20 - Souvenirs


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- DAMABIAH - L'ange guérisseur des cœurs blessés.

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Dans la chambre de Hayden, l'atmosphère reste silencieuse. Tout le monde doit être au bal, car sur le chemin, nous n'avons rencontré personne. Mon seul désir à cet instant est de me laver et de me changer. Hayden, lui, ressent probablement la même chose. Il tente de retirer son tee-shirt sans attendre, mais il a du mal à y parvenir en raison de son bras gauche. Il s'efforce de tirer la manche droite avec ses dents, puis il parvient à l'enlever de ce côté-là.

Je m'approche de lui et pose mes mains sur le tissu, essayant de le faire passer par sa tête d'abord, puis je fais glisser le reste du vêtement le long de son bras restant. Cela m'a surpris qu'il se laisse faire sans rien dire, mais je suppose qu'il n'a pas d'autre choix. Son épaule est enflée, et la peau de son torse et de son dos est marquée par de nouvelles cicatrices et de griffures ensanglantées qui commencent déjà à sécher.

- Ton épaule devient bleue et semble avoir gonflé.

- Elle s'est déboitée lorsqu'un démon m'a sauté dessus, j'ai mal atterri.

- Ça fait mal ?

- Quand tu ne la touches pas, non, ça va, mais il faut que je la remette en place et ça risque de ne pas me plaire.

Il me regarde puis me dit :

- Tu peux me le faire ?

- Tu ne veux pas plutôt appeler quelqu'un qui saurait comment gérer ce genre de situation, ta sœur ou bien un ange médecin, si ça existe ou n'importe qui, paniqué-je.

- Non, je ne peux pas, sinon il faudra que j'explique comment je me suis fait ça, et je te l'ai déjà dit, les anges ne peuvent pas mentir.

Je me mords le bord de ma lèvre inférieure, puis j'accepte en acquiesçant.

- Il faut que je fasse quoi, demandé-je.

- Tu attrapes mon bras, plis mon coude tout doucement, une main sur mon poignet et l'autre à peine au-dessus du coude.

Je suis ces instructions en même temps qu'il m'explique. Je me retrouve face à son profil gauche.

- Comme ça ?

- Oui, c'est bien. C'est maintenant que ça va être dur. Surtout, fait le bien.

- Je suis prête.

- Avec ta main qui est le plus haut, donc ta main droite, tu vas tirer vers le bas, puis avec ta main qui tient mon poignet, tu vas le pousser en arrière en continuant de tirer vers le bas avec ta main droite.

- Ok...ok, repété-je, afin de me laisser le temps d'imaginer ce que je dois faire.

J'exécute les mouvements, suivant les instructions qu'il m'a données tout en m'efforçant de ne pas lâcher prise. C'est compliqué, car mes petites mains peinent à saisir correctement le bas de son biceps musclé. Le bruit désagréable et la sensation de son bras qui bouge à l'intérieur me terrifie. Je remarque qu'il serre les dents, le regard fixé droit devant lui, immobile. Une fois que j'ai enfin réussi à replacer son épaule, laissant entendre un claquement qui m'indique que c'est bon, il laisse échapper un soupir qu'il retient depuis le début.

- Il ne faut pas que tu le lâches, compris.

- D'accord

Il regarde autour de lui, cherchant quelque chose du regard, puis s'avance vers son armoire. Je le suis, les mains toujours fixées à leur place. D'un geste précis, il ouvre son placard avec son bras valide et en sort un tee-shirt noir.
Sans qu'il ait besoin de dire un mot, je comprends ce qu'il veut faire. Avec ces dents, il déchire sans difficulté le tissu en lanières, créant ainsi un bandage improvisé. En me tendant le long morceau de tissu mal découpé, j'hésite à bouger mes mains.

En voyant mon hésitation, il replace le bout de vêtement entre ses dents, le tenant par un coin, puis il remplace ma main droite, écartant ses doigts pour qu'il puisse tenir son coude et son bras correctement. Je le relâche doucement pour vérifier la stabilité qu'il a obtenue avec une seule main, puis je saisis le bandage fait maison qui pend entre ses dents.

Maintenant que j'y pense, il aurait pu le faire seul, non ?

Il incline sa tête vers moi, et je touche enfin le tissu noir, effleurant du bout des doigts ses lèvres douces, ce qui me perturbe un instant. Je passe le bandage sous son coude gauche, puis derrière sa tête, formant un nœud solide qui crée une sorte d'attelle. Je me demande si de vraies attelles existent dans ce monde. Il lâche enfin prise, laissant échapper un soupir de soulagement, tandis que je vois son visage se détendre, la mâchoire moins serrée et l'expression plus apaisée.

- Il ne fallait pas me suivre, dis-je soudainement.

- Si je ne l'avais pas fait, tu serais sûrement morte, dévorée par une dizaine de démons.

