Shopping

Nous sortons d'un énième magasin, dans la chaleur presque étouffante du centre commercial. Si le vent est glacial dehors, à l'intérieur on se croirait presque à Hawaï. Non pas que j'y sois déjà allée, mais j'imagine qu'il doit y faire aussi chaud qu'ici, avec un peu plus d'air.

— J'ai une grande nouvelle les filles, nous annonce Elise.

Je m'arrête à côté d'un banc et me laisse tomber dessus, mes mains remplis de sacs.

— J'ai besoin d'une pause.

Elles me fixent. L'une amusée, l'autre prête à me tuer. Je suis toujours celle qui se plaint quand on fait une journée shopping. Si Elise trouve ça amusant, Sophia me sermonne à chaque fois et me dit que je suis pire que Jules. Ignorant le regard de Sophia je garde mon air passablement enthousiaste.

— Quelle est ta grande nouvelle ? je demande à Elise.

— Allons boire un café pendant que je vous raconte, elle propose en se dirigeant déjà vers le café le plus proche.

Je la suis en traînant des pieds et dès que nous trouvons une table, je m'y installe. Elise prend le temps de déposer ses sacs bien rangés à côté de sa chaise, avec un malin plaisir pour faire durer le suspense.

— Raconte, aboie Sophia en tapotant du plat de la main sur la table.

Un large sourire sur le visage, Elise nous regarde une après l'autre.

— Dans deux mois, nous irons fêter mon enterrement de vie de jeune fille à Vegas !

Sa voix est montée dans les aiguës sur la fin, si bien que j'ai du mal à croire ce que j'ai entendu.

— Tu veux dire, Las Vegas ? demande Sophia. Comme le Las Vegas du Nevada ?

Elle agite vigoureusement la tête, le visage coupé en deux par son sourire.

— Dans deux mois ? j'insiste.

— Ouiiii ! J'ai déjà tout prévu. Ma meilleure amie nous accompagnera, ainsi que deux de mes cousines. J'ai réservé les chambres d'hôtel, Jules m'a aidé, il connait quelqu'un là-bas qui nous a préparé un weekend de rêve.

— A Las Vegas ? je répète avec une grimace.

Le visage d'Elise se décompose en voyant que nous ne réagissons pas vraiment aussi gaiement qu'elle le souhaitait.

— Ça ne vous plait pas ? elle demande au bord des larmes.

— Si ! Bien sûr que si ! On va s'éclater ! lui répond Sophia avec enthousiasme. C'est juste que j'ai du mal à y croire. Je ne suis jamais allée à Vegas !

— Euh... les filles, c'est très gentil tout ça, mais Vegas, ce n'est pas la porte à côté et je n'ai pas les moyens de me payer tout un weekend là-bas.

Elise agite la main alors que Sophia lève les yeux au ciel.

— Tu n'as rien à payer, j'ai tout prévu ! Tout ce que tu as à faire, c'est ramener quelques bikinis, quelques robes de soirée et ta bonne humeur.

— Si tu la retrouve entre temps, marmonne Sophia.

Je lui tire la langue et me focalise à nouveau sur Elise.

— Je vais devoir demander à ne pas travailler.

— Jenna est géniale, et j'ai fait en sorte que ce soit après la période la plus chargée. Tu n'auras aucun problème.

Si elle le dit. Après tout, je n'ai eu aucun mal à avoir une semaine entière, du jour au lendemain, alors un weekend, dans deux mois, rien de plus simple. Étrangement, je n'arrive pas à m'en réjouir. Depuis que nous sommes revenus de notre séjour au chalet, je stresse un peu trop et j'ai du mal à prendre les choses avec joie. J'étais déjà un peu défaitiste avant, mais là c'est pire. Pourtant, dimanche, après l'appel de Drew, j'étais sur un petit nuage. J'ai passé toute ma journée à écouter de la musique et faire des gâteaux. Ma bonne humeur s'est volatilisée le lendemain, comme par magie.

Je n'ai pas revu Drew, ni ne lui ai parlé. Jenna a trouvé quelqu'un pour faire les livraisons au commissariat, je n'ai plus eu besoin d'y aller. Quand elle me l'a annoncé, je ne savais pas si je devais être contente ou non.

— Allo ? La terre appelle Tess !

Je cligne des yeux et reviens au présent. Sophia arrête d'agiter sa main devant mon visage, les sourcils froncés.

— Tu ne vas pas bien toi. Tu as des nouvelles d'Ethan ?

Je prends quelques secondes pour y réfléchir. Ça doit faire une semaine qu'il ne m'a pas appelé. Je n'y ai pas fait attention.

