Mais encore...
La bouche entre-ouverte, je regarde fixement Elise comme si elle avait la science infuse.
— C'est pour ça qu'il est venu, me confirme Elise. Il a dit à Jules qu'il déménageait, alors Jules lui a proposé ces vacances avec nous avant qu'il ne commence à travailler.
— Mais... il a dit qu'il s'occupe de son petit frère.
Elle hoche la tête.
— Oui, il est arrivé en même temps que lui. Il est tout seul dans leur appartement en ce moment.
Je fronce les sourcils. S'il l'a laissé seul, c'est qu'il ne doit pas être très jeune, du moins, assez âgé pour se débrouiller tout seul. Je lève une main vers elle, malheureusement c'est celle avec mon bandage.
— Attend une seconde...
— Oh mon dieu ! Qu'est-ce qui t'es arrivé ? elle me coupe, les yeux exorbités.
Je regarde ma main et la repose sur mes genoux. Je constate avec horreur que la compresse a rougie sous le bandage le long de la coupure.
— Ce n'est rien. Je me suis coupée.
— Et bien tu ne t'es pas ratée. Tu es allée à l'hôpital ?
Je regarde de nouveau ma main et ris.
— Non, pas besoin. Ce n'est rien.
Elle prend ma main et l'inspecte comme si elle pouvait voir à travers le bandage pour en évaluer la gravité. Les lèvres pincées, elle tourne et retourne ma main, délicatement.
— Tu veux bien que je m'occupe de changer ton bandage tout à l'heure ? elle demande tout à fait sérieuse.
— Euh... si tu veux...
— En tout cas s'est du beau travail. T'as fait ça toute seule ?
Je fronce les sourcils. Je suis un peu surprise par ses questions.
— Non, c'est Drew qui s'en est occupé.
Un large sourire réapparaît sur son visage.
— Quoi ?
Elle hausse les épaules l'air innocent et repose doucement ma main.
— Au fait, on sort dîner ce soir, elle annonce en se levant.
Je soupire. Je n'avais pas franchement envie de sortir.
— Un restaurant chic d'après Jules.
Je grogne et fais une grimace de dégoût. Pourquoi ? Pourquoi faut-il qu'il nous amène dans un restaurant chic ? Il ne peut pas se contenter de petits restaurants tout ce qu'il y a de plus ordinaire où on peut se pointer en jean et pull ?
— Quel genre ? je demande comme une plainte. Belle robe et talons ?
Elle hoche la tête avec un air de compassion. Evidemment, elle et Sophia ont l'habitude de ces endroits depuis le temps. Leurs fiancés ne fréquentent que ça, mais moi pas. Je ne suis pas à l'aise dans ses endroits, j'ai l'impression de devoir surveiller tout ce que je dis.
— On part dans une heure, elle ajoute en allant vers la porte. Viens me voir quand tu seras prête, je changerais ton bandage.
Je hoche la tête, ne comprenant toujours pas pourquoi elle tient à s'en occuper. C'est une sorte de satisfaction morbide ? Je reste à fixer la porte fermée quelques instants en passant en revue ma garde-robe. Je n'ai emmené qu'une robe, elle devra faire l'affaire cette fois. Avec un soupire, je me lève et fait tomber mon téléphone au sol dans un vacarme monstrueux. Tout en priant pour que l'écran ne soit pas bousillé, je le récupère délicatement et retiens mon souffle jusqu'à ce que je constate qu'il est toujours intact. Puis je vois les trois messages d'Ethan.
Lentement...
Il me faut quelques secondes pour me rappeler de quoi nous parlions et mon pouls recommence à s'affoler. Puis je lis le message suivant et mon cœur manque un battement.
Tess, je suis vraiment désolé ! C'est André qui avait mon téléphone. Je suis vraiment désolé, je ne sais même pas ce qu'il t'a dit, il a tout effacé.
Je ne sais pas si je suis déçue ou humiliée, ou les deux. Comment a-t-il osé m'écrire de telles choses ? J'ai dit qu'il était drôle mais là j'ai juste envie de lui donner des gifles.
Je t'en prie Tess, ne m'en veux pas. Mon excuse a sans doute l'air nul, mais je t'en prie crois-moi.
Oh le pauvre, il doit croire que je ne veux plus lui parler. Mais ce n'est pas de sa faute, je ne peux pas lui en vouloir. Est-ce que André a écrit tous les messages ou juste les derniers ?
