Chapitre 30

Je me réveille, sans doute quelques heures plus tard, dans un énorme lit digne d'une princesse... encore plus impressionnant que celui de chez moi. Mes ailes sont rétractées et je me sens idiote de ne pas les avoir utilisées plus tôt pour voler au-dessus de la forêt si particulière.

Je me redresse et regarde dans la pièce.

La chambre, