Hockey
Nous arrivons dans le parking du complexe sportif où a lieu le match de hockey. Kyle s'est évertué à m'expliquer les règles, mais je ne l'écoutais que d'une oreille. Grace à nos Pass, nous entrons dans le parking sous-terrain et sommes accueillis par une hôtesse qui a plus sa place dans un avion que dans un parking.
— Bienvenue, puis-je voir vos Pass ?
Kyle brandit fièrement les billets par la fenêtre arrière de la voiture. L'hôtesse les regarde un après l'autre puis hoche la tête. La barrière s'ouvre.
— Garez-vous au fond, un agent vous attend.
J'adresse un regard amusé à Drew qui secoue légèrement la tête avant de redémarrer.
Comme nous l'a dit l'hôtesse, un homme en costume noir nous attend près d'une porte. Il nous fait un petit signe de la main et porte son téléphone à son oreille. Kyle est le plus enjoué de nous quatre. Il bondit de la voiture en emportant Sarah, la traînant derrière lui. Je n'ai pas été étonnée qu'il lui demande de venir, les voir ensemble m'amuse.
— S'il ne sort pas avec elle, au moins il aura sa main en souvenir à force de tirer dessus, je marmonne.
Drew prend la mienne et fait semblant d'agir de la même façon. Je le rattrape et saute sur son dos, mes jambes autour de ses hanches et mes bras autour de son cou, m'attirant un regard douteux de monsieur l'agent. Avec ses cheveux châtains parfaitement coiffés à l'aide d'une tonne de gel et son faux air d'homme d'affaire, il est plutôt comique. Drew me laisse redescendre quand nous arrivons près de lui.
— Bonjour, je suis Benjamin G. C'est mon agence qui a organisé le jeu, je vais vous accompagner jusqu'au début du match. Vous êtes pile à l'heure pour la rencontre avec les joueurs, il ajoute avec un clin d'oeil.
Drew passe son bras autour de moi et colle ses lèvres à ma tempe.
— On le sème ? il propose tout bas.
Je glousse et le bouscule. J'ai l'impression d'être redevenue une écolière.
— Je n'ai pas envie d'avoir des problèmes tout de suite.
Kyle et Sarah passent devant nous, suivant Benjamin. Kyle regarde tout autour de lui dans le couloir où des photos de toutes les équipes, qui ont un jour gagné un prix dans ce stade, sont accrochées. Je n'en reconnais aucune, je ne suis pas vraiment fan de hockey, on l'aura compris. Je ralentis le pas, laissant de l'avance à Kyle, Sarah et Benjamin pour qu'ils ne nous entendent pas.
— Drew?
Il baisse un regard taquin vers moi.
— Tu as changé d'avis? il me demande avec un sourire lubrique.
Je retiens sa main comme il essaye de nous emmener dans un autre couloir et il soupire.
— Non, je n'ai pas changé d'avis. J'ai une question. La photo de Kyle, au match des Red Wings, qui l'a prise?
Il fronce légèrement les sourcils.
— Moi. C'est moi qui l'ai emmené à ce match. Pourquoi?
Je hausse les épaules, ne voulant pas ramener ce sujet sur le tapis.
— Tu te demandais si c'était Matthew?
Je hoche la tête en me mordant nerveusement la lèvre. Son visage ne dégage plus aucune joie et son regard s'est assombris. Quelle gourde je fais.
— Je te l'ai dit, il nous ignorait ou nous insultait, il n'aurait jamais fait un seul petit effort pour nous.
— Je suis désolée, je n'aurais pas dû en parler.
Avec un petit soupir, Drew passe un bras autour de mes épaules et me ramène contre lui. Il dépose un baiser sur ma tempe et inspire profondément.
— Ne t'excuse jamais pour lui. Tu as le droit de te poser des questions.
Nous passons plusieurs portes avant que Benjamin ne s'arrête.
— Je vais voir s'ils sont prêts, attendez ici.
Il entre et nous laisse seul dans le couloir.
— Il nous tend une perche, là, quand même, insiste Drew.
Il a retrouvé sa légèreté. Je commence à rougir alors que sa main descend vers mes fesses.
— Nous n'aurons même pas le temps de passer aux choses sérieuses qu'ils nous auront retrouvés. Oublie. Je ne vais pas faire ça.
