Pdv Keefe

   Keefe resta un instant sous le panacier de Calla après le départ de son père. Il finit par retourner dans la chaleur étouffante du salon des Ruewen à contrecœur.

   À peine le jeune homme à l'intérieur, Grady lui tomba dessus et lui attrapa la chemise. Le père adoptif de sa petite amie emmena Keefe dans la chambre de Sophie, qui était plus calme que le reste de la maison, sans prendre en compte la pudeur de la jeune fille.

   - J'ai besoin de savoir quelque chose : est-ce que tu es en couple avec ma fille ?

   Keefe haussa les sourcils en soupirant. Pourquoi tout le monde voulait savoir ça alors que Sophie était en danger ?

   - Mais pourquoi ? Il y a plus important. Par exemple essayer de sauver Sophie.

   Le regard que lui lança Grady cloua le bec au garçon.

   - Pourquoi selon toi ? Pour savoir si je dois t'en vouloir ou pas.

   - Eh bien...

   Le jeune homme réfléchit un instant. Foster n'aurait pas voulu qu'il mente à son père mais s'il disait la vérité il risquait de ne pas rester grand chose de lui à la fin de la discussion.

   - Oui, oui je suis avec Sophie. Maintenant on doit essayer de trouver un moyen de l'aider.

   L'expression du père de Sophie inquiétait Keefe. Une goutte de transpiration glacée glissa dans le dos du jeune homme. Grady s'approcha et le gifla magistralement, envoyant le garçon valser.

   Keefe cligna des yeux plusieurs fois en se frottant la joue, tentant de reprendre ses esprits. Il se redressa de toute sa hauteur, prêt à se défendre. 

   Avant que le jeune blond ait pu esquisser le moindre geste, le mari d'Edaline se laissa tomber sur le lit de sa fille, semblant prendre une vingtaine d'années d'un seul coup.

   - Je suis désolé, mon garçon. Tu peux me crier dessus ou faire autre chose si tu veux, je viens de te frapper après tout. Mais juste... désolé.

   Le garçon en voulait à Grady, bien sûr, mais il comprenait aussi ce qu'il ressentait. Alors, sans un mot, il s'assit à côté de lui et ils restèrent ainsi un long moment.

Pdv Sophie

   Sophie tenait à peine sur ses jambes, tant la journée, ses liens et l'absence de ses pouvoirs l'éprouvaient.

   Après qu'elle ait fait partir tous ses amis, Elyseus lui avait fait subir le même sort qu'à Gisela, non sans regret car, comme il l'avait dit avant de l'enfermer :

   - C'est dommage. Un si beau potentiel, tu as perdu ta vie pour tenter de sauver ton petit ami.

   Désormais c'était fait et elle allait tout faire pour trouver un moyen de sauver Keefe. De toute façon elle n'avait pas d'autre option. La jeune fille se trouvait sous la terre, dans une pièce minuscule à peine éclairée, mains et pieds liés.

   Cela devait faire déjà quelques heures qu'elle était là mais elle refusait de s'asseoir, de montrer le moindre signe de fatigue dans le cas où Elyseus la surveillait.

   Mais, plus le temps passait, plus elle sentait l'épuisement la gagner et elle finit par capituler. Le sol était rugueux mais pas inconfortable. Elle pourrait dormir plutôt convenablement si le besoin en était ressenti.

   Sophie avait l'impression d'avoir passé des jours et des jours dans sa cellule lorsqu'Elyseus arriva, un plateau à la main. Quelle ne fut pas surprise quand elle vit que Sandor, en parfaite forme bien qu'un peu amoché, talonnait la source d'énergie.

   - Il m'a dit que si je coopérais, il ne vous ferait pas de mal mademoiselle, dit le gobelin, comme pour s'excuser.

   - Sandor ! Tu vas bien ? Les trolls de Gisela ne t'ont pas fait de mal ? Comment tu t'en es sorti ? mitrailla la jeune elfe, frustrée de ne pas pouvoir se jeter dans ses bras.

   - Une question à la fois. Oui je vais bien. Des trolls ne font pas le poids face à un gobelin entrainé. Et c'est Elyseus qui a récupéré l'oreillette de lady Gisela et m'a sorti de là.

   La source d'énergie était restée silencieuse durant toute la discussion mais se décida à intervenir :

   - Voici un plateau qui contient assez de nourriture pour une semaine entière. J'ose espérer que tu te décideras à abandonner l'espoir pour ton ami avant de l'avoir terminé.

   Sophie baissa la tête en hochant la tête, incapable de soutenir le regard gris de son  interlocuteur.

