Prise d'otage
— Alors ta journée ? me demande Sophia d'un air enjouée une fois que nous sommes dans la voiture de Drew.
— Super ! J'ai rencontré trois mecs très sympas, je lui réponds sur le même ton.
Je suis consciente qu'une part de moi le lui dit pour pouvoir énerver Drew. Mais je ne comprends vraiment pas sa réaction. Hier soir il me criait dessus en me disant que je ne lui apportais rien et aujourd'hui il est presque prêt à faire un meurtre parce que je discute avec quelqu'un. Bon d'accord pas juste quelqu'un mais trois hommes que je ne connaissais pas avant. J'avoue qu'un ami pourrait être inquiet, mais pas furieux à ce point, et surtout pas lui.
— Alors tu n'as pas fait que lire toute la journée ? elle demande avec un rire.
— Non, je... oh zut !
Je réalise que je n'ai pas mon livre. Je l'ai sans doute laissé sur le canapé au refuge. Nous sommes trop loin pour que je demande à Drew de faire demi-tour et dans l'état dans lequel il est, je crois que de toute façon il ne le ferait pas.
— Qu'est-ce tu as ?
— J'ai oublié mon livre, je gémis avec une grimace triste.
— Peut-être que Bruno l'a récupéré. Tu le retrouveras demain.
Je soupire. J'avais bien envie de lire ce soir, maintenant que je n'ai plus d'occupation plus physique avec Drew, j'ai besoin de m'occuper.
— Ou peut-être qu'Ethan l'a pris, je dis d'un air distrait en sortant sa carte de ma poche.
— Ethan ? s'étonne Sophia.
— Oui, c'est l'un des types avec qui j'ai discuté.
Je regarde la petite carte grise entre mes doigts, avec inscrit dans une écriture blanche le nom d'Ethan et ses coordonnées.
— Et comment tu vas retrouver ton livre s'il l'a pris ?
Je brandis le petit morceau de papier gris à côté de sa tête.
— J'ai son numéro, je dis fièrement.
— Waouh ! Je vois que tu as pris mes conseilles au sérieux, elle se réjouit. T'as vu ça Drew, on la laisse une journée et elle nous décroche un numéro.
Je regarde un peu anxieusement le visage de Drew dans le rétroviseur. Il continu à fixer la route sans un mot, les dents serrées. Si une pauvre biche venait à se promener là, je crois qu'il ne prendrait même pas une seconde pour l'éviter et foncerait droit dessus.
— Je crois qu'on devrait aller faire un tour au salon de massage, ajoute Sophia avec un regard entendu vers Drew qui ne la voit pas.
Je retiens mon rire et hoche vigoureusement la tête.
— Ça serait génial, je confirme. Jeudi ?
— Je vais demander à Jules de mettre ça dans le programme, elle dit en sortant son téléphone pour envoyer un message à son fiancé.
— Tu sais qu'il est dans la voiture juste devant et que dans cinq minutes tu pourras le lui demander de vive voix ?
Elle se tourne pour m'adresser un sourire éblouissant.
— Je sais.
— Ça va mieux tous les deux ?
— Beaucoup, et c'est encore grâce à toi. Je ne comprends pas pourquoi tu es toujours célibataire alors que tu sais si bien comment m'aider dans mon couple.
Je hausse les épaules.
— Je ne sais pas. Je n'ai pas vraiment envie d'être en couple, je crois.
Elle fronce les sourcils, se tournant un peu plus vers moi.
— Comment ça ? As-tu seulement été en couple un jour ?
— Hum... ouais, trois jours en fait, je réponds en riant. Mais ce n'était vraiment pas ce que je voulais.
— Tu verras quand tu trouveras le bon, tu voudras être en couple avec lui.
— Peut-être. Mais pour l'instant je me contente de discuter avec des inconnus dans un refuge, je rétorque en brandissant à nouveau la carte d'Ethan.
— Regardez comme elle fière.
Nous arrivons au chalet et à peine la voiture arrêtée, Drew en sort et claque la portière. Sophia se tourne vers moi sans sortir de la voiture.
— Tu sais ce qu'il a ?
Je secoue la tête. J'aurais bien dit que c'est ma faute mais c'est lui qui m'a crié dessus et qui a été blessant. Et sa réaction est un peu excessive pour que ce soit à cause de notre dispute.