Drew fait la moue et me sort même les yeux de chien battu.
— Ça va être amusant, tu verras.
Je plisse les yeux, d'un air menaçant.
— Tu l'as déjà fait ?
Il a l'air d'y réfléchir. Je sais qu'il a eu beaucoup plus d'expérience que moi mais je ne peux pas empêcher ce léger sentiment de jalousie de pointer le bout de son nez.
— Tu ne t'en souviens même pas ? je m'exclame.
— J'essayais juste de me rappeler combien de fois je l'ai fait, il réplique très sérieusement.
Ma mâchoire se décroche et la jalousie devient mon ennemi. Drew se met à rire.
— Je plaisante, mon cœur.
Il pose ses mains sur mes épaules et me rapproche de lui.
— Je ne l'ai jamais fait, il chuchote à mon oreille.
Je le regarde d'un air douteux, toujours crispée. Je ne le crois pas. Il couvre mon visage de baisers jusqu'à ce que je me mette à glousser.
— Rien de ce que j'ai fais avant ne compte, ok?
— Ce n'est pas très rassurant, je marmonne contre son torse parce qu'il refuse de me lâcher.
— Et si je te promet de te faire crier mon nom toute la nuit, tu oublierais ça?
Je hausse une épaule et lève le visage pour déposer un baiser sur son menton. Il ne s'est pas rasé, ça pique un peu, mais j'aime bien.
— C'est bon, nous pouvons y aller, annonce Benjamin en revenant dans le couloir.
Drew se décide enfin à me lâcher. Nous entrons dans une sorte de salon sans fenêtres. Il y a deux petits canapés, une table basse, et des joueurs de hockey. Partout! Certains sont plus grand et large que Drew, j'ai l'impression que je risque de me faire aplatir contre un mur à tout moment. Je me souviens de la violence avec laquelle certains joueurs percutaient les vitres autour de la patinoire durant le match, j'étais ravie de ne pas être juste derrière. J'ai fait quelques recherches avant de venir, histoire de ne pas être totalement perdue, j'arrive donc à retrouver quelques noms. Mais je laisse le rôle du fan incontesté à Kyle. Il est comme un poisson dans l'eau. Et durant le quart d'heure qui nous est accordé pour discuter avec les joueurs, prendre des photos et avoir des autographes, j'ai eu l'impression que Kyle vivait la plus belle journée de sa vie. Drew, Sarah et moi sommes restés un peu plus en retrait, mais nous en avons tout de même profité, surtout lors des séances photos.
— T'as fini de bouder ?
Drew m'adresse un regard de travers et se tourne à nouveau vers le match qui vient de débuter sur la glace. Je n'y crois pas, juste parce que j'ai voulu faire une photo toute seule avec les joueurs et que j'ai eu droit à un câlin du capitaine des Red Wings, il me fait la gueule comme un enfant. Il n'a rien dit quand son frère a passé dix minutes à discuter avec Henrik Zetterberg.
Je me penche en avant pour m'adresser à Sarah qui n'a pas quittée le bras de Kyle.
— J'ai faim, tu veux quelque chose ?
Elle me montre la portion de frites qu'elle partage avec Kyle.
— J'ai ce qu'il me faut, merci.
Je me lève pour aller me servir, mais la grande main de Drew se pose sur mon bras.
— J'y vais, il grogne.
Je dégage mon bras, mais lui adresse un large sourire.
— Non, merci. La mauvaise humeur, ce n'est pas ma sauce préférée.
Il retire sa main en levant les yeux au ciel. Espérons qu'il sera de meilleure humeur quand je reviendrai. Je m'aventure jusqu'au stand plus loin et fais la queue. J'en ai pour quinze bonnes minutes. Quand je reviens m'asseoir, Drew prend mon hot-dog et mes frites le temps que je m'installe.
— Encore fâché ?
Il hausse les épaules et me rend le tout en piquant une frite.
— Ça va mieux, il dit en prenant une autre frite.
— Et si je te donne la portion entière ?
J'agite la barquette en plastique sous son nez. Le léger sourire qui pointe sur ses lèvres est adorable.
— Je pourrai envisager de te pardonner.
J'attrape son menton et lui donne un baiser assez bref pour ne pas nous enflammer, mais assez long pour le détendre.
— Là, ça va mieux. Mais je veux quand même les frites, il dit contre mes lèvres.
