Les liens du sang
Les jours qui suivent se déroulent de façon similaire. Je me lève avant Drew, prépare le petite déjeuner pour lui et Kyle, et m'en vais travailler avant qu'ils ne se lèvent, laissant un petit mot doux sur mon oreiller. Je sais que Drew les lit, parce qu'en rentrant après mon service, je retrouve le petit billet sur sa table de nuit à côté du chapelet de sa mère. Il n'est pas vraiment pratiquant, mais il voulait garder quelque chose qui lui appartenait, et il m'a dit une fois que sa mère avait pour habitude de leurs faire réciter une prière avant de dormir quand ils étaient petits. Après sa mort, Drew a perpétué ce rituel jusqu'à ce que Kyle se rebelle et demande à quoi bon prier si sa mère ne pourra jamais revenir. Depuis, le chapelet n'a pas quitté sa table de nuit. Alors quand je vois que mes petits mots ont une place à côté de quelque chose d'aussi important que le souvenir de sa mère, je ne peux que m'en réjouir, et avoir espoir.
A l'heure du déjeuner, je l'appelle pour m'assurer qu'il a bien de quoi manger ou se faire à manger. Ça a fonctionné le lundi, puis le mardi, il m'a dit de me taire et qu'il savait « vivre comme un grand ». J'en ai ris plusieurs minutes avant de lui dire encore une fois que je l'aime, et le laisser tranquille. J'ai perçu le regard envieux de Neil après avoir raccroché. Alors je lui ai adressé un sourire et un clin d'œil. Il s'est contenté d'éclater de rire et à repris le travail.
De toute façon, chaque jour, Drew reçoit un bouquet de fleurs. Pour lui rappeler mes sentiments. Lundi, c'était un bouquet de fleurs des champs avec un simple mot lui disant que je rêve d'un pique-nique avec lui, au soleil. Puis le lendemain, c'était un bouquet de tournesols, lui rappelant par un petit mot, le jour où nous avons essayé de nous battre avec de fausse tiges de tournesol dans un magasin. Nous les avions utilisés comme des épées et même si Drew refusait de l'admettre, c'est moi qui avait gagné.
Aujourd'hui, je ne travaille pas. Mais je me lève tout de même avant Drew, pour préparer le petit déjeuner pour Kyle avant qu'il ne parte au lycée. Je l'entends se préparer dans la salle de bain, et l'odeur de son parfum arrive à la cuisine avant lui quand il en sort. Il s'installe sur un tabouret, encore endormi, et engloutit son petit déjeuner dans un silence tranquille.
Quand Drew nous rejoint, il semble joyeux. Il sourit en me voyant, ébouriffe les cheveux de son frère qui grogne sans s'arrêter de manger, puis il passe à côté de moi en me frôlant. Il attrape un verre de la main droite, laissant la gauche glisser dans le bas de mon dos. Pendant qu'il sort son cachet de la boite, je prends son verre et le remplit d'eau. Il le récupère avec un sourire tellement beau et simple que j'en ai des frissons de plaisir. Nous prenons notre petit déjeuner en interceptant les petits regards brillants de l'autre, se lançant des sourires. J'ai soudainement hâte que Kyle s'en aille. L'humeur de Drew a rapidement changé ces derniers jours. Peut-être parce que je ne lui laisse pas le choix, il ne peut que me voir et m'entendre chaque jour qui passe, lui répéter que je l'aime et que je resterais définitivement à ses côtés.
— Tu commences les cours à quelle heure ? demande Drew à son frère d'un air innocent.
Aurait-il envie de la même chose que moi ? Mes cuisses se resserrent à cette idée.
— Je pars dans quelques minutes, pour récupérer Sarah avant d'aller en cours.
— Comment ça se passe entre vous ? je lui demande pour me distraire.
Il hausse les épaules, soupire, puis termine sa tasse de café. Ça n'a pas l'air bon.
— Je veux aller trop vite d'après elle.
Drew laisse échapper un grognement qui me refroidis d'un coup. Il n'a toujours pas tourné la page finalement ? Je n'en peux plus, à chaque fois que je crois qu'il m'a pardonné, ou du moins qu'il n'est plus en colère, je me rends compte que c'est une illusion.
— Vous n'êtes ensemble que depuis quelques jours, je dis à Kyle pour éviter de penser à ma situation.
— Tu l'as vu ? Elle est super sexy et elle s'attend à ce que je ne fasse que lui tenir la main.
Je me fige, les yeux plissés dans une expression menaçante.
— Et tu comptes faire quoi d'autre, puisque vous êtes ensembles depuis moins d'une semaine ?
Il soupire, passe une main sur son visage.
