Plaisirs gustatifs
Je me réveille dans les bras de Drew, son souffle chaud chatouillant mon cou, son corps enveloppant le mien comme un cocon. Je ronronnerais presque. Son bras pèse sur mes côtes et mon dos est entièrement collé à son torse. Doucement, pour ne pas le réveiller, je me tourne dans ses bras pour lui faire face. A ma plus grande surprise, je le trouve totalement réveillé, ces yeux grands ouverts, me fixant intensément.
— J'ai cru que tu dormais encore, je chuchote.
Derrière lui, la lumière du jour filtre par la vitre et accentue les contours de son corps.
— Je suis réveillé depuis un moment.
Son ton, empreint de peu d'émotion, me donne des frissons. La conversation que nous avons eu la veille me revient violemment en mémoire et ses paroles mes torturent à nouveau. Il m'en veut toujours, il est encore furieux ou au moins en colère contre moi. Je pensais que nous avions fait un pas en avant, hier, mais je me rends compte que ce n'était qu'une impression. Nous avons discuté, mais nous n'avons pas vraiment réglé les choses. D'une main hésitante, je passe mes doigts sur son visage. Il ferme les yeux en inspirant profondément.
— Tu as mal ? je demande en descendant sur son épaule.
— Un peu.
Je m'approche pour déposer un baiser sur ses lèvres. Juste un frôlement pour lui dire que même s'il doute, moi je ne changerais pas d'avis. Il ne répond pas à mon baiser. Mais quand je me recule, ses yeux sont toujours fermés.
— Je vais préparer le petit déjeuner.
Il retire le bras qu'il avait posé sur moi et ouvre les yeux. Il ne dit rien, ne fait aucun geste pour me retenir près de lui. Ma poitrine me brûle en cet instant, et au lieu de lui dire ce que je ressens, j'attrape des sous-vêtements dans son armoire et me précipite dans la salle de bain. Dès que la porte se referme derrière moi, je m'approche de la douche et laisse le jet d'eau atténuer le bruit de mes sanglots. Je me sens minable et faible, comme quand je l'ai quitté. Je suis vraiment une idiote et je déteste ressentir ça.
Une fois calmée, je termine de me doucher et m'habille. Je prends le temps de démêler mes cheveux et les sécher avec une serviette avant d'aller dans la cuisine. J'y trouve Drew en caleçon et t-shirt, avalant un cachet avec un verre d'eau.
— Tu ne dois pas manger en même temps que tu prends ça ?
Il hausse les épaules.
— Je vais te préparer quelque chose. Tu veux des œufs ? Ou peut-être des pancakes, je propose en trouvant la préparation dans le réfrigérateur.
— Peu importe, je vais me doucher.
Encore un coup dans les côtes. J'ai l'impression d'être face à un étranger et ça me fait tellement mal. Je retiens mes larmes cette fois et décide de faire un festin. Œufs, bacons, pancakes, salade de fruit, je dépose même des céréales sur la table. C'est sans doute mon problème de compensation par la nourriture, mais ce matin j'en ai vraiment besoin.
— Wow ! Vous avez invité toute la rue pour le petit déjeuner ? demande Kyle en entrant dans la cuisine.
— Non, juste moi et mes problèmes, je réponds en retournant furieusement un pancake dans la poêle.
— O...k...
Kyle s'installe sur un tabouret et se sert avec gourmandise. Quand Drew arrive, le dernier pancake atterris avec violence dans l'assiette.
— Elle est pas très contente, chuchote Kyle à l'intention de son frère.
Je ne lève même pas les yeux, je n'ai pas envie de voir l'indifférence sur le visage de l'homme de ma vie qui me déteste. Je m'installe en face de Kyle et commence à dévorer un peu de tout.
— Sérieusement, Tess, m'interpelle Kyle, tu manges plus que mon frère.
— C'est moi qui ai préparé tout ça, interdiction de faire un seul commentaire, je le préviens en le pointant de ma fourchette.
Il rit en secouant la tête puis se tourne vers son frère.
— C'est la frustration sexuelle ? il demande d'un air tout à fait sérieux.
— La ferme, nous lui répondons en chœur.
Au moins, nous sommes d'accord sur quelque chose. Kyle éclate de rire et continu à manger. Drew se sert dans un silence presque solennel, puis s'installe à côté de son frère.
— Comment s'est passé ton rendez-vous ? je demande à Kyle pour casser le silence tendu.
— Super. Je suis en couple, je crois.
Je lève un sourcil.
— Tu crois ?
— Ben... on ne l'a pas clairement défini.
Je secoue la tête sans comprendre. Kyle soupire et passe une main sur son visage.
— On s'est embrassés, tenu la main, embrassés, partagé le pot de popcorn, embrassés, je l'ai raccompagné chez elle...
