18 - Leïla ?
***
- MUMIAH - L'ange de la renaissance.
***
- VOTRE ATTENTION À TOUS.
Le gardien prend la parole, coupant la mienne et interrompant le murmure ambiant qui règne dans la salle, laissant nos conversations en suspens. Tous les regards se tournent vers lui, et un silence respectueux s'installe.
Étant au fond de la salle, près d'Hailey, et malgré mon effort pour me concentrer, il m'est difficile de saisir pleinement ces paroles, surtout avec le son qui résonne dans cette immense salle. Les autres semblent captiver, suspendus à ses lèvres, tentant de faire de même, me laissant emporter par cette atmosphère solennelle.
Je ne peux m'empêcher de penser que cela ressemble à une consécration dont j'ai entendu parler dans mon monde, où l'on se met à genoux pour recevoir une bénédiction, offrant l'hostie et le calice en offrande.
C'est ce que j'ai entendu dire en tout cas, car je ne suis jamais allé à l'église et je n'ai jamais pratiqué ce rituel. Cependant, cette image s'impose à moi.
Lorsque le gardien termine ces explications, un à un, les anges s'avancent vers lui, se mettant à genoux avec une grâce angélique. Je les observe, intrigués par leur dévotion.
Le faux prêtre, avec une gestuelle précise, glisse quelque chose dans la bouche de chaque ange et prononce quelque chose que je n'arrive pas à saisir.
Après ce geste, chaque ange se relève, et se place debout sur le côté de la salle. Aligné comme s'ils avaient été marqués par cette scène, évoquant un moment de transition, de rite initiatique, où chaque ange, en se soumettant à cette cérémonie, marque son appartenance à une communauté ou à un ordre supérieur.
Ce rituel semble être une étape normale dans leur monde.
- Hailey, il va se passer quoi lorsque la cérémonie passera ?
- Nous découvrirons notre spécialité et nos pouvoirs ainsi que nos ailes qui se débloquent et se dévoilent d'eux-mêmes.
Nos ailes, me répété-je dans mon esprit.
Ne montre tes ailes à personne si tu ne veux pas mourir.
Mon bras recommence à me démanger, persuadé que ce serpent est en réalité venimeux. Lorsque je dépose mes yeux dessus, je vois du sang sécher. Comment un rêve peut-il devenir tangible ? Après tout, tout ce que je vis paraît irréel, alors pourquoi l'imaginaire ne pourrait-il pas se concrétiser.
Vient enfin mon tour, et je sens une montée d'angoisse mêlée à une curiosité insatiable. Le gardien me regarde fixement puis me demande de m'approcher près de lui.
Tous les regards sont braqués sur moi. Je ne peux m'empêcher de repenser aux paroles des anges noirs qui ont remplacé ma famille dans ce rêve. "Nous sommes très loin d'être des anges", avait-il dit. Alors qui sont-ils vraiment ? Depuis le début, je vis avec ces créatures ? Plusieurs questions sont sans réponse, à commencer par, que suis-je réellement ?
Arrivant devant le gardien, vêtu d'une fausse soutane, je sors de ma torpeur et me mets face à lui. Son sourire incessant me met mal à l'aise. La morsure sur mon poignet me brûle d'une telle intensité, mais je fais semblant de rien pour que personne ne remarque les trous dans ma peau ni se sang sécher que j'ai essayer d'effacer avec ma bave.
Je jette un œil autour de moi, l'air tendu, avant de prendre une profonde inspiration et de m'agenouiller. Une fois installé, il soulève le calice, ses lèvres murmurant des mots dans une langue étrange et mystérieuse. Encore cette langue, pensé-je, incapable de détourner le regard du récipient qu'il tient.
Je remarque qu'il est très ancien, marqué par le temps et l'usage, avec des éraflures qui témoignent de nombreuses cérémonies passées. Sur sa surface, un ange est représenté, brandissant une épée qui parait irradier d'une lumière céleste, mais la scène est troublante. L'ange en tue un autre avec une violence inouïe.
- Bois, et laisse ta vraie nature se révéler.
Il se penche vers moi, le calice en main, et je sens mon cœur s'accélérer. Avec une lenteur calculée, il rapproche le bord du récipient de mes lèvres, inclinant la tête légèrement en arrière pour laisser le contenu s'écouler dans ma bouche. La texture est déroutante, c'est à la fois liquide et visqueux, comme si un mélange de substances s'était uni dans ce breuvage.
Un goût métallique envahit ma bouche, et une pensée s'impose à moi : du métal... Je passe machinalement le bout de mon doigt sur ma lèvre inférieure et je l'observe, mes yeux s'élargissant d'horreur. Je suis convaincu de voir du sang, une vision qui me paralyse sur place.
À cet instant, un rire étouffé résonne devant moi. Je lève les yeux et le vois, un sourire carnassier illuminant son visage. C'est un sourire qui ne laisse aucun doute sur ces intentions. Il a entendu mes pensées, tout comme Enry, et cela me fait frissonner. Qui est-il en réalité ?
Je me redresse et un frisson d'angoisse me parcourt. Je me dirige vers le groupe rassemblé sur le côté de la salle, attendant la fin de cette cérémonie macabre sans détourner une seule seconde le regard sur le gardien. Mon instinct me hurle de m'éloigner de lui, mon instinct, mais aussi mon corps qui, dès que je m'en approche, réagit différemment, comme ce vertige ou... Mon poignet, la morsure se met à saigner dès qu'il me touche ou me fait mal dès qu'il m'approche. Tout à coup, tout s'assemble dans mon esprit.
Ma marque m'a brûlé pour la première fois dans mon rêve, lorsque ma soi-disant famille était près de moi, juste avant qu'ils n'entrent. Et maintenant, mon bras s'enflamme chaque fois que je suis près du gardien. Est-ce réellement une coïncidence ? Est-il lui aussi autre chose qu'un ange ?
"Nous sommes loin d'être des anges."
- À PRÉSENT QUE TOUT LE MONDE EST PASSÉ, VOUS POUVEZ DISPOSER, crit-il assez fort pour que toute la salle l'entende.
Dès que ces mots ont été prononcés, plusieurs anges noirs ont révélé leurs ailes flamboyantes. Je ne saurais pas dire, juste en les observant, quelle spécialité appartient à chaque ange, tant leurs talents semblent variés et fascinants.
Cependant, je sais pertinemment que je ne dois pas traîner à la vue de tous, car cela pourrait me plonger dans des situations délicates lorsque mes propres ailes commencerons à se manifester, dévoilant ainsi ma véritable nature.
Mon corps commence à s'engourdir, comme si le liquide que j'ai ingéré commence à agir sur moi.
L'angoisse monte, et je sais que je dois absolument sortir. Soudain, je sens une main se poser fermement sur mon bras. C'est Elise. Elle m'arrête et se lance dans une discussion qui me parait totalement inappropriée en ce moment. J'aimerais vraiment qu'elle comprenne que je n'ai pas la tête à ça.
— Où vas-tu ? Ce soir, il y a le bal de cérémonie. C'est une soirée spécialement pour nous, les nouveau-nés.
— Les nouveau-nés ?, demandé-je, essayant de ne pas trembler de douleur devant elle.
— Oui, nous nous considérons ainsi lors de notre passage de l'état sans pouvoirs à l'état avec pouvoirs, explique-t-elle, prenant tout son temps.
Bon sang, je n'ai pas le temps.
— Ah, d'accord, super, on se verra là-bas, à plus, m'écrié-je en marchant à grands pas vers la sortie.
Je sue à grosses gouttes, luttant pour ne pas crier tout en me forçant à m'éloigner du château et de tous ces regards pesants. Je traverse le couloir, mais je n'arrive pas à avancer plus vite avec mes talons. Je les retire, les laissant derrière moi, et je continue à avancer aussi vite que je peux, pied nu. Chaque pas me rapproche de la liberté, mais la panique me pousse à accélérer encore plus.
