Plaisir et chocolat
Je me précipite vers un petit garçon recroquevillé sur le sol dans une maison poisseuse. Il pleure et un homme est debout devant lui, prêt à le frapper avec une ceinture. Je cris, mais personne ne réagit. L'homme lève le bras, une bouteille de bière dans l'autre main, et au moment où la ceinture fend l'air pour s'abattre sur le garçon, je sursaute et ouvre les yeux.
— Tess ? chuchote Drew, les mains sur mes épaules.
Il est agenouillé à côté de moi, dans l'obscurité, le regard inquiet.
— Calme-toi, il souffle.
Mon cœur bat bien trop vite, ma respiration est forte comme si je venais de courir un marathon. Je bats de cils, essayant de chasser les images de ce petit garçon qui persistent devant mes yeux. Mon corps se détend, tout comme Drew qui retire lentement ses mains.
— T'as fait un cauchemar. Ça va ?
Un peu perdue, je hoche la tête et l'observe. Il porte un pantalon en coton, je crois qu'il est gris, et un t-shirt blanc.
— Je n'ai pas osé te ramener dans ta chambre.
Je me redresse, à nouveau paniquée, et regarde tout autour de moi. Mes vêtements sont éparpillés sur le sol, au pied du lit, et seul un drap cache ma nudité. Les images de ce que nous avons fait juste avant me reviennent.
— Quelle heure est-il ? je demande dans un chuchotement.
— L'heure d'aller préparer le dîner.
Il descend du lit et ramasse mes affaires.
— Sophia t'a cherché, j'ai dit que tu t'étais endormi dans mon lit pendant qu'on discutait.
Je passe une main sur mon visage en grognant.
— Je vais en entendre parler de ça, je marmonne.
Il fronce les sourcils mais je secoue la tête. Il me rend mes affaires et je sors du lit.
— Il me faut une douche, je marmonne à nouveau.
Il pointe la porte qui donne sur la salle de bain. C'est un avantage certain.
— Je vais déjà commencer le dîner. Ne tarde pas trop.
Je hoche la tête mais il ne part pas. Il fait un pas vers moi, réduisant la distance qui nous sépare. J'essaye de me cacher derrière mes vêtements.
— T'es sûre que ça va ? il demande en posant une main sur mon cou. Tu avais l'air terrifié.
Je me demande s'il cherche à trouver mon pouls. Ses doigts s'arrêtent sur ma gorge et son pouce glisse doucement le long de ma mâchoire.
— Ouais... ça va.
J'essaye un sourire rassurant, mais ça n'a pas vraiment l'air de le convaincre. Il se penche pour déposer un baiser sur mon front et s'y attarde. Peu importe où ses lèvres se posent, mon corps y réagit invariablement. Je le sens se tendre vers lui, réclament encore des caresses.
— A tout de suite, il souffle avant de sortir de sa chambre.
Reprenant mes esprits, je me précipite dans la salle de bain et prend une douche rapide. Je sais que nous sommes supposés être amis et ça me convient, mais plus il a des petits gestes affectueux envers moi, plus j'ai du mal à croire à notre accord. Et je sens que Sophia va me questionner sur ce que nous avons fait dans la chambre de Drew. Je suis certaine qu'elle ne l'a pas cru quand il a dit que nous discutions. Je la vois déjà avec son petit sourire en coin, à attendre le bon moment pour me coincée entre quatre yeux et me tirer les vers du nez. Plus ça avance et plus je suis tiraillée entre ce que je veux et ce que je devrais faire. Cet accord est une très mauvaise idée, je le sais, je le savais depuis le début, mais ça ne fait que deux jours et les choses me semblent déjà trop compliquées. Il m'a proposé d'arrêter ce matin, mais j'ai refusé, parce que je veux vraiment aller jusqu'au bout. J'en ai le droit. Je suis adulte et nous savons tous les deux ce que nous faisons. Je crois.
Face au miroir, j'inspire profondément et essaye de me détendre. Cette fille brune et déterminée est celle que je dois être. Ce regard brun sait ce qu'il veut. Je peux le faire. Je veux le faire. Et si les autres le découvrent et bien... tant pis. J'assumerais. Je m'enroule dans ma serviette et rejoins ma chambre pour me changer avant de rejoindre Drew à la cuisine.
