Chapitre 4

Pdv Keefe

   Une peur horrible, dépassant largement le fait que son empathie endommagée étouffe ses émotions, le submergea. Sophie était-elle en danger ? Ou bien pire...? 

   Non.

   Elle était sûrement simplement fatiguée et n'avait pas réussi à maintenir le lien plus longtemps. Keefe se convainquit que c'était la vérité, pour s'empêcher de paniquer complètement. 

   Inspiration.

   Expiration. 

   Il se concentra sur sa respiration un long instant, calmant peu à peu les battements de son cœur affolé. 

   L'assemblée entière en avait le souffle coupé. Tout était passé à une telle vitesse...D'abord Fitz leur annonçait qu'il était en contact avec  Sophie puis tout de suite après qu'elle avait disparu.

   À peine quelques secondes plus tard, les elfes se mirent à parler, exposant des hypothèses plus effrayantes les une que les autres.

   - Stop ! cria Edaline.

   Elle attendit que chaque elfe présent tourne la tête vers elle, attentif, avant de continuer.

   - Nous savons tous à quel point Sophie est pleine de ressources. J'ai moi-même très peur pour elle, mais j'ai confiance en ma fille. Elle va s'en sortir !

   L'elfe rousse marqua une pause pour parfaire son effet puis termina :

   - Si vous avez autant de confiance en elle et de courage que moi, cherchez une occupation plus utile que de se lamenter !

   Un par un, les amis de Sophie se rangèrent de l'avis d'Edaline. Ils étaient tous prêts à croire aux talents du Colibri. 

   Une occupation... qu'est ce que je vais bien pouvoir faire pour détourner mes pensées de la mystérieuse mademoiselle F. ? se demanda Keefe, peinant à faire refluer son anxiété. C'est alors qu'il aperçut Lex lancer une boule de neige sur Rex, qui, n'ayant aucun pouvoir, ne pouvait se défendre. Une vague de culpabilité le submergea. 

   Voilà ce qu'il allait faire : aider Dex à surmonter le fait que son frère soit vraisemblablement un sans-talent. Aider la famille Dizznee qui était au bord du précipice.

   Keefe s'approcha du jeune Technopathe et lui posa une main sur l'épaule.

   - Tu peux venir ? J'aimerai te parler.

   L'ainé des Dizznee hocha la tête puis l'entraina à l'écart sans un mot, sachant sans aucun doute quel sujet l'Empathe voulait aborder.

   - Personne ne doit nous entendre, je n'ai toujours pas envie de dire quelque chose à ma famille avant d'être complètement sûrs, commença Dex en lançant des coups d'œil derrière son épaule.

   Le cœur de Keefe se serra, lui aussi aurait voulu croire à un malentendu.

   Les jeunes hommes s'installèrent près d'un ancien arbre fruitier à l'air de vieux sorcier courbé sous le vent. Ils soupirèrent de concert, déjà exténués par la perte de Sophie mais sachant pertinemment qu'ils devraient avoir cette conversation tôt ou tard.

   - Je sais que tu m'as répondu plusieurs fois à cette question mais j'ai besoin de te la reposer encore une fois. Tu es sûr d'avoir ressenti la même sensation en touchant mon père et Rex ?

   - Oui, désolé, répondit le jeune Sencen.

   Dex ferma les yeux un instant, comme pour retenir ses larmes.

   - D'accord... Qu'est ce qu'il y a à dire alors ?

   - Je suis désolé Dex, mais il va falloir que tu dises à tes parents et à Rex qu'il est...(sa voix se réduisit à un murmure) un sans-talent.

   - Mais Bex et Lex vont forcément se moquer de lui. Si je le dis à mes parents, tu peux être sûr qu'ils le sauront dans la seconde.

   - Ils sont si méchants que ça avec leur frère ?

   - Peut-être qu'ils ne se moqueront pas directement mais ils feront en sorte d'utiliser le plus possible leur pouvoir quand il sera là, ou des choses comme ça.

   - Dans ce cas, tu devra protéger ton frère. C'est inévitable que ta famille l'apprenne un jour et je pense que tu seras soulagé.

   - C'est ça, le seul problème : tu penses. Sauf que toi tu n'es pas un grand frère, tu n'as pas la responsabilité d'être l'exemple, celui sur lequel trois enfants s'appuient et ont confiance ! souffla le Technopathe d'une voix sourde.

   C'était la seconde fois que Keefe voyait son ami, d'ordinaire calme et joyeux, autant à fleur de peau. Il trouvait ça plutôt déstabilisant, presque angoissant.

   - Tu as raison... je suis désolé, encore une fois. Je pense qu'on a fait le tour de la question.

   - Oui, c'est bon. 

