Pdv Sophie

   La jeune elfe décida de faire ses adieux séparément, pour profiter de chacuns de ses amis. Elle se rendit tout d'abord chez Tiergan avec Edaline, Grady et Sandor, avec qui les retrouvailles avaient été brèves. Elyseus avait accepté de rester à Havenfield bien qu'avec sans aucun doute un certain traqueur lui permettant de surveiller Sophie.

   Les trois elfes montaient les marches éreintantes menant à Solreef en haletant et sans aucune plainte de la part de la Télépathe. D'habitude elle n'aurait pas arrêté de maugréer mais ce jour-là n'était pas comme d'habitude. 

   Sophie se monta tout un discours dans sa tête pour dire adieu à ses amis, pourtant il lui sonnait faux et elle savait au fond d'elle-même que cela allait être plus compliqué que de simples mots alignés.

   Sans même que la jeune fille n'ait vu le temps passer, ils se trouvaient devant la porte de la demeure. Grady frappa de lourds coups contre le battant.

   Il ne restait qu'à attendre. Attendre en tremblant.

   Wylie ouvrit et son visage passa de la fatigue à l'étonnement à la joie.

   - Sophie ! cria-t-il en l'entourant impulsivement de ses bras.

   - Salut, Wylie.

   Le jeune homme se dégagea en rougissant puis se décala, sa haute stature laissant la place à Tiergan qui cligna tout d'abord plusieurs fois des paupières.

   - Sophie... Comment ? Quand ? Où ? balbutia-t-il. Enfin... je veux dire, je suis heureux de te revoir.

   - Moi aussi ! répondit la jeune elfe.

   Ses parents adoptifs souriaient pâlement mais laissaient les retrouvailles se dérouler sans intervenir. Linh sortit de la maison, suivie par Tam.

   La fille aux mèches grises plaqua ses mains sur sa bouche. Elle courut vers son amie tandis que quelques larmes coulaient sur ses joues roses. L'impact fut si fort que Sophie chancela sur ses jambes et commença également à sentir de l'humidité sur son visage.

   Combien de fois vais-je pleurer aujourd'hui ? se demanda-t-elle.

   Les jeunes filles se séparèrent et l'Optimatrice se trouva face à Tam. Le silence s'étendit puis le Ténébreux murmura d'une voix enrouée — était-il ému ?— :

   - Content de te revoir, Lady Fos-boss.

   - Moi aussi je suis contente, Tam. Moi aussi.

   - Désolé de mettre fin à ces retrouvailles mais... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

   Tous les elfes se tournèrent vers Tiergan en sursaut, comme sortis brusquement d'un rêve. Sophie baissa la tête, le moment était venu.

   La jeune fille raconta son enfermement, ses découvertes par rapport à Elyseus, son travail d'assistante. Elle demanda au passage à Tiergan de tout expliquer au Cygne Noir car elle n'aurait pas le temps de voir tout le monde. Et finalement... son marché.

   Ils étaient bouche bée, mi-choqués mi-terrifiés.

   - Tu vas repartir ? demanda Linh d'une petite voix.

   - ...Oui. Je suis désolée.

   - Ne sois pas désolée. C'est pas ta faute, contredit la jeune Song.

   Son visage pourtant exprimait une telle blessure que Sophie se sentit coupable. Wylie entoura les épaules de l'Hydrokynésiste pour la rassurer. L'Instillatrice se rasséréna, ses amis se soutenaient entre eux, ils n'avaient pas besoin d'elle. 

   Et cela la rassurait autant que lui provoquait un énorme pincement au cœur.

   Ils n'avaient pas besoin d'elle.

   - Tu ne peux pas accepter aussi facilement de te faire voler ta liberté, protesta Tam, la sortant de ses pensées. Tu dois te battre pour la garder !

   - Je te promets que j'essayerai.

   - Et on t'y aidera, intervint Grady.

   - D'accord, dit Sophie. Elyseus va devoir accepter de me laisser partir mais... juste pour au cas où, je voudrais vous dire au revoir.

   Linh, Wylie, Tiergan et Tam s'entre-regardèrent.

   - D'accord, dit Tiergan. Au revoir Sophie, j'espère de tout cœur qu'on se reverra.

   - À bientôt ! ajouta son fils adoptif.

   - Je ne t'oublierai pas. Je n'oublierai pas ce que tu as fait pour nous, lança Tam.   

   - Tu es une très bonne amie et je ne veux pas te perdre mais... comme il le faut, je te dis au revoir. Au revoir, Sophie.

   - Au revoir à tous.

   La jeune fille était incapable de faire quoi que ce soit et ce furent ses parents qui prirent Sophie par le bras pour la faire sauter jusqu'à Fluttermont, le domicile de Marella.

   Ce fut le père de la jeune fille qui leur ouvrit et qui les mena jusqu'à sa fille, installée sur son lit. La Pyrokynésiste redressa la tête, écarquillant les yeux.

   - Sophie ? Tu as réussi à lui échapper ?

   La même discussion qu'avec les Song eut lieu mais Marella réagit de manière différente : elle hocha de la tête pour assimiler toutes les informations, se mordit la lèvre puis sembla se décider à parler.

   - Donc... tu vas devoir te débrouiller pour échapper à cette source d'énergie capable de nous enlever nos pouvoirs. Ben bonne chance ! De toute façon, je suis sûre que tu seras de retour dans moins de quelques semaines. Tu as déjà réussi à obtenir le fait de nous dire au revoir !

   - Ouais... je vais essayer, sourit Sophie. Alors à bientôt, Marella.

   - À bientôt !

   La réaction de l'elfe avait surpris et rassuré la Télépathe, Marella croyait sincèrement en ses chances de s'en sortir et elle allait tout faire pour lui donner raison.

   - Juste... une dernière chose, dit l'Optimatrice en se retournant. Tu peux dire au revoir de ma part à Maruca, Elwin et Jensi ?

   - Bien sûr.

   La jeune elfe se rendit ensuite à Everglen avec Sandor, Edaline et Grady. Elle avala sa salive avec difficulté devant la grande porte, elle savait que ça serait plus compliqué dans cette maison-là que dans les deux précédentes.

   Della laissa apparaître son beau visage dans l'encadrement de la porte. Elle se précipita aussitôt dehors en criant :

   - Les enfants ! Alden ! Venez voir !

   L'Éclipseuse enlaça ensuite brièvement Sophie, Edaline et Grady (Sandor refusant obstinément tout contact avec l'elfe).

   Alden sortit et fondit en larmes sur le seuil en se murmurant pour lui-même de gentilles paroles.

   - J'espère que tu vas bien Sophie, dit-il finalement.

   - Je vais bien. J'espère que toi aussi.

   Fitz fit ensuite son entrée, le pas trainant.

   - Qu'est-ce qu'il...

   Il s'interrompit en voyant son ancienne petite amie.

   - Sophie... c'est sympa d'être venue nous voir dès ton retour.

   La jeune fille esquissa un sourire forcé, autant par appréhension que par déception. Il n'avait dit qu'une phrase, une petite phrase ridicule face aux larmes et aux étreintes de ses parents.

   - Raconte-nous ce qu'il s'est passé, demanda Della.

   - Où est Biana ? Je préfère raconter à tout le monde en même temps.

   La mère de famille sembla hésiter.

   - Elle ne se sent pas très bien. Ne t'inquiète pas, on lui racontera et tu pourras la voir quand elle se sentira mieux.

   La Télépathe se sentait mal, elle ne pourrait pas voir Biana plus tard, elle ne serait plus là.

   - Je... peux aller la voir ?

   - Mieux vaut la laisser tranquille pour l'instant, je pense.

   - Sophie a quelque chose de très important à vous dire, intervint Sandor. Il faut aller chercher votre plus petite fille.

   - Vas-y, Sophie. Peut-être qu'elle viendra, encouragea Alden.

   La jeune fille se dirigea vers la maison et dit à ses parents de commencer l'histoire. Elle la raconterait de son côté à la jeune Éclipseuse.

   Elle toqua à la chambre de son amie, un simple reniflement lui répondit. L'inquiétude s'empara de l'Instillatrice. La jeune elfe serait-elle gravement malade ? Ou alors blessée ?

   Sophie ouvrit la porte à la volée pour dévoiler une Biana recroquevillée sur elle-même, le visage entre les mains.

   - Biana ! Ça va ?! s'écria la fille de Grady et Edaline en se précipitant vers son amie.

   L'Éclipseuse parut étonnée par la voix entendue et elle se retourna d'un mouvement.

   - Sophie ! Je...

   Ses pleurs redoublèrent tandis qu'elle enlaçait sa meilleure amie avec force. Après quelques dizaines de secondes, l'Optimatrice se dégagea avec douceur.

   - Tu as mal quelque part ? demanda-t-elle.

   - Oui, au cœur.

   Sophie voulait la bombarder de question, mais elle décida d'attendre que son interlocutrice lui explique d'elle-même.

   - Dex...

   Elle hoqueta tandis que la jeune elfe se demandait ce que son cousin avait pu faire pour mettre la fille de Della dans cet état.

   - Il m'a dit qu'il ne m'aimait pas comme moi je l'aime.

   Mis à côté de la future captivité de Sophie, le problème semblait moindre, presque ridicule. Mais elle berça tout de même son amie dans ses bras un moment. Lorsque ses sanglots se calmèrent, l'Optimatrice se releva.

   - Je suis vraiment désolée mais je vais y aller Biana. Ta famille t'expliquera mieux mais je dois vraiment y aller. Au revoir.

   Partir sans plus d'explications lui fendait le cœur mais elle devait encore aller chez les Dizznee et chez  Keefe avant la fin de la journée. Elle sortit donc de la pièce après le salut expéditif de son amie.

   Elle retrouva ses parents et les Vacker assis devant la porte d'entrée. Ils semblaient tous abattus. Grady et Edaline avaient sûrement déjà annoncé son départ imminent.

   - Je vais vous dire au revoir alors, lança faiblement Sophie.

   - Biana n'est pas venue ? demanda son père.

   - Non, elle ne se sent vraiment pas bien et il va falloir tout lui expliquer après.

   - D'accord.

   - Alors... Au revoir à tous ! dit-elle d'une voix faussement enjouée.

   - À bientôt Sophie, tout ira bien, répondit Alden.

   - J'espère qu'on pourra se revoir, murmura sa femme.

   - Sophie...commença Fitz en l'attirant un peu à l'écart. Je t'aime beaucoup et... ça me tue de te laisser partir mais il le faut. Je te promets que j'essayerai de te ramener. 

   - Je t'aime aussi beaucoup Fitz, mais pas de la même manière que toi. J'espère qu'on se reverra.

   - Au revoir.

   Les Ruewen sautèrent à Rimeshire, la maison des Dizznee, en sentant la fatigue devenir plus insistante en eux.

   Ce fut... personne qui ouvrit la porte cette fois-là. Sandor entra d'abord, inquiet, ne laissant entrer les elfes qu'après lui.

   La maison était dérangée, mais rien de spécial par rapport à d'habitude. Rien de spécial, sauf l'absence de bruit. Ils firent le tour de la maison, sur le qui-vive.

   La maison de Dex était vide.