Mariage, mariage...




La neige a cessé de tomber depuis plusieurs jours. Les vacanciers se font moins nombreux et je peux enfin retrouver un peu de calme au café. Assise derrière le comptoir, je lis un magazine de mariage que Sophia m'a demandé de feuilleter pour elle. Je crois qu'elle nous a toutes mises à contribution pour trouver les meilleures idées pour sa cérémonie et la fête qui suivra. J'en suis à mon deuxième magazine et je fais déjà une overdose. Si je dois me marier un jour, ça sera simple et rapide. Il y a bien trop de chose à faire pour prendre plaisir à organiser un événement de cette ampleur. L'essentiel est d'être avec les personnes que l'on aime, non ?

— Bonjour !

J'évite au maximum de fusiller Sophia du regard en relevant la tête.

— Bonjour, Soph !

Mon sourire est assez sincère pour elle.

— Je vois que tu prends ton travail très au sérieux.

Elle ne parle pas de servir des clients, elle parle du magazine. Je le referme et le dépose sur le comptoir.

— Je fais de mon mieux.

— Et je t'en remercie. Est-ce que tu as quelques minutes ?

Je regarde la salle. Kyle et Sarah s'en sortent très bien sans moi. Je fais un signe vers Sophia.

— Suis-moi.

Nous nous réfugions dans la salle de pause.

— Qu'est-ce qui se passe ? Ne me dis pas que tu paniques de nouveau pour ce mariage. Je t'assure que peu importe ce qui va se passer, tu seras heureuse.

Elle glousse puis se mord la lèvre.

— Qu'est-ce que tu me caches ? je marmonne.

— Je voudrais que tu sois mon témoin pour le mariage.

Je reste immobile, attendant qu'elle dise que c'est une blague. Le moment ne vient pas. Les mots ne sortent pas de sa bouche. Elle attend, comme moi. A ma plus grande surprise, un étrange sentiment de joie s'épanouie doucement.

— Hum... c'est une grande responsabilité.

Elle me prend les mains, se retenant visiblement de bondir dans tout les sens.

— Et tu seras parfaitement à la hauteur, elle m'assure avec un large sourire.

Ça implique que je vais devoir la seconder pour tous les préparatifs. Ça va être une vraie torture. Mais ça me fait vraiment plaisir qu'elle ait pensé à moi. Qui suis-je pour refuser une telle chose ?

— D'accord.

Elle lâche un soupir de soulagement et se met à sautiller.

— Oh, merci !!!

Ses bras se referment comme un étau autour de moi, je suis sur le point d'étouffer.

— Tu as encore un peu de temps, elle me dit en me relâchant enfin. On ne commencera vraiment qu'après le mariage d'Elise.

Des larmes roulent sur ses joues. Je vais me mettre à pleurer à mon tour. Je ris de nous voir aussi dévastées par une telle chose. Nous ne nous connaissons pas depuis l'enfance, nous n'avons pas partager un millier de choses ensemble mais ce que nous partageons est le plus important. Je ne réalisais pas vraiment à quel point je comptais pour elle, mais maintenant je sais et ça me terrifie autant que ça me réjouie.

— Merci, Tess.

Je la prends dans mes bras, même si les câlins ne sont pas rares entre nous, c'est elle qui les initie la plupart du temps. Je la serre fort contre moi et me retiens de pleurer. Ce n'est pas évident.

— Merci à toi.

Nous nous sourions encore quelques instants comme des idiotes, essuyant nos larmes, avant de quitter la salle de pause. Sophia s'en va sans prendre son habituel café du mardi, mais je suppose qu'elle n'en a pas le temps.

Juste après qu'elle ait passé la porte, je vois Drew arriver avec son collègue, Palmer. J'essuie encore mes joues quand il entre et il me retrouve directement derrière le comptoir pendant que son collègue va s'installer. Avant même de me dire un mot, il passe une main derrière ma tête et ramène mes lèvres contre les siennes. Je me laisse faire comme une poupée de chiffon. Mon corps me crie de lui sauter dessus pour retrouver tout ce que je n'ai pas connu depuis que nous sommes revenus du chalet. Nous nous sommes téléphoné depuis samedi, et nous avons couru ensemble dimanche après-midi. Mais il ne m'avait pas embrassé avec autant de désir en me voyant. J'en ai des chatouillis dans le ventre et le cœur qui s'emballe. Il me faut toute ma maîtrise pour résister à la tentation. Lui en revanche, ne semble pas vouloir résister. Ce n'est pas un simple baiser mais un roulage de pelle en bonne et dû forme, le genre de comportement qui oblige les gens à détourner le regard. Je m'accroche à ses bras et y enfonce mes ongles pour ne pas promener mes mains ailleurs. 

