Détends-toi
Vêtue de mon peignoir sous lequel je porte un maillot de bain acheté à la boutique du spa, je ferme les yeux de bonheur en sirotant un verre de champagne.
— Sophia, je tiens à te dire que j'aime ton fiancé, annonce Elise avec un soupir.
Assise sur un canapé à côté de moi, son verre de champagne à la main, elle regarde tout autour de nous. Après avoir passé un moment dans un bain de boue et nous être nettoyées, nous avons toutes les trois échouées dans le petit salon de style oriental qui avoisine les salles de massage. Jules a pu nous permettre d'être traités comme des rois ici, mais il ne s'y est pas pris assez à l'avance pour faire privatiser les lieux pour nous. Cela nous oblige donc à attendre que certaines salles se libèrent, mais je ne vais pas m'en plaindre. Cet endroit est de toute façon tellement calme que je ne remarque même pas que nous ne sommes pas seuls. Les garçons nous ont laissé quand nous sommes arrivés, pour aller dans la piscine, et ils ont prévu un sauna aussi. Leur programme ne m'intéresse pas vraiment du moment que nous, nous pouvons faire ce que nous voulons. Et là maintenant, ce que je veux c'est une séance de massage. J'ai accepté le bain de boue pour faire plaisir à Elise, mais maintenant c'est à moi de choisir et je veux un massage, de la tête aux pieds. C'est la première et sans doute la dernière fois que je peux profiter de tout ça gratuitement alors je joue le jeu à fond.
— Heureusement pour toi que Stuart n'est pas très jaloux, sinon je n'aurais pas hésité à le lui répéter, rétorque Sophia les yeux fermés et la tête rejetée en arrière sur le dossier du canapé.
— Il est jaloux, il fait juste semblant de ne pas être affecté.
Une note de regret s'installe dans sa voix et m'oblige à ouvrir les yeux pour observer son visage. Un verre de champagne n'a jamais paru aussi triste qu'en cet instant devant ses yeux.
— Quelque chose ne va pas ? je lui demande prudemment.
Elle lève les yeux vers moi comme si je venais de la sortir de ses pensées. Un léger sourire étire ses lèvres et elle secoue la tête.
— Ce n'est rien. Juste... un souvenir malvenu.
Je la fixe encore quelques instants jusqu'à voir son visage reprendre cette expression joyeuse qu'elle arbore presque en permanence.
— Tu sais tu peux nous en parler, lui dit Sophia les yeux toujours fermés.
— C'est du passé, tout va bien maintenant. Par contre, toi...
Elle pointe un doigt vers moi, le regard soudain malicieux. Je lève les sourcils et attend de savoir de quoi elle veut parler.
— Ethan, c'est ça ? Il n'est vraiment pas mal !
Je lève les yeux au ciel mais un sourire s'incruste malgré moi sur mon visage. Sophia est soudainement revenue avec nous, redressée sur le canapé comme si elle s'apprêtait à mener un combat.
— Raconte, elle s'exclame d'une voix aiguë. On a rien entendu de ce qui s'est passé.
Je fronce les sourcils.
— Je suis plutôt douée pour lire sur les lèvres, reprend Elise, mais Drew était de dos, je ne comprenais rien.
— Oh, vous parlez de hier soir ?
Elles m'adressent toutes les deux un regard entendu et je m'empourpre légèrement, me sentant soudain assaillie.
— Il ne s'est rien passé de très intéressant, je marmonne.
— Ben, voyons ! s'exclame à nouveau Sophia avant de boire une gorgée de champagne.
— J'ai cru qu'ils allaient se taper dessus, s'exclame Elise d'une voix plus aiguë.
Moi aussi, mais je préfère ne pas le leur dire. Cherchant à clore le sujet, je me passionne étonnamment pour mon verre de champagne, observant les petites bulles remonter à la surface avant d'éclater.
— Crache le morceau, Tess, me gronde Sophia.
Sans lever les yeux, je secoue la tête.
— Il n'y a rien à dire. Je suis nulle. Et je suis dans la merde, j'ajoute après une pause.
Elise éclate de rire et je me demande si c'est à cause de moi ou le verre de champagne qu'elle vient de finir.
— Tu as deux hommes très séduisants qui te veulent, je ne dirais pas que tu es nulle.
Je lève les yeux vers Sophia qui m'observe un sourcil levé pour appuyer son propos.
— Je suis nulle, parce que je ne sais pas ce que je dois faire.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? demande Elise qui se fait remplir son verre par un serveur.
Autre détail très agréable de notre journée, nous avons carrément des serveurs à notre disposition pour tout. Boissons, serviettes, tongues, peu importe ce que nous voulons, ils nous l'apportent.
— Je veux dire que je ne peux pas jouer avec eux comme ça. Il faut que je dise à l'un d'entre eux que je ne veux pas de lui.
— Et tu vas le dire à qui ? demande Sophia.
— C'est bien ça le problème, je n'en ai pas la moindre idée.
Je soupire et avale le reste de mon verre d'un trait. Le serveur arrive pour le remplir à nouveau.
— Tu dois peser le pour et le contre, me conseil Sophia. Pour chacun d'eux.
— Et te les taper, intervient Elise.
Je tourne un regard choqué vers elle, les yeux exorbités, bouche bée. Elle nous regarde tour à tour, je pense que Sophia arbore la même expression de choque que moi. Elise n'a jamais parlé comme ça. Elle ne dit jamais un mot de travers et ne fait que rarement des allusions graveleuses pour blaguer. Elle devient même légèrement rouge en général quand nos blagues partent un peu trop loin.
— Je l'ai dit à voix haute ? elle demande avec une grimace d'excuse.
Je hoche la tête et Sophia éclate de rire.
— Mon dieu, notre petite Elise nous cache bien des choses, elle s'exclame, morte de rire.
— Désolée, gémit Elise en se cachant derrière ses mains.
— Il n'y a pas de mal. On peut dire que c'était un conseil spontané.
— Et elle a raison, ajoute Sophia. Imagine si tu choisis celui qui est le moins bon au lit ? C'est un détail à ne pas mettre de côté.
Cette fois c'est elle que je regarde bouche bée. Suis-je passée dans une autre dimension ? Il y avait quoi dans la boue, je savais que ce n'était pas très bon comme truc. Il devait y avoir des vapeurs toxiques.
— Ne me regarde pas comme ça. Tu sais que j'ai raison.
— Vous êtes de grandes malades toutes les deux. Je ne peux pas faire ça, ça serait... ça ferait de moi une garce !
Sur ces mots, une jeune femme vêtue tout en blanc, l'uniforme du personnel ici, arrive dans le petit salon. Je m'empourpre légèrement.
— Mesdames, les salles sont libres, elle annonce d'une voix douce et professionnelle.
Sophia se lève en première et nous l'imitons.
— Tu devrais nous écouter, elle dit tout en suivant la jeune femme.
Je lui donne une petite tape dans le dos pour la faire taire, en vain.
— Tu n'as pas envie de coucher avec eux ? Ou au moins avec l'un d'eux ?
Dois-je lui dire que c'est déjà fait ? Qu'est-ce qu'elles penseraient de moi si je leur disais que j'ai déjà couché avec Drew ? Elise pose sa main sur mon épaule alors que nous nous arrêtons devant une porte.
— Je suis certaine que Drew est doué au lit.
Elle m'annonce ça comme on rassure quelqu'un avant une opération.
— Tu crois qu'il a ses menottes avec lui ? elle demande à Sophia.
Cette dernière hausse les épaules et fronce les sourcils, alors Elise se tourne à nouveau vers moi.
— On peut faire des choses vraiment marrantes avec des menottes, elle chuchote.
Je me tourne vers la jeune femme qui nous a menées jusqu'ici et essaye de penser à autre chose pour faire partir le rouge de mes joues. Si seulement elles savaient.
— Il n'y a que deux tables par salle, annonce la jeune femme. Je peux en faire installer une troisième si vous préférez être toutes les trois...
— Non ! je m'exclame sans la laisser finir sa phrase. Mettez-les toutes les deux ensembles, j'irais seule dans l'autre salle.
Elle hoche la tête et ouvre la porte derrière elle, faisant signe à Sophia et Elise d'entrer.
Sophia me tire la langue en passant devant moi alors qu'Elise m'adresse un clin d'oeil. Même si leurs suggestions m'ont mise mal à l'aise, je dois avouer que je les trouve divertissantes aujourd'hui.
— Si vous voulez bien me suivre, fait la jeune femme en avançant vers une porte un peu plus loin.
Elle l'ouvre et me fait signe d'entrer.