— Tu arrives juste à temps, il annonce quand je traverse la pièce pour le rejoindre.
— Où sont les autres ? je demande les sourcils froncés.
Je n'ai entendu ni vu personne à l'étage et il n'y a personne ici non plus.
— Ils sont allés faire un tour en ville. C'est pour ça que Sophia te cherchait.
Je le rejoins derrière le plan de travail et attend ses instructions. Il me tend un récipient et me demande de mélanger. Je m'exécute tout en le regardant s'activer dans la cuisine. Il découpe ce qui semble être des blancs de poulet, les fait revenir dans une poêle, pendant que des pâtes sont en train de cuire dans de l'eau. Je regarde mon récipient où je remue une sorte de pâte.
— Qu'est-ce que c'est ? je demande en pointant ce que j'ai entre les mains vers lui.
Il se retourne et prend du cacao qu'il verse dedans.
— Ne t'arrête pas de remuer, il m'ordonne, c'est pour le dessert. Gâteau au chocolat.
Hum... Qui n'aime pas le gâteau au chocolat ? Avec un sourire de gamine dans un magasin de bonbon, je continue de remuer pour mélanger le tout.
— Kidnapping, ça me revient à quel genre de peine ? je demande l'air distraite.
— Tout dépend de qui tu kidnappes.
Une fois que la pâte semble parfaitement bien mélangée, je repose le bol et me tourne vers lui.
— Eh bien...
Je passe mon doigt sur le fouet pour prendre de la pâte et la goûter. Drew égoutte les pâtes et se tourne vers moi.
— Tu sais faire du gâteau au chocolat, je reprends en passant à nouveau mon doigt sur le fouet. C'est un bon argument pour te kidnapper.
Il attrape ma main avant que mon doigt n'arrive à nouveau à ma bouche et le met dans la sienne. Mes yeux s'écarquillent en sentant la caresse de sa langue jusqu'au bas de mon ventre. Il me regarde dans les yeux, l'air de me défier et mon souffle se coupe. Il retire mon doigt de sa bouche et pose ses mains de chaque côté de mes hanches, sur le plan de travail derrière moi. Son visage se retrouve juste en face du mien, tout prêt. Je sens son souffle sur mes lèvres et il sentirait le mien également, si je respirais encore. Il passe une mèche de mes cheveux derrière mon oreille et je suis obligée de me mordre la lèvre pour ne pas gémir.
— Et qu'est-ce qui te fais croire que tu y arriveras ? il me demande avec un sourire diabolique.
— Je peux toujours essayer, je réplique dans un souffle mal assuré.
Il sourit d'un air de défi.
— J'aimerais bien v...
Avant qu'il n'ait le temps de terminer sa phrase, mes bras s'enroulent autour de son cou et ma bouche s'abat sur la sienne. Il répond immédiatement à mon baiser, taquinant ma lèvre avant de venir à la rencontre de ma langue. Ses mains glissent sur mes hanches puis il m'attrape et me hisse sur le plan de travail. Mes jambes l'emprisonnent, passent autour de ses hanches, et mes chevilles se nouent derrière son dos. Je n'ai aucune idée de ce qui m'a pris de faire ça, mais je m'en fiche. Ses lèvres contre les miennes sont divines. Son corps chaud contre le mien est exquis. Mes ongles s'enfoncent dans son crâne, mes doigts tirent sur ses cheveux, et il gémit tout contre mes lèvres. Ses mains remontent sous mon t-shirt, caressant mon dos en l'enflammant des traînées qu'il laisse avec ses ongles. Je l'attire un peu plus près de moi, il n'est pas assez proche. Je le veux tout contre mon corps, sa peau brûlante fusionnant avec la mienne. Mais soudain, il se recule, s'arrache à mes lèvres et fixe quelque chose derrière moi. Le souffle court, je fronce les sourcils, ayant peur d'être allée trop loin. Mais j'entends la porte s'ouvrir et en un éclair Drew s'écarte de moi, se tourne vers l'évier où il a laissé les pâtes s'égoutter, et arrange ses vêtements. Je passe rapidement mes doigts dans mes cheveux, et tire sur mon t-shirt. Les mains de Drew sont posées en poing sur le bord de l'évier et je vois ses épaules se détendre progressivement. J'ai encore le souffle court, j'ai du mal à retrouver ma respiration. On a failli se faire prendre, mais je n'ai qu'une envie, c'est d'éclate de rire.
