Chapitre 38
Deux mois se sont écoulés depuis la visite surprise de mon père adoptif... nous sommes en début de juin.
Depuis, il m'appelle pratiquement tous les jours... ça devient presque harcelant. Parfois, il me demande des nouvelles de Tchad, mais je sais qu'il veut s'assurer que notre relation reste bonne. En retour, Tchad grogne et marmonne qu'il ira encore bien dans dix ans, alors mon père n'a plus à demander et même à rappeler.
Il dit ça parce que les coups de téléphone arrivent presque à chaque fois que nous sommes tous les deux... mais bon... c'est vrai qu'il pose toujours les mêmes questions du genre : « Comment ça va?», « Est-ce que tu manges bien? », « Si tu t'ennuies, tu peux revenir à la maison. », « Qu'est-ce que tu as fait aujourd'hui? », ou encore « Comment vas ton petit copain, j'espère qu'il te traite bien... sinon, j'envoie Lucas. »
Je sais qu'il se fait vieux et qu'il commence vraiment à s'inquiéter pour moi, mais quand même! En plus, si je ne réponds pas à la première sonnerie, il rappelle jusqu'à ce que je décroche. Ensuite, il me harcèle de questions du genre : « Qu'est-ce qui se passe? » et « Tu es correcte? »
Moi, je réponds toujours avec exaspération : « Oui, papa, je vais bien, j'étais en train de dormir » (il ne pense même pas au décalage horaire!), ou encore « Oui, j'étais occupé. »
Bref, avec mon père qui est devenu soudainement comme une mère poule, j'ai l'impression de n'avoir plus de vie. J'ai l'impression qu'il est quelqu'un d'autre depuis qu'il sait que sa fille n'a jamais été une folle.
Il veut se racheter j'imagine...
Mon téléphone vibre à côté de moi.
- Qui est-ce, marmonne Tchad en ouvrant les yeux.
Il est couché sur mes cuisses et je joue dans ses cheveux en fredonnant la mélodie de ma mère adoptive, assise sur son lit... fait, pour une fois.
- Devine, dis-je en jetant à peine un regard à l'écran, tout en voyant qu'il est près de vingt heures, donc nous devrions normalement avoir deux heures devant nous pour être seul... avant que les autres garçons arrivent.
Tchad pousse un grognement, mais me fait signe de répondre. Je pousse un soupir en décrochant.
- Qu'est-ce qu'il y a papa!
- Je voulais simplement te demander ce que tu voulais comme cadeau d'anniversaire... comme je n'ai rien pu t'offrir...
- Matériellement parlant, je n'ai besoin de rien... Mais pourrais-tu simplement me laisser un peu vivre. À la place d'appeler chaque jour, tu pourrais le faire à chaque semaine, non, aux deux semaines? Qu'est-ce que tu fais de tes journées à par m'appeler? T'es en congés là, non? J'ai une vie, moi, papa! Des cours à suivre, des devoirs à faire, un petit-ami, des amis! Pourquoi tu n'essaierais pas de rencontrer des femmes, de te refaire une vie! Tu n'as que quarante-trois ans et tu as encore ton charme! Tu t'inquiètes pour rien! Si quelque chose ne va pas, je promets d'appeler à la maison, d'accord! Et je ne peux pas toujours te répondre à la seconde près que tu appelles, compris?
Un long silence se fait et je me demande un moment s'il n'avait pas déjà raccroché.
- Papa?
- C'est vraiment ce que tu veux, dit-il d'une voix faible qui me brise le cœur pendant une fraction de seconde. À l'exception de voir d'autres femmes... je ne suis pas sûr d'être prêt pour ça... peut-être même que je ne le serais jamais.
- On verra lorsque tu trouveras une femme qui va te taper dans l'œil... et oui, c'est ce que je veux.
- ...
- Papa?
- Bien... bien... okey... j'ai compris... bye.
- Attend, juste une chose!
- Quoi!
- Tu pourrais m'envoyer Rosie (mon petit Toy Terrier Russe), d'une manière ou d'une autre? Elle me manque.
- D'accord. Et Angélique.
- Oui?
- Nous t'aimons tous, tu le sais.
- Oui... je vous aime aussi.
- Viens nous voir bientôt. Et je vais quand même te trouver un cadeau.
- D'accord, mais envoie-le-moi en double... et si c'est un vêtement, quelques grandeurs de plus... c'est pour mon autre moi, on pourrait dire... ma moitié, quoi.