— Je sais, ça n'est pas très intelligent d'aller vite, mais... je suis dingue de cette fille. Ça n'est pas juste son corps, c'est tout le reste aussi. J'adore être simplement avec elle, discuter avec elle, me battre avec elle, rire avec elle. Putain, je parle comme ces connards à la télé.
Son air abattu est presque drôle. Je n'ose pas lui répondre tout de suite. Je crois que je comprends ce qu'il ressent, mais je comprends aussi Sarah.
— Profite de ce qu'elle te donne pour l'instant, les choses vont finir par évoluer, lui conseille Drew.
Puis il lève les yeux vers moi et continu à s'adresser à son frère.
— Si tu vas trop vite, tu risques de tout gâcher.
Je me glace. A quoi rimait son petit jeu il y a quelques minutes, s'il pense que tout a été gâché ? Il pense qu'il n'y a plus d'espoir ? Non, il ne peut pas renoncer comme ça.
— Rien n'a été gâché, je lui réponds sans plus vraiment m'occuper de Kyle.
Ce dernier se lève, dépose son assiette dans le lave-vaisselle et récupère son sac et ses clés avant de sortir. Drew me fixe jusqu'à ce que la porte se referme. Quand nous sommes enfin seuls, il reprend avec tout autant de calme, mais la voix sûre.
— Nous ne sommes plus comme avant, Tess.
— Je suis toujours celle dont tu es tombé amoureux.
Mes mots raisonnent plus comme une supplique. Ma gorge se resserre et mes poumons ont du mal à laisser entrer l'air.
— Tu es celui dont je suis amoureuse, j'ajoute.
Il me scrute, semblant chercher une explication à une question qu'il ne m'a pas encore posée. Son regard vert me donne l'impression de pouvoir tout comprendre sans me parler, tout voir sans que je n'ai à me dévoiler.
— Tu as l'air plus forte qu'avant, il souffle comme s'il se parlait à lui-même.
Je hoche la tête.
— Je le suis. Je le suis pour nous.
— Je voulais te protéger, et je n'ai fait que te pousser. Tu as souffert, à cause de moi.
Je commence à paniquer. Je ne comprends pas où il veut en venir, je ne comprends pas ce qu'il veut me faire dire.
— C'était une bonne chose. J'en avais besoin. Et maintenant j'ai besoin de toi. J'ai besoin que tu me crois.
Je m'étonne moi-même de constater que malgré la douleur dans ma poitrine, je ne pleure pas. Ma voix ne tremble même pas.
— Pourquoi veux-tu encore de moi ? Tu es assez forte pour te protéger seule.
Je fronce les sourcils. Perdue. Il est sérieux ?
— Parce que je t'aime. Je te le répète tous les jours...
Il secoue la tête, interrompant mes explications.
— Tu m'aimais déjà avant. Je veux savoir ce qui a changé. Qu'est-ce qui t'es arrivée quand tu m'as quitté ?
Je suis obligée d'y réfléchir un moment pour lui répondre. Il me faut du temps pour analyser ce qui m'est arrivée, ce qui s'est passé au fond de moi pour que je trouve le courage de revenir vers lui. Il me faut bien plus de temps que les quelques secondes qu'il me laisse, pour réussir à comprendre ce qui a changé et le lui expliquer.
— J'aimerai avoir la réponse à cette question quand tu l'auras, il dit en se levant.
Il débarrasse la table. Je le regarde faire sans un mot, sans même bouger un muscle. Je suis sonnée. Par ce qu'il vient de dire et ce que je ressens. J'ai l'impression de ne pas me connaitre moi-même tout à coup. C'est comme si pendant que nous étions séparés, je suis devenue une autre personne que je n'ai pas encore pris le temps de rencontrer. J'ai l'impression qu'il y a un grand vide entre l'avant et l'après de notre séparation. Cette cassure est comme un brouillard confus dans mon souvenir. Je ne voulais pas analyser tout ça, je voulais juste me laisser porter par la vague, mais il m'a mise au pied du mur. Drew vient de me voler ma planche de surf et me laisse le choix de me noyer, ou de nager jusqu'à la rive.
Passant à côté de moi, il pose une main sur mon épaule et embrasse mes cheveux. Puis il s'en va vers sa chambre. Ou la salle de bain peut-être. Je ne sais pas trop. Je suis toujours dans un état second. Presque paralysée devant cette révélation. Je ne sais pas qui je suis devenue. Je sais que je suis plus forte, que j'ai enfin compris ce que je veux. Mais je n'ai pas compris ce que j'ai laissé en route, ce que j'ai abandonné de ma vie d'avant.
**
— Putain, qu'est-ce qu'il t'a fait ?
