A tes ordres
Voilà plus de deux semaines que je flirt avec mon mari. Cette phrase est pour le moins amusante. Et la situation également. Il m'a invitée à dîner dans un restaurant chic de la ville, nous sommes allés au cinéma, je l'ai invité à un match de hockey amateur avec Kyle et nous sommes sortis nous promener plusieurs fois. Tout était parfait. Chacun chez soi, bon j'avoue que j'ai dormi une ou deux fois chez lui et qu'il a dormis trois ou quatre fois chez moi, mais pour l'essentiel nous passons nos nuits chez nous. Kyle nous trouve ridicules, Sophia m'a menacée d'annuler son mariage si je ne me décidais pas à emménager avec Drew, comme si elle en était capable. Et Elise et Stuart nous ont invités pour un dîner chez eux. Le genre de dîner où vous êtes invités en tant que couple, chez votre amie qui est en couple. J'ai un peu angoissé.
Tout se passe donc très bien, du moment que Drew n'évoque pas le fait d'habiter ensemble, de s'acheter peut-être une maison, d'avoir des enfants, ou juste que j'admette que je suis sa femme. Il a beau le dire un tas de fois, moi je ne l'ai encore dit à personne. Les gens savent que nous sommes mariés, nos connaissances nous harcèlent pour que nous organisions une fête ou un deuxième mariage avec nos amis. Mais même si je me répète tous les jours que Drew est mon mari, je ne l'ai jamais dit à voix haute, tout comme je n'ai jamais dit que je suis sa femme.
Je suis allée le voir une fois au commissariat. Je voulais lui apporter du gâteau que j'avais préparé l'après-midi, pour lui et Palmer, durant leur poste de nuit. A l'accueil, quand j'ai demandé à le voir et que l'officier m'a demandé qui je suis, j'ai répondu « nous sommes ensembles ». Il s'est alors levé d'un bond et m'a tendu la main en s'exclamant « Oh ! Vous êtes sa femme ! Fallait le dire tout de suite ! ». Je me suis sentie nulle. Je ne suis même pas capable de dire que je suis sa femme. C'est stupide.
Je le sais, il le sait, tout le monde le sait ! Mais je n'y arrive pas. Parce que avouer à voix haute que je suis sa femme, me fait peur. Ça voudra dire que je suis vraiment liée à lui, qu'il est vraiment tout ce que j'ai, et surtout que je ne supporterais jamais de le perdre. Je n'y survivrais pas. En restant dans le déni, je pense que j'aurais une petite chance de survivre. De ne pas m'attacher assez pour en souffrir. Si mon cerveau persuade mon cœur qu'il est toujours dans ma poitrine et qu'il ne bat pas dans la sienne, alors je pourrais survivre. S'il ne lui montre pas à quel point il a besoin de lui pour battre, alors il pourra battre seul. Si je n'avoue pas que je l'aime au point de mourir pour lui, alors mon cœur ne s'arrêtera pas si le sien défaille.
— A quoi tu penses comme ça ?
Je bats des cils et me focalise sur Sophia. Debout devant la couturière, dans la robe émeraude qu'Elise a choisi pour ses demoiselles d'honneur, c'est-à-dire nous et les filles présente à Vegas, elle illumine la pièce.
— Je me disais que cette couleur n'est pas super sur moi, je mens.
Enfin je le pense vraiment, mais ce n'est pas à cela que je pensais à l'instant.
— Ne raconte pas de bêtises, tu es superbe, intervient Bethany.
Comme elle tient le rôle de demoiselle d'honneur et de témoin, elle arbore une robe légèrement différente des nôtres. Alors que celles que nous portons sont entièrement vertes, soulignées par un ruban juste sous la poitrine, me faisant gagner deux tailles de sein à l'œil, et s'arrêtant aux genoux, celle de Bethany est blanche au niveau de la poitrine et la jupe verte s'arrête aux genoux à l'avant et aux pieds à l'arrière.
— Elle sait très bien qu'elle dit n'importe quoi, parce que ce n'est pas à ça qu'elle pensait, intervient Sophia.
— Je pense à beaucoup de choses, je réplique.
La couturière se redresse et me sourit.
— Qu'en pensez-vous ?
Elle s'écarte pour que je puisse me voir dans le miroir.
— C'est... beau.
— L'expression sur son visage, précise Sophia à la couturière, ça veut dire qu'elle est super contente.
Je lève les yeux au ciel.
— C'est parfait, je réponds à la couturière qui me sourit en retour.
Sans attendre son ordre, je descends de la marche et vais me changer dans la cabine. Quand je ressors, je m'affale sur le canapé pour les observer.