- Je... je vois... d'accord.
Il doit être perturbé par ce fait... que je ne sois qu'une partie du véritable moi.
D'ailleurs, je ne crois pas que je m'habituerais à cette idée un jour... enfin... tant qu'Angelie et moi n'essayons pas de revenir à notre forme véritable.
- Bye.
- Bye.
Je soupire tout en mettant mon téléphone de côté. Tchad se lève, se tourne vers moi et me regarde dans les yeux. Il me caresse le visage et je frissonne comme chaque fois que son regard intense plonge dans le mien.
Il me donne toujours aussi horriblement chaud.
- Nous aurons enfin un peu la paix, dit-il d'une voix douce et suave.
- Pourquoi je réagis toujours aussi violemment à ton contact, ai-je murmuré alors qu'il se rapproche un peu plus de moi.
- Parce que tu es folle de moi, dit Tchad avec un sourire coquin.
Je lève les yeux au ciel.
- Ça veut dire que tu n'es pas fou de moi, tu ne sembles pas vraiment réagir intensément quand je te touche.
- Tu ne peux pas savoir, tu n'es pas moi, dit-il en se levant sans se répartir de son sourire moqueur.
- J'espère que je ne suis pas toi, sinon, je m'aimerais trop!
Tchad pouffe de rire, mais il se reprend aussitôt, comme s'il ne voulait pas me montrer qu'il me trouve très drôle.
- Quoi, me suis-je exclamée avec une fausse mine insultée. Ma franchise te fait rire!
Il se tourne vers moi avec un grand sourire craquant qui me fait instantanément fondre.
- C'est ce qui fait tout ton charme.
Je fais une baboune, ce qui le fait rire de nouveau.
- C'est fou ce que tu peux être adorable, dit Tchad en prenant délicatement mon visage entre ses mains.
Il m'embrasse sur le front, descend sur mon nez, pour finir par mes lèvres. Il est tellement doux qu'il me fait de nouveau frissonner.
Je le tire par le collet de son uniforme pour le rapprocher de moi. Je caresse ses larges épaules, ses bras et son torse pour finir par nouer mes mains derrière sa nuque. Tchad déplace les siens vers mes hanches en me caressant le dos. Il m'embrasse plus fougueusement, comme s'il avait peur que je ne disparaisse de nouveau, puis il me fait tomber sur le lit tout en grognant contre ma bouche. Il me donne la chair de poule alors que j'avais de plus en plus chaud. Il remonte lentement ma chemise, mais s'arrête à mi-chemin. Quelqu'un cogne bruyamment dans la porte. Tchad pousse un soupir en se levant, alors que je grogne en me redressant et en replaçant mon uniforme. Tchad ouvre la porte et Natasha entre en furie pour se planter devant moi.
- Non mais! Pour qui tu te prends, crie-t-elle de sa voix aigüe. Tu n'es qu'une voleuse de petit-ami! Nous étions bien, Tchad et moi, avant que tu arrives! Et... et maintenant...
- Natasha, dis-je en me demandant si je devais lui dire que Tchad n'a jamais eu de sentiment amoureux à son égard. Ça fait deux mois que tu dis la même maudite chose. Tu ne penses pas que j'ai compris, depuis, que tu me haies... je ne t'apprécie pas, moi non plus. En plus, il me semble que tu as déjà trouvé un remplaçant à Tchad. À la place d'être ici à me gueuler dessus, tu devrais te demander ce qu'il fabrique et s'il n'est pas en train de te tromper avec une autre... les mecs ne tiennent pas long feu s'ils ne sont pas assez chouchoutés à leur goût.
- Quoi! Mais je...
- Tu n'as rien à dire, dis-je d'un ton ferme.
Elle me regarde avec des yeux ronds, puis sort, la tête baissée. Je me lève en soupirant, puis jette un regard à Tchad. Il a les sourcils froncés et regarde vers la porte, comme chaque fois que Natasha passe nous faire son petit show piteux.
- Je ferais mieux d'y aller, dis-je en passant à côté de lui.
Tchad m'arrête en me prenant dans ses bras, son torse contre mon dos. Pendant une seconde, je crois qu'il va me demander de rester avec lui.
- Bonne nuit, chuchote-t-il à mon oreille.
- Bonne nuit, dis-je en me retournant pour lui donner un bisou sur la joue.
Je sors dans le couloir et marche jusqu'à mon dortoir, perdue dans mes pensées et un peu déçu.
