Chapitre 4

En ouvrant les yeux, je m'aperçois que je suis dans une petite chambre au lieu d'être dans la voiture de mon oncle. Les murs sont rose pâle... un rose pastel laid et sale qui ne fait pas du tout princesse. On s'entend, le rose, c'est une couleur de princesse. Voir toute la crasse qui a alterné la couleur me donne qu'une envie.

Vomir dessus.

Ça les aurait presque embellies.

Des rideaux bleus marins délavés, qui semblent aussi vieux que les bibelots de Lucian, empêchent la lumière d'entrer par la seule minuscule fenêtre de la pièce. Je me redresse sur le lit et regarde autour de moi avec dégoût. La couverture sous moi est d'un jaune pipi. D'ailleurs, je crois bien avoir décelé une odeur semblable. Elle est aussi médiocre que tout ce qu'il y a dans cette pièce grosse comme un trou à rat...

Le lit est dur sous mes fesses et ne possède qu'un seul oreiller trop plat pour être confortable. Une petite table de nuit en bois brute est installée à côté du lit qui ressemble beaucoup trop à une planche de bois. Elle est écorchée comme si quelqu'un s'était acharné à le détruire. J'observe les alentours, puis regarde sous la couverture défraîchie.

Mon sac, qui, soit dit en passant, est la chose la plus belle chose de la pièce à l'exception de moi, traine dans un coin poussiéreux de la chambre. Il est à côté d'un petit bureau dont les tiroirs ne se ferment pas. Je peux voir mes quelques vêtements rangés à l'intérieur. Ils sont définitivement trop beaux pour cette commode à l'allure peu rassurante.

Mais... la question la plus important ne concerne pas le sale décore.

Mais l'endroit exacte où je suis?

M'a-t-on kidnappé?

C'est impossible que mon oncle ait loué un endroit aussi crasseux. Aussi vieux, sale et barjot. Qui a la puanteur des vieilles croustilles aux fromages! La chambre est aussi grosse qu'une niche pour chien! Même pas de place pour un lit baldaquin! On est riche! Et on en profite de ce luxe!

Alors pourquoi...

Je soupire en me levant et tire difficilement les rideaux en me mettant sur la pointe des pieds pour éclairer la pièce. Au moins, il y a une bonne chose, on y voit la mer. On entend ses vagues larges claquées contre le sable doré et chaud avec un sifflement semblable à une bouilloire surchargée.

- Bonjours jeune fille, dit la voix d'une jeune femme au timbre trop doux à mon goût alors qu'elle ouvre la porte grinçante de vieux bois moisie. J'espère que tu as bien dormit.

Je me retourne lentement et vois une dame qui se tient dans le cadre à peine debout de la porte. Elle est grande et en courbe. C'est proportion sont tellement extravagante que je me demande si c'est réellement naturel. Elle porte un chandail léger et une jupe qui lui arrive à mi-cuisse. De mon point de vu, c'est loin d'être stylé pour une femme aussi élancée. Elle est plutôt banale si on ne comptait pas ses formes rondes. Elle a des cheveux noirs montés en chignon serré, des yeux bruns en amande, des lèvres roses et minces et une peau qui tire sur une drôle de couleur orangée. Je la regarde en fronçant les sourcils sans répondre à sa question.

Du faux bronzage?

- Je m'appelle Sara Lemieux, dit-elle avec un sourire qui me semblait aussi faux et crasseux que la chambre. Je suis la co-directrice de Stomberg House.

Je la regarde un moment, comme si mon cerveau avait bloqué pendant une microseconde.

- La quoi... de quoi, me suis-je exclamée, perplexe, en sentant mon cœur palpité de peur alors que le message venait d'être compris par mon stupide cerveau.

Je secoue la tête en la fixant du regard avec dédain. Elle s'approche à grand pas sur ses échasses tremblantes.

Est-ce les planches qui sont décalées ou c'est cette grande dame qui marche tout simplement mal? Elle se dandine comme si elle cherchait à émiter les manequins, en vain.

- Vient avec moi, roucoule la femme en me tirant par le bras de ses mains manucurés d'un violet de vieille mémère.

