Chapitre 7

Au moment où j'entre dans la cuisine pour aller chercher mon déjeuner, j'eus la désagréable sensation qu'il y avait quelqu'un qui m'épiait avec des yeux avides... or il n'y a pourtant personne autour de moi, à l'exception de Tchad qui mange toujours. Pour être franche, il est presque tout le temps en train de grignoter quelque chose.

Je prends l'assiette de crêpe qui traine là et me dirige vers la salle à manger... mais... avant que je n'aille franchit la porte pour rejoindre Tchad, quelque chose qui vient de bouger dans un coin de ma vision périphérique capte mon attention. Je me dirige vers la seule fenêtre de la pièce et fronce les sourcils en constatant qu'il n'y a rien, à l'exception d'une forêt de sapin et d'autres conifères.

– Tu ne devrais pas rester ici, jeune fille, dit une douce voix de femme dans mon dos. Tu es en danger... tout comme tes amis.

Je me retourne vivement en l'entendant, échappant presque mon assiette tant mes membres tremblent de peur. Mes yeux s'écartent de surprise devant la beauté qui se dresse devant moi, flou. C'est une femme à la peau très blanche et aux yeux bleus-gris. Ses cheveux blancs dansent autour de son visage tel des vagues qui épousent le sable clair. Ses lèvres sont d'un rouge éclatant, ses longs cils blancs et ses joues rougies accentuent la pâleur de ses yeux. Bien qu'elle fût vaporeuse, elle semble illuminée, brillante comme une étoile.

Elle sourit avec tristesse et voltige vers moi avec grâce et légèreté. L'époustouflante femme pose une main froide comme la neige sur ma joue et son contacte fait picoter mon corps en entier.

– Qu...qui êtes-vous, ai-je murmuré, émerveillée par son aura à la fois de douceur et de puissance.

– Que t'ont-ils fait, Angena... non... tu es maintenant Alilée, chuchote-t-elle avec un regard triste qui vient me briser le cœur. Et pourquoi...

– Je...je...

– À qui tu parles, dit une voix grave et masculine derrière moi.

Je me retourne vivement et vois Tchad s'approcher avec son assiette et son verre vides. Son regard ballait la pièce avant qu'il ne fronce les sourcils et m'observe avec son regard sauvage. Une lueur peu humaine brille dans ses yeux verts pailletés d'or.

– Qu...quoi, me suis-je exclamée en rougissant fortement alors que je me trouve idiote.

– Qu'est-ce que tu vois?

– Pour...pourquoi je te le dirais, dis-je en fuyant son regard trop intense pour mon petit cœur et ma raison.

– Et pourquoi tu t'entêtes à me le cacher, grogne Tchad. Je ne suis pas idiot, je t'entends très bien... plus que bien même.

– Je... je n'ai aucune raison de me confier à toi, dis-je en gigotant, mal à l'aise.

Non mais! Reprends-toi Angélique!

Il pose sa vaisselle sale, puis prend mon assiette et la remet où je l'ai pris. Tchad marche vers moi au point de me faire reculer contre le mur à côté de la fenêtre. Il met ses bras de chaque côté de ma tête, comme pour m'empêcher de partir alors que je pourrais facilement passer en dessous.

Mon visage arrive à son torse et je m'entête à ne pas lever les yeux pour le regarder en face. Tchad prend mon menton avec sa main gauche et lève mon visage vers le sien en grognant d'agacement. Son toucher me fait frissonner malgré mon envie de fuir loin de lui. Une réaction que j'aurais préféré ne pas ressentir à son contact. Il se penche légèrement et ses cheveux tombent devant ses yeux verts. Trop vert pour être normal. Son souffle caresse mon visage et l'odeur sucrée des crêpes me chatouille les narines. Je prends une grande bouffée d'air, comme pour retenir l'odeur.

Idiote! Imbécile! Qu'est-ce que tu fiches!

– Qu'est-ce que tu es, dit-il en plissant les yeux, comme s'il voulait lire en moi.

– Ri...rien, ai-je marmonné d'une voix tremblante en pinçant les lèvres.

– Tu es sûrement quelque chose.

Il se penche un peu plus vers moi en me regardant dans les yeux. Sa main se met à caresser mon menton et le bas de ma lèvre alors qu'il semble me renifler. Un frisson d'excitation s'empare de moi et mon corps tout entier commence à me picoter d'envie.