Il me semble qu'il y a longtemps que je n'ai pas eu de nouvelles visions.
Est-ce parce que je sais qui est cette Angena? Peut-être bien... vu qu'il s'agit d'Angelie et de moi... elle aussi avait des visions nous concernant... J'aurais pourtant cru que, comme dans les nombreux livres et films irréalistes, nous n'ayons pas des visions sur nous-même... mais uniquement sur les autres.
Je passe entre les autres élèves qui font des vas et viens entre leur chambre et le réfectoire, dans l'entrée, où, normalement, les filles et les garçons ont le droit de discuter. Les chambres sont séparées en deux côtés. Pour les garçons et les filles... il faut normalement passer devant un gardien (de l'escalier, je dirais), mais ils ne font pas super bien leur travail.
J'arrive devant ma chambre et ouvre la porte. Angelie, Laurie et Victoria ne sont pas encore arrivées... sans doute encore avec leur chéri, je ne sais pas où. Je soupire et décide de prendre une douche.
Une vingtaine de minutes plus tard, je suis couchée sur mon lit fait, fixant le plafond, perdue dans mes pensées, alors que Nia et Luvia dorment déjà, collé l'une contre l'autre. Je suis tellement dans mon petit monde que je sursaute en entendant la porte claquée. Je m'assois dans mon lit au moment où Victoria se laisse tomber sur sa chaise de bureau en soupirant, Vricy (sa fée) et Roca (son Ty) voltigent près d'elle.
- Qu'est-ce que t'as, lui ai-je demandé en la regardant.
- Rien, dit mon amie en soupirant de nouveau. Seulement une mauvaise journée.
- Tu t'es disputée avec Carl?
- ...
- Très bien... tu as le droit de ne pas vouloir en parler.
Je me recouche et tombe de nouveau dans mes rêveries futuristes, du genre, notre mariage à Tchad et moi (oui, je sais, c'est vraiment tôt pour penser à des trucs du genre, mais je n'y peux rien!), à quoi pourrait bien ressembler nos futurs enfants, notre vie de couple... de vieillir avec lui... oups, c'est vrai que nous ne vieillirons plus... Ça va me faire bizarre lorsque que je me sentirai comme une petite vieille, mais que j'aurai encore l'air d'avoir trente ans...
La porte s'ouvre de nouveau en grand et Laurie entre en criant, en sautant et en dansant de joie. Je sursaute de nouveau en l'entendant, manquant de tomber de mon lit.
- J'ai passé la plus belle soirée de ma vie, s'exclame Laurie en se lançant sur son lit.
- Qu'est-ce qui s'est passé pour que tu rayonnes comme ça, lui ai-je demandé en me tournant vers elle pour la regarder, couchée sur le ventre et à l'inverse du sens du lit.
- Jack a été trop mignon et super romantique! Nous sommes parties pique-niquer à la belle étoile, il m'a offert un collier (elle nous le montrait alors qu'elle l'avait autour du cou. Il était noir et vert. Très beau. Je ne savais pas que Jack avait si bon goût en matière de cadeaux. Faudrait que je lui demande conseil pour en offrir un à Tchad). Il m'a dit qu'il m'aimait et... et... il m'a embrassé tendrement.
Laurie rougie et se cache derrière ses mains en riant comme une idiote. Dans ma tête, le petit démon dit: « Juste ça... comme c'est ennuyeux, moi qui pensais à quelque chose de plus glamour et coquin. » Tandis que l'ange trouve tout ça terriblement mignon.
- Je suis contente pour toi, lance Victoria en essayant d'être enthousiaste.
- Moi aussi, dis-je en faisant plus confiance à ma mentalité ange.
Il ne faudra surtout pas les brusquer dans leur relation, de tout manière, ça ne me regarde pas.
Laurie soupire de satisfaction, tandis que Victoria et moi, s'est plus de mécontentement.
Au moment où mon cœur reprend enfin son rythme normal, Angelie entre en capotant sa vie. Je sursaute de nouveau et cette fois ci, je tombe en bas de mon lit pour de vrai.
- Vous ne pouvez pas arriver normalement et calmement, dis-je en me levant tout en me frottant la tête. Vous allez me faire avoir une crise cardiaque.
- Je... je... les filles... je... je viens d'apprendre que je suis enceinte, dit Angelie, complètement en mode choc.
- HEIN, nous nous sommes exclamées en cœur.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top