   Il marqua une pause chargée de non-dits puis termina :

   -C'est à mon tour de m'excuser, tu ne mérites pas de te faire crier dessus, je suis simplement exténué.

   L'Empathe lui sourit pour signifier que c'était déjà oublié. Ils se dirigèrent ensemble vers la maison des Ruewen, alors que le soleil se couchait lentement, pour se reposer.            

   - Tu entends ? demanda Dex, inquiet, pendant qu'il passaient vers le vieil arbre.

   Le fils de Cassius tendit l'oreille et entendit une sorte de reniflement venant justement de l'arbre. Le jeune Dizznee s'en approcha, suivi de près par son camarade.

   Entre les grosses racines se trouvait Rex Dizznee, en larmes.



Pdv Sophie

   Sophie se trouvait face à Lady Gisela, qui avait une étoile gobeline et un sourire carnassier. Instinctivement, la jeune fille recula en rampant contre le fond de la cellule.

   Ce mouvement éveilla une douleur dans sa jambe, elle baissa les yeux et avisa son pantalon couvert de sang. Le sang qui s'écoulait d'une profonde blessure à la cuisse. Son sang.

   Sophie écarquilla les yeux puis fixa l'étoile gobeline de Gisela. Elle ne l'avait pas remarqué avant mais l'arme était constellée de taches rouges. C'était cette blessure qui l'avait ramenée dans son corps, à des kilomètres de l'esprit de Fitz. 

   -Alors le Colibri, on a peur de moi ? lança la mère de Keefe tout en s'approchant lentement.

   La jeune fille déglutit péniblement en se demandant comment Lady Gisela avait pu entrer dans sa cellule étant donné que la porte était toujours en place. L'ancienne Invisible n'avait plus les pieds et les mains attachés.

   Était-ce Elyseus qui l'avait fait entrer ? Sandor l'en aurait empêché, enfin normalement. Sophie fut assaillie de doutes horribles alors que Lady Gisela se délectait de son hésitation.

   -Co...Comment avez-vous fait pour entrer ici ?

   -Je me sentais seule dans ma propre cellule, répondit l'Invocatrice d'une voix désinvolte. Mais tu n'as pas répondu à ma question. Tu as peur de moi ?

   La télépathe prit une grande inspiration.

   -Non... Non je n'ai pas peur. C'est plutôt à vous de vous inquiéter ! dit Sophie, fière de sa voix ferme.

   Lady Gisela éclata d'un rire rauque, elle se mit même à lever la tête comme pour se moquer du plafond.

   La jeune Instillatrice sentit une rage énorme monter en elle, une rage dirigée vers la mère indigne de Keefe.

   Puis, sans comprendre ce qu'il se passait, l'ancienne Invisible se retrouva foudroyée sur place. Elle retomba sur le sol telle une poupée de chiffon. 

   -Que... ? Je peux utiliser mon instillation ?! exulta Sophie à voix haute.

   Quelques instants plus tard, après avoir retiré à Gisela toutes ses armes, elle entendit des pas dans le couloir, ainsi que des paroles indistinctes. Sandor apparut, suivi d'Elyseus. Ce dernier demanda d'un ton énervé :

   -Que-ce qu'il c'est passé ici ?

   -Je suis désolée. Elle s'est retrouvée d'une manière ou d'une autre dans ma prison et j'ai... je sais pas... instillé en elle, je crois.

   -Ah. Tu as un grand pouvoir, petite elfe, je n'aurai jamais cru ça possible. Ton ennemie aussi, que tu le veuilles ou non. Tu as désormais deux options : soit rentrer chez toi, profiter de tes amis soit me faire soigner ton petit copain et rester avec moi le reste de tes jours. Tu as ces deux possibilités car tu m'as débarrassé de ce poids, termina-t-il en désignant l'ancienne Invisible.

   Sophie soupira. Elle pouvait sauver Keefe et vivre en ayant la certitude que lui au moins serait heureux. Pourtant, le choix, qui lui avait paru évident jusque-là, la faisait douter plus que jamais.

   La jeune fille lança un regard à Sandor qui lui faisait signe de choisir la liberté.

   -J'ai mon choix. Je voudrais que vous soigniez Keefe mais aussi que vous laissiez partir Sandor. Je ne resterai que sous ces conditions.

   Elyseus la transperça de ses yeux presque transparent en fronçant les sourcils. Le garde du corps, quant à lui, paraissait abattu.

   -Qu'il en soit ainsi. Mais je vois en ton cœur une telle part d'amour que je ne peux te garder enfermée sans éprouver de remords. Tu seras donc mon assistante et seras à l'air libre.

   La poitrine serrée, Sophie hocha la tête en regardant Elyseus et Sandor s'en aller. Elle était à nouveau seule.

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