19 - Pouvoirs Angéliques
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- REHAEL - L'Ange de la soumission
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Je sors de l'obscurité sur le sol, allongée sur le côté, bercée par la douceur d'un parterre d'herbe verte. Ma robe est maculée de terre et d'une substance rougeâtre que je reconnais peu à peu. Qu'est-ce qui a bien pu se passer pendant que j'étais inconsciente ?
En levant les yeux, je découvre un ciel étoilé, où deux croisant de lune se font face, illuminant la nuit. Le soleil a disparu depuis bien longtemps.
Un bruit soudain parvient à mes oreilles. Je me lève doucement pour éviter d'avoir le tournis, mais je me sens lourde, beaucoup plus que d'habitude. Une fois sur pied, je faillis perdre l'équilibre en basculant en arrière, me rattrapant à un arbre.
Tout à coup, un souvenir me frappe : si je me retrouve ici, c'est parce que mes ailes peuvent sortir à tout moment. Je tourne la tête pour vérifier, et effectivement, elles sont là, sur mon dos, pesant plus lourdement qu'elles ne devraient l'être. Elles ont dû se déployer pendant ma perte de conscience. J'espère que personne ne les a vues... Et puis, il y avait Hayden avec moi et...Laïla... Où est-il à présent ? Pourquoi m'a-t-il laissée ici ?
Les bruits au loin deviennent de plus en plus distincts, me laissant croire qu'ils ne sont pas si loin que ça. Des sons étranges et bientôt, je réalise qu'il y en a plusieurs. En scrutant la nuit à travers les feuillages et les buissons, j'aperçois difficilement des silhouettes dont j'identifie à peine les contours, toutes dansant autour d'une ombre. Hayden ?
En m'approchant lentement, les sons deviennent de plus en plus clairs. Ce sont des grognements qui éveillent en moi un souvenir. Je m'arrête à la frontière d'une très grande lisière dans la forêt, et c'est à cet instant que mon cœur s'emballe en découvrant la scène au loin devant moi.
Hayden se bat seul contre une bonne dizaine de démons. Aéphyra reste silencieuse, et quelque chose ne va pas dans cette forêt : les démons, les selphies disparues.
Je remarque qu'il semble blessé, son bras gauche pend à ses côtés, comme s'il ne pouvait plus le contrôler. Sans armure, il se défend uniquement avec une dague. Je suis choqué par ce spectacle et la peur m'immobilise. Pourquoi n'a-t-il pas prévenu les autres anges ? Le poids sur mon dos répond à mes interrogations. S'il avait alerté les autres, ils m'auraient trouvée avec mes ailes.
- Je dois les cacher et aller l'aider, murmuré-je.
Je ferme les yeux et me concentre, imaginant mes ailes se repliant comme je l'ai visualisé. C'est de plus en plus facile à réaliser, me dis-je en vérifiant que mes ailes ont bien disparu. Même la légèreté de mon corps soudainement doit déjà être un indice à cela.
Je me concentre sur la prochaine étape : trouver une arme. En scrutant les alentours, je repère un gros bâton au sol. Je le ramasse et commence à enlever les petits bâtonnets et feuilles pour le rendre plus lisse, afin qu'il soit plus agréable à utiliser en cas de besoin. Je prends une première respiration, puis une seconde plus profonde pour me calmer.
Je fais un pas en avant, mais au moment où mon pied se pose au sol, un craquement derrière moi me fige sur place. Je ne me retourne pas et continue d'avoir les yeux rivés sur le combat face à moi. En voyant Hayden, je ressens un soulagement en constatant qu'il s'en sort assez bien. Ses mouvements sont aériens et légers, si fluides qu'on peut penser être capable de reproduire tous ces gestes avec aisance.
Il ne lui reste que trois démons à vaincre, qu'il détruit un par un avec une détermination impressionnante. En l'observant, je ressens un frisson qui gargouille dans le bas de mon ventre. Je ne sais pas si c'est parce que je l'admire ou si c'est la peur qui me paralyse depuis tout à l'heure. Un démon n'attaque pas tant qu'il n'entend aucun bruit, et heureusement, la peur me tient figé, sans bouger d'un cil.
Captivé par le spectacle devant moi, je n'ai pas remarqué des bruits de pas derrière moi qui se rapproche de plus en plus.
Je n'ose pas me retourner, et si c'est un démon ? Une odeur nauséabonde m'atteint, confirmant mes pires craintes. Il est tout près, immobile, laissant échapper une haleine fétide qui me soulève le cœur. Avec précaution, je pince mon nez de ma main, essayant de bloquer cette senteur insupportable. Hayden !, crié-je dans ma tête aussi fort que possible, m'imaginant qu'il puisse m'entendre. On raconte que si l'on fixe une personne trop longtemps, elle le ressent et instinctivement elle se retourne pile là où le regard perce. Je vais tenter ma chance, même si je l'observe depuis un moment et qu'il n'a toujours pas fait attention à ma présence, sûrement trop occupé à tuer ces monstres.