— Ma collègue va venir s'occuper de vous. Retirez votre peignoir et allongez-vous sur la table, elle arrive tout de suite.
Ravie, je m'exécute et soupire déjà de plaisir en m'allongeant sur la table froide. Un frisson me parcourt tout le corps. La pièce n'est pas vraiment décorée. Deux tables de massage sont disposées l'une à côté de l'autre, espacées d'un mètre, pouvant laisser la place au paravent qui est plié contre le mur pour séparer les deux parties de la pièce. Les murs couleurs sable semblent servir de toile de fond pour les plantes exotiques qui s'épanouissent sur les tableaux ou dans des vases et une légère musique relaxante résonne doucement grâce aux petits haut-parleurs disposés aux coins de la pièce.
— Bonjour, fait une petite voix alors que la porte s'ouvre et se referme derrière moi.
Je marmonne une réponse avec un sourire poli et sens mon corps se crispé légèrement. Je ne m'étais pas attendu à être aussi gênée de me retrouver presque nue devant une inconnue, bien que ce soit son métier et qu'elle a dû voir des centaines de personnes dans la même situation que moi. Prenant une grande inspiration, je ferme quelques secondes les yeux pour me détendre.
— Je suis Eloïse, c'est moi qui vais m'occuper de vous, elle annonce d'une voix douce comme si elle s'adressait à un animal blessé. Souhaitez-vous un peu plus de musique pour vous détendre?
À croire qu'elle lit dans les pensées avant même que je ne les ai moi-même comprises. Je hoche la tête et la jeune femme brune et plutôt petite, s'avance vers une console pour monter le son. Le bruit d'une rivière, accompagné de notes de piano, envahissent soudain la pièce et me recouvrent comme un cocon.
— Laissez-vous aller, elle me conseille en se frottant les mains avec une huile de massage.
Je ferme alors les yeux et inspire profondément. Mon corps tout entier se détend lentement. Doucement, je sens ses mains se poser sur ma peau et je me laisse aller au massage qu'elle me prodigue dans le calme et la sérénité la plus complète. Je crois même que j'ai fini par m'endormir ou alors je me suis tellement laissée emporter par le calme que je me suis perdue ailleurs dans mes pensées.
— Vous pouvez vous retourner, elle me chuchote.
Ouvrant à peine les yeux, je me retourne et m'allonge sur le ventre cette fois, les bras le long du corps, et je referme les yeux. J'entends la porte s'ouvrir mais je suis tellement zen que je me fiche de ce qu'il se passe du moment qu'on me masse. Des mains chaudes et huileuses se posent quelques secondes plus tard sur mes épaules et commencent un massage très agréable depuis ma nuque en descendant lentement vers le bas de mon dos. Un gémissement m'échappe tant la sensation est agréable. J'ai l'impression que les mains de la jeune femme sont étrangement plus grandes et moins délicates, mais je suppose que c'est mon imagination, la perception ne doit pas être la même parce que maintenant ses mains se trouvent sur mon dos.
— Tout va bien mademoiselle ? elle demande d'une voix qui me parait un peu trop anxieuse.
Je marmonne un « oui » à la fois d'extase et de suspicion. La porte s'ouvre à nouveau, se referme, et les mains sur ma peau ralentissent.
— Si vous voulez bien vous installez, monsieur.
Mon cœur fait un bon. Les mains dans mon dos s'arrêtent et des lèvres se posent sur mon épaule. Paniquée, je me redresse vivement et manque de tomber de la table en voyant Drew debout à côté de moi, un large sourire sur le visage.
— C'est toi qui... ?
Il m'adresse un clin d'oeil pour répondre à ma question avant d'aller s'installer sur l'autre table. Je n'arrive pas à savoir si je suis furieuse. Il m'a massée sans me demander la permission, alors que je suis presque nue. Et comment la masseuse a pu le laisser faire ? Est-ce qu'il savait que c'était moi avant d'entrer dans la pièce ? Ma masseuse revient vers moi et je la fusille du regard. Instantanément, elle devient rouge et semble paniquer.
— Oh non, je suis désolée. Il m'a dit être votre fiancé, je n...
— Quoi ? je m'exclame en fusillant cette fois Drew du regard.
Allongé sur le ventre, une serviette posée sur les fesses, il se marre en me regardant exploser de rage.
— Tu lui as dit quoi ?
— Détends-toi, bébé, c'était agréable, non ?
