Le rituel de la renaissance
Le verdict rendu, l'épée de Damoclès dont la pointe meurtrière était placée juste au-dessus de ma tête venait de disparaître et avec elle la peur que je ressentais.
L'atmosphère tendue du procès avait disparu. Elle avait laissé place à une ambiance solennelle.
Rassurée que ma vie ne tenait plus qu'à un fil, j'observais, assise sur mon trône doré, la scène qui se jouait tout autour de moi.
Ce fut Axianie qui eut le privilège d'ouvrir les festivités. Elle faisait maintenant face à l'immense idole devant laquelle elle se trouvait.
L'imposante femme en métal avait un regard particulièrement sombre. Quelque chose de maléfique se dégageait des traits de son visage à la fois dures et sévères
Et son petit sourire cruelle me faisait littéralement froid dans le dos.
Elle tenait dans sa main gauche une lance et dans sa main droite une pomme. Un étrange loup gigantesque et effrayant aux crocs tranchants et aux griffes acérées était couché à ses pieds.
Tous les objets que tenait la statue de même que l'étrange animal ; était sculpté dans une pierre aussi noire et aussi opaque que les ténèbres elles- même, probablement de l'onyx.
La femme qui avait prit ma défense durant le procès enleva sa capuche et libéra sa très longue chevelure noire qui recouvrait à présent son dos telle un long voile sombre. Elle était vraiment sublime. Sa longue robe noire fluide et aérienne contrastait à merveille avec son teint de porcelaine.
Elle s'agenouilla, en signe de profond respect, devant l'imposante statue dorée avant de lever les bras et la tête vers le ciel. Puis elle prononça d'une voix solennelle :
- Nexia, toi qui veilles sur le monde obscur des ombres ainsi que sur les ténèbres du néant. Toi, maîtresse des changements et des métamorphoses. Toi qui es à l'origine de toute chose. Je t'en prie, bénie cette enfant.
C'est alors qu'un feu noir aux reflets bleutés enflamma mystérieusement l'estrade sur laquelle reposait la statue de Nexia. Axianie y plongea les mains sans aucune hésitation.
- Mais elle est complètement folle ! Elle va se brûler ! Pensai-je mentalement, médusé par ce qu'elle venait de faire.
Mais contre toute attente, lorsque les flammes lui léchèrent les mains, elle ne cria pas. Bien au contraire, cela semblait la réjouir et un sourire de satisfaction adouci les traits de son visage autoritaire.
Elle sortit des flammes une petite sphère de feu noir qui reposait, à présent, dans ces deux mains en forme de coupe. Elle s'avança ensuite lentement vers moi, en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas faire tomber la mystérieuse boule incandescente. Puis elle la déposa délicatement dans le chaudron qui était disposé à mes pieds.
Sa tâche ainsi accomplie, elle retourna sans détour auprès de sa statue.
Les rituels identiques à celui qu'avait effectué Axianie se succédaient. Quatre autres membres de cette curieuse confrérie avaient dors et déjà déposé leurs curieuses petites sphères dans le petit chaudron situé à mes pieds. Cela signifiait qu'il en restait encore trois.
Cette cérémonie me paraissait tout aussi mystique que «la planète Neptune» dépeinte par Gustave Holst dans son œuvre musicale. J'avais beau observer attentivement la cérémonie dont je semblais être la cible, j'ignorais ce qui m'attendait et quel était le but de ces rituels. Je ne pouvais faire qu'une seule chose : attendre.
Je continuais donc d'observer ce qui se passait, en espérant que rien de mal ni de néfaste ne m'arriverait.
À cette idée, je sentis à nouveau une boule se former au creux de mon estomac.
Bien que je savais que ma vie n'était plus en danger, ils pouvaient toujours me torturer si l'envie les en prenait. Je secouais ma tête discrètement pour chasser mes idées noires et me re-concentrai sur le rituel qui continuait de s'accomplir autour de moi.
Cette fois, ce fut autour de Zéphira d'accomplir son incantation. Elle commença par lever les mains au ciel et clama dans une voix à peine plus audible qu'un souffle de vent :
- Oh Célestine, toi qui veille sur le royaume du ciel. Maîtresse du temps et de l'espace. Toi qui répands la justice dans le monde. Je t'en prie, bénie cette enfant.
C'est alors qu'un épais brouillard envahit et cacha entièrement la petite estrade sur laquelle reposait la statue de Célestine. La jeune femme y plongea les mains sans aucune hésitation. Quelques secondes, plus tard, elle en sortit une petite sphère de brume blanchâtre qu'elle déposa dans le petit réceptacle d'or pur qui gisait à mes pieds, avant de retourner prés de sa statue.
Dès qu'elle eut repris sa place, ce fut autour d'une vielle femme de commencer de dire son incantation.
Lorsque celle-ci enleva la capuche verte qui lui recouvrait sa longue chevelure blanche, je fus étonnée de découvrir que ce membre de cette drôle d'assemblée n'était nulle autre que madame Serpentie. Elle était vraiment incroyable dans sa robe vert émeraude ornée de rose blanche plus vraie que nature.
