Culpabilité
Depuis cette discussion au mariage d'Elise, nous n'en avons pas reparlé. Les choses ont simplement repris leur cours, comme avant, mais je vois bien que Drew y met moins de cœur. Il me regarde tout le temps comme si j'étais une bombe à retardement, prête à lui exploser entre ses mains. Je le ressens aussi. Cette angoisse qui me tient à la gorge m'empêche d'avancer, de profiter des moments que nous partageons. Cette situation devient progressivement insupportable. Entre ça et les derniers préparatifs pour le mariage de Jules et Sophia, je deviens de plus en plus tendue, sensible, je m'énerve facilement. Je deviens dingue.
— Oh non, gémit Sophia devant le plan de table que nous avons mis deux semaines à organiser.
Pourtant, il n'y a que soixante-dix personnes pour le dîner.
— Ne me dit pas qu'il y a encore un problème, je grogne en m'approchant de sa chaise.
Elle regarde son téléphone portable, fait défiler quelques messages, puis soupire.
— Il faut réorganiser les tables, elle répond dans une plainte.
Je m'affale sur la chaise à côté d'elle et regarde ma montre. Je dois rentrer chez Drew ce soir. Nous sommes mardi, je ne travaille pas demain, alors c'est le soir où je dors chez lui. Evidemment, il voudrait que je dorme avec lui tous les soirs, et parfois je me laisse séduire par cette idée. Mais ensuite je songe aux détails, comme d'habiter ensemble, d'avoir toutes mes affaires mélangées aux siennes, de partager entièrement sa vie. De le laisser totalement entrer dans le mienne. De lui permettre de me détruire en un battement de cils s'il le veut. Et c'est à ce moment-là que je me dis que je ne suis pas encore suicidaire et que je préfère me murer derrière le déni plutôt que d'affronter la vie. J'en ai marre qu'elle me prenne tout ce que j'ai, je ne vais pas lui laisser une chance de me prendre quelque chose d'autre. Alors je ne m'accroche à rien d'autre.
— Si tu as quelque chose de prévu, je peux essayer de gérer ça toute seule, elle me dit sans y croire une seconde.
— Ne t'inquiète pas. Je n'ai rien de spécial à faire.
— A part retrouver ton mari, elle me lance avec un clin d'œil.
Je balaye sa remarque de la main et me penche sur le plan.
— Explique-moi ce qui ne va pas.
Elle pointe un nom sur l'une des tables rondes. Seule la table d'honneur est rectangulaire, celle où j'ai ma place à côté de Sophia alors que Drew est à côté de Jules. Pour des raisons de simplification de l'organisation, je n'ai pas protesté. Je peux bien ne pas être assise à côté de lui pendant une soirée. La santé mentale et physique de quelques membres de la famille de Sophia en dépend.
— Malcolm est en couple avec Olivia, elle commence en pointant deux noms l'un à côté de l'autre. Et ici tu as Porchia, elle indique un nom sur la table voisine. Je viens d'apprendre qu'elle a essayé de piquer Malcolm.
— Jusque-là je te suis. Il suffirait d'inverser la table avec une autre plus éloignée.
— Sauf qu'elle a couché avec lui, lui et lui, elle réplique en indiquant trois autres tables.
Sur les sept tables au total, ça ne laisse pas beaucoup de choix.
— Mais ces deux-là ne sont pas des oncles de Jules ? je m'étonne en indiquant deux des types qu'elle vient de nommer.
— Elle est très attirée par l'argent, me répond Sophia comme si cela expliquait tout.
— Ils pourraient être son père !
— Plus c'est vieux, plus vite ça meurt, marmonne Sophia en fixant le plan.
Je fais une grimace de dégoût, choquée par ses propos. Sophia relève les yeux vers moi et hausse les épaules.
— Ce sont ses paroles, pas les miens, elle se défend.
— Tu devrais changer de cousine, je lui conseil.
Elle rit et soupire.
— Si seulement je pouvais ne pas l'inviter.