Ses lèvres sont si proches des miennes que j'aurais pu l'embrasser. J'entrouvre mes lèvres et sursaute au moment où il me crache dessus. Je pousse un cri en m'essuyant la bouche, me sentant idiote d'avoir cru qu'il voulait m'embrasser. Tchad sort de la pièce en se tordant de rire, comme si c'était la meilleure blague qu'il n'est jamais fait.

Comment ce type arrive-t-il à me déstabiliser autant?

Je me frappe la tête en me traitant de tous les mots qui me viennent à l'esprit. Je pousse un long soupire et, oubliant complètement mon déjeuner et l'apparition fantomatique, je sors de la cuisine tout en me mordillant la lèvre.

Soudainement, la salle à manger tourbillonne, hypnotisant, m'entrainant dans une danse folle et effrénée. Ma vision se trouble, noyant mes yeux dans un océan de larmes brumeuses et chaudes. Des picotements et des frissons me parcourent le corps comme des décharges électriques. Mon visage me brûle, mais le reste de mon corps est complètement glacé, comme prise d'une intense fièvre. Mes pieds chancellent et je pousse des petits gémissements, telle une souris qui couine. Je sus avec peur et désagrément que j'allais avoir une autre vision.

†††

Je courais et courais à en perdre haleine. De la sueur coulait sur mon visage et dans mon cou d'une moiteur empestant le vinaigre vieux d'un demi-siècle. Tout était noir... comme chaque fois que ces cauchemars vivants survenaient pour m'aspirer dans un tourbillon de malheur. Une peur frémissante faisait palpiter douloureusement mon cœur dans ma poitrine, tentant de se sauver plus vite et plus loin que mon corps pouvait le porter. Je ne voyais rien, pour l'instant, mais je sentais la douleur et entendais les battements frénétiques et amer qui gonflaient en moi. Pourquoi ai-je peur... qu'est-ce que j'essaie d'échapper? Est-ce les montres nocturnes? Me veulent-ils du mal?

Au loin, quelque chose poussait un cri... mi-homme mi-animal. J'eus soudain l'impression de trébucher et de tomber dans un abîme sans fond. Dans un puit sans lumière encore plus sombre que la noirceur d'un corbeau. Et soudain, des jets de lumière sortaient de nulle part, ne durant qu'une seconde, me brulant les yeux comme si mon visage avait longtemps été tremper dans de l'acide. 

Des bulles de souvenir faisaient lentement surface, tour à tour, puis de plus en plus vite. Ma mère éclatant de rire, insouciante, croyant que nous avions la vie devant nous. Ensemble. Pour toujours. Jusqu'à la fin des temps. Ma meilleure amie quand j'avais six ans et à qui j'avais prédit une mort prochaine... sa disparition... son corps inerte et couvert de sang retrouvé dans un parc. 

Notre voisine, à qui, au même âge, j'avais prédit qu'elle allait mourir d'une crise cardiaque à quarante ans alors qu'elle n'en faisait pas. Une mer de cauchemar... une tonne de mort sur la conscience d'un enfant. Des dizaines d'esprits voltigeant au-dessus de ma tête... à quatre ans... première prédiction... mort d'un enfant de cinq ans... mort de sa mère par suicide... le père, dépressif, fini dans un hôpital psychiatrique. 

Mort d'un bébé chien noyé... d'un chat brulé... d'un perroquet étranglé... d'une adolescente congelée par l'hiver... d'un adolescent drogué... d'une femme martyrisée... d'un homme... d'un vieux... d'un jeune... enfant... adolescent... adulte... vieillard... animale... enfant... adolescent... enfant... adolescent... enfant... enfant...enfant... 

Remplie de cauchemar lugubre... D'une bête noire... Du délire... Des mauvais rêves... Encore et encore du délire... Du délire qui m'étouffait, du délire qui me noyait, du délire qui m'enchainait à un monde que je ne connaissais pas, que je ne comprenais pas, que je ne voulais pas comprendre... 

Et ma mère... mon ange gardien... un rayon de soleil dans mon monde de ténèbres... le démon en moi qui accumulait les âmes... me rendait plus forte, mais plus sensible au diable... le simple fait de croisé ma route envoie des ondes de malheur à ceux qui me regardaient dans les yeux... je les emmenais en Enfer... dans une folie éternelle... plonger dans leurs pires craintes qui viendront les hanter pour toujours...

†††

Je me réveille en sursaut, essayant de reprendre mon souffle saccadé. Toute déboussolée, je me redresse lentement en grimaçant, prenant appui sur mes paumes moites.

Est-ce que je me suis foulé les poignets?

Mon regard ballait la pièce froide et peu éclairée. Une seule lumière jaune illumine le plafond haut et les alentour. Le sol en céramique blanc est glacé sous mes mains et mes fesses.

MAIS OÙ SUIS-JE! COMMENT SUIS-JE ARRIVÉE ICI!

Il y a des tas et des tas de boites éparpillées... de chose que personne n'aimerait voir dans des boites... de corps à moitié décomposé, de squelette où il reste de la chaire... Certaines boîtes sont étiquetées par un nom. L'odeur de mort et de moisie empestent la salle. Un gout de bille me monte dans la bouche et j'eu envie de vomir. Je me retiens de justesse de débarbouiller partout. Quelque chose grince dans mon dos et me fait sursauter. Je pousse un petit crie malgré moi.

– Angélique, dit une voix féminine et familière d'une lenteur extrême venu d'outre-monde qui me fait frissonner d'horreur.

Un visage aux yeux grands ouverts que je reconnais à peine apparu d'un coup devant le mien, son corps telle que je l'ai vu dans ma vision... des trous ensanglantés, de chaire molle et de peau déchirée parsèment horriblement son corps et son visage devenu difforme à cause d'expériences douteuses.

Je pousse un cri de surprise et de dégoût en vomissant pour de bon à côté de moi. Elle éclate de rire comme si elle ne ressentait plus rien...

Comme si elle ignore qu'elle est morte...

– A... Ariane, dis-je d'une petite voix, le corps tremblant comme une feuille.

– Berk, dit-elle en faisant une grimace. C'est quoi cette odeur.

Ils l'ont tué et pourtant, je n'ai rien dit... Je n'ai rien dit... Elle regarde autour d'elle, puis ses yeux se fige sur l'une des boites, étiqueter à son nom, avec un air choqué et dégouté.

– Ils... ils mon tué, s'exclame Ariane horrifiée en s'approchant de son corps sans vie, regardant de quoi elle a maintenant l'air.

Moi, à sa place, j'aurais évité...

Ses joues viraient au rouge dû à la colère.

Ohoh...

Rapidement, de l'eau commence à faire flotter les cartons dans lesquelles il y a les cadavres. Heureusement, je ne vu que des touffes de cheveux, mais malheureusement, tout commence à être inonder... emportant les corps que j'aurai préféré ne pas voir. L'eau monte rapidement jusqu'à ma taille et le petit courant qui commence à se former me fait perdre l'équilibre. Je tombe dans l'eau en poussant un petit cri.

– A... Ariane... tu... tu devrais te calmer, me suis-je exclamée en pataugeant difficilement dans l'eau. Tu... tu fais tomber des tonnes d'eau!

– D...d...désolé, dit-elle en reprenant d'un coup son calme. Est-ce vraiment réel...

– Non... pour vrai! Tu crois que je fais semblant de nager! Regarde ce que tu as fait! Tu m'as presque noyé!

Elle fait une grimace et fait disparaitre l'eau, à mon grand soulagement. En revanche, je suis maintenant trempée jusqu'aux os, ma camisole rose et mon jeans bleu collent sur ma peau et le sol reste froid et humide. En plus, j'ai une horriblement vue sur certains corps défigurés, semblable au corps trouer d'Ariane.

Mes cheveux sont devenus d'un blond gris terne et je frissonne en me frottant les bras tout en détournant le regard des humains sans vie, leurs yeux vides tournés vers moi comme un aimant est attiré par le fer. Mon corps se met à trembler et de petits gémissements sortent de ma bouche gelée.

– C'est super, s'exclame Ariane d'un ton trop enthousiasme à mon goût, alors que je ne suis que dégoutée et apeurée par l'atroce révélation qui nous entoure. Je pourrais attaquer n'importe qui sans qu'il me voie! À moins qu'il me voie... comme toi...

– Même à ça, dis-je d'une voix tremblante dont j'espère ne pas montrer mon anxiété. Que pourrait-on faire à une personne déjà morte.

– C'est vrai, dit Ariane en éclatant de rire, comme si c'était une très bonne blague.

Or, rien de tout ça n'est un jeu de comédie...

Je lui fais un sourire mal assuré alors que mon ventre se tord par la crainte grandissante de nos kidnappeurs. Voyant mon expression, Ariane reprend une expression sérieuse et sombre, ce qui est très rare chez elle.

– Il faut absolument que vous partiez d'ici... Ils pourraient finir par tous vous tuez!

Encore se « ils ». Mais qui sont-ils donc? Est-ce vraiment Sara et toute la bande? Ou d'autres d'encore plus redoutable?

Les gens que j'ai vu dans ma vision de la mort d'Ariane?

– Je n'en doute pas, finis-je par dire en soupirant longuement.

Elle me regarde sans comprendre.

– J'ai... j'ai eu une... vision, dis-je en bredouillant. Et... il y a eu un esprit qui... est venu m'avertir que nous étions en danger, tout à l'heure. Et il faudrait être idiote pour croire que tous ses corps sont simplement des mannequins de cire... ensanglantés...

Ariane me regarde bouche bée alors que j'aurais cru qu'elle se serait mise en colère... bien que je n'aille pas préciser que c'était une vision d'elle.

– Wouah, tu peux voir le futur! C'est trop dément!

Ohlala! Je ne m'attendais vraiment pas à ce qu'elle prenne ça aussi bien!

– Pas toujours, dis-je en soupirant encore en regardant mes bas trempés, les frottant l'un contre l'autre. Et jamais ce que je veux. Et puis, je peux voir le passé aussi. Je peux te dire qu'il n'a rien de fabuleux dans ce... ce... peu importe, c'est très désagréable.

– Hmm, fait une voix forte et grave derrière moi. Tu dois être une lutine... diablotin, plutôt...

Je me retourne vivement et vois Tchad assit d'un air ennuyé sur la plus haute marche qui devait menée à l'étage supérieur.

Bon sang! Pourquoi c'est toujours lui qui me retrouve dans ce genre de situation!

Il se lève et descend les marches d'un pas tranquille et insouciant, comme si nous ne nous trouvions même pas dans une cave glacée que l'eau, sortie de nulle part par Ariane, avait accentué. Il marche et s'arrête devant moi en étant indifférent aux corps morts, comme s'il avait déjà vu pire. Il se contente de retrousser le nez alors que l'odeur de pourriture humaine parvient à ses sens.

– Tu ne fais sûrement pas la conversation toute seule, n'est-ce pas, me demande-t-il en regardant autour de nous le désastre qui laissera une trace de notre passage. À moins que tu ne sois vraiment qu'une folle. D'ailleurs, c'est peut-être toi qui a tué tous ses gens.

Un sourire arrogant se dessine sur son visage alors qu'il fait un signe vers les dépouilles baveuses de larve et de chaire effilochée.

– P... pas du tout, dis-je en levant mon visage vers lui avec un air de défi alors que du coin de l'œil, je vu Ariane traverser le plafond comme si de rien n'était.

Tchad prend mon menton avec sa main gauche et met sa droite sur mes reins. Son simple toucher me fait encore plus trembler... mais d'une toute autre manière. D'une chaleur que je me déteste de ressentir.

– Vraiment, dit-il avec un sourire espiègle en rapprochant son visage dont l'haleine sucrée me chatouille les narines. Idiote comme tu es, tu dois imaginer que tu ne l'es pas, que tu n'as rien à voir avec tout ça.

Bon sang! C'est ce type qui va finir par me rendre folle!

– Et arrogant comme tu es, tu ne me croirais même pas, ai-je répliqué en lui crachant dessus, comme il l'avait fait, plus tôt.

Tchad grogne, me lâche pour s'essuyer la face et me lance un regard noir.

– C'est ma revanche, dis-je en courant pour monter les marches, même si je suis trempée et que je glisse sur le sol comme si je skiais sur la neige.

Cependant, avant que j'aille pu atteindre la première, Tchad m'attrape par la taille et me soulève avec aisance malgré le fait que je le frappe et que je lui cris dans les oreilles. Il me place en poche de patate sur son épaule comme si je n'étais qu'une petite marchandise. Je me tortille en lui criant de me lâcher et Tchad me donne une tape sur les fesses pour que j'arrête de gigoter.

Embarrasser par son geste, je décide de faire la sage fille. Il monte, puis ouvre la porte et jette des regards discrets pour voir s'il y a quelqu'un dans les parages.

J'imagine que nous sommes dans la zone interdite...

Heureusement pour nous, nous n'avons croisé personne en passant devant des pièces qui semble être faite pour des tortures chirurgicaux. Une fois hors de danger, mon cher porteur me dépose sans gentillesse sur le sol avant de me tirer violemment vers le salon où les autres attendent avant le début des cours.

– Nous devons parler, dit simplement Tchad.

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