— Embrassés, je coupe avec un sourire amusé.
— Non ! Son père était là. Je n'ai pas envie de perdre mes couilles tout de suite.
— Kyle ! gronde Drew.
Je le regarde par réflexe et vois qu'il grimace en soulevant son verre de la main gauche. Il le repose et utilise la main droite.
— Ça à l'air d'être une histoire de couple, je confirme.
— Assure-toi quand même qu'elle en pense la même chose, marmonne Drew.
Kyle fronce les sourcils et je soupire lourdement. Je sais qu'il dit ça à cause de moi. Légèrement en colère, je me lève et me plante en face de Drew. Il me regarde avec méfiance.
— Je vais te prouver que je t'aime, je lui dis en le menaçant d'un doigt, et tu vas carrément en suffoquer, parce que je ne vais pas te lâcher. Tu vas être submergé par mes preuves d'amour. Tellement que tu me supplieras toi-même d'arrêter et de revenir dans ton lit !
Sur ces mots, sans le laisser répondre, je prends mon assiette, la rince et la met dans le lave-vaisselle. Puis je fais volte-face, vais chercher la laisse de Boomer et l'attache pour aller le promener.
— Tess ? m'interpelle Kyle avant que je ne franchisse le seuil.
Je me retourne, toujours déterminée et légèrement sur les nerfs.
— T'es trop géniale, il dit en me tendant une clé. (Je l'interroge du regard.) C'est au cas où il ne te laisserait plus rentrer. Je suis sûr que tu viens de lui faire très peur et juste pour ça, je suis à fond de ton côté.
Je regarde par-dessous son épaule et vois Drew m'observer d'un air difficile à décrire. Il me fixe avec défi, mais il est à la fois méfiant et toujours en souffrance.
— Merci Kyle.
Il m'adresse un clin d'œil et je m'en vais non sans oublier de lancer un baiser à Drew. Je suis certaine d'avoir perçu un sourire au coin de sa bouche juste avant qu'il ne le refrène.
Durant ma balade, je passe devant une supérette ouverte le dimanche matin et y achète ce qui me semble nécessaire pour faire un gâteau au chocolat. J'espère ainsi lui rappeler comme nous nous étions amusés en le préparant, enfin quand j'ai menacé de le kidnapper et que nous avons fini par nous embrasser comme des ados sur le comptoir.
Après avoir traversé le parc, je trouve un fleuriste encore ouvert et lui demande un service qui va sans doute me coûter une fortune, mais la fin justifie les moyens ! Je veux récupérer mon mari, par tous les moyens. Si je fini par devoir quitter mon appartement parce que je suis ruinée, il n'aura d'autres choix que m'accueillir chez lui, comme il le souhaitait il y a quelques semaines déjà.
Et enfin, sur le chemin du retour, je prolonge ma promenade jusqu'à mon appartement et remplit un sac de mes affaires pour tenir toute la semaine.
Je ne réalise pas moi-même à quel point cette séparation m'a changée définitivement. Et je ne veux pas trop l'analyser, je veux juste suivre cette voie parce que c'est la bonne et convaincre Drew que je ne vais pas changer encore de chemin.
C'est donc avec un sac de voyage sur l'épaule, un sac de courses à chaque main et la laisse de Boomer accrochée au passant de mon jean, que j'entre dans l'appartement de Drew. Comme je m'y attendais, Kyle est déjà partit travailler au café. Drew, assit devant la télévision, me regarde avec surprise avant de bondir sur ses pieds pour venir m'aider. Je sais que les sacs seront trop lourds pour son épaule, alors quand il tend les mains pour les prendre, je lui demande juste de détacher Boomer. Je dépose les sachets sur le comptoir de la cuisine et laisse tomber mon sac de voyage au sol.
— Qu'est-ce que c'est ? il demande en s'approchant lentement, l'air méfiant.
— Mes affaires. Je vais en avoir besoin, je ne vais pas porter la même chose toute la semaine.
Il lève un sourcil.
— Tu vas rester ici toute la semaine ?
— Je te l'ai dit, non ? J'étais persuadée de te l'avoir dit hier.
Sa bouche essaye de sourire à mon air espiègle, mais il se retient toujours.
— Je suppose que je n'ai pas le choix.
Je secoue la tête.
— Et ça ? il demande en indiquant les provisions sur le comptoir.
— Je veux que tu m'apprenne à faire ton super gâteau au chocolat.
Cette fois, il fronce les sourcils.
— Tu as vraiment un problème avec la nourriture.
Je lève les yeux au ciel.
— Peut-être, je concède en haussant les épaules. Le seul moyen que j'ai trouvé pour y remédier c'est le sexe. Alors en attendant que mon mari veuille bien me croire et me faire l'amour de nouveau, je vais devoir me contenter de la nourriture. Si je deviens obèse, ça ne sera que de ta faute et tu ne pourras même pas te débarrasser de moi.
Cette fois, il rit. Un rire bref et retenu, mais un rire d'amusement. De réel amusement. Il s'approche de l'îlot central et regarde l'intérieur des sacs en papier.
— Mettons-nous au travail dans ce cas.
Je hoche la tête, sentant une petite chaleur naître dans ma poitrine. Je cours déposer mon sac dans la chambre et reviens pour me laver les mains. Drew a déjà disposé les ingrédients sur le comptoir.
— Par quoi on commence ? je demande pleine d'entrain.
Il me regarde vraiment, pour la première fois depuis ce matin. Il me regarde de la tête aux pieds, s'attardant sur le décolleté de mon t-shirt. J'avoue que je l'ai fais exprès. Et si je ne le connaissais pas, je pourrais croire qu'il essaye de me torturer avec ce regard gourmand pour mon anatomie. Mais c'est sans compter sur sa capacité à retenir et contrôler ses émotions.
— Les œufs, il dit en me tendant la boite. Sépare les blancs et les jaunes.
J'attrape les saladiers et commence. Je sens le regard de Drew sur moi, tout le long du processus. Il m'indique ce que je dois faire, m'aide quand je le laisse faire, mais reste principalement en retrait, à me donner des ordres et me regarder. Longuement. Je dois lutter contre les frissons qui me font vibrer dès que son regard devient plus intense, mais je m'amuse à jouer de mes atouts pour le faire flancher. Quand je me penche, je lui montre bien mon décolleté. Quand je mélange les ingrédients, je remue des hanches en rythme. Quand je lève les yeux pour lui demander ce qu'est la prochaine étape, je m'applique à lui adresser mon plus séduisant sourire.
— Et ensuite ? je demande une fois que j'ai ajouté le cacao à la préparation.
— Il faut beurrer le moule, il répond en me le tendant.
Je l'attrape et m'applique, beurrant chaque recoin avec soin.
— Ça me rappelle la journée au spa, je marmonne en regardant mes doigts pleins de beurre fondu.
— Ah oui ?
— Tu sais l'huile qu'ils mettent sur toi pour les massages ? Après t'a l'impression de coller à tes vêtements.
Il sourit, penché sur l'îlot, le menton dans la main.
— Les huiles sont beaucoup mieux que le beurre.
— Sans doute, je réplique avec une grimace en essayant de lui en mettre sur le visage.
Il se recule trop vite, riant si joyeusement que mon cœur bondit.
— Tu n'as jamais fait ce massage tant promis, je lui dis en versant la préparation dans le moule.
— Tu t'es enfermée dans ta chambre ce soir-là.
Je grimace.
— Tu me faisais un peu peur.
— Moi je te faisais peur ? il s'étonne.
Je hausse les épaules.
— Toi, tes sentiments, moi. La situation était étrange et soudaine.
— Je veux bien l'admettre. J'avais peur moi aussi.
Je lève brusquement les yeux vers lui.
— Peur ? De quoi ?
— De ce que je ressentais, il avoue.
Je le fixe un moment, observant ses yeux d'une telle sincérité et son visage aux traits crispés, avant de me souvenir du gâteau. Je le mets dans le four, augmentant la température, avant de me retourner vers lui. Il passe son doigt dans le bol pour goûter la préparation.
— Tu les ressens toujours ces sentiments ? je lui demande d'une voix à peine audible.
Il y réfléchit, puis secoue la tête sans me regarder. La sensation est comparable à une douche froide. Figée, je retiens mon souffle en attendant qu'il s'explique. Mon cœur commence à se recroqueviller sur lui-même, essayant douloureusement de se détruire.
— Ce ne sont plus les mêmes, il précise.
Quand il relève les yeux vers moi, il y voit sans doute les larmes qui ont jailli. Je ne les autorise toutes fois pas à couler sur mes joues.
— A ce moment-là, c'était intense et surprenant. Je ne comprenais pas vraiment ce besoin de posséder ton corps et ton plaisir.
Je reste figée alors qu'il se penche sur le comptoir, puis s'assoit. Il ne quitte pas mon regard une seule seconde, retenant mon souffle par ses paroles.
— Maintenant, je sais ce que c'est. Je comprends ce que je veux, ce qui me fait peur là-dedans. Ce n'est plus aussi effrayant, mais c'est toujours aussi fort.
Sa voix vibrante me recouvre comme du miel. Il m'aime toujours. Il a dompter son amour pour moi mais il m'aime toujours.
