends ensuite des oranges et récupère le jus que je mets dans un verre. Je rejoins ma mère et mange.

- Tu vas chez le kiné aujourd'hui ?

Je finis de mâcher et avale avant de répondre. Je remarque qu'elle ne parle toujours pas de Kiéran. Pourtant je sais qu'elle se pose un milliard de questions.

- A dix heures. Il me reste environ dix séances et puis c'est fini.

Elle hoche la tête, visiblement satisfaite. Ce n'est pas donné la kiné. On avait pas prévu autant de frais d'un seul coup. Heureusement que nous avions l'argent de mes études à coté. Je ne sais pas comment on ferait sinon. Je sais que son petit-ami nous aiderait volontiers, mais maman déteste devoir de l'argent à quelqu'un. La charité la rend vraiment mal à l'aise. Je la comprends mais je ne cracherais pas sur un peu d'aide, bien-sur.

- C'est quand que Dylan vient habiter à la maison, maman ? je lui demande avec curiosité.

Elle recrache presque la bouchée qu'elle vient de mettre dans sa bouche et me jette un regard surpris.

- Pourquoi tu me demandes ça, chérie ?

- Ca ma parait logique. Pendant des mois il est venu chaque nuit dormir ici et là je reviens, il s'en va. Vous n'avez pas à avoir honte ni à vous cacher.

Elle parait encore plus timide et ses joues deviennent rouges vives. Elle semble oublier que j'ai dix huit ans et que je sais ce qu'est l'amour. Je ne juge pas ce qu'elle fait, avec qui elle le fait. C'est sa vie. Je n'ai pas à lui dire de rester avec Dylan, ou de le quitter. Mais elle l'aime. Je ne veux pas qu'elle s'interdise quelque chose à cause de moi.

- Qu'il vienne emménager ici, maman. Je l'aime bien et il a l'instinct paternel.

Ma mère comprend immédiatement ma dernière phrase et ses yeux se mettent à pétiller. Ca fait des années qu'elle veut faire un autre enfant. Elle aimerait un bébé avant qu'il ne soit trop tard. C'est le moment. Mais elle a peur aussi vis-à-vis de moi, que je prenne mal. Je ne veux que son bonheur, je ne vais pas me mettre en travers de son chemin.

- Parle-en lui. Je suis d'accord pour un petit frère ou une petite sœur, avouai-je en souriant.

Maman sourit jusqu'aux oreilles. Je ne l'ai presque jamais vu sourire à ce point. Elle se lève et fais le tour de la table pour me serrer dans ses bras. Je savoure cette étreinte.

- Je t'aime ma chérie. Tu es la meilleure.

- Je t'aime aussi.

J'ai droit à une myriade de bisous.

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