Hayden, regarde-moi, je t'en prie, mimé-je sans bruit avec ma bouche.
Enfin, il s'arrête et tourne la tête dans ma direction. Son visage est impassible, il déploie ses ailes et s'envole dans l'autre direction, creusant l'écart entre nous, laissant derrière lui des cadavres de démons qui se liquéfient.
Il m'a abandonnée. À cette pensée, une larme glisse le long de ma joue, traçant un chemin sur ma main toujours posée devant mon nez.
Il m'a abandonné, je ne pensais pas que ma fin serait de finir dévoré par un démon.
J'attends depuis quelques minutes, peut-être quatre ou cinq, et mes jambes commencent à faiblir dans cette position. Hayden m'a vraiment abandonnée, et ce démon ne semble pas vouloir s'en aller. Il faut que je fasse quelque chose.
J'ai toujours le gros bâton dans ma main, constaté-je. Alors, si je m'avance rapidement, puis me retourne, je peux lui donner un coup avec, comme une batte de baseball, mais la balle serait son crâne. Je pourrais sûrement m'en tirer.
Je retire doucement ma main de mon visage pour la poser délicatement sur le bout de bois, cherchant à utiliser toutes mes forces lorsque je frapperai.
Mon visage se crispe, retenant mon souffle pour ne pas vomir à cause de cette odeur, pire que celle des égouts de mon monde.
Allez, un, deux... Et trois.
Je fais deux grands pas en avant, remontant mes bras derrière mon épaule gauche en tenant le bâton très fort, prête à donner un énorme coup au démon tout en me tournant pour lui faire face. Le dégoût m'envahit encore plus de repenser que cette chose était à deux centimètres de moi depuis plusieurs minutes. M'élançant pour le frapper, je remarque qu'il n'a absolument pas bougé depuis le début. Je m'arrête net avant que le bois ne fracasse ce qui semble être sa tête.
J'ai pourtant fait du bruit. Il reste là, droit, le regard vitreux, plongé dans un vide absolu. Son corps de chair et d'os ressemble de plus près à celui d'un mort-vivant dans un film d'apocalypse zombie.
Ça vient de là l'idée pour ces créatures mangeuses de chair et friandes de cervelle ? Ou, ça existe vraiment et je suis en face de l'un d'entre eux ?
Plus je scrute cette créature à moitié décharnée, plus je trouve une distinction entre lui et moi. Chaque détail que je remarque ne fait qu'accentuer l'horreur de la situation. Le démon possède de longues griffes pointues capables de déchirer la chair facilement, et ses dents, bien qu'incomplets, évoquent une menace sourde. L'image d'un humain brûlant, vif s'impose à moi, comme si cette vision était une métaphore de sa souffrance, de ce qu'il a enduré.
Les yeux vitreux, incapables de voir, semblent avoir été fondu. J'aimerais me rapprocher plus, mais j'ai peur que la créature m'attaque. Je reste sur mes gardes.
- Pourquoi... tu ne m'attaques pas ?, hésité-je à dire, sans pour autant attendre de réponse.
Il ne me répond pas, son regard fixé sur l'horizon. Pourtant, il fait un geste délicat en inclinant légèrement sa tête sur le côté. Est-ce qu'il m'a compris ? Ou ce geste n'a-t-il aucune signification particulière ?
- Tu... Tu me comprends ?, réessayé-je.
Il pivote brusquement sa tête vers moi et ses yeux dénués de vie se plantent dans les miens. Ce mouvement a un effet dévastateur à court terme sur moi, comme si un choc électrique me frappait tout d'un coup. Immédiatement, je saisis de nouveau le bâton des deux mains et le place entre nous de manière à créer une barrière, prêt à me défendre si jamais il décide de me sauter dessus.
Après cette peur qui se dissipe, une vague de curiosité grimpe, me submerge de nouveau, et les questions affluent dans mon esprit à un rythme effréné. M'a-t-il vraiment compris ? Peut-être a-t-il simplement suivi le son de ma voix. Pourquoi ne m'attaque-t-il pas ? Existe-t-il des démons qui soient pacifiques ?
Plus nos regards se soutiennent, plus j'ai l'impression de percevoir quelque chose au fond de cette créature, mais je n'en suis pas certaine.
- Si tu me comprends..., commencé-je.
Pourquoi je me mets à parler avec un démon, pensé-je.
– Marie, reprend-toii, tu commences à ressembler à une folle, me murmuré-je.
Cependant, j'ai cette impression qu'il n'a pas l'air méchant et qui ne veut pas m'attaquer.
- Si tu me comprends, cligne des yeux, reprené-je.
Lorsqu'il ne fait rien, je me rends compte qu'il n'a pas de paupière, quelle conne. Je recommence.
- Si tu me comprends... lève un bras lentement.
D'un geste rapide, il lève son bras gauche, me faisant faire de nouveau sursauter et ressentant un autre choc électrique.