— Même aujourd'hui ? je lui demande au moment où la sonnette retentit.
Je maudis intérieurement la personne qui vient de nous interrompre. Drew se redresse et se dirige vers la porte alors que je m'applique à me laver les mains.
— Une livraison pour Drew Jacobs, annonce un jeune homme à la porte.
Je me retourne et vois un bouquet de roses rouges, douze exactement, passer de la main du livreur à celle de Drew après qu'il ait signé le reçu. Les sourcils froncés, Drew se tourne vers moi, inspectant le bouquet de fleur d'un air soupçonneux. Il trouve une petite enveloppe et la détache pour l'ouvrir. Il dépose le bouquet sur l'îlot en m'adressant un regard interrogateur. Je hausse les épaules, retenant un sourire, et attends qu'il ait lu. Ses yeux se tournent vers moi brièvement avant qu'il ne lise à voix haute.
— « Parce que tu en portais une à notre mariage, je t'en offre douze pour mon amour éternel. » Signé « Ta femme ».
Mouais, ce n'est pas très original et franchement ridicule une fois que je l'entends le lire à voix haute, mais ça me paraissait parfaitement approprié quand j'ai passé la commande et ça exprime tout à fait ce que je voulais, bien que ce soit ridiculement romantique. Drew lève un sourcil à mon intention. Je hausse les épaules en réponse, d'un air innocent.
— D'abord le gâteau pour me rappeler notre baiser dans la cuisine et le massage. Puis un bouquet de fleurs qui fait référence à notre mariage. Tu fais fort, Tess.
Prenant un air espiègle, je désigne les fleurs du menton.
— Je t'ai prévenu, tu vas suffoquer d'amour.
Il rit franchement, fermant brièvement les yeux, comme soulagé.
— Viens par-là, il dit en écartant les bras.
Je me précipite vers lui, heureuse et en partie soulagée. Je sais que ce n'est pas si facile que ça. Il va falloir encore lutter. Alors je prends tous les petits morceaux d'amour qu'il me donne.
Il me prend dans ses bras et je pose ma tête contre son épaule.
— Je t'aime, je souffle contre son cou.
Il me serre un peu plus fort avant de laisser échapper un petit gémissement douloureux. Je m'écarte immédiatement et observe son épaule comme si elle allait parler.
— Tu dois te ménager, je lui dis en passant mes doigts sur son t-shirt, là où se trouve sa blessure.
Il pose son autre main sur ma joue, caressant ma pommette de son pouce.
— Pourquoi est-ce aussi difficile, il souffle le regard torturé.
Je n'ai pas le temps de lui demander de quoi il parle. Il me ramène contre lui, dépose un baiser sur ma tempe et me relâche.
— Je vais dormir un peu. J'ai pris un cachet quand tu étais partie, j'ai besoin de me reposer quelques instants.
— D'accord.
Il passe une main dans ses cheveux, puis la laisse descendre lourdement le long de sa nuque.
— Tu veux bien... venir avec moi ? Juste... le temps que je m'endors.
Mon cœur se met à accélérer violemment.
— Bien sûr.
Je mets la minuterie sur le four pour qu'il s'éteigne une fois que le gâteau sera prêt et le suis dans la chambre.
Il retire son jean et son t-shirt, et se glisse sous les couvertures.
— Enlève ton pantalon, il me demande, voyant que je m'apprête à le rejoindre toute habillée.
Un léger sourire sur les lèvres, je m'exécute et le rejoins dans le lit. Il tend le bras pour que je m'installe contre son épaule, j'enfoui mon visage dans son cou et y dépose un baiser alors qu'il soupire en rabattant son bras sur moi.
— Je ne pars pas, je lui souffle en passant une main sur son torse, y dessinant de petits cercles lents qui l'apaisent.
Il embrasse une dernière fois mes cheveux et se laisse aller à la délivrance que lui apporte le sommeil. Passant une jambe sur les siennes, je m'accroche à lui et me laisse à mon tour submerger par le calme, bercée par les battements de son cœur et son souffle régulier sur ma peau. Ma propre respiration s'harmonise avec la sienne et dans le silence reposant de l'appartement, je laisse mes idées divaguer. Je repense à Las Vegas, à ce mariage dont je n'ai pas beaucoup de souvenir. Je nous revois nous sourire alors que j'avançais vers Drew qui m'attendais devant l'autel. Je me souviens avoir pensé que ce sourire ne disparaîtrait jamais de mon visage, parce que j'allais épouser l'homme de ma vie. J'étais bien naïve et ivre ce soir là, mais tout n'était pas faux. J'ai effectivement épousé l'homme de ma vie, et si je veux revoir ce sourire sur son visage, je dois tout faire pour être la femme qu'il a épouser ce soir là.
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