— J'aimerais que ce soit un peu plus serré là, demande Sophia en plaçant ses mains sous sa poitrine.
La couturière s'exécute, c'est la troisième fois qu'elle retouche le même endroit, toujours avec le sourire.
— Alors, les filles, comment se passe votre vie de femme mariées ? demande Elise en s'asseyant à côté de moi, un café à la main.
— Bien, je réponds avec un sourire.
— C'est génial, s'exclame Bethany.
Son visage est littéralement coupé en deux par son sourire.
— Même avec la distance ? je demande pour détourner la conversation de moi.
Elle grimace puis hausse les épaules.
— C'est un peu compliqué, mais on se téléphone tous les jours et on se voit tous les weekends. Il est génial. Drôle, passionné, rêveur, romantique. La semaine dernière, il nous a réservé un petit chalet, minuscule, mais tellement romantique. Il n'y avait que le minimum, une chambre, une cuisine, une salle de bain et un salon avec une grosse cheminée. Et ce n'était pas la seule grosse cheminée, elle précise avec un clin d'œil.
Ma main se plaque sur ma bouche alors que nous éclatons de rire. Même la couturière a du mal à se retenir.
— Il sera là, samedi ?
Le mariage d'Elise est déjà samedi, ce qui veut dire que celui de Sophia est le mois prochain. Le temps passe vraiment vite.
— Oui, je vais pouvoir me pavaner à son bras avec cette superbe robe, elle dit avec un large sourire.
La couturière la libère pour qu'elle puisse aller se changer.
— Les souvenirs te sont revenus ? me demande Elise en pianotant sur son téléphone.
— Pas beaucoup. Presque rien en fait.
— Peut-être que ça ne reviendra jamais, grimace Sophia.
— C'est pour ça que vous devez refaire ce mariage, insiste Elise.
— On verra. Quand je serais prête.
Elle me bouscule alors que Sophia m'envoie un mètre-ruban à la tête.
— C'est bon, je m'en vais, je déclare ne me levant.
Elise s'agrippe à mon poignet et m'oblige à me rasseoir.
— Premièrement, tu ne vas nulle part, on doit déjeuner toutes ensemble, et deuxièmement, vous êtes déjà mariés, que veux-tu attendre de plus ?
Je grimace.
— D'y croire ?
— Croire à quoi ? demande Beth en revenant de la cabine.
— A son mariage, lui répond Sophia.
— Oh, moi non plus je n'y crois pas.
Elle s'assoit à côté de nous et soupire. J'adresse un regard entendu à Elise et Sophia.
— Ne compare pas, m'avertis Sophia. Elle l'a rencontré seulement quelques heures avant de se marier. Toi tu le connaissais depuis des mois.
— Et je n'étais pas prête à me marier, j'insiste.
— Mais c'est toi qui lui a demandé, s'étonne Bethany.
Je me retourne si brusquement vers elle qu'elle en sursaute.
— Quoi ?
— Tu ne t'en souviens pas ?
Je secoue lentement la tête, prête à boire ses paroles.
— Je deviens dingue. Dis-moi. Tu t'en souviens ?
Elle fronce les sourcils, faisant revenir des souvenirs qui semblent trop vagues.
— Plus ou moins. C'était avant d'aller au club. Et après que tu ais disparut avec Drew. On t'a retrouvée dans le bar de l'hôtel. Drew semblait énervé et toi tu étais au bord de l'agonie. Sérieusement, j'ai cru que tu allais te mettre à vomir à tout moment. Je voulais te présenter Alan et d'un seul coup, tu t'es effondrée à genoux devant Drew. On a tous voulu te secourir avant de comprendre que tu l'avais fait exprès. C'était la scène la plus folle que j'ai vu. Tu t'es mise à crier ton nom et celui de Drew et tu lui as dit que vous êtes fait l'un pour l'autre et qu'il doit t'épouser.
— Oui ! s'exclame Sophia. Je m'en souviens ! C'était drôle parce que tu ne lui as pas dit le célèbre « veux-tu m'épouser », tu l'as pointé du doigt, tu l'as regardé férocement et t'as dit « je t'ordonne de m'épouser sur le champ ! ».
Les filles éclatent de rire, se souvenant de la scène. Dans ma tête, cela reste bien trop flou. Moi qui donne un ordre à Drew. C'est plutôt drôle sachant que c'est lui qui le fait habituellement. J'entends sa voix raisonner dans ma tête quand il m'a ordonné de choisir le film que nous devions aller voir il y a quelques jours. Nous avons débattu une demi-heure avant qu'il exige que je choisisse.