- Pour qui vous prenez vous, ai-je crié, irritée qu'elle ose me toucher avec ses mains douteuses d'un orange peu naturel.

Non mais! C'est qui cette femme grotesque qui est tout sauf esthétique!

- Tu rencontreras les autres plus tard, dit Sara avec son énorme sourire de clown qui me semble peu engageant, m'ignorant comme si je n'avais rien dit.

- Quoi, vous avez kidnappé d'autres personnes!

Je suis dans un endroit de fou! Cette femme est bizarre! À l'aide! Que quelqu'un vienne me sauver de se cauchemar!

- Nous n'avons kidnappé personne, roucoule-t-elle en passant ses faux ongles sur mon bras comme si elle tentait de me séduire. Votre oncle vous a lui-même livré à nous.

Quoi! Qui! Mon oncle Colin! Mais pourquoi! Pourquoi! Traitre!

- Q...quoi, dis-je d'une voix aigüe. Vous nous prenez pour de la marchandise ou quoi!

Elle a eu un sourire inquiétant qui me donnait la chair de poule. Mon oncle a-t-il vraiment fait ça? Mais qu'est-ce qui lui était passé par la tête? Mon père est-il au courant?

D'un côté, j'espère que non... mais le connaissant... je penche plus pour le oui...

- Il vous a déposé ici en disant que vous aviez besoin de notre aide. Vous savez.

Elle pointe sa tête du bout des doigts avec son faux sourire joyeux. Je me sens tout à coup très bizarre en comprenant la profondeur de ses mots.

Il me prend en fait pour une folle... une tarée... comme mon père... c'est pour ça qu'il a donné son accord... Ils me prennent tous pour un monstre... surtout depuis la mort de maman...

Après cette révélation qui me plombe le moral, la femme me tire dans un couloir ambigu. Mon énergie est tellement au plus bas que je n'essaye même pas de m'enfuir. De toute façon, je ne vois aucune sortie possible.

Personne ne m'aime!

Bon... je sais que c'est faux... Je suis sûr que Jeanne et Lucian m'adorent et que s'ils sont au courant d'où je suis, ils croient que c'est pour mon bien... et ne m'ont jamais prise pour une tarée... ma mère non plus...

Nous entrons dans une grande salle à manger avec une longue table en vieux bois défraîchi. Il y a douze chaises tout aussi médiocres que les couloirs crasseux et moisie du bâtiment.

Je ne donne plus aucune résistance quand Sara Lemieux me pousse devant elle, toujours en état de choc dans ma petite tête de fillette.

- Madame Desjardins, dit Sara à une femme âgée qui se rapprochait très lentement de nous comme si, en vrai, elle était un fantôme sans vraiment en être un. Angélique Dawnham est réveillée.

Comment connait-elle mon nom, cette cruche? Ah oui... mon oncle, sans doute...

- Bien, dit la vieille dame avec un visage froid et une voix roque. Les autres viennent de revenir de la plage avec Julien et Marc. Félix m'a expliqué ce qu'il attend de nous pour elle. Il dit qu'elle est devenue un peu trop or contrôle. Elle me semble pourtant l'air d'être simplement une idiote. Félix est en train de chercher l'autre. Il paraît qu'il l'a perdue de vue.

Comment cette vieille femme ose-t-elle me traiter ainsi avec ses yeux gris qui semblent lancer des éclairs.

C'est moi qui devrais être fâché! De quel droit a-t-elle un visage aussi sinistre! Je ne suis pas une idiote! Juste un peu dans la lune parfois! Ce n'est pas du tout pareil!

Elle porte des vêtements amples et noir qui semblent aller de pair avec sa personnalité sombre et froide. Elle est comme une vieille chouette aux yeux vifs qui n'a presque plus besoin de regarder pour savoir où se trouve sa proie.

- Occupes-toi du dîner, m'ordonne la vieille peau en pointant vers la cuisine.

Elles partent avant que j'aille pu répliquer quelque chose, trop abasourdi par la manière dont je suis traitée. J'en reste bouche bée devant autant d'impolitesse envers ma merveilleuse et sublime personne.

