Pdv Sophie

   Elyseus soupira, ses traits exprimant plus de la lassitude et de la tristesse que de la colère.

   - Désolé, dit néanmoins Sophie.

   - J'aurais dû me douter que tu ferais la fouineuse en t'enfermant ici. J'étais trop en colère pour m'en préoccuper.

   La jeune fille baissa la tête de honte, elle avait lu le journal intime d'un ancien humain ! Ce dernier repris la parole :

   - De toute façon tu n'as pas dû découvrir grand chose d'autre que le fait que j'étais bel et bien un humain avant et que je venais de Grèce antique.

   La Télépathe savait qu'elle aurait pu se taire mais elle ne voulait pas mentir à Elyseus, même si il la gardait prisonnière et avait effacé la mémoire de ses amis. 

   - En fait..., hésita-t-elle. Je suis Polyglotte... du coup j'ai pu déchiffrer... le journal.

   - Ah.

   Ce fut la seule réaction d'Elyseus. Un long silence passa, seulement ponctué par la respiration des deux êtres vivants, puis le plus âgé ouvrit la bouche.

   - Oublie le plus possible ce que tu as lu. Ça s'est passé il y a des milliers d'années et c'est mon histoire, elle n'a pas de lien avec la tienne. En tout cas, elle en avait pas à cette période.

   - D'accord, je ferai mon possible.

   La source d'énergie opina du chef, semblant réfléchir.

   Sophie observa son interlocuteur en tentant de créer un parallèle avec les images et les statues grecques antiques qu'elle avait déjà observé. Il avait la carrure, sans aucun doute, mais ses traits étaient moins fins que sur les représentations de dieux ou autres.

   - Allo ? Tu écoutes ? demanda Elyseus, la faisant revenir à la réalité.

   - Désolé, j'étais perdue dans mes pensées.

   - Bon. Je disais que j'ai une mauvaise et une bonne nouvelle pour toi. Je commence par la quelle ?

   La jeune fille réfléchit un instant et finit par décider d'entendre la mauvaise d'abord. Au moins l'autre lui remonterait le moral.

   - Très bien, lança l'homme. Lady Gisela est réveillée du coma dans lequel tu l'avais mise et s'est échappée.

   Sophie accusa le coup. C'était dur à accepter mais il aurait été trop facile de se débarrasser de ses deux pires ennemies en l'espace de quelques jours. Elle devrait continuer à se battre contre la mère de Keefe pour qu'elle ne détruise pas son fils. La routine...

   - La bonne nouvelle, enfin bonne nouvelle... c'est un bien grand mot, c'est que tes amis ont retrouvé la mémoire.

   En entendant ces mots, l'Optimatrice bondit sur ses pieds en lâchant un petit cri. Ses amis avaient retrouvé la mémoire ! Ils savaient à nouveau qui elle était !

   Sans réfléchir, elle enlaça Elyseus qui se détendit après quelques instants et lui tapota même la tête. La jeune finit par s'écarter, balbutiante, les joues rouges.

   - Bon, bon, ce n'est rien. Il est maintenant temps que tu deviennes mon assistante, comme tu l'avais promis.

   - Vous aviez promis que vous sauveriez Keefe si je le faisais.

   - Chaque chose en son temps, je le ferai, ne t'inquiète pas, rétorqua-t-il.

   La jeune fille décida de le croire, même si elle s'en voudrait sans doute à un moment donné.

   Il mena Sophie dans une pièce renfermant deux longues tables. Sur l'une étaient posés des outils en tout genre, ainsi que des feuilles recouvertes de formules et de consignes tandis que l'autre était dégagée, ne laissant la place qu'à l'expérience du moment. Une grande fenêtre laissait apercevoir une forêt vert sombre.

   - Tu passeras les outils que je demanderai d'un établi à l'autre. Le reste du temps, tu pourras observer sans déranger.

   Ils se mirent directement au travail et continuèrent les jours suivants.

   Au début, Sophie avait eu du mal à différencier les différents outils et matériaux qu'utilisait la source d'énergie, mais au fil des jours, elle avait finit par prendre la main. La jeune fille avait rapidement compris qu'il ne fallait sous aucun prétexte détourner l'homme de son travail, sous peine d'être vivement grondée. Elle n'avait pas d'idée sur la nature des expériences de son supérieur mais travaillait sans rechigner.

   Au bout d'une peu plus d'une semaine, la Télépathe se décida enfin à poser une question qui la turlupinait depuis son séjour dans le cagibi.

   - Je peux vous poser une question ?

   - Hum... Vas-y, la préparation doit reposer.

   - Je me demandais si Elyseus était déjà votre nom quand vous étiez un humain, dit-elle d'une traite.

   Elyseus recula son tabouret en soufflant bruyamment.

   - Non.

   - Alors c'était quoi ?

   - Tu avais dit une question, rappela-t-il.

   Il sourit en voyant le visage déconfit de Sophie.

   - C'est Vespéra qui m'a donné le nom d'Elyseus. Avant, on m'appelait par le prénom Ambrosios.

   La jeune fille hocha de la tête, savourant le fait d'avoir enfin pu obtenir une réponse.

   Le soir, couchée dans la chambre que lui avait attribué son hôte, elle décida d'apprendre à mieux le connaître pour espérer pouvoir sortir de là tout en sauvant Keefe.

Pdv Dex

   Un coup frappé à la porte de sa chambre réveilla Dex de son lourd sommeil. Il se redressa en marmonnant et remarqua son horloge, qui indiquait onze heures passées.

   Il demanda qui venait le déranger après l'une des soirées les plus éprouvantes de sa vie et lorsqu'il entendit sa mère annoncer Biana Vacker, il s'habilla et se prépara à la vitesse de l'éclair. Le jeune homme sortit de sa chambre, les cheveux toujours plaqués sur le front, en se demandant ce que la jeune fille lui voulait.

   Il chassa les derniers souvenirs de la veille avant de se diriger vers l'Éclipseuse.

   - Salut Dex. Ça va ?

   - Salut Biana. Je suis un peu fatigué...mais ça va. Et toi ?

   - Oui, oui, tout va bien. Est-ce qu'on pourrait... aller dans un endroit tranquille ? Ta chambre, peut-être ?

   Le garçon rougit en pensant au désordre dans lequel il avait laissé son espace personnel. Il aurait préféré que l'élégante jeune elfe ne voie pas le désastre mais se surprit pourtant à la mener vers sa chambre.

   Le Technopathe activa la protection contre l'espionnage de sa fratrie en expliquant le principe à Biana, qui semblait impressionnée. Elle se tourna ensuite vers le centre de la pièce et Dex aperçut le plissement de ses yeux bleu-vert.

   - Un jour je viendrai pour ranger tout ça. Tu ne sépares même pas tes habits de tes rouages et autres trucs, remarqua-t-elle, presque scandalisée.

   - Euh...oui...désolé. Je n'ai pas beaucoup pensé au rangement ces derniers temps, répondit le jeune blond.

   Ce n'était qu'une demi-vérité : il n'avait pas pensé à ranger les dernières semaines, mais ce n'était pas pour autant qu'il y avait pensé avant.

   L'Éclipseuse haussa pourtant le épaules et s'assit sur le lit pour commencer la conversation.

   - Je suis venue pour te dire merci pour nous avoir tous réveillés. Sans toi, on aurait passé le reste de notre existence à s'extasier des décisions du conseil.

   Bien que ça n'ait rien de drôle, Dex pouffa de gêne.

   - Mais c'est normal. J'ai juste eu la chance d'avoir eu un déclencheur qui...

   - D'ailleurs, c'était quoi ce "déclencheur" ? coupa la jeune fille.

   - Je... préfère le garder pour moi.

   - Tu es sûr ?

   Il hocha la tête et elle n'insista pas. Mais en voyant son air déçu, il ne put s'empêcher de vouloir le lui dire.

   Non Dex, tu ne vas pas lui rajouter une raison de s'inquiéter, elle est assez à cran comme ça, tout comme toi, pensa le jeune homme.

   Pourtant, plus le silence se prolongeait, plus il lui devenait difficile de se taire. Et il finit par céder.

   - Mon déclencheur c'était Rex..., commença-t-il.

   - Quel lien a Rex avec ta mémoire ?

    - Il faisait partie de mes derniers souvenirs.

   Dex aurait pu s'en tenir à cette phrase, ne rien rajouter sur la nouvelle condition de son frère. Sauf que...il avait envie –besoin, même– que quelqu'un entende sa peur vis à vis du futur de Rex et la douleur qu'il avait ressenti lorsqu'il l'avait ignoré.

   Alors, le jeune homme dit tout, depuis le moment où Keefe lui avait dit ne rien ressentir en touchant le petit garçon jusqu'au moment où il avait tout révélé à sa famille. À la fin, ses yeux débordaient de larmes et il les gardait baissés sur ses genoux.

   - Oh...Dex.

   Biana attira le Technopathe contre elle, le laissant pleurer sur sa belle robe couleur émeraude.

   - Je suis vraiment désolée pour toi.

   Après quelques instants, le Dizznee se redressa en s'essuyant les yeux avec sa manche. Prévenante, la jeune Éclipseuse lui tendit un mouchoir sorti de sa poche.

   - Bon, commença Dex, désolé de t'avoir ennuyée avec mes petites histoires de famille. Tu as déjà ta dose, j'imagine.

   - C'est rien, Dex. 

   Il renifla puis se leva, tendant la main à Biana.

   - Tu veux rester un moment ?

   - Désolé, je dois aider ma mère à la maison, répondit la jeune fille avec un regret évident.

   - Alors je te raccompagne ?

   - Si ça ne te dérange pas...

   - Parfait ! Allons-y alors ! lança-t-il d'un ton enjoué.

   Ils sautèrent ensemble à Everglen. Une fois là-bas, le garçon prit un moment pour se demander ce qu'il ressentait pour Biana. 

   De l'amitié, sans doute. Malgré tout, une petite voix dans sa tête lui affirmait qu'il l'aimait plus que ça. Seulement...depuis le rejet de Sophie, qu'il comprenait parfaitement, il empêchait toute pensée de ce genre de lui traverser l'esprit. C'était ça, Biana était simplement une de ses meilleures amies. Il hocha de la tête pour s'en convaincre puis redirigea son attention sur la jeune fille.

   Elle l'observait en se mordant la lèvre, comme hésitante. Elle prit la parole :

   - Dex, j'ai quelque chose à t'avouer.

   - Tu as été collée ? Tu sais, ça arrive à tout le monde, dit-il en une tentative de plaisanterie.

   La jeune fille rit mais reprit rapidement son air sérieux.

   - Non. Ce que je veux te dire est...plus important, pour moi. 

   L'Éclipseuse hésita, ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, la referma. Le jeune homme lui prit la main.

   - Vas-y, je ne te jugerais pas.

   Elle inspira puis dit d'une traite :

   - Je ne sais pas comment te dire ça alors je vais le faire simplement : je t'aime beaucoup Dex.