— Tu as pu parler à Jules ? s'inquiète Sophia.
Pinçant les lèvres, je secoue la tête.
— Non. Il m'a dit que si je dois savoir ce qui se passe, c'est Drew qui doit me le dire.
Elle soupire et sort de la voiture.
— Je vais essayer de le convaincre de te parler, tu es toujours de bon conseil, tu pourrais peut-être l'aider.
Un rire sans joie m'échappe alors que je me plante à côté d'elle.
— Je ne suis pas certaine qu'il veuille de mon aide.
— Tu peux toujours essayer.
Je ne lui réponds pas et nous entrons dans le chalet pour trouver Jules au téléphone, Elise et Stuart affalés sur le canapé, enlacés dans les bras l'un de l'autre, et aucune trace de Drew. Une fois que je me suis débarrassée de mes bottes et mon manteau, Jules raccroche et adresse un sourire radieux à Sophia.
— C'est arrangé, Chérie. Le salon de massage nous attend jeudi pour s'occuper de nous tout l'après-midi.
Elle sautille jusqu'à lui et s'accroche à son cou pour coller ses lèvres aux siennes. Je ris et secoue la tête en les regardant. Plongeant ma main dans ma poche, je sens la carte d'Ethan et me souviens que je voulais l'appeler. Alors je monte dans ma chambre, m'installe sur mon lit, sors mon téléphone, compose le numéro, attend que ça sonne puis raccroche. En entendant la première sonnerie, je me suis rendue compte que je ne sais même pas ce que je vais lui dire. Je fixe l'écran et me mord la lèvre.
Ce n'est qu'un appel. Pas la peine de paniquer. Il m'a donné sa carte pour que je puisse le contacter, et j'ai une bonne raison de le faire, j'ai oublié mon livre. Je dois me concentrer là-dessus. Je dois juste lui demander s'il a vu mon livre. C'est tout. Ça va aller. Pourquoi suis-je aussi stressée ?
Je prends une grande inspiration et recommence. Cette fois je lutte pour ne pas raccrocher et quand il décroche après la deuxième sonnerie, je me retrouve muette.
— Cole, il dit en décrochant.
Cole ? Mes yeux tombent sur la carte. Ah oui ! C'est son nom.
— Euh... c'est... Tess.
— Oh ! Ravi de t'entendre. Tout va bien ?
— Euh... oui. Enfin non. J'ai oublié mon livre en partant tout à l'heure et... euh... je me demandais si tu ne l'avais pas vu.
Je serre les paupières en réalisant à quel point j'ai l'air idiote à bégayer comme ça.
— Oui, je l'ai. Il est avec moi.
— Oh, super. Merci.
Je me pince les lèvres pour réfléchir à ce que je suis sensée dire maintenant.
— J'avoue que tu n'étais pas encore sortie du refuge quand je l'ai vu, mais j'avais l'espoir qu'en le gardant tu m'appellerais.
Je ris nerveusement.
— Et bien, tu as bien fait, je réponds pour immédiatement le regretter.
Je viens juste de lui dire qu'il a bien fait de garder mon livre pour que je puisse l'appeler, maintenant il va s'imaginer des choses. Je me tape le front du plat de la main.
— Mes techniques sont classiques mais efficaces, il affirme avec fierté.
Je ris en l'entendant reprendre mes paroles. Il faut que je me concentre sur la raison de mon appel. Je ferme les yeux et me détend.
— Donc, pour mon livre... euh... je reviens au refuge demain.
Je laisse passer un silence dans l'espoir qu'il comprenne ma question implicite.
— Hum... j'ai un déjeuner d'affaire demain. Alors je te propose de se retrouver pour neuf heure ? Un petit déjeuner ? Je t'invite évidement.
La dernière phrase me donne un peu l'impression qu'il cherche à me montrer qu'il a de l'argent, mais j'occulte cette idée. Il tient mon livre en otage tout de même !
— Oui, c'est parfait.
— D'accord. Je tâcherais de ne pas oublier ton livre. On peut utiliser la même technique deux fois de suite ?
— J'en doute, je réponds en riant. Ça risque de devenir ennuyant. Il n'y a pas de livre de psychologie sociale là-dessus ?
Il émet un léger sifflement comme s'il avait mal.
— Touché. Je devrais me renseigner.
Je l'entends rire et quelqu'un parle, puis une porte se claque.
— Tu as l'air occupé. Je vais te laisser.
— C'est juste André. Je te promets qu'il ne sera pas là demain.
Je ris mais suis un peu déçue, j'aurais bien aimé les entendre encore se lancer des piques à m'en faire pleurer de rire.
— Tu n'as que jusqu'à demain pour trouver tes livres, tu devrais t'y mettre.
— C'est une façon détourner de me dire que tu vas raccrocher ?
— Tu vois que tu es doué finalement, je le taquine.
Il rit. Ouf ! J'ai cru que j'allais le vexer.
— Très bien. Alors on se voit demain.
— Avec mon livre, je lui rappelle.
— On verra. Bonne soirée.
— Bonne soirée.
Je raccroche avec un large sourire aux lèvres. Je ne me vois toujours pas en couple, et d'après les déductions de Sophia ça veut dire que ce n'est pas le bon, mais je m'en fiche. Demain je vais prendre le petit déjeuner avec un homme charmant, drôle et beau, alors je vais en profiter. Même si je n'irais jamais plus loin avec lui, au moins j'aurais passé un bon moment.
Quand je redescends pour donner un coup de main en cuisine, j'y retrouve Sophia et Elise.
— C'est quoi se sourire ? me demande Sophia.
— Rien.
Je prends la salade et la nettoie.
— Tu as appelé monsieur j'ai-une-carte-de-visite ?
J'éclate de rire.
— Je te rappelle que le tien aussi a des cartes de visites.
— Le mien ? Parce qu'il est ton quoi ?
Je lève les yeux au ciel. Comment prendre une façon de parler au pied de la lettre et le retourner contre moi.
— Il est mon rien du tout. C'était une façon de parler.
— Hum, hum.
— Et pour ton livre alors ? me demande Elise.
Je tourne un regard interrogateur vers Sophia qui hausse les épaules.
— Ce n'était pas un secret d'état, si ? elle demande d'un air innocent.
— Oh, tu ne voulais pas que je le sache ? s'étonne Elise l'air à deux doigts de pleurer de déception.
— Non, enfin si. Enfin...
Je soupire et pose mes mains sur le plan de travail.
— Ça ne me dérange pas que tu le saches, c'est juste que je suis certaine que Sophia en a fait toute une montagne.
J'envoie un regard foudroyant à l'intéresse qui fait mine de n'avoir rien remarqué.
— Et bien elle a juste dit que tu pourrais avoir trouvé l'homme de ta vie, ajoute Elise en riant.
— Qu'est-ce que je disais, je m'exclame en levant les mains.
Je soupire d'exaspération et reprend ce que je faisais.
— Tu n'as pas répondu, intervient Sophia.
— A quoi ? je demande entre mes dents.
— Pour ton livre, me répond Elise.
— Oh. Et bien on se voit demain pour le petit déjeuner pour qu'il me le rende. Et on va juste, je dis bien juste, partager un petit déjeuner.
Sophia me lance un regard entendu et quand je lui réponds en plissant les yeux l'air de vouloir l'assassiner, elle lève les mains innocemment et me sourit.
— En tout cas, j'aimerais bien le voir moi, dit Elise qui n'a pas aperçu notre échange silencieux.
— Pourquoi ?
Ma question m'a échappé un peu sèchement. La pauvre, elle va vraiment croire que j'ai quelque chose contre elle.
— Pour qu'on te donne notre avis et que je comprenne ce qui a mis Drew en rogne.
Je fronce les sourcils en me souvenant de l'expression de Drew quand nous sommes sortis du refuge.
— Il n'a pas été comme ça toute la journée ?
— Non. Il était de mauvais poil, mais pas aussi furieux. On aurait dit que tu lui avais planté un bâton de ski dans le pied.
— Original comme image, commente Sophia.
— Je ne sais pas. Il doit avoir des problèmes de saute d'humeur, je plaisante à moitié.
Les questions que je me suis posée toute la matinée me reviennent en mémoire. Je n'ai toujours pas plus de réponses et je pense que je n'en aurais pas tant que je n'aurais pas discuté avec Jules.
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