— Bonjour, souffle Drew en s'écartant.

Je reste muette, le souffle court. Son front se plisse.

— Tu as pleuré ?

J'essuie le dessous de mes yeux et lui montre le magazine sur le comptoir. Il ne se déride pas. Mes jambes ont du mal à me maintenir debout. Discrètement, je me laisse aller contre le comptoir pour trouver un soutien.

— Qu'est-ce que c'est ? Tu prépares un mariage ?

— Ouais, je crois bien.

Il se met à rire.

— Je ne t'ai même pas encore demandé ta main, ma puce.

Je le bouscule, comme s'il pouvait croire une seconde que c'est pour notre mariage. Notre mariage ? Serais-je prête à l'épouser ? La panique commence à me submerger. Je repousse cette idée au plus profond de mon inconscient. Nous n'en sommes pas encore là.

— C'est pour Sophia. Elle vient de me demander d'être son témoin.

— Ils sont doués ces deux-là.

Je penche la tête sans comprendre.

— Qu'est-ce que tu veux dire ?

— Jules m'a demandé d'être le sien. Ce matin.

— Intéressant. Tu es venu fêter ça avec Palmer ?

Je me penche pour voir l'intéressé qui me fait un petit signe de la main depuis la table où il a pris place. L'air sur son visage laisse entendre qu'il n'a rien manqué de notre baiser torride. Mes joues chauffent encore plus mais je ne suis pas certaine que ça fasse une grande différence à ce stade.

— Je voulais juste te voir. Et comme je ne veux pas abuser de ton temps, j'ai emmené Palmer pour me distraire.

Je lève les yeux vers Drew, les sourcils froncés.

— Te distraire ?

Ses mains sur mes hanches me caressent lentement à travers mon pull. Le sourire qui s'affiche sur son visage et le désir dans ses yeux m'obligent à enfoncer mes ongles dans ma paume pour ne pas l'emmener dans un coin tranquille.

— Disons juste que j'aimerais te voir ce soir.

J'ai du mal à déglutir.

— Ce soir ? Il y a le cours de sefl-défense.

— Pas cette semaine.

— Pas cette semaine ?

Il secoue la tête avec un petit sourire en coin.

— On se voit chez toi ?

J'ai l'impression que mon cœur cherche à sortir de ma cage thoracique.

— Chez moi ? je couine en écho.

Il hoche la tête et dépose un bref baiser sur mes lèvres.

— Je viendrai à 19h.

Si je répète encore ce qu'il dit, il va me prendre pour une imbécile. J'ai envie de lui demander pourquoi il veut qu'on se voit. Pourquoi ce soir ? Mais je reste muette. Je le découvrirai bien assez tôt et d'après son regard, nous n'allons pas juste discuter. Il va falloir que je me décide avant ce soir. Est-ce que je veux m'engager avec lui, ou non ? Ce n'est qu'une relation banale pas vrai ? Deux adultes qui s'attirent et qui veulent en profiter. Mais pour combien de temps ?

— D'accord, je réponds d'une voix rauque.

— D'accord, il souffle en retour et m'embrasse encore une fois avant de retrouver Palmer.

Je me raccroche au comptoir, passant une main sur mon visage pour reprendre mes esprits. J'ai un sérieux problème. Ce n'est pas possible d'avoir une telle influence sur une personnes, il a dû me faire avaler un truc, ou il est allé consulter un marabout. Il doit y avoir une explication plus logique que l'attirance, parce que personne ne m'a jamais attirée à ce point.

Reprenant mon calme, je reviens à la réalité et repasse derrière le comptoir. Je prépare des verres de thé glacé en jetant des regards de temps en temps vers Drew.

— Puis-je te dire que je suis légèrement jalouse ? me dit Sarah.

Je lui adresse un regard entendu.

— Jalouse ? Toi ? Alors que Kyle te tourne autour ?

Elle se fige et me regarde les yeux écarquillés.

Oups !

— Tu l'avais remarqué, pas vrai ? je demande avec une grimace.

Elle secoue la tête lentement de droite à gauche.

— Oh. Euh... eh bien tu le sais maintenant.

— Il te l'a dit ?

— Pas clairement, non, mais ça se voit. Tout comme ça se voit qu'il t'intéresse.

Elle s'affole soudain.

— Ça se voit tant que ça ?

Je hausse les épaules pour minimiser la chose.