— Pas depuis quelques jours.

— Et de Drew ? demande Elise avec un petit sourire en coin.

— Pas depuis quelques jours.

— Oh ! Les choses avancent, se réjouit Sophia.

— Je n'en ai pas vraiment l'impression, je marmonne.

Elles m'observent toutes les deux pendant ce qui me semble être le reste de la journée, mais ça ne dure que les vingt minutes qu'il nous faut pour terminer nos cafés et retourner à nos achats.

Nous déambulons dans le centre commercial, ou plutôt, Sophia et Elise explorent tous les magasins pendant que je les suis sans un mot. Mon téléphone à la main, je me demande si je dois envoyer un message à Drew. Juste lui demander comment il va. Ce qu'il fait. Il avait deux semaines de poste de nuit, il doit sans doute travailler de jour cette semaine. Vu l'heure, il doit être au travail. Je n'aurais sans doute pas de réponse. Et Ethan ? Eh bien, s'il ne m'écrit pas ou ne me téléphone pas, cela veut dire qu'il travaille, qu'il est en réunion ou qu'il est submergé par des dossiers. Aucune chance d'avoir de ces nouvelles. Je ne sais même pas si j'ai envie d'en avoir. Il n'a clairement pas le temps et même si j'ai passé de bons moments avec lui, je ne suis pas vraiment intéressée par une vraie relation.

— Oh, il me faut une nouvelle brassière, intervient Sophia en nous traînant dans le magasin de sport le plus proche. J'ai décidé de me remettre à la course. Tu cours toujours Tess ?

— Ouais.

— Je pourrais courir avec toi.

Je lui adresse un regard entendu. Elle a déjà fait cette proposition quand je suis arrivée en ville il y a plus d'un an. J'avais accepté. Je ne courrais qu'une fois par semaine, mais Sophia était incapable de me suivre. Maintenant je cours deux ou trois fois, un peu moins depuis qu'il fait si froid.

— Je cours, Soph, je ne me balade pas en sirotant un café.

Elle me tire la langue mais va quand même essayer quelques tenues. De mon côté, j'attrape des t-shirts et des brassières, et un nouveau pantalon qui doit, d'après l'étiquette, me permettre de courir par ce temps sans me transformer en glaçon.

— Tu viendras au mariage, n'est-ce pas ?

Je lève les yeux vers Elise qui me regarde d'un air incertain.

— Euh... oui.

— Tu n'as pas encore répondu à l'invitation, je me demandais si tu allais venir ou non.

— Oh. Oui, je n'ai pas encore pris le temps de répondre. Je suis désolée. En fait, je ne sais pas si je viendrais avec quelqu'un ou non.

Peut-être qu'Ethan sera libre. Je n'ai pas envie d'y aller seule. Au mariage, il y a toujours ce moment où les slows vous jettent à la figure que vous n'avez personne pour danser avec vous parce que vous êtes éternellement seule.

— Ne t'inquiète pas, Drew est aussi invité, elle me dit avec un large sourire.

— Il va peut-être venir avec quelqu'un.

Elle m'adresse un regard entendu.

— Sans doute avec toi. Arrête de faire comme s'il ne t'intéressait pas. Ça se voit. Tu le regarde comme si tu l'avais vu nu.

J'ai envie d'éclater de rire. Elle ne pourrait pas avoir plus raison.

— Je devrais faire plus attention à ce que je fais quand je suis avec toi et Sophia.

Elle rit et me bouscule. Sophia ressort de la cabine d'essayage, brandissant fièrement ses nouveaux vêtements de sport.

— Je me sens déjà en meilleure forme.

— Ça c'est parce que tu vas t'acheter quelque chose, rien à voir avec le sport, marmonne Elise.

— Tess !

Je sursaute et me tourne vers Sophia.

— Quoi ?

— Je vous laisse dix minutes et Elise devient aussi sarcastique que toi ! Arrête tout de suite !

Je lève les yeux au ciel alors qu'Elise éclate de rire. Nous allons jusqu'à la caisse et après que Sophia ait dépenser une fortune pour quelques vêtements qu'elle ne mettra sans doute pas, le vendeur nous propose de participer à un concours pour gagner quatre billets pour le prochain match de hokey des Avalanche du Colorado contre les Red Wings de Detroit. Et en VIP s'il vous plait ! Avec rencontre et dédicaces avec les joueurs avant le match. De quoi me convaincre sans que je ne pose d'autres questions.

— Un match de hockey ? souligne Sophia avec une grimace.