Je lui tapote le bras pour la réconforter et me penche sur le problème.
— Ça ne laisse que cette table-là, et là, je dis en pointant les restantes en dehors de la table d'honneur.
Je commence à ressentir la fatigue et surtout un gros mal de tête. Sophia agite ses lèvres tout en réfléchissant et se tapote le menton du doigt.
— Je crois qu'elle n'a pas eu de problème avec les gens à cette table, elle indique en fronçant les sourcils. Il faut que je vérifie.
— Ou que tu lui dises que le mariage est annulé, je réplique pour moi-même bien que je sache qu'elle m'ait entendu.
— J'aurais dû faire comme toi, un mariage intimiste à Vegas.
— Alors évite l'alcool, je marmonne. Ça te bousille la mémoire.
Elle relève les yeux vers moi, l'air désolé.
— Tu ne te souviens toujours pas ?
Je hausse les épaules.
— J'ai parfois quelques flashs, mais rien de très clair.
— Et Drew ?
Je commence à changer les noms de place sur le plan pour donner moins d'importance à cette conversation.
— Oh, il se souviens de beaucoup de chose, à vrai dire, je crois qu'il se souvient de tout. Mais je ne lui ai pas demandé de me raconter.
— Mmm, mmm.
Sophia se joint à moi pour changer le plan.
— Quoi ?
Elle secoue la tête.
— Tu sais déjà ce que je pense de tout ça. Je ne vais pas en rajouter.
J'apprécie qu'elle garde ses commentaires pour elle pour une fois. Mais je la sens qui fulmine à côté de moi.
Nous terminons nos modifications et je retourne à mes petites étiquettes de prénoms que nous poserons sur les tables. Après une dizaine de minutes à entendre Sophia tapoter de son talon sur le sol et la voir se ronger un ongle, j'en conclu qu'elle a besoin d'une délivrance.
— Vas-y, qu'est-ce que tu veux me dire, je soupire.
Elle se tourne vers moi avec soulagement.
— Je pense que si tu ne te souviens de rien, c'est parce que tu ne veux pas t'en souvenir. Tu ne veux pas admettre que tu étais heureuse de le faire.
— J'étais ivre, je proteste.
— Et alors ? Ce n'est pas ça qui t'as poussé à le faire. Personne ne t'a poussé à le faire. Tu l'as décidé toi-même et crois-moi tu en étais vraiment heureuse. Nous avons tous retrouvé les souvenirs de cette nuit, pourquoi serais-tu la seule à ne pas t'en rappeler ?
Ai-je déjà dit que je n'aime pas quand elle a raison ? Eh bien je le redis. Je n'aime vraiment pas quand elle a raison !
— Tu dois accepter d'être heureuse, Tess. Personne ne va te faire de mal parce que tu es heureuse.
Je détourne le regard. Elle vise toujours en plein dans le mile. C'est énervant et ça fait mal.
Nous restons silencieuses près d'une demi-heure avant que nous ne décidions qu'il est temps d'arrêter pour aujourd'hui.
— On a bien avancé, déclare Sophia avec enthousiasme.
Mais j'ai comme l'impression qu'elle ne parle pas seulement des préparatifs. Elle m'accompagne jusqu'à la porte et me prend dans ses bras.
— Réfléchis à ce que je t'ai dit, elle me confit avant de me relâcher.
Je ne lui réponds pas, parce qu'elle sait que j'y réfléchis depuis qu'elle a prononcé les mots.
Et je continue en rentrant chez Drew. Sur la route, je ne pense qu'à ça. Je dois accepter d'être heureuse. Je dois me forcer à être heureuse. Pourquoi ai-je aussi peur d'être heureuse ? La réponse est aussi simple que compliquée. A chaque fois que j'ai été heureuse, quelque chose est venu gâcher ma vie. La mort, principalement.