- J'ai dit lentement !, m'écrié-je, essoufflé par la peur, la main sur la poitrine et l'autre tenant le morceau de bois toujours entre nous.
C'est à ce moment-là que je comprends enfin qu'il m'a répondu. Les mots me manquent, et je réalise que je dois reprendre la parole pour en être certaine. Je prends une profonde inspiration, rassemblant mes pensées, et je m'efforce de formuler une question, espérant qu'il puisse encore me comprendre et me répondre.
Il faut que je recommence.
- Si..., commencé-je.
Qu'est-ce que je peux demander sans avoir de crise cardiaque ?
- Si tu ne veux pas m'attaquer, baisse ton bras, et doucement cette fois-ci.
En attendant qu'il fasse un geste brusque, je me prépare mentalement. Contre toute attente, il baisse son bras tout doucement, si lentement que je trouve ça un peu long.
Je n'arrive pas à le croire, il se moque de moi.
- Je ne savais pas que les démons avaient le sens de l'humour, dis-je.
Donc, je peux vraiment les contrôler ? Où est-ce que lui seul comprend et n'attaque pas ? Et si... Depuis que j'ai bu ce breuvage dans la coupe, je me sens légèrement différente. Mes ailes, d'abord légères, semblent désormais lourdes, comme si elles portaient un nouveau poids. Elles obéissent aussi plus rapidement qu'auparavant, réagissant à mes pensées presque instantanément. Et maintenant, un démon me répond et ne m'attaque pas.
- À présent, fait un ...
Mes yeux s'écarquillent de surprise, je sens de l'humidité sur mon visage et la peur me crispe, laissant le bâton dans ma main tomber. En un instant, la tête du démon se détache de son corps, glissant à la verticale sur son coup jusqu'à atterrir au sol.
Cette scène me rappelle celle dans la bibliothèque, où Hayden avait tranché la tête du démon, celle-ci roulant jusqu'à mes pieds, suivie du corps qui s'effondre. Cette fois-là j'étais soulagé d'avoir été secouru, mais à présent, je me sens perdu et responsable de sa mort.
C'est bizarre, je me sens triste. Pourquoi je ressens de la tristesse ?, pensé-je, gardant les yeux sur son corps décapité.
J'ai le sentiment d'avoir été témoin d'un meurtre et qu'on avait assassiné un être innocent et non pas un démon tueur. Surement parce qu'il paraissait si inoffensif.
Alors que le cadavre se décompose au sol, je réalise enfin qui est le meurtrier. Hayden. Une colère sourde et soudaine monte en moi en le voyant.
- Pourquoi tu la tuer ?, crié-je enfin.
Il me regarde, l'air perdu.
- Merci Hayden, t'es mon héros, se moque-t-il prenant une voix plus aiguë.
- Je ne te remercierai pas de l'avoir tué, réponds-je, serrant la mâchoire.
Il faut que je me calme, de toute façon, il ne me croirait pas... Ou peut-être que si ?
— T'a mis du temps à revenir, t'a changé d'avis en milieu de route ?, dis-je, croisant les bras.
- Changer d'avis ? Non, je voulais faire le tour pour l'attaquer par surprise sans qu'il te blesse. Tu étais trop proche de lui pour que je l'attaque de front.
Il ne semble pas mentir, et semble même déçu de penser qu'il aurait pu m'abandonner. Je regarde ces blessures et analyse sa manière de respirer. Il a l'air si épuisé, depuis combien de temps il se battait avant que je reprenne conscience ?
Il m'analyse de haut en bas à son tour, prenant son air inquiet, cherchant la moindre blessure sur moi, me secouant de gauche à droite pendant ces recherches. C'est bien la première fois que je le vois prendre cet air-là pour moi. C'est mignon.
- Ça va ? Il ne t'a pas blessé ?
- Non, ça va, il ne m'a pas attaqué. Il ne voulait pas me faire de mal.
Il me lâche et me regarde dans les yeux, puis lève les yeux sur ma tête pour vérifier si je n'ai pas une bosse ou autre qui pourrait expliquer ce délire.
- Tu me cherches des poux pour regarder intensément mon crâne de cette façon ?, demandé-je sarcastiquement.
- Non... ou si, peut-être. Si tu en as, il est possible qu'ils auraient pu creuser un trou jusqu'à ta cervelle.
Je ris.
— Non, mais tu t'entends ?
- C'est plutôt moi qui devrais te dire ça. Un démon qui ne veut pas attaquer un ange, personne n'y croirait.
- Tu as oublié que je ne suis pas n'importe quel ange et que probablement, c'est mon nouveau pouvoir.
- Oui, c'est vrai que tu n'es pas n'importe quel ange, ma jolie.
Mes joues rougissent, en repensant que je me suis éteinte dans ces bras avant de sombrer dans l'obscurité.
- On devrait aller se nettoyer, d'ailleurs, il faut qu'on parle.
Parler ?
- Tu veux discuter de quoi ?, demandé-je perplexe.
- Sur toi, répond-t-il, me regardant dans les yeux.
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