Je ris et lui donne ce qu'il veut au moment où l'un des joueurs est propulsé contre la vitre juste devant nous. Je sursaute, manquant de renverser toutes les frites alors que Drew est mort de rire. Kyle se met à hurler de l'autre côté en agitant son poing en l'air et soudain tout le monde acclame le joueur qui vient de marquer. Drew engloutit quelques frites en me souriant si joyeusement que je me demande s'il n'apprécie pas ce jour autant que son frère. Bon peut-être un peu moins, parce que pour l'apprécier autant que Kyle, il faut être un fan inconditionnel. Je me penche vers Drew pour lui voler un autre baiser et comme si nous étions sur son canapé, ou le mien, il tire mes jambes pour les poser sur les siennes. Ce n'est pas très pratique pour regarder le match, mais je ne proteste pas. C'est tellement agréable de se sentir désirée. J'étais parfaitement bien quand j'étais célibataire, mais aujourd'hui, avec lui, je me sens presque entière. Des morceaux de moi se sont effacés quand mes parents m'ont quittée, l'un après l'autre. Avec Drew, j'ai parfois l'impression qu'il m'apporte des petits morceaux d'amour pour recoller mon cœur. C'est plus qu'agréable.
Pendant le match, je nous revois mon père et moi, acclamant notre équipe à chaque point gagné. C'est une des rares occasions où je peux penser à lui sans m'effondrer. C'est toujours difficile de penser à lui, mais ça l'est un peu moins quand je suis avec Drew.
— Tout va bien?
Je lève les yeux vers Drew en agitant la tête.
— Tu pensais à ton père?
— Comment tu fais pour savoir ça?
— Tu avais l'air à la fois triste et heureuse. Ce n'était pas compliqué à deviner.
Il me tend sa bière pour que je puisse en boire une gorgé alors qu'il picore mes frites sans me lâcher du regard, me laissant les plus cuites parce qu'il sait que je les préfère.
— Tu es un romantique derrière tes airs de méchant flic.
Il m'adresse un clin d'oeil et se concentre à nouveau sur le match. Les Red Wings viennent de marquer à nouveau, mais Drew ne se lève pas comme Kyle et Sarah pour les acclamer. Il tend juste son poing en l'air et me donne un baiser. Je crois qu'il en a fait un jeu. A chaque point des Red Wings, ses lèvres retrouvent les miennes.
— J'aurais droit à quoi s'ils gagnent ? je lui demande avec malice.
Il fait danser ses sourcils.
— Une nuit de folie, il chuchote.
Nous avons préféré ne pas rester l'un chez l'autre durant le reste de la semaine pour éviter de reproduire notre nouvelle première nuit ensemble. Ou plutôt notre première nuit officielle ? Peu importe. Il est juste plus prudent de l'éviter en semaine parce que nous avons, tous les deux, besoin de dormir pour travailler. Mais demain, aucun de nous ne travaille. Rien ne nous en empêche cette nuit. Et j'ai hâte.
— Peut-on admettre qu'ils ont gagné et rentrer tout de suite ?
Il grogne mais secoue la tête.
— Tu es une petite diablesse.
Je hausse les épaules et mord dans un gros morceau du donut que Kyle lui a ramené. Drew me donne une claque sur la cuisse en éloignant son donut et essaye de se concentrer sur le match.
— Tess, je peux officiellement dire que tu es géniale, déclare Kyle alors que nous sortons du complexe sportif.
Je me retourne sur mon siège pour taper dans la main qu'il me tend.
— Ça me fait très plaisir de l'entendre.
— Merci de m'avoir invitée, ajoute Sarah de sa petite voix.
— C'est Kyle que tu dois remercier. Je lui ai dit d'inviter qui il veut.
— Oh, il a... tu n'as pas... c'est lui qui...
Je fixe les deux adolescents à l'arrière de la voiture. Kyle cache son visage derrière une main et Sarah s'enfonce dans son siège.
— J'ai comme l'impression que tu viens de merder, ma puce, marmonne Drew.
J'en ai bien l'impression aussi, mais ce n'est pas de ma faute ! Il fallait me prévenir.
— Hum... merci, Kyle, bredouille Sarah sans oser le regarder.
J'ai envie d'éclater de rire.