Je hausse les épaules tout en remplissant les bulletins de participation, et revois le premier et seul match de hockey que j'ai vu de ma vie comme s'il se déroulait devant mes yeux.

— J'y suis allée une fois avec mon père quand j'avais treize ans. J'ai adoré.

Sophia n'ajoute rien, elle sait que je ne partage pas beaucoup de chose sur mon passé et évite sans doute de me mettre mal à l'aise.

— C'était les mêmes équipes ? demande Elise alors que nous sortons du magasin.

Nous nous mêlons à la foule et regagnons le centre du complexe.

— Non, c'était les Kings de Los Angeles contre les Coyotes de l'Arizona. Je ne me souviens même pas du score final.

Ma voix s'éteint sur mes dernières paroles alors que l'émotion me submerge. C'était une journée géniale. La première fois que nous faisions quelques choses de différent depuis la mort de ma mère. Nous avions réussi à passer une journée sans penser constamment à elle.

— Oh ! Regardez qui vient là, dit Sophia en me donnant un coup de coude.

Je reviens dans le présent et cherche ce qui a attiré l'attention de Sophia et Elise, qui sourit maintenant comme une écolière.

Au loin, dans son uniforme qui le met plus en valeur qu'il ne l'est permis, Drew discute avec l'un de ses collègues tout en surveillant les passants du centre commercial. Ils déambulent parmi les clients sans remarquer toutes les filles qui lorgnent sur eux comme des femmes au régime devant la vitrine d'une pâtisserie.

— Je devrais acheter un uniforme pour Jules, dit Sophia d'une voix rêveuse.

C'est de la jalousie qui pointe le bout de son nez, ou est-ce seulement parce que je le vois que mon cœur se met à accélérer ?

— J'ai honte de dire ça, alors que je vais me marier, mais il peut m'arrêter quand il veut, commente Elise.

Je me plante devant elles, tournant le dos à l'apollon en uniforme qui approche. Je crois qu'il ne nous a pas encore repérées.

— Hé ! Vous avez fini toutes les deux ? Je vous signale que vous allez toutes les deux vous marier.

Elles tournent leurs regards vers moi et m'adresse des sourires moqueur et envieux, avec un regard entendu. Le message est clair. J'aurais mieux fait de me taire pour une fois.

— Tu ne sors pas avec lui, n'est-ce pas ? me taquine Sophia avec son air de sorcière prête à vous jeter un sore.

— Noooon... mais vous, vous êtes fiancées.

Elles haussent les épaules.

— On a quand même le droit de regarder, intervient Elise. Après tout, lui, il est célibataire. Pas vrai ?

Ah ! Elles m'énervent toutes les deux !

Avec un grognement, je leur tourne le dos et m'apprête à partir mais je me retrouve le nez dans une montagne de muscle, d'uniforme, de chaleur et de parfum enivrant et familier.

Oh non !

Pire encore, la chaleur se referme autour de moi et je n'ai plus aucun moyen de m'échapper. Est-ce que je veux seulement m'échapper ?

— Hé, doucement, s'amuse Drew.

Il me serre dans ses bras puis me relâche sans pour autant retirer ses mains de mes épaules.

— Je ne t'avais pas vu, je marmonne en évitant son regard.

Je tourne la tête vers les deux emmerdeuses qui me servent d'amies et leur adresse un regard noir. Elles ont fait exprès de me laisser lui rentrer dedans. Tout ce qu'elles trouvent à me répondre c'est un sourire idiot et triomphant.

— Dommage, j'ai cru que tu étais heureuse de me voir.

Je ferme brièvement les yeux pour ne pas vraiment lui montrer que je suis plus qu'heureuse de le voir. Il ne dit rien, je lève les yeux pour voir qu'il me sourit, attendant que je réponde.

— Ça me fait plaisir de te voir, j'avoue.

— Tu fais des achats ? demande Sophia.

Drew me décale légèrement pour que je me retrouve face à mes amies, sous son bras. Sérieusement ?

— Non, on patrouille. Je vous présente Palmer, mon collègue.

— Mesdames, les salue ce dernier avec un sourire charmeur.

Puis il se penche un peu plus pour me voir sous le bras de Drew et me sourit.

— Salut, Palmer, je marmonne en me sentant devenir toute rouge. Comment tu vas ?

— Très bien, je ne suis plus à la réception.

Il m'adresse un clin d'oeil avec cette remarque et je sens le bras de Drew se resserrer.

— Excusez-nous quelques minutes, leur dit ce dernier avant de me ramener à l'écart.

Nous nous tenons juste à côté de la grande fontaine au milieu du centre commercial. Elise et Sophia me lancent des regards amusés. Je les ignore.