Non mais! Elles me prennent pour une bonne! C'est à mon service qu'elles doivent être, ces deux pimbêches!

Je me dirige d'un pas traînant vers la cuisine tout en grognant. Un long comptoir de bois fripé sépare la salle à manger de celle-ci comme si c'était deux mondes distincts. Je regarde dans la pièce et vois qu'une soupe commence à se former.

Enfin... j'imagine que c'est pour faire une soupe. Il n'y a que de l'eau graisseuse et douteuse dans un chaudron géant qui me fait penser à celui d'une sorcière. Je prends le couteau sur le plan de travail et le regarde sans comprendre comment je dois procéder.

Je n'ai jamais cuisiné de ma vie.

C'est Jeanne ou ma mère qui faisait les repas. C'était toujours prêt quand il fallait que je mange.

Je regarde la carotte qui a déjà été entamer à couper, puis je regarde l'énorme couteau dans mes petites mains. Je le lève au-dessus de ma tête et donne le coup le plus fort dont j'étais capable. À ma grande satisfaction, la carotte se coupe en deux. D'un côté, elle tombe dans le bouillon brulant et vaporeux, de l'autre... frappe un gars canon...

- T'es folle, crie-t-il en se frottant le front.

Il me regarde de ses yeux verts, surpris, puis son expression s'assombrit comme si je le répugnais avec le simple fait de respirer le même air que lui. Ses cheveux noirs, un peu frisé, sont aplatit vers l'arrière, mouillés.

Il fixe le couteau tranchant dans mes mains en fronçant davantage les sourcils, puis reporte son attention sur moi en reculant d'un pas tout en claquant sa langue d'un air réprobateur.

- Oh mon dieu, me suis-je exclamée en le lâchant par réflexe, comme si j'avais été prise sur le fait d'une bêtise. HAAAAAA!!!!!!!

Le couteau entre dans mon pied, déchirant ma chair comme si on creusait dans la pierre... bien que celui-ci est beaucoup plus mou et plus facile à briser. Je commence à crier tout en pleurant comme une dingue sans vraiment porter attention à mon pied, trop inquiète pour osé regarder les dégâts de mon idiotie.

Il doit y avoir du sang partout autour alors que je sens mon bas s'en imbibé. Je papillonne des yeux pour essayer de rester consciente, la respiration trop rapide et entrecoupée.

Je déteste tout ce qui est rouge... Ça me rappelle trop la mort... tous ses morts... enfants... adultes... vieux... animaux...

- Espèce d'idiote, crie le garçon en se mettant à genou pour voir ma blessure avant de marmonner quelque chose. Jack, appelle une ambulance ou Lemieux, vite!

Seul le mot imbécile me parvient aux oreilles avant qu'un grognement retentisse... puis je m'évanouis de douleur.

† † †

Je me réveille une seconde fois dans la petite chambre à l'odeur qui me donne envie de vomir, mais cette fois-ci, le pied droit dans le plâtre. Quatre visages inconnus plus celui, mécontent, du type que j'avais vu dans la cuisine, me fixent du regard.

Un malaise s'empare de moi.

Qui sont-ils?

Les quatre me sourient quand ils s'aperçoivent que je suis réveillée.

- Enfin, s'exclame l'une des trois filles en me prenant dans ses bras alors que je venais de me redresser. C'n'est pas trop tôt!

Ses longs cheveux bruns bouclés me chatouillent le bras. Ses yeux sont d'un bleu presque noir et sa peau est légèrement bronzée.

- Euh... ai-je marmonné en clignant des yeux.

- Ne t'inquiète pas, dit une jolie rousse aux yeux vert en me touchant doucement la jambe. Ariane est comme ça avec tout le monde.

Je les regarde tour à tour.

Ce sont tous des adolescents! Bon sang! Que leur font-ils, ces fous!

- Euh...

- Ah, c'est vrai, dit un gars aux cheveux châtain foncé et aux yeux brun en claquant des doigts. Nous ne nous sommes pas présentés. Moi, c'est Jack.

Il me fait un large sourire en me tendant la main et je la lui serre avec un sourire hésitant.

- Moi, c'est Laurie, dit la rouquine avec une expression si douce que je me sens réconfortée simplement en la regardant. Sophia, qui est muette et Tchad qui ne risque pas de vouloir se présenter lui-même.

Sophia est trop mignonne avec ses grands yeux... elle me fait penser à une jolie poupée de porcelaine. Elle a des cheveux châtain clair et des yeux très foncé, presque noire, avec des paillettes acajou. Elle semble être un mélange de coréenne et d'américaine, mais je n'aurai pas su dire si c'est vrai ou une simple impression dû à ses longs yeux. Sophia doit avoir aux alentours de dix ou onze ans, pas plus... à moins que, comme moi, elle ne fasse pas son âge.

Elle me fait un petit sourire timide et je lui souris en retour.

Je me tourne vers le garçon prénommé Tchad et je me fige quand ses yeux croisent les miens. Un frisson me parcoure de la tête au pied. En le regardant bien, il a des yeux profondément vert paillette d'or. Un vert si intense que j'ai de la difficulté à savoir de quelle nuance ils sont. Une lueur sauvage, que je ne voyais pas dans les yeux des autres, rendait les siens encore plus splendide. Sa peau est de la couleur du sable chaud, comme s'il avait du sang indien. Ses cheveux sont d'un noir profond et bouclent légèrement sur son front et dans son cou, maintenant qu'ils sont secs. Mon cœur palpite et mes yeux papillonnent devant tant de beauté en un seul homme. Il est grand, large d'épaule et légèrement musclé, dû à la pratique de sport.

J'en bave presque!

- La prochaine fois utilise ta tête avant de faire n'importe quoi, idiote, dit celui-ci en grognant.

Sa voix est grave et sensuelle. Elle résonne comme un ronronnement de félin dans mon oreille. Une douce mélodie qu'on ne se lasserait jamais d'entendre. Un sourire niait se dessine sur mon visage... mais je me reprends aussitôt en réalisant ce qu'il venait de dire.

- Quoi, me suis-je exclamée, vexée. Tu insinues que je n'ai pas de cervelle!

- C'est pourtant la vérité, gromèle le prénomer Tchad en se détachant du cadrage de porte où il était accoté.

Il me lance un regard qui montre déjà sa haine envers moi, pour aucune bonne raison.

Il sort de la chambre dans un étrange silence, comme s'il avait disparu à la minute que je ne le voyais plus.

- Désolé pour le comportement de mon frère, dit Laurie avec un regard triste. Habituellement, il est moins... grognon... il a dit que tu aurais pu avoir une hémorragie interne...

Un silence lourd qui me met mal à l'aise suit ses paroles et je frissonne en m'imaginant l'horreur qu'aurait pu être ma blessure... ce qui m'apporte des images encore plus grotesque et ensanglantées que mon petit bobo au pied.

Enfin... je ne crois pas que c'est une minuscule affaire si j'ai le pied dans un plâtre.

- J'imagine que ce n'était pas la meilleure rencontre que vous auriez pu avoir, marmonne Jack avec une grimace.

Oui, mais quand même! Ce n'est pas ma faute s'il était arrivé pour intercepter la carotte avec son front!

- Il peut être bougon, mais je suis sûr que s'est quelqu'un de très sentimentale... il ne le montre juste pas, a écrit Sophia sur un petit tableau effaçable, alors que Laurie joue avec l'une de ses longues mèches rousses.

- Je vois mal Tchad pleurer comme un bébé ou rayonner de joie tel un gamin innocent, s'exclame Ariane en éclatant de rire.

Sophia donne une petite tape à celle-ci et lève les yeux au ciel en secouant la tête.

- Il dissimule toujours ses vrais sentiments derrière un masque de colère, marmonne Jack d'un air triste. Depuis sa rencontre avec cette fille... quand il était en troisième secondaire.

Je fronce les sourcils, puis regarde vers la porte. Mais quel est le rapport avec moi! Bon d'accord, je dois avouer que c'est ma faute s'il a reçu une carotte en pleine figure... mais je ne mérite pas de me faire traiter comme une moins que rien!

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