— Ce doit être parce que je suis observatrice. Ça n'est sans doute pas aussi évident.

Je lui tends deux verres et lui demande de les ramener à la table de Drew. Je n'ai pas envie de m'en approcher tout de suite. Elle y va comme une automate, perdu dans ses pensées.

Le soir venu, à 18h45, je suis dans mon petit salon à tourner en rond. Je me suis déjà ronger les ongles des deux mains, une vilaine manie que je croyais avoir réussi à faire partir. J'ai préparé des enchiladas pour le dîner, j'aime bien la cuisine mexicaine mais ça ne fait maintenant que trente minutes que je me demande si Drew aime ça aussi et si je ne devrais pas préparer autre chose. Mais je suis tellement stressée que je ne peux pas me concentrer plus de trente secondes sur un autre plat à préparer.

J'y ai réfléchit toute la journée. J'aime beaucoup Drew, je l'apprécie vraiment et si j'en crois à quel point il m'a manqué, je pense que je ne supporterais pas de ne plus jamais le voir. Mais en même temps, il ne m'a pas demandé lui-même de prendre une décision aujourd'hui. Je me lance peut-être des ultimatums pour rien. Il ne veut que venir dîner et discuter. Regarder peut-être un film. C'était si simple au chalet quand il ne fallait pas penser avec son cœur. Dès qu'il se mêlent de la conversation, tout devient plus compliqué. Ce petit cœur en a déjà subi bien assez et je n'ai pas envie de m'imposer des difficultés inutiles. Je ne suis pas en train de dire que Drew n'en vaut pas la peine, je voudrai juste savoir ce que je dois espérer de tout ça. Il ne m'a jamais dit ce qu'il veut exactement. Il m'a juste dit qu'il en veut plus. Mais plus comment ? Juste sortir ensemble et prendre du bon temps en attendant que l'un de nous trouve quelqu'un plus à son goût ? Je n'ai pas envie de ça. Parce que je tiens déjà beaucoup à lui.

La sonnette de la porte me fait sursauter. Je relâche le doigt que je mordillais et m'avance jusqu'à la porte. J'inspire profondément et l'ouvre. Mon souffle se coupe, mon cœur s'accélère mais étrangement, mes angoisses s'envolent. Il me suffit de voir ce sourire en coin, ses yeux verts brillants et je vais mieux. Je prends quelques secondes pour le détailler. Il a troqué son uniforme contre un jean brut, un pull noir sur un t-shirt blanc et des boots. En plus de cela, il n'a qu'un châle dans le cou et une bouteille de vin à la main.

— Bonsoir, Tess.

Je me décale pour le laisser passer.

— Bonsoir.

Je lui fais signe d'avancer jusqu'au salon où il pose la bouteille sur la table basse et se retourne brusquement. Ses bras m'attrapent avant que je ne le comprenne, une main derrière ma tête, l'autre au bas de mon dos. Ses lèvres retrouvent leur place sur les miennes d'une façon si naturelle que j'en ai des frissons. Je lui rends son baiser avec autant de plaisir qu'il semble en prendre. Rendant cela bien plus excitant qu'il ne le devrait.

— Waouh ! je souffle une fois qu'il s'éloigne assez pour me laisser respirer.

Ses lèvres déposent un baiser sur mon front et un sourire satisfait illumine son visage.

— Je pourrais m'y habituer, je le taquine.

— J'espère bien.

Il se penche et récupère la bouteille.

— Tiens, j'ai ramené de quoi calmer tes nerfs et fêter nos nominations en tant que témoins de mariage.

Je prends la bouteille avant que ses paroles ne raisonnent dans ma tête.

— Calmer mes nerfs ?

Il sourit toujours alors que je plisse les yeux dans l'incompréhension la plus totale.

— Tu avais l'air totalement paniquée quand j'ai dit que je voulais te voir ce soir. Pourtant tu n'as pas protesté.

— Je...

Je ne termine pas ma phrase parce que je ne sais pas quoi lui répondre. Oui, j'étais terrifiée qu'il vienne, et non je n'ai pas protesté parce que je voulais qu'il vienne. Aussi tordu que cela puisse être, je veux tellement qu'il soit là, avec moi, alors que je ne suis pas capable de prendre une décision sur notre relation.

— Tu panique de nouveau, il s'amuse.

Me prenant la bouteille des mains, il entre dans la cuisine et fouille deux tiroirs avant de trouver le tire-bouchon. J'attrape deux verres et les tiens le temps qu'il les remplisse.