Dizaine, répété-je dans ma tête avec effroi.

- Au moins, tu ne te serais pas blessé.

- La ferme, dit-il d'un ton sec.

Mes yeux s'écarquillent.

- Si je devais le refaire, je le referais.

Je reste sans voix.

Il commence à déboutonner son pantalon et pour ça, il n'a pas eu besoin de mon aide. Je tourne la tête afin de lui laisser de l'intimité, qui semble en réalité ne pas en avoir besoin, à croire toutes les fois qu'il se déshabille devant moi.

- Tu semble ne pas avoir honte de te changer devant une femme .

Il ne répond pas.

Je jette un coup d'œil pour vérifier cette fierté démesurée qui se dégage de son corps. Il cherche des vêtements dans son dressing. Son physique est musclé, mais équilibré, il ne ressemble pas à ces bodybuildeurs dont le haut du corps est trois fois plus large que les cuisses. Non, lui, il a un corps musclé comme il faut. En fait, il a raison d'être fier de son corps. À vrai dire, tout le monde devrait être fier de son apparence, comme il en a pour lui-même, mais pas au point de se déshabiller devant n'importe qui.

Une pensée me traverse l'esprit, celle du démon qui a réagi lorsque je lui ai parlé, sans tenter de m'étriper. Est-ce que l'un des pouvoirs des anges est de contrôler les démons ? Il faut absolument que je me renseigne. Si Hayden n'aurait pas réapparu pour le tuer, j'aurais peut-être pu savoir si c'était vraiment moi la cause de son obéissance.

- D'ailleurs, comment tu m'as trouvé dans la forêt ?

Il fouille encore.

- Les événements ne sont pas trop mon truc, j'étais sur mon balcon et je t'ai vu courir de façon étrange et à l'opposé de là où tu devais être ce soir. Je me suis dit qu'il fallait que je te suive pour savoir ce qu'il se passe... Ah, la voilà !

Il se retourne enfin et à ce moment, j'ai oublié que j'ai continué à le regarder. Quand j'ai compris ça, c'était trop tard, mais je retourne quand même ma tête sur le côté, sachant pertinemment qu'il sait que je l'observais.

- Pas la peine de tourner ta tête, je t'ai vu, dit-il souriant.

- Non, je ne sais pas de quoi tu parles, sourié-je également honteuse, pas de l'avoir regardé aussi longtemps, mais qu'il m'ait vu le faire.

- Oui, c'est ça, tiens, attrape.

Il me lance une robe sublime que j'attrape au dernier moment. Elle est noire, longue jusqu'aux genoux et a le dos nu.

- Une robe de soirée ? Comment ça se fait que tu aies ça dans ton armoire ?

Il ne répond pas et perd son sourire doucement. Serait-ce une robe de la fameuse Leila ?

- Je peux te poser une question ?, demandé-je.

- Lequel ?

- Avant que je m'évanouisse....

Il ne bouge plus, en attendant la suite.

- Tu m'as appelé... Leila, terminé-je.

Je serre les dents, espérant ne pas être trop direct concernant sa vie privé.

- C'est personne. Plus maintenant, répond-il, la voix à peine audible.

- Tu veux dire qu'elle est...

- Morte, dit-il, terminant ma phrase.

Il me regarde, puis baisse les yeux sur la robe que je tiens entre mes mains.

À mon tour, je la regarde. J'ai la réponse à ma question, mais je demande quand même pour une confirmation.

- Cette robe était... à elle ?

Il acquiesce sans quitter la robe des yeux.

- Tu devais tenir beaucoup à elle.

- Hmm, c'était une très belle femme. Courageuse... déterminée... sincère. Des qualités rares chez un ange de nos jours.

Il lève les yeux vers moi à présent, puis continue :

- Tu lui ressembles beaucoup en réalité.

- Si cela te gêne que je porte cette robe, je peux comprendre, dis-je, lui tendant la robe afin qu'il la récupère.

- Non, garde-la, je préfère te la donner que de la laisser prendre la poussière ici. Et puis, je suis sûr qu'elle tira très bien.

Je ramène la robe à moi et je le remercie.

- Tu veux prendre ta douche en première ?

- Oui, je veux bien, lui sourié-je. Je dois aller à la salle de bal. Les filles doivent s'inquiéter, en particulier ta sœur.

- Je t'accompagne pour te protéger.

- Je ne veux pas de ta protection, tu vas encore finir blessé par ma faute.

- Je te l'ai dit, si c'était à refaire, je le referais.

À ces mots, mon cœur fait un bond. Je commence à ressentir mon corps grimper en température, bien que cette nuit soit glacée.

Je viens de terminer ma douche et d'enfiler le vêtement propre.

- Ça fait un bien fou.