— Oh, regardez, il y a une patinoire, intervient Drew en changeant de direction sans attendre. De quoi briser la glace.
Mon regard se braque sur Drew, plus aussi certaine que ce soit bien lui à côté de moi. Il rit à sa propre blague.
— Quoi ?
— Ce n'était pas drôle.
— Mais si, vous avez trouvé ça drôle, non ? il demande au rétroviseur pour s'adresser aux passagers.
— Non, affirme Kyle en secouant la tête.
— Pas vraiment, dit en même temps Sarah en haussant les épaules l'air de s'excuser.
Je me mords la lèvre pour ne pas éclater de rire face au visage renfrogner de Drew.
— Vous êtes un mauvais public, c'est tout, il marmonne en fixant son regard frustré sur la route.
Nous arrivons sur le parking et Drew s'approche des portes pour consulter les horaires.
— La fermeture est dans une demi-heure. Vous l'avez cherché, il ajoute en reproche.
— Tu veux dire que si nous avions ris à ta blague pas du tout drôle, les horaires auraient miraculeusement changé ?
Drew fait demi-tour pour retrouver notre chemin vers l'appartement.
— Exactement. C'est totalement de votre faute.
— Il est toujours aussi rancunier ?
Kyle hoche la tête avec fatalité.
— Il est juste à côté, intervient Drew en tapotant ma cuisse.
Je commence à rire et il remonte sa main.
— Hé !
J'attrape son poignet pour le retenir. Il est malade ? Avec les jeunes derrière nous ?
— Et il a très envie de rentrer maintenant, il ajoute d'une voix rauque en caressant ma cuisse du bout des doigts.
J'entrelace ses doigts avec les miens et embrasse le dos de sa main.
— Elle a aussi très envie de rentrer.
Sarah se racle discrètement le gorge derrière moi, me rappelant leur présence.
— Vous n'êtes pas seuls, là devant, ronchonne Kyle.
— C'est bien dommage, marmonne Drew en s'arrêtant devant une belle et grande maison victorienne.
Kyle ne devait que raccompagner Sarah jusqu'à sa porte, mais il parle avec elle depuis maintenant cinq bonne minutes. De quoi agacer Drew qui a visiblement très envie de rentrer et tenir ses promesses.
— Je vais aller le chercher par le caleçon s'il ne vient pas dans trente secondes.
— Comprends-les, ils sont jeunes et amoureux. Tu devais sans doute être aussi gauche que lui à son âge.
— Non.
Je lève un sourcil à son intention alors qu'il se tourne pour voir ma réaction.
— Je n'en crois pas un mot.
— J'étais le roi du lycée. Les filles me mangeaient dans la main.
Ma mâchoire se décroche et mes yeux sortent de leurs orbites.
— Quoi ?
— Tu devrais être ravie que je m'intéresse à toi.
J'ai l'impression de me prendre une gifle. Qu'est-ce qui lui prend ? Furieuse et légèrement humiliée, j'arrache ma main de la sienne. J'ai presque envie de sortir de la voiture pour rentrer chez moi par mes propres moyens. Mais pour qui il se prend ?
L'expression de son visage change soudain. Il a l'air affolé.
— Non, Bébé, c'était une blague.
Les sourcils froncés, je me recule contre la portière.
— Je t'assure, c'était pour rire. D'accord, je suis vraiment nul pour faire des blagues.
— Et bien la prochaine fois, évite d'être aussi convaincant, j'en rirais peut-être.
Il glousse.
— Désolé. Je ne voulais pas te vexer. J'étais effectivement bien entouré au lycée, mais pour le reste je ne le pensais pas. Les filles ne me mangeaient pas dans la main et tu n'as pas à te sentir honorée que je m'intéresse à toi. Mais si tu l'es, je ne te demande pas de changer d'avis.
— Tu n'es vraiment pas très drôle. Je devrais reconsidérer cette relation, je plaisante en agitant un doigt entre nous.
Il a un rire nerveux, la main crispée sur mon poignet.
— Tu blague là, hein ?
Je lève les yeux au ciel juste au moment où Kyle revient dans la voiture.
— Oui, c'était une blague.
— Je vois que vous êtes aussi nul l'un que l'autre. Vous vous êtes bien trouvés. On peut rentrer maintenant ?
Nous nous retournons en même temps :
— La ferme, Kyle.
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