« Tu m'as donné un ordre un jour. Tu ne t'en souviens peut-être pas, mais j'ai obéi sans hésiter une seconde », c'est ce qu'il m'a dit quand il est venu me voir le lendemain du weekend à Vegas. C'est de ça qu'il parlait ? Quand je lui ai ordonné de m'épouser ?
— Tu avais déjà l'intention d'épouser Alan ? je lui demande pour chercher une quelconque explication à cet ordre.
Pourquoi lui aurais-je ordonné cela de moi-même ?
— Non, c'était plus tard. Après cette demande spectaculaire, on s'est toutes fait une mission d'organiser ton mariage en quelques heures. L'alcool avait déjà coulé à flots, personne n'a jugé utile de vous dire d'y réfléchir. Quand nous avons appelé la chapelle, on nous a dit qu'il y avait une promotion, deux mariages pour le prix d'un.
— Il n'y a qu'à Vegas qu'on peut entendre une telle absurdité, s'amuse Sophia.
— Comme tu t'en doute, ça nous a fait rire, reprend Bethany, mais Alan s'est soudain tourné vers moi, s'est mis à genoux et a dit « Faisons-le ! ».
Elle en parle comme si c'était la demande la plus romantique du monde. Je n'ose pas ouvrir la bouche de peur de laisser échapper un rire.
— T'as accepté comme ça ? je demande quand même.
Elle secoue la tête.
— Aucune chance ! Je lui ai dit que je mérite un peu plus de romantisme.
Je fronce les sourcils. Elle est mariée, alors elle a quand même accepté à un moment ou un autre. Je me tourne vers Elise et Sophia. Elles arborent la même expression que moi jusqu'à ce qu'Elise ai un éclair de lucidité.
— Je me souviens ! Il a acheté un bouquet de rose, une bague et t'as emmené faire une balade en gondole.
Bethany sourit largement.
— Exactement. Ce n'était pas Venise mais presque.
Je suis jalouse, c'est beaucoup plus romantique que ma demande. Mais j'étais ivre, alors je ne pouvais pas faire les choses en grand.
Nous la regardons s'extasier encore quelques minutes sur sa bague avant de revenir à la réalité.
— Comment tu as fait pour te souvenir de tout ça ?
— Oh, ça m'a demandé beaucoup de travail et de temps avec Alan. Les souvenirs sont revenus petit à petit. Il y a encore beaucoup de zones d'ombres, mais l'essentielle est là je pense.
— J'ai beaucoup moins de souvenir que toi.
— Tu avais l'air beaucoup plus ivre, intervient Elise.
— Et je pense que tu ne veux pas vraiment t'en souvenir pour l'instant, ajoute Sophia.
Je fronce les sourcils.
— Quand tu accepteras ce qui s'est passé, je pense que tu te souviendras de cette soirée.
J'y songe sans dire un mot. Je n'aime pas l'admettre, mais je pense qu'elles ont raison. Il va falloir que je commence à accepter tout ça si je veux m'en souvenir.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit ?
J'entre en trombe dans l'appartement de Drew, où je sais que je vais le trouver puisqu'il doit avoir terminé son poste depuis une heure. Ça fait quelques temps que nous nous sommes échangé nos clés, dans son processus de flirt et de séduction, donc je ne me gêne pas pour entrer. Dans le salon, je trouve Kyle qui joue à un jeu vidéo juste avant que Boomer ne me saute dessus. Je le grattouille sur la tête, lui tapote le flan et il s'en va. La routine s'est déjà installée entre nous deux.
En revanche, il n'y a aucune trace de Drew.
— Salut Kyle, où est ton frère ? je demande en fouillant la pièce du regard.
Kyle pointe le couloir, je suppose qu'il veut dire la chambre. Ou la salle de bain.
— Si vous avez l'intention de faire des cochonneries, n'oubliez pas de fermer la porte.
Comme si ça nous était déjà arrivé ! Je me fige dans le couloir. Il ne nous a jamais surpris, n'est-ce pas ? Noooon, je suis certaine qu'il n'aurait pas manqué une occasion de nous le dire si c'était le cas.
Comme je n'entends pas l'eau couler dans la salle de bain, je continue jusqu'à la chambre et m'apprête à crier de nouveau en entrant, mais je me fige. L'air quitte mes poumons et mon cœur loupe un battement. C'est ridicule, je l'ai déjà vu dormir des dizaines de fois, mais je ne m'en lasse pas. Retirant mes bottines pour qu'elles ne claquent pas sur le parquet, je m'avance doucement dans la chambre et grimpe sur le lit pour me coucher en face de lui.
Il est allongé sur le ventre, sa bouche est légèrement ouverte, ses bras repliés sous son coussin. Il ne porte qu'un boxer, ce qui veut dire qu'il s'est effondré juste après s'être douché en revenant du travail. Il doit être épuisé, son métier n'est pas de tout repos. M'approchant doucement, je dépose un baiser sur son épaule et repousse une mèche de cheveux qui tombe sur son front. Mes doigts se perdent quelques secondes sur son tatouage, je ne sais toujours pas ce qu'il signifie. La première fois, je n'avais pas pu le voir en entier, mais depuis, j'ai eu le temps de le voir sous tous les angles. C'est une sorte d'ange mais dans un dessin tribal, avec une date dessous. C'est mon mari, et je ne connais même pas la signification du seul tatouage qu'il porte. Une preuve de plus que nous n'aurions pas dû le faire.
Avec un petit soupir, Drew sourit et tend le bras pour m'attirer à lui, mais quand sa main se pose sur mes hanches, il fronce les sourcils.
— Pourquoi t'es habillée ? il grommelle.
— Quoi ?
Il ouvre un œil, puis l'autre, laissant sa main courir sur mes courbes.
— Je ne rêve pas ?
— Non.
Qu'est-ce qu'il raconte ?
— Tu veux quand même te déshabiller ?
Je glousse.
— Quoi ?
Il m'attire à lui, posant sa tête sur ma poitrine.
— Tu rêvais que j'étais nue à côté de toi ?
— Non. J'ai cru que c'était encore un de ces rêves.
Jouant avec ses cheveux, je fais courir mes doigts sur son bras de mon autre main, m'amusant de voir apparaître des frissons sur sa peau.
— Et tu rêves souvent de moi comme ça ?
— Tu n'imagines même pas. Ça en devient perturbant.
Je ris à son ton accablé.
— Ce n'est pas drôle. J'ai tout le temps envie de toi, encore plus depuis que nous sommes mariés. Je te jure, un vrai pervers. Parfois je me demande s'il ne faut pas m'enfermer.
Je n'arrive pas à m'arrêter de rire. Il se redresse pour me fusiller du regard, comme un petit garçon qui vient d'être surpris avec sa première petite-amie.
— Arrête de rire, il dit les sourcils froncés pour avoir l'air sévère.
J'éclate de rire. J'en pleure tellement il est drôle.
— Très bien, à poil !
— Quoi ? je couine entre deux fous rires.
Il se redresse sur les genoux et commence à me retirer mon gilet. Je ris tellement que je ne peux même pas me débattre. Il me retire ensuite mon t-shirt, puis mon jean et mes chaussettes. Je ne suis plus qu'en sous-vêtements sur son lit, morte de rire. Dans un éclair de lucidité, il se précipite pour fermer la porte à clé, le temps pour moi de me calmer. Kyle est à l'autre bout de l'appartement, la télé est assez forte pour couvrir nos bruits. Enfin je l'espère. Quand il revient sur le lit, je ne fais que sourire.
— Fais-moi l'amour, femme, il ordonne d'une voix grave.
Je glousse mais lève les mains pour l'arrêter.
— Attends. J'ai une question d'abord.
Il se fige et attends patiemment que je parle.
— Pourquoi tu ne m'as pas dit que je t'ai ordonné de m'épouser ?
Il reprend un air tout à fait sérieux et s'allonge sur moi. Son visage juste en face du mien, il lisse mes cheveux avec ses doigts.
— Parce que je n'ai pas besoin de te rappeler que tu m'aimes.
Il aurait pu me le jeter au visage quand je l'ai accusé d'avoir profité que j'étais ivre. Il aurait pu s'en servir pour se défendre et me montrer que c'est moi l'idiote qui ne sait pas ce qu'elle veut. Mais il l'a gardé pour lui. Il n'a pas voulu me jeter la faute.
— Tu te souviens de tout ?
Il dépose un léger baiser sur mes lèvres.
— De tout. Et aussi de ce que je me suis dit quand je t'ai vu dans ta robe blanche.
Il m'offre un autre baiser. Un peu plus long.
— Qu'est-ce que tu t'es dit ?
Il embrasse mon cou.
— Que je voulais absolument te faire l'amour dans cette robe.
Le bout de sa langue passe dans le creux à la base de ma gorge.
— Tu as réussi ?
Il me regarde avec une expression de tristesse qui me ferait presque pleurer.
— Non. Je me suis fait arrêté avant.
Je grimace en image à la courbure étrange que prennent ses lèvres.
— Désolée.
Il soupire lourdement et hausse les épaules.
— Il est temps de te rattraper, maintenant.
Et il se jette sur moi sans me laisser la moindre chance de protester. Comme si j'avais l'intention de protester !
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