On est en plein jour, où me cacher ?
La forêt.
Je trottine avec peine, chaque pas me tirant un cri silencieux de douleur qui semble arracher mon âme. Mon dos est le point de souffrance le plus intense, une brûlure lancinante. Je ressens plutôt comme si on me piquait des milliers de coups d'aiguille fine partout qui ne me lâchent pas. Je réussis à franchir le terrain d'entrainement, mes pensées se concentrant sur la forêt qui se profile à l'horizon, un refuge dans lequel je pourrais enfin me sentir en sécurité. Je me répète inlassablement de ne pas m'arrêter, un mantra pour me donner du courage, même si ma seule envie est de m'écrouler immédiatement au sol.
Assez loin, je ralentis le pas jusqu'à un immense arbre sur lequel je peux m'adosser et enfin me reposer. Je laisse les douleurs s'exprimer complètement, ne me retenant plus. Un rugissement s'échappe de ma gorge, mes dents serrées à cause de la douleur qui déchire mon dos, comme si mes muscles voulaient se défaire.
Mes ailes, elles, paraissent vouloir sortir, mais quelque chose d'inhabituel m'empêche de les libérer. Les fois où Hayden avait forcé leur émergence grâce à son sang, cela avait toujours pris seulement quelques minutes. Mais maintenant tout paraît différent. Que contenait vraiment cette coupe ?
À quatre pattes, la douleur me clouant au sol, je m'agrippe aux herbes, les serrant très fort et serrant les dents pour étouffer mes cris. Quelque chose ne va pas. Mes larmes commencent à couler, mêlant souffrance et panique. "Aéphyra", l'appellé-je dans mon esprit, espérant qu'elle m'entende, mais rien ne se passe. Je recommence à l'appeler, cette fois à voix haute, mais encore une fois, rien. Mon dos se met à saigner abondamment, et je me demande pourquoi j'éprouve une telle douleur.
Les autres anges n'ont pas rencontré ce genre de problème, et l'angoisse grandit en moi.
Tout d'un coup, j'entends des brindilles se briser en face de moi. M'attendant à voir enfin Aéphyra, je relève la tête avec un demi-sourire de soulagement. Mon cœur s'emballe dans l'espoir qu'elle soit là pour m'aider, pour apaiser cette foutue douleur insupportable qui me ronge.
— Aéphyra, chuchoté-je par manque de force pour le dire plus fort.
— Je t'ai enfin trouvé.
Je plisse les yeux, essayant de voir plus clairement. La silhouette devient plus nette, et je reconnais cette voix grave.
— Ma jolie, tu ne m'as pas l'air bien.
Je plisse les yeux, essayant d'arranger ma vision floue causée sûrement par tout le sang perdu.
— Qu'est-ce que tu fais ici, murmuré-je, ma voix à peine audible, alors que je lutte pour rester consciente.
— Je t'ai suivie.
— Pour... quoi...
Alors que je sens mon corps qui s'effondre, une vague de chaleur m'envahit. Dans ma chute, je ne ressens pas ma tête frapper le sol et aperçois une ombre me couvrir entièrement.
C'est comme si le sol m'embrassait, me promettant un repos bien mérité. Mais au fond de moi, une petite voix me crie de rester éveillé, de ne pas abandonner.
— Ne t'endors pas, reste debout, Laïla, dit-il d'une voix tremblotante.
Dans un dernier moment de clarté, je sens la douceur de ces mains sur ma peau et la chaleur de son regard me réconforter. Ses yeux d'une intense couleur noire semblent humides, comme s'il avait peur que je plonge dans l'inconscience. Alors que mes paupières se referment, une question survient dans mon esprit : qui est Laïla ?
Je laisse le monde s'estomper autour de moi, me laissant emporter dans un sommeil, avec l'image de Hayden gravée dans mon esprit et mon corps dans ces bras.
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