Mon cœur manque un battement en l'entendant m'appeler comme ça et pendant quelques secondes, je ne sais plus où je suis ni pourquoi je suis furieuse.
— Tu n'es qu'un crétin, je fulmine en me remettant à plat ventre.
Je tourne la tête dans l'autre sens pour ne pas le voir et ferme les yeux, attendant que la masseuse se décide.
— Voulez-vous que l'on change de salle ? demande la masseuse de Drew.
— Non, je suis très bien ici, il réplique avant que je ne dise quoi que ce soit.
— Mademoiselle ?
J'agite la main pour lui dire de me laisser tranquille. Il m'a déjà vu nue de toute façon.
— Avoue que tu as aimé, il me taquine alors que la masseuse vient timidement commencer son massage sur mes épaules.
— Qu'est-ce que ça peut bien faire ? je ronchonne, ne voulant pas accepter l'évidence.
Il est vraiment doué. J'ai cru que c'était la masseuse, pour dire à quel point c'était bon. Même mieux, en fait. Je n'arrive pas à y croire, mais c'était plus agréable encore que ce qu'elle fait en ce moment. Son massage à lui avait plus de caractère et ses gestes étaient plus passionnés.
— J'aime ta peau.
Si mon cœur pouvait sortir de ma poitrine là maintenant, il le ferait. Me pinçant les lèvres pour ne pas dire quelque chose que je regretterais, je me tourne vers lui. Il me regarde avec des yeux brillants, leur couleur émeraude me transperçant l'âme. Je sens presque mon corps se tendre vers lui.
— Tu as dit qu'on est fiancés.
J'essaye d'avoir l'air de le lui reprocher, mais ma voix est trop rauque pour paraître agressive.
— J'avais envie de caresser ta peau.
J'ai du mal à déglutir. Comment puis-je être furieuse contre lui quand il dit des choses pareilles? Son sourire en coin me fait fondre.
— On ne sort même pas ensemble, je grogne.
Le seul son que j'arrive à faire qui puisse donner à mes propos l'air d'être des reproches.
— Ça ne tient qu'à toi, il dit d'une voix douce et rauque.
J'observe les mains de sa masseuse passer sur les muscles de son dos, glisser sur sa peau luisante d'huile et je me surprends à l'envier. Qui ne l'envierait pas ? Il est beau, musclé, sexy... il faut que je me reprenne. Je ferme les yeux et me concentre sur les mouvements de ma masseuse.
— Laisse-moi finir ce massage ce soir, dans ta chambre.
Je serre les paupières, plus fort. Comment peut-il me dire des choses pareilles alors que nous ne sommes pas seuls ?
— Tais-toi, je chuchote, sentant mes joues se colorer.
Je l'entends rire, mais je suis trop occupée à m'en vouloir à moi-même d'être aussi vulnérable pour m'en soucier.
— Je suis certain que t'aimerais m'en faire un toi aussi.
Il me faut quelques secondes pour me maîtriser et ne pas sauter de la table pour aller le faire tout de suite. Je suis sensée être furieuse contre lui. Mais je ne peux pas oublier comment mes doigts glissaient sur sa peau.
— Vous pouvez mettre le paravent ? je demande à ma masseuse.
— Non! D'accord, d'accord, il s'exclame. Je ne dis plus rien.
J'ouvre un oeil pour voir son visage. Il m'observe. Ou plus précisément, il observe les gestes de ma masseuse. Je me demande s'il fait seulement attention à ce que fait la sienne. Le voir aussi concentré sur moi me perturbe autant que ça me plait.
— Tu es supposé te relaxer, je lui dis pour détourner son attention.
Ses yeux reviennent à la rencontre de mon regard et il m'adresse un sourire ravageur.
— Je le serais quand tes mains seront sur ma peau.
Un frisson me saisit tout le corps sous sa voix rauque et je ferme les yeux en espérant que ma masseuse n'ait rien remarqué.
— Tu as dit que tu arrêtais, je grogne.
J'ouvre un oeil et le vois faire le geste de zipper sa bouche. Derrière lui, je vois sa masseuse échanger un regard avec la mienne. Si je ne me trompe pas, elle a l'air de vouloir être à ma place. Drew ne me quitte pas des yeux. Et je ne le fais pas non plus. Ici, juste avec lui, je me demande ce qui s'est passé pour que nous en arrivions là.
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