Je m'arrête au feu rouge devant le cinéma et repense à la dernière fois que nous sommes venus voir un film. J'étais bien dans ses bras alors que nous faisions la queue devant la caisse. J'ai faillis m'étouffer avec mes popcorns quand il m'a fait rire. Un sourire s'immisce sur mon visage à ce souvenir. Je dois accepter qu'il me rend heureuse.
Prenant une grande inspiration, je redémarre et roule tout droit vers son appartement. Il est près de onze heure du soir, il n'y a plus personne sur la route, j'arrive donc rapidement à destination. Je monte les escaliers tranquillement en me demandant si je pourrais me faire à l'idée de rentrer tous les jours pour lui. Pour le trouver lui. Cette idée réveille les papillons et un soupçon d'angoisse. Une angoisse qui augmente en même temps que je monte les marches. Alors je décide d'ignorer tout ça pour ce soir.
J'entre dans l'appartement plongé dans le noir. Seul la lumière de la rue éclaire le salon, me permettant de voir Boomer lever le museau, me regarder et juger qu'il n'est pas nécessaire de venir me saluer. Je retire mes bottines et me faufile à pas de loup jusqu'à la chambre de Drew. Il est allongé sur le dos, une main posée sur son ventre alors que l'autre serre mon coussin devant son visage. L'une de ses jambes est repliée, l'autre tendue atteint presque le bout du lit. Il ne porte rien d'autre qu'un boxer et les couvertures sont repoussées de mon côté.
Mon côté du lit.
C'est presque drôle de dire ça sachant que je me retrouve souvent sur lui. Il faut dire qu'il est bien plus confortable et réconfortant que mon oreiller. La lumière de la lune dessine son corps comme le pinceau d'un artiste. Sa peau douce légèrement dorée, les mouvements lents et discrets de sa poitrine quand il respire, le léger mouvement de ses muscles quand il resserre le coussin contre son visage. Le bas de mon ventre se contracte dans l'attente de le rejoindre et tout en me déshabillant, j'essaye de retrouver l'état d'esprit que j'avais quand tout allait bien. Complètement nue, je m'approche de l'armoire et enfile discrètement un de ses t-shirts avant de m'approcher du lit et y grimpe doucement. Tout en déposant un baiser sur son épaule, je fais glisser ma main sur son torse. Il soupire dans son sommeil et gigote légèrement, ramenant mon coussin plus près encore de son visage. Ma main continue son chemin jusqu'au bas de son ventre, suivant le V qui mène tout droit vers l'élastique de son boxer. Tout en embrassant son cou, je laisse ma main se promener, sentant son membre se réveiller sous ma paume.
Drew se met à grogner doucement et je sais qu'il commence à se réveiller. Alors sans le brusquer, je m'agenouille à côté de lui et baisse son boxer assez bas pour le prendre dans ma bouche. Les grognements se font plus forts alors que son membre se réveille totalement entre mes lèvres.
— Tess, il murmure comme une plainte alors que ses hanches se mettent à se mouvoir.
Levant les yeux, je vois que les siens sont toujours fermés. Même quand il dort, il m'aime. Il ne désir que moi et cette pensé m'effraye. Je perds soudain le rythme. Haletant, Drew ouvre à demi les paupières et je détourne vivement les yeux. J'essaye de me focaliser à nouveau sur ce que je faisais. Je veux lui procurer du plaisir. Je veux qu'il soit tellement emporté qu'il ne remarque pas que je suis troublée.
Une de ses mains plonge dans mes cheveux alors qu'il se met à gémir. Je m'efforce de faire toutes ses petites choses qu'il aime, utilisant tous les petits détails qui le font perdre le contrôle rapidement.
— Oh... Tess...
Je vais plus vite, je le caresse de la façon qui le fait habituellement supplier pour une délivrance. Ses hanches se soulèvent à la rencontre de ma bouche. Je joue avec ma langue pour l'amener plus vite au point culminant. Il gémit de plus en plus. Ses doigts se crispent dans mes cheveux.