— Il va falloir que tu me dises ce qui te fais si peur, ma puce.

Je lève les yeux pour voir qu'il m'observe tout en versant du vin rouge dans le second verre. Je repense alors à ses paroles, à ce qui lui est arrivé et qu'il ne m'a pas encore expliqué.

— Un jour, je le ferais.

Son sourire se crispe et il hoche la tête. Il place la bouteille au frais et prend son verre pour le lever.

— A notre soirée improvisée, il dit avec un clin d'oeil.

— Et à nos nouveaux rôles de témoins, j'ajoute.

Nous trinquons et j'avale une bien grande quantité de vin en une seule gorgée. Si je m'écoutais, je le viderais d'un trait.

— Tu te sens mieux ?

Je prends sérieusement plusieurs secondes pour y réfléchir.

— Je crois, oui. Tu as faim ?

Je pose mon verre et sors le plat du four pour le mettre sur la petite table ronde. Mon appartement n'est pas assez grand pour que je puisse disposer d'une salle à manger, alors nous dînerons dans la cuisine. Parfois, la grande maison que nous avions avec mes parents me manque. Mais j'évite d'y penser. Ça fait toujours mal de repenser à eux.

— Ça sent très bon.

— Merci.

Je m'installe en face de lui et le sers.

— Des enchiladas ?

— Tu aimes ?

— J'adore, comment tu as su ?

Je hausse les épaules.

— Je n'en avais pas la moindre idée.

— Tu vois, on est fait pour s'entendre.

— On s'entend déjà, non ?

Il sourit malicieusement.

— Je dirais même qu'on s'entend très bien. Et je dois avouer que nos conversations corporelles me manquent.

Voilà, nous y sommes. Sexe ou pas sexe ce soir ? Telle est la question à laquelle j'ai peur de répondre. Parce qu'il est évident que je veux de lui dans mon lit, et le plus vite sera le mieux parce que j'ai beaucoup de mal à me satisfaire seule depuis que je le connais. Mais qu'est-ce que ça impliquerait pour la suite ?

Mon verre de vin me vient en aide. Je le vide et adresse un sourire coincé à Drew.

— C'est donc ça ?

— Quoi ?

— Ce qui te fais peur. Que l'on couche à nouveau ensemble ? Sans le contexte de notre séjour au chalet ?

Je me sens rougir mais ça ne sert plus à rien de nier.

— En gros... oui.

Je soupire presque de soulagement de l'avoir enfin dit. Repoussant son assiette, Drew se penche en avant, les coudes sur la table.

— Dis-moi ce qui t'inquiète vraiment ? il demande de sa voix grave et sexy.

Je commence à jouer dans mon assiette, du bout de ma fourchette.

— Ça ne t'inquiète pas, toi ?

— Je suis certain que ça sera aussi bon que les autres fois.

Je lève les yeux ciel et il se met à rire.

— Je ne parle pas de ça. Bien que je sois ravie de le savoir. Mais... ça veut dire quelque chose pour toi ? Je veux dire, si je cède, est-ce que ça m'engage à quelque chose par rapport à toi ?

Il reprend son sérieux et recule contre le dossier de la chaise. Les lèvres pincées, il m'observe comme une bombe qu'il cherche à désamorcer.

— Disons... imagine que cette semaine n'est pas arrivée. Que nous nous sommes connu ici, il y a trois mois quand je suis venu m'installer. Tu aurais envie de quelque chose de plus sérieux ce soir ?

Je n'ai pas besoin d'y réfléchir très longtemps.

— Je suppose que oui.

Il sourit à nouveau.

— Bien. Alors nous allons faire cela. Sortir comme un couple sans grand engagement. Juste deux personnes qui s'apprécies dans et hors du lit. Ça te parait moins effrayant ?

L'idée me plait, y aller doucement.

— Mais toi, tu en veux plus, pas vrai ?

Il secoue la tête mais ce n'est pas un non. Il veut juste que j'arrête de m'inquiéter pour ça.

— Je suis un grand garçon, Tess. Oui, je sais ce que je veux. Mais je sais aussi patienter pour l'avoir.

— Qu'est-ce qui te dis que ça arrivera ?

Son léger sourire en coin ne nécessite pas vraiment d'explication.

— Je le sais, c'est tout. Maintenant, pouvons-nous terminer de manger avant de nous installer sur ton canapé, regarder un truc insignifiant à la télévision, et se peloter comme des ados ?

J'éclate de rire. Pour la première fois depuis que nous sommes revenu du chalet, j'ai l'impression que les choses sont à leur place.

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