Je ne t'en veux pas, ne t'inquiète pas. J'ai juste envie de venir étrangler André de mes propres mains.
Je m'en suis déjà chargé. Il n'est pas près de retourner skier.
Oh mon dieu, mais qu'est-ce qu'il lui a fait ? Ils ne se sont quand même pas battus pour ça !
T'es sérieux ???
Presque...
Je fronce les sourcils et attend une autre réponse, mais rien ne vient. Maintenant je me sens coupable.
Ce n'était pas la peine de vous battre, il n'a rien fait de bien grave.
Il savait qu'il jouait avec le feu, mais ne t'inquiète pas, c'est mon cousin, je ne peux pas l'envoyer à l'hôpital ;)
Un clin d'oeil ? Sérieusement ? Il parle d'envoyer son cousin à l'hôpital et il me fait un clin d'oeil? Ce type est malade. Pourquoi je ne tombe que sur des malades ? D'abord un flic qui pense avoir des sentiments pour moi en trois jours et maintenant un directeur marketing qui se bat pour moi. J'aurais mieux fait de rester la fille discrète et renfermée que j'étais, au moins personne ne souffrait. Je ne sais même pas quoi lui répondre. Je repose mon téléphone et décide d'aller me préparer. Je file dans la salle de bain et prend une douche rapide avant de revenir dans ma chambre et essayer de boucler mes cheveux. Ma longue tignasse brune ondule naturellement et j'avais pour habitude de les lisser, jusqu'au jour où Sophia a décidé de tester son nouveau faire à boucler sur moi et a décrété que ça me rendait sexy. Je ne suis pas certaine de partager son avis, mais j'aime bien avoir des boucles finalement, ça me change. Il me faut tout de même une demi-heure pour venir à bout de mes cheveux. Avant de me maquiller, j'enfile ma robe. Elle m'arrive jusqu'aux genoux, dans un tissu bleu marine fluide avec seulement un gros nœud sur l'épaule droite pour la faire tenir. J'adore cette robe parce qu'elle vole autour de moi quand je tourne sur moi-même. Bien que je ne sois pas habituée à le faire dans un restaurant, mais pour danser c'est amusant.
Je m'installe de nouveau devant le miroir au-dessus de la commode et commence à me maquiller quand la porte de ma chambre s'ouvre sans prévenir. Heureusement que je suis habillée. Je tourne déjà un regard assassin vers la personne qui vient d'apparaître.
— Salut ! claironne Sophia.
Elle vient se placer derrière moi et joue distraitement avec mes cheveux avant de me sourire.
— Tu sais que j'adore quand tu boucles tes cheveux ?
— Oui, je réponds avec un sourire parce que le sien est contagieux.
Elle s'avance et farfouille dans ma trousse de maquillage.
— Tu devrais mettre ça.
Elle brandille un rouge à lèvre rouge foncé que je ne mets que très rarement. En fait je ne l'ai mis que deux fois. Je ne suis pas habituée à porter une couleur aussi voyante. Je ne suis pas certaine d'avoir l'étoffe d'une femme assez sûre d'elle pour se promener avec du rouge sur les lèvres.
— Je ne suis pas sûre Sophia... je grimace.
Elle fait un bruit de langue réprobateur et pointe le rouge à lèvre sous mon nez.
— Mets-le, elle m'ordonne avec son regard sévère.
Je n'ai pas le choix. Je ne peux même pas la regarder dans les yeux quand elle fait ça. Elle est trop intimidante, j'ai l'impression de redevenir une petite fille. Son expression change une fois que j'ai appliqué le rouge sur mes lèvres. J'ai tout de suite un peu de mal à me reconnaître.
— Parfaite, elle commente d'un ton rêveur. Elise m'a dit que tu t'es coupée ?
Je lui montre ma main tout en rangeant mes affaires de l'autre.
— Qu'est-ce qui s'est passé ? J'ai trouvé un verre brisé dans la poubelle.
Je me pince les lèvres. Je peux lui dire la vérité sans tout lui dire, ce n'est pas un mensonge.
— J'ai posé mon verre un peu trop fort dans l'évier et il s'est brisé dans ma main.
Elle fronce les sourcils mais ne pose pas plus de questions. Je crois que j'ai passé le test avec brio.