   Les deux gardiens partirent, laissant la jeune fille seule à grignoter un fruit au goût de tarte. La laissant seule avec ses pensées.

   Elle en avait beaucoup, des pensées.

   Sophie pensait à ses parents adoptifs sûrement dévastés, à ses amis qu'elle n'avait pas prévenus, au cygne noir certainement déçu et surtout à Keefe.

   Keefe qui lui faisait confiance. Keefe qui l'avait suivie sans hésiter. Keefe qu'elle avait trahi.

   Keefe qu'elle aimait.

   La jeune fille repensa au baiser qu'ils avaient échangé à peine quelques jours plus tôt, leur premier et peut-être dernier baiser.

   À cette pensée, elle dut retenir les larmes qui menaçaient de couler. Ses réflexions continuèrent encore longtemps tandis qu'elle sombrait lentement dans le sommeil.

***

   Le lendemain matin, Sophie fut réveillée par un cri tonitruant qui résonnait dans son esprit :

   - Sophie ! Sophie ! Sophie ! Amie ! Amie ! Amie !

   Ces cris allant par trois, la jeune fille les reconnaitrait entre mille. Silveny !

   Passé le premier instant de joie, elle se demanda comment l'alicorne avait fait pour la contacter malgré le fait que sa télépathie soit bloquée et qu'elle se trouve à Elyseus. Une voix à l'accent familier lui répondit.

   - Sophie, on a réussi ! Silveny a une télépathie tellement puissante et connectée à la tienne qu'elle t'a trouvé au bout de seulement quatre essais !

   - Oui mais... et toi, Fitz ?

   - Je n'ai eu qu'à suivre le passage ouvert par Silveny, répondit le jeune homme.

   - Tu penses que je peux communiquer de moi-même maintenant ?

   - Je ne suis pas sûr, tu peux essayer de me suivre dans mon esprit.

   La Télépathe hocha la tête avant de se souvenir qu'il ne pouvait pas la voir alors elle confirma télépathiquement. Elle le suivi dans un long couloir sombre entre leurs esprits pendant longtemps lorsqu'elle sentit qu'elle s'enfonçait dans le sol.

   - À l'aide ! cria-t-elle mais sa voix était trop étouffée pour que Fitz l'entende.

   Son buste commençait à s'immerger à son tour quand, enfin, le jeune homme se retourna. Il arriva à temps pour lui saisir la main et la sortir de là. Les deux jeunes gens s'étalèrent par terre, essoufflés.

   Plusieurs minutes de "marche" plus tard ils débouchèrent finalement dans l'esprit de Fitz qui revint à sa réalité pour transmettre la bonne nouvelle à ses camarades. Tandis qu'elle attendait patiemment, Sophie sentit que quelque chose d'étrange se passait vers son corps dans le monde réel.

   Elle ressentait comme une douleur à la tête. Peut-être était-elle tombée. Mais la jeune fille eut beau lutter, elle se retrouva de force dans son corps, dans sa cellule. Tout aussi obscure qu'avant, pas pas tout aussi vide.

Pdv Keefe

   Cela faisait plusieurs heures que Fitz s'était engagé à la suite de Silveny à la recherche de Sophie. Le jeune homme transpirait à grosses gouttes et marmonnait des mots incompréhensibles.

   Comme Marella, Grady, Edaline, les Dizznee, les Song ainsi que Tiergan et Wylie et la famille Vacker, Keefe faisait les cent pas dans les prairies de Havenfield.

   Un moment plus tard, Fitz sortit de son espèce de transe en prenant une inspiration saccadée. 

   - Sophie est là ! Dans mon esprit !

   Tous les elfes réunis dans la prairie se regardèrent, stupéfaits.

   - Elle est en toi ? Comment tu as fait ? demanda Grady, suspicieux.

   - J'ai suivi Silveny. Si vous avez quelque chose à lui dire c'est maintenant ou jamais, je ne sais pas si on va pouvoir garder le contact très longtemps.

   Tous les elfes présents énoncèrent en même temps ce qu'ils voulaient dire à Sophie, créant une telle cacophonie que Fitz dut crier pour faire comprendre qu'il ne pouvait délivrer qu'un message à la fois. 

   - Ses parents d'abord, décida le jeune Télépathe. 

   En disant cela, il avait lancé un regard provocateur à Keefe. Bien que les jeunes garçons ne soient pas en véritable conflit par rapport à Sophie, ils étaient automatiquement tendus en parlant d'elle ensemble.

   - Dis-lui qu'on l'aime, dit doucement Edaline.

   Fitz hocha la tête puis ferma les yeux. Il les rouvrit quelques secondes plus tard, affolé.

   - Elle a disparu.