Je lève les yeux brusquement vers Kyle, planté devant moi.
— Oh, je ne t'ai pas entendu rentrer, je m'étonne.
Depuis ce matin, je suis plongée dans mes pensées. Drew est venu me tenir compagnie quelques heures, avant de me dire qu'il allait se reposer. Sans qu'il me le demande, je suis allée m'allonger avec lui, puis, une fois que j'étais certaine qu'il soit bien endormi, je suis retournée dans le salon. J'ai passé un petit moment allongée parterre, mais j'ai commencé à étrangement avoir le tournis, alors je me suis assise sur le canapé. Et je n'ai plus bougé. Ça ne doit pas faire très longtemps.
— Vous vous êtes disputés ?
Il n'a pas l'air très content. Il faut dire que depuis qu'il a dit qu'il est de mon côté, il ne m'a pas lâchée. Il s'éloigne quand Drew et moi avons une discussion sur notre relation, mais je sais qu'il écoute de loin, parce qu'une fois la discussion terminée, il arrive toujours à me croiser dans l'appartement pour m'adresser un regarde ou un sourire de soutien.
— Non.
— Ne me mens pas.
Je soupire, retenant mon amusement.
— Je ne mens pas, Kyle. C'est juste... il a mis le doigt sur quelque chose qui nécessite que j'y réfléchisse. Beaucoup.
Il lève un sourcil, puis passe une main dans ses cheveux tout en laissant tomber une enveloppe sur le comptoir.
— Drew !
Son cri me fait sursauter.
— Arrête ! Il dort ! je lui dis entre mes dents.
— Il dort toute la journée. Votre vie sexuelle doit être merdique en ce moment.
Je le foudroie du regard.
— Bien que ça ne te regarde pas, elle est tout simplement inexistante en ce moment.
— C'est pire que ce que je croyais, il réplique en posant ses mains sur ses joues.
Je lève les yeux au ciel et mon regard est attiré par une ombre qui approche dans le couloir. Drew se plante à quelques pas de nous, nous regardant un après l'autre dans l'attente de savoir pourquoi il a été réveillé aussi soudainement.
— Va faire l'amour à ta femme, lâche Kyle.
Ma mâchoire se décroche et le coussin qui était dans mes mains percute son visage en même temps que la main de Drew entre en collision avec l'arrière du crâne de Kyle. Ce dernier éclate de rire, sans tenir compte du regard furieux de son frère, ou du mien.
— Vous êtes trop drôles ! il s'exclame entre deux fou-rires.
— Tu n'as pas des devoirs à faire ? je demande entre mes dents.
— Je devrais te priver de sortie, ça t'apprendra à te mêler de ce qui ne te regarde pas, grogne Drew.
Kyle s'arrête d'un coup, reprenant son sérieux comme s'il ne venait pas de pleurer de rire.
— Pas possible, il affirme. Parce que ce soir, on sort.
Je lève un sourcil.
— On ?
Il hoche vigoureusement la tête.
— Toi, Drew, Sarah et moi.
— Et on peut savoir où ? demande Drew voulant croiser les bras avant de se rendre compte que c'est une mauvaise idée.
Je me demande si c'est normal que son épaule lui fasse encore aussi mal malgré les médicaments.
— Cinéma.
— Je ne suis pas d'humeur, je réponds en même temps que Drew fait une grimace.
En général, ça veut dire qu'il n'a pas très envie mais si je veux y aller il ne dira pas non.
— Je pense que ça te fera du bien. A vous deux même.
Nous restons silencieux, je sais que Drew me regarde en attendant que je décide, mais je persiste à regarder fixement le sol.
— Allez ! Juste un film.
— Tu n'étais pas déjà au cinéma samedi ?
Kyle m'adresse un regard voulant me demander ce que ça peut bien faire. Derrière lui, je vois Drew froncer les sourcils en récupérant l'enveloppe sur le comptoir.
— Il y avait deux films que nous voulions voir, donc on y retourne ce soir.
— Et pourquoi tu as besoin de nous ? insiste Drew.
Kyle soupire, puis lève les yeux au ciel.
— Je n'ai pas besoin de vous. Mais je pense qu'une sortie vous fera du bien.
J'ose un regard vers Drew. Je vois bien qu'il n'est pas contre, et qu'il proteste seulement parce que moi je semble ne pas vouloir y aller.
— Très bien, je cède. Allons-y, mais si le film est nul, tu nous payes les pizzas.
Kyle me sourit largement alors que je me lève pour aller me changer, mais Drew reste figé, sans réaction alors qu'il lit la feuille qu'il vient de sortir de l'enveloppe. Les sourcils légèrement froncés il lève les yeux vers Kyle.
— Qu'est-ce que c'est, lui demande son frère tout aussi soucieux maintenant.
— Ce sont les résultats. Pour le test.
Il n'a pas besoin d'en dire plus, Kyle tout comme moi, savons de quoi il parle. Sur cette feuille, ce simple bout de papier, se trouve la réponse à une question qu'ils n'auraient jamais penser se poser avant de revoir leur père.
— Qu'est-ce que ça dit ? demande Kyle d'une voix angoissée.
— Tu est définitivement mon frère, affirme Drew avec un léger sourire.
Je laisse échapper mon souffle, soulagée alors que ce test ne me concerne même pas. Et à ma plus grande surprise, Kyle prend Drew dans ses bras. Ils ne prononcent aucun mot, mais je vois le soulagement sur leurs visage et une petite étincelle de joie. Décidant qu'ils ont sans doute besoin d'un peu d'intimité fraternelle, je me dirige vers la chambre. Je croise le regarde de Drew en passant à côté de lui. Il est... étrange. Pas en colère, ni tout à fait heureux. Après tout, cela veut également dire qu'ils sont bien les fils de cet homme monstrueux. Je ne sais pas comment je me sentirais à leur place. Drew semble mon anxieux. Je n'avais pas réalisé qu'il était angoissé .
Je me faufile dans la chambre et change mon short et mon t-shirt trop large pour une jupe en jean et un top assez décolleté. Depuis que je connais Drew, depuis que nous sommes vraiment ensemble, j'aime mettre ce genre de choses, pour attirer son attention. Malheureusement, je n'ai pas emmené de talons, je dois me contenter de mes ballerines. Je devrais tendre le cou et monter sur la pointe des pieds pour l'embrasser, mais je ne sais même pas si cette éventualité est envisageable. Ses baisers et nos contacts me manquent. Drew entre au moment où je passe quelques coups de brosse dans mes cheveux. Il enfile son jean et galère un peu pour mettre son t-shirt.
— Tu veux que je t'aide ? je demande en m'approchant, attrapant déjà le vêtement pour l'aider à le passer.
Il me laisse faire d'un air renfrogné.
— Tu ne devrais pas aller mieux déjà ?
Il soupire et fait rouler son épaule avec une petite grimace.
— Non, c'est bien le problème. Je dois commencer des séances de kinésithérapie la semaine prochaine.
J'embrasse son épaule et passe mes bras autour de sa taille. Je m'en fiche s'il ne veut pas moi j'en ai besoin. Mon corps tout entier se réchauffe quand il enroule finalement ses bras autour de moi et embrasse mes cheveux.
— Comment tu te sens ?
— Au sujet du test ?
Je hoche la tête, ne pouvant pas la lever pour le regarder parce qu'il a posé son menton dessus.
— Je suis... soulagé, je crois.
— Tu vas transmettre l'information à Matthew ?
Je sens ses bras se refermer plus étroitement autour de moi.
— Non. Il peut penser ce qu'il veut. Et c'est à Kyle de prendre cette décision. Mais je pense qu'il se fiche de savoir que Matthew le considère comme son fils ou non. D'ailleurs, je pense qu'il préfère qu'il ne sache pas.
Hochant à nouveau la tête, je dépose un baiser sur son cœur, à travers le tissu de son t-shirt.
— Tu veux vraiment y aller ?
— Ouais, je réponds l'oreille collée à son cœur. Il a raison, ça nous fera du bien.
Il glisse ses doigts à la base de mes cheveux et tire doucement pour que je le regarde. Il a un air sombre, très sérieux.
— Je ne voulais pas te faire de mal tout à l'heure. J'ai juste besoin de savoir qui tu es maintenant.
— J'ai compris, je crois que j'ai besoin moi aussi de le comprendre. Je ne voulais pas me poser de questions là-dessus, je repoussais le moment.
Il prend mon visage entre ses mains et caresse mes pommettes de ses pouces.
— Ton regard a changé, il souffle.
Avant que je ne puisse lui demander comment, il s'approche et dépose un léger baiser sur chacune de mes paupières.
— Vous êtes prêts, crie Kyle depuis le salon. Ou alors vous avez suivi mon conseil et êtes sur le point de repeupler la planète ?
— La ferme ! crie Drew alors que je réponds : On arrive !
Nous éclatons de rire en entendant Kyle se marrer. Le regard de Drew plongé dans le mien devient soudain plus ardent, je m'attends à ce qu'il m'embrasse, parce que j'en crève d'envie, mais ses lèvres ne s'approchent que de ma joue. Elles s'y attardent, caresse ma peau et il inspire profondément avant de se reculer à nouveau. Les chose ne sont pas encore au point, mais on avance.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top