— Il faut que j'aille voir Elise pour qu'elle me change mon bandage, je lui annonce pour lui échapper.
— Heureusement qu'on a une infirmière avec nous, elle rit en me suivant dans le couloir.
Infirmière ? Ça explique pourquoi elle voulait s'en charger. Comment ai-je pu ignorer tout ce temps qu'elle est infirmière ? Je suis lamentable comme amie. J'ai l'impression d'avoir vécue dans une bulle jusqu'à maintenant et qu'elle vient de m'éclater à la figure. Je ne connais Elise que depuis quelques mois, mais quand même, c'est révélateur de mon peu d'intérêt affolant pour les personnes qui m'approchent. Elise sort de la salle de bain, toute fraîche et magnifique, au moment où nous sortons dans le couloir. Dans sa petite robe rouge qui lui colle à la peau, elle arrive à être ravissante sans être provocante. Je suis un peu jalouse, je l'avoue. Sophia et moi restons plantée devant elle, comme deux idiotes, bouche bée. Alors Elise fait un tour sur elle-même, aux anges, pour nous montrer sa tenue. Avec le blond doré de ses cheveux, elle a tout de la femme fatale.
— Qu'est-ce que vous en pensez ? elle demande avec un gloussement.
J'ouvre la bouche pour répondre, mais une voix masculine nous surprend toutes les trois.
— Tu es magnifique, comme toujours, dit Stuart en arrivant vers nous.
Je croise le regarde de Drew qui marche juste derrière lui. Je sens un léger malaise et détourne les yeux pour voir Stuart embrasser fougueusement Elise. Mauvaise idée. Alors je baisse mon regard sur le sol et tripote un morceau de mon bandage.
— Je dois m'occuper de Tess, dit Elise en riant.
Je suppose que Stuart lui a rendu sa bouche. J'ose un regard et vois Elise agiter son doigt pour que je la suive dans la salle de bain. Comme je m'y attendais, Sophia s'y faufile avec nous et referme la porte pour que nous soyons seules. Sans attendre, Elise retire mon bandage et dès que je vois le rouge du sang séché apparaître sur la compresse, je détourne le regard.
— C'est douloureux ? elle demande comme si j'étais une patiente.
— Non.
Je croise le regarde de Sophia qui fait une espèce de grimace de compassion. Je lui souris gentiment.
— Ce n'est pas très grave, ça ne saigne plus. Je te remets quand même un bandage mais demain tu n'en auras plus besoin.
Je marmonne un merci et tente un regard vers ma main. Un long trait fin et rouge barre ma paume, entouré d'autres petits traits. Effectivement, ce n'est pas grand-chose, et heureusement il n'y a plus de sang. Elise refait précautionneusement mon bandage, tout aussi parfaitement que Drew.
— Avec ta robe, ça fait un certain style, ironise Sophia.
Je lui adresse une grimace et m'apprête à sortir mais elle se plante entre moi et la porte. Je lève un sourcil interrogateur.
— Il nous reste quelques minutes, je veux un rapport complet, elle ordonne tel un commandant.
J'adresse un regard désespéré à Elise qui fait mine de ne pas nous écouter en rangeant la trousse de secours.
— J'ai passé un très bon moment avec Ethan, on s'est embrassé, on se revoit vendredi et j'ai discuté avec Drew.
Le reste, elle n'a pas besoin de le savoir. Pour l'instant. Elle pince les lèvres et me scrute quelques secondes.
— Je sais qu'il y a autre chose, mais tu ne veux visiblement pas me le dire.
Elle a un super pouvoir ou quelque chose comme ça ? J'essaye de garder un air innocent et hausse les épaules.
— Rien d'important.
Je sens la main d'Elise sur mon épaule alors qu'elle passe à côté de moi pour rejoindre la porte.
— En tout cas, si tu as besoin de parler de quelque chose, tu peux venir nous voir, tu le sais n'est-ce pas ?
J'adresse un sourire à Elise et hoche la tête. Je ne sais pas où tout ça va me mener, mais je sens que je vais avoir du mal à m'en dépêtrer. Il vaut mieux avancer un pas après l'autre et voir où les choses aboutissent. Il va falloir que je prenne le temps de penser à tout ça. M'éloigner d'eux, me retrouver dans mon appartement, seule, et prendre une décision.
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