— Comment tu vas ?

Drew passe un doigt sous mon menton pour que je le regarde.

— Bien, je réponds d'une voix un peu trop enjouée.

Il m'observe quelques minutes, les lèvres pincées. Il faut que je change de sujet.

— Comment va ton frère ?

— Bien. Je crois. C'est un peu difficile de savoir avec lui.

Il passe une main dans ses cheveux courts et soupire.

— Tu devrais retrouver Palmer avant qu'Elise et Sophia ne le fasse fuir.

Il tourne son regard vers eux en même temps que moi. Palmer rit aux éclats. Sophia lui dit quelque chose en nous pointant du pouce par-dessus son épaule. Je lève les yeux au ciel. Qui sait ce qu'elle peut bien lui raconter ?

— Je crois qu'il est entre de bonnes mains.

Comment sa voix peut-elle m'être aussi familière et me manquer ? Je dois avoir un problème hormonal. Un truc vraiment grave.

Drew pose sa main sur mon bras pour attirer mon attention. Pourquoi fait-il toujours ça ? Je suis certaine qu'il voit très bien dans mon regard que je pourrais dire oui à n'importe quoi juste à cause de ce regard vert si profond et de ses mains sur moi.

— Tu m'as manqué, tu sais ?

Mon cœur vibre. Est-ce qu'un cœur peu vibrer ? Peu importe, il fait des trucs vraiment étranges depuis que je fréquente Drew. Des papillons s'envolent même dans mon ventre, mais je les ignore.

— Ce n'est pas vraiment l'endroit pour cette conversation.

Je m'en veux dès que les mots franchissent ma bouche, mais il ne s'en offusque pas.

— Je sais, il réplique avec un sourire et un léger haussement d'épaule. Je voulais juste te le dire.

— D'accord, je souffle sans vouloir porter cette conversation plus loin.

Ce n'est pas le lieu, ni le moment. Bien qu'il me manque aussi. Avec un léger sourire sur le visage, il souffle un « d'accord » à peine audible. Son regard passe de mes yeux à ma bouche. Je vois le bout de sa langue passer entre ses lèvres mais il ne fait rien. J'ai envie de l'embrasser et je sais que lui aussi, mais aucun de nous ne bouge. Ce n'est pas le lieu. Je ne veux pas que ça se passe comme ça. Pas maintenant.

— Je dois...

Son regard remonte vers le mien juste à temps pour que je me reprenne.

— Je dois retrouver les filles. Enfin... les rejoindre... continuer... hum... notre journée shopping.

Il a un léger rire.

— D'accord.

Il baisse les yeux vers mes mains qui tiennent mes sachets. Je vois son regard s'attarder plus longtemps sur ma main droite qui tient mon sac de lingerie Aubade. Ses lèvres esquissent un sourire à vous faire perdre vos sous-vêtements. Je passe d'un pied à l'autre pour ne pas me rappeler de la sensation de ses mains qui me déshabillent.

Sans un mot de plus, il pose sa main dans mon dos pour me guider jusqu'à nos amis. Nos amis qui nous lancent des regards entendus et des petits sourires en coin. Une bande de traîtres.

— T'as terminé, demande Palmer, qu'on puisse faire à nouveau semblant de travailler.

Drew lui donne une petite claque derrière la tête.

— Tu vas retourner à l'accueil toi.

Palmer grogne en se frottant la tête et lève les yeux au ciel.

— A bientôt les filles, il dit en s'éloignant.

— Passez le bonjour à Stuart et Jules, leur demande Drew en laissant sa main glisser le long de mon bras pour serrer légèrement mes doigts avant de s'en aller.

Nous les regardons s'éloigner, Palmer dit quelque chose à Drew et a droit à une autre claque derrière la tête avant que Drew ne se tourne vers nous et nous fasse un petit signe du menton.

— Il n'y a rien entre vous, n'est-ce pas ? fait Sophia d'un ton entendu.

— Je ne sais plus où j'en suis les filles. Et tout ça n'est que de ta faute, j'ajoute en pointant Sophia du doigt.

Elle prend un air surpris.

— Ne fais pas l'innocente. Maintenant si vous voulez bien, je préfère qu'on n'en parle plus pour l'instant.

— D'accord, mais j'ai une proposition à te faire. Palmer nous a parlé d'un nouveau cours de self-défense que propose nos chers amis en uniforme. Tu viendras avec moi.

— C'est une proposition ou un ordre ?

Sophia me sourit largement et passe un bras autour de mes épaules.

— On va dire que c'est une proposition qui ne se refuse pas.

Elle a de la chance que ça m'intéresse.

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