Il est tout près. Je l'aime et le caresse et soudain il explose, criant mon nom dans un halètement de jouissance intense. Son corps tremble, sa poigne est presque douloureuse dans mes cheveux, il répète mon nom, le cou tendu alors que je l'accompagne jusqu'au bout.
Son corps se relâche enfin, retombant mollement sur le lit. Il respire fort, un bras sur les yeux. Je me redresse tout en cachant mon malaise. Je ne regrette pas de lui avoir fait ça, de lui avoir donné autant de plaisir. Il le mérite. Il le mérite tellement. Et tellement plus. Ignorant mon propre désir, je m'allonge à côté de lui, soulagée qu'il ne me regarde toujours pas. Sa main cherche aveuglément la mienne et entremêle nos doigts. Quand enfin il a retrouvé sa respiration et qu'il retire son bras de son visage, je ferme les yeux, prétendant m'endormir. Je le sens se redresser et se pencher vers moi.
— C'est mon tour ? il demande plus pour la forme parce qu'il s'apprête clairement à me donner du plaisir.
Sa main se balade sur mes hanches alors que ses lèvres embrassent mon cou.
— Tu n'es pas obligé, je lui réponds d'une voix faible et minable, sans ouvrir les yeux.
Sa main s'est déjà glissée entre mes cuisses alors que ses lèvres se figent dans mon cou.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es trempée, ma puce.
Il se redresse, mais je n'ouvre toujours pas les yeux.
— Quelque chose ne va pas ? Je t'ai fait mal ?
Comment aurait-il pu me faire mal ?
J'ouvre les yeux, les sourcils froncés. Au moins ça remarque me permet de ne pas avoir l'air aussi minable que je le suis.
— Non, mais tu travailles demain, tu devrais te reposer.
Scrutant mon visage, il fait lentement glisser ses doigts entre mes cuisses. Je soupire doucement.
— Quand t'ai-je déjà laissée aussi excitée sans te satisfaire ?
Ses doigts sont tellement lents et passent juste là où il faut. Je me mords les lèvres et ferme les yeux. Je ne peux pas le regarder plus longtemps me donner du plaisir alors que je ne le mérite pas. Je persuade mon corps de ne pas répondre, mais il semble avoir sa propre force de volonté et se laisse embobiner par les caresses expertes de Drew. Il remonte mon t-shirt et prend l'un de mes seins dans sa bouche, jouant divinement de sa langue.
— Montre-moi que tu aimes ça, il murmure avant de s'attaquer à l'autre.
Je pose mes mains sur lui avec retenu. Je me sens tellement coupable. J'ai l'impression de profiter de lui.
Ses lèvres descendent sur mon ventre, sa langue dessine des cercles autour de mon nombril avant de l'embrasser, m'obligeant à gémir. Mes muscles se relâchent progressivement. Contre ma volonté. Sa bouche descend encore plus bas et cette fois il me dévore. Sans retenue, il s'attaque à mon plaisir sans me laisser la moindre chance. Je suis désarmée, sans défense, à sa merci. Mon esprit ne veut pas se soumettre mais mon corps à déjà rendu les armes. Drew m'aime avec sa bouche, avec ses doigts, avec ses mots. Je suis emportée par les flots avant de comprendre que j'ai quitté la rive. Je n'ai d'autres choix que le laisser prendre possession de mon corps, de mon plaisir et m'abandonner à ses désirs.
La jouissance me délivre de la tension dans mon corps, mais pas celle de mon esprit. Je gis, sans force aucune dans son lit, le souffle court, le corps soulagé. Dans l'obscurité, Drew se relève et vient s'allonger à côté de moi. Il ne dit rien, mais je suis persuadée qu'il a remarqué que je ne vais pas bien. M'attirant à lui, il me tient fermement dans ses bras et embrasse mes cheveux. La tête posée sur son torse, une jambe passée sur les siennes, il a un bras derrière mes épaules et une main sur mes fesses. Nous sommes tous les deux nus dans son lit. Il tire les couvertures et pendant l'heure qui suit, j'essaye de me détendre, alors que lui s'est endormi en quelques minutes.
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