La vielle guérisseuse se trouvait devant la statue qui tenait dans sa main droite un petit chêne et dans sa main gauche un livre fermé sculpté dans de la terre glaise. Un énorme serpent en argile était enroulé autour du cou de la femme de métal. Il nous jetait un regard espiègle en emeraude et nous tirait sa longue langue fourchue. Elle s'agenouilla près de la statue, leva les bras au ciel et clama d'une voix assurée :
- Terrali toi qui veilles sur tout ce qui vit, maîtresse de la connaissance. Toi sans qui nous ne pourrions guérir les malades. Je t'en prie, bénie cette enfant.
Je vis alors pousser instantanément sur l'estrade de marbre blanc un magnifique gazon ainsi que de magnifiques fleurs de toutes sortes ; et ce, en à peine quelques secondes. Ce fut incroyable.
Madame Serpentie se mit à chercher quelque chose parmi le petit massif de fleurs roses jusqu'à ce qu'elle y déniche une petite sphère d'un vert éclatant. Tout comme l'avaient fait ses consœurs et confrères précédents, elle vint déposer délicatement la petite sphère dans le chaudron avant de retourner prés de la statue de Terrali.
Le dernier à effectuer son étrange cérémonie fut Caladi. L'homme aux allures de Guerrier s'agenouilla devant son idole dorée. Son corps ne semblait plus être tendu par une colère bouillonnante, mais animait par un profond respect et une profonde loyauté.
Après avoir levé la tête et les bras vers le ciel, il clama d'une voix grave et imposante :
- Flammèche toi qui possèdes la connaissance des arts guerriers. Grand maître du feu. Toi qui insuffles courage et bravoure à ceux qui en ont besoin. Je t'en prie bénie cette enfant.
C'est alors que le flambeau de Pierre s'embrasa de même que l'estrade qui soutenait l'imposante statue. Sans perdre une seule seconde, le combattant y plongea les mains et en sortie une sphère de feu rougeoyante qu'il vint déposer dans le petit réceptacle qui se trouvait à mes pieds.
Avant de retourner à sa place, il me jeta un regard noir qui me mit très mal à l'aise. Un de ces regards qui semblait sous-entendre « je n'en ai pas encore fini avec toi » tout en soufflant d'exaspération.
Dès qu'il eut repris sa place, chacun des membres de cette mystérieuse assemblée fit trois pas en ma direction. Ils baissèrent ensuite en même temps leur tête avant de tendre leurs bras vers moi.
Puis, ils clamèrent d'une seule et même voix :
- Que les sept divinités puissent guider cette enfant sur le chemin de sa renaissance.
À la fin de cette incantation, mes yeux furent instantanément attirés par le contenu du petit chaudron qui se trouvait à mes pieds.
Je vis les petites sphères lumineuses se mélanger et se fondre les unes dans les autres ; jusqu'à ce qu'il ne restait plus qu'une seule et unique petite boule de lumières d'un magnifique violet. Celle-ci se mit soudainement à grossir encore et encore.
Elle était à présent si grande qu'elle m'enveloppait entièrement. Il se dégageait de ce petit cocon de lumière une puissance incroyable. Je sentais cette force mystique transpercer chaque cellule de mon être et affluer dans chacune de mes veines.
Mon petit corps de mortel avait absorbé une telle quantité de cette énergie nouvelle que cela en devenait douloureux.
La douleur s'était transformée en une horrible souffrance qui m'enchaîna. Celle-ci, était-elle que je ne pouvais plus la contenir. Je devais l'exprimer d'une manière ou d'une autre. Et la seule chose que je pouvais faire, c'était crier. Crier aussi fort que je le pouvais.
Malgré ma souffrance, ces individus continuaient de clamer leurs maudites incantations. Aucun de mes hurlements ni aucune de mes larmes ne les incitèrent à mettre un terme à cette effroyable séance de torture. Au contraire, cela semblait les inciter à continuer.
La souffrance que je ressentais dépassait toutes celles qui m'avaient été données d'éprouver. Même celle que j'avais subi lorsque je fus à l'agonie durant mon combat contre le mangeur d'âmes pouvait se comparer à une simple piqûre d'abeille à côté.
C'était horrible. J'avais la terrible sensation que mes os étaient pris au piège au sein d'un étau qui se resserrait tout doucement en les broyant très lentement, mais le pire était sans nulle doute ce que je ressentis au niveau de mes omoplates.
Je sentis d'abord mes os se craquer et se briser. Puis je les sentis pousser à l'intérieur de mon corps jusqu'à ce que finalement, ils réussirent à transpercer douloureusement ma chair et ma peau.
Ils poussèrent encore jusqu'à ce que je sentis quelques choses de doux et de soyeux tomber dans mon dos. Ce ne fut qu'à ce moment-là que la douleur commença à s'estomper de même que la bulle de lumière qui m'enveloppait.
Plus la lumière disparaissait, plus je me sentais tomber. La douleur avait été telle que j'avais fini par m'évanouir. Tandis que le sommeil m'emportait, j'entendais les voix déjà lointaines du petit groupe qui s'extasiaient sur ma personne.
- Elle est vraiment magnifique. Elle lui ressemble tellement...
- Oui.
- Mon dieu Axianie elle porte la marque. Si les autres élèves la voient....
- Je sais n'ayez crainte madame Serpentie. Nous la dissimulerons. Mais pour le moment, il faut qu'elle la voie. Cela l'aidera à prendre conscience de qui elle est.
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