J'essuie rapidement le miroir afin de voir mon reflet. En me regardant dedans, je me remémore ces moments passés dans ma chambre à me maquiller pour aller faire du shopping ou sortir avec ma mère. Je reste là, devant ce miroir, perdue dans mes pensées mélancoliques. Je passe ma main sur la buée qui commence à s'installer à nouveau sur la surface du miroir et je réalise, en sortant de mes souvenirs, que je ne pourrais pas me préparer comme il se doit pour le bal.

Avec une salle de bain d'homme, il est certain que je ne trouverai pas de quoi me repoudrer le nez. Pourtant, il y a bien eu cette robe que je porte. Enfin, tant pis, je vais devoir me contenter de ça. Je laisse mes cheveux au naturel, longs et ondulés. J'emprunte tout de même une brosse à cheveux pour me coiffer.

- Voilà, je suis prête.

En sortant de la salle de bain, je me rends compte qu'il n'est pas dans sa chambre. Profitant de l'occasion, je décide de faire un petit tour, intriguée par ces affaires. Je sais que ce n'est pas correct de fouiller, mais une chambre peut révéler beaucoup sur une personne, souvent sans qu'elle ne s'en rende compte. Sur son bureau, je remarque plusieurs livres, une fois de plus.

- Il a vraiment une passion pour la lecture.

J'espère sincèrement qu'il ne s'agit pas de livres interdits, je ne souhaite pas revivre une autre catastrophe comme la dernière fois.

Par précaution, je n'y touche pas. Qu'est-ce que mon pouvoir peut faire sur un livre interdit maintenant que j'ai passé cette cérémonie. J'étais la seule à pouvoir l'annuler, peut-être que je peux aussi en activer sans le vouloir. Je penche ma tête par-dessus pour lire les titres. Toucher avec les yeux, ça ne compte pas, enfin, j'espère.

- La légende du monde des anges déchus. Le pouvoir des anges suprême. La lignée des anges purs.

Il fait des recherches sur moi ?

La porte s'ouvre et Hayden apparaît. Il revient à moitié nu, encore... Il a dû prendre sa douche dans une autre chambre, probablement celle de son frère.

– Je me suis permise de fouiller dans ta penderie, j'espère que tu apprécies ma sélection.

Il jette un coup d'œil sur son lit, sur lequel je lui ai déposé des vêtements. Une chemise noire et un pantalon classique qui étaient cachés au fond de son armoire ainsi qu'une paire de chaussures classiques qui ira très bien avec le reste. Comme accessoire, une petite ceinture simple noire à boucle carrée de couleur or.

- Hors de question que je porte une chemise

- C'est un bal, tu as oublié ?

- Je ne vais pas y participer, seulement t'accompagner.

Il sort alors une tenue plus décontractée et n'attend pas que je me retourne, qu'il lâche la serviette qui tombe au sol, laissant apparaître son corps entièrement nu. Toute rouge, je fais vite un demi-tour, essayant de reprendre mes esprits.

- Tu peux regarder, ça ne me gêne pas

- Non... ça ira.

- Dans ce cas, ne lâche pas des regards furtifs dans ma direction, dit -il en souriant.

Je rougis. Il avait donc remarqué, j'avais raison.

- Je ne t'ai pas encore remercié de m'avoir sauvé, dis-je essayant de penser à autre chose.

-Je t'ai promis de rester avec toi le jour de notre rencontre.

-Sauf que tu m'as laissé avec ta sœur.

-Cest vrai.

- Donc la condition n'est plus valable ?, sourié-je pleine d'espoir.

- Si ma jolie, elle tient toujours, tu dois encore faire tout ce que je veux. Ne t'en plein pas, c'est toi qui as fait cette proposition, dit-il tout en se rapprochant de mon oreille tout souriant.

Je souffle.

Devant moi, près de la porte d'entrée, j'aperçois mes talons que j'avais lorsque je courais vers la forêt.

Il les a retrouvés et ramenés, c'est gentil, surtout venant de lui.

- Oh non, mes chaussures sont....

Avant que je finisse ma phrase devant mon visage, une paire de talons hauts apparait.

Hayden me tend une belle paire de talons aiguilles noirs. Je les prends et me retourne, soulagée et reconnaissante. Je ne suis pas maquillé, mais au moins je suis propre et je porte de magnifiques vêtements.

En attachant les fermoirs des talons, je me rends compte que si Hayden n'avait pas ces soucis de colère, il aurait été parfait. Lorsque je me redresse, je le vois me tendre le bras tel un homme galant. Un homme galant habillé d'un jogging et d'un tee-shirt tout en noir, mais c'est mignon.

Mon cœur tremble et se réchauffe.

- Allons- y.

- Je pensais pourtant que tu n'aimais pas ce genre de soirée.

- Qui te protégera si je n'y vais pas ?

Je lui souris.

- Ma jolie, après cette soirée, je voudrais que l'on discute d'un sujet qui te concerne, et n'oublie pas, ne montre tes ailes à personne. 

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