— Mmmm... ça sent bon ici, s'exclame Sophia.
Je vois Drew récupérer les pâtes pour les mettre dans un récipient sans laisser paraitre le moindre trouble.
— Eh bien, tu n'as pas l'air très utile perchée là-haut, me taquine Jules en venant se chercher une bière dans le réfrigérateur.
Je ris, un peu nerveusement, et descend du plan de travail. Je me tourne vers le salon et croise le regard écarquillé de Sophia qui reste plantée de l'autre côté du plan de travail, sans bouger.
— Qu'est-ce qu'il y a ? je demande soudain paniquée.
Elle se détend, fait un dernier pas vers le plan de travail, et commence à rire. Qu'est-ce qui lui prend ? Jules repart vers le salon sans lui prêter attention.
— Tu as quelque chose là, elle me dit en indiquant le coin de sa bouche.
Je passe mon doigt sur le coin de la mienne et regarde la trace de pâte à gâteau que je viens d'essuyer. Trouve une excuse, vite !
— J'ai... euh... j'ai goûté la pâte.
J'attrape le bol un peu plus loin et lui montre. Elle me regarde toujours avec un large sourire, amusée, et hoche lentement la tête l'air de me dire que je ne suis pas du tout crédible. Puis elle se penche vers moi et me dit à voix basse :
— Et c'est pour ça que tes cheveux partent dans tous les sens et que tu as les joues rouges.
Je refais rapidement ma couette en essayant d'avoir l'air innocente.
— Il fait un peu chaud ici, je marmonne.
— Mais bien sûr.
— Tess, tu peux mettre la pâte dans le moule maintenant pour la mettre au four, ça serait bien, me lance Drew.
Je me mords la lèvre pour ne pas rire. Sophia m'adresse un clin d'œil complice et s'en va.
Oh mon dieu ! Tout à l'heure j'avais affreusement peur qu'ils le découvrent, mais maintenant qu'ils ont failli le faire, je trouve ça drôle et... excitant. Je cherche distraitement un moule à gâteau dans les placards et en trouve un qui devrait faire l'affaire. Je me concentre pleinement sur ce que je fais pour ne pas faire de bêtise, bien que la tâche ne soit pas très compliquée, et aussi pour ne pas me mettre à rire toute seule. Drew et moi exécutons presque une danse pour ne pas se bousculer dans la cuisine et j'évite autant que possible de croiser son regard. Une fois que j'ai mis le tout au four, je récupère le bol où se trouvait la pâte à gâteau pour lécher ce qu'il en reste.
Je reste debout contre le plan de travail et garde mon nez penché vers le bol que j'ai entre les mains. Drew dispose le dîner dans des plats qu'il ramène dans la salle à manger et je l'aide à mettre la table dans un silence plus drôle que tendu. Je suis certaine de voir un sourire s'étirer de temps à autre sur ses lèvres, qu'il essaye de réprimer parfois sans succès. Elise et Stuart redescendent et nous rejoignent avec Jules et Sophia. Tout le monde s'installe à la même place que les jours précédents, dans un silence détendu et plaisant.
Au milieu du repas, Drew se lève pour aller sortir le gâteau du four, le démouler et le recouvrir de chocolat fondant. C'est officiel, il peut faire ce qu'il veut de moi du moment qu'il me prépare des gâteaux au chocolat.
— Tu as même préparé un dessert ? s'étonne Stuart.
— C'est Tess qui l'a fait, non ? intervient Sophia avec un sourire en coin.
Elle ne croit définitivement pas à ce que je lui ai dit tout à l'heure.
— J'ai aidé, je rétorque faussement vexée.
— Et goûté, ajoute Drew en revenant s'assoir.
Je suis obligée de me mordre la lèvre pour retenir mon rire alors qu'il prend un air totalement innocent et que Sophia nous regarde à tour de rôle en attendant de voir lequel de nous deux va craquer en premier.
— Bon, demain nous irons skier, nous informe Jules, ignorant totalement ce que Sophia essaye de comprendre.
— Sans moi, je rétorque en levant les mains.
Sophia fait la moue et Jules m'interroge du regard.
— Je ne sais pas en faire et je déteste ça, j'explique.
— Si tu ne sais pas en faire, comment peux-tu savoir que tu déteste ça ? me demande Drew.
— J'en ai déjà fait, ça s'est mal terminé. Alors non, sans moi. Mais allez-y, je trouverais de quoi m'occuper. J'ai ramené des livres.
— Tu vas rester ici à bouquiner pendant qu'on va faire du ski ? s'étonne Elise.
J'agite vigoureusement la tête.
— Parfaitement. Ça me fera du bien d'être un peu seule. Ne le prenez pas contre vous. Je suis quelqu'un de solitaire, c'est tout. Et je vous ai déjà assez vu. Je n'en peux plus, j'ajoute en mimant l'exaspération.
Mon effet est efficace et les fais rire. Je peux être drôle quand je veux !
— T'es certaine que ça ne te dérange pas ? me demande Jules. Je peux essayer de trouver autre chose.
— Certaine. Et puis vous êtes venus ici pour ça, non ? Moi je suis là seulement parce que Sophia m'a menacée.
Elle me lance sa serviette à la tête, je la rattrape juste avant qu'elle n'atterrisse dans mon assiette vide, et lui tire la langue.
— Je pourrais m'occuper de Boomer comme ça, j'ajoute pour avoir un argument en plus.
— Si ce chien fini par me détester, ça sera de ta faute, me lance Drew en pointant un doigt menaçant vers moi.
Je hausse les épaules avec un air innocent.
— Ça ne me dérange pas de l'accueillir chez moi. Je crois qu'il s'est passé un truc entre nous.
Nous éclatons de rire mais Stuart et Elise ne comprennent pas. Alors je me tourne vers eux pour leur expliquer que Boomer m'a sauté dessus dès qu'il m'a vu la première fois.
— Je vais chercher le gâteau, j'annonce en me levant.
J'ai vraiment hâte de le goûter, l'odeur du chocolat a déjà embaumé toute la pièce.
— Je vais prendre les assiettes à dessert, ajoute Drew en se levant à son tour.
Je croise le regard suspicieux de Sophia et lève les yeux au ciel pour lui faire comprendre qu'elle s'imagine des choses, même si elle n'a pas totalement tort.
— On a failli se faire prendre, je rigole doucement en cherchant un couteau.
Drew sort les assiettes à dessert et les petites fourchettes.
— Oui, cette fois on a eu chaud.
— C'était plutôt drôle.
Il lève un sourcil, étonné, et je m'en vais à nouveau vers la table. Je m'occupe de découper le gâteau et de distribuer les parts sur les assiettes que Drew me présente. On est plutôt doués pour le travail d'équipe.
— On dirait un vrai petit couple, nous taquine Sophia.
Je lui fais des gros yeux menaçants mais elle s'en fiche. Pourquoi les miens lui font moins peur que lorsque c'est elle qui me le fait ? C'est injuste. Et pourquoi Drew ne répond rien ? Je lance un regard discret dans sa direction. Il rit mais ne proteste pas.
Attendez... pourquoi il ne dit rien ? Je commence à paniquer là. C'est lui qui ne voulait rien à la base. Qu'est-ce qu'il me fait là ?
Je prends la dernière assiette et retrouve ma place pour déguster le morceau de gâteau, mais j'ai l'esprit ailleurs. Sophia gémit en goûtant la première bouchée.
— Mon dieu, il est excellent, elle commente la bouche pleine.
— Merci, je réponds en même temps que Drew.
Lui ça le fait rire, moi je n'y arrive pas. Il me regarde étrangement, comme si c'est moi qu'il allait manger. J'ai du mal à terminer mon morceau de gâteau tant ma gorge s'est nouée. J'essaye de me dire que ce n'est que mon imagination mais je sens son regard peser sur moi même quand je ne le regarde pas. J'ai l'impression que quelque chose a changé pendant le peu de temps où j'ai dormi et maintenant je ne comprends plus rien. Le comportement de Drew n'est plus celui du type totalement détaché qui veut juste prendre du plaisir. Est-ce que le début d'amitié que nous commençons à tisser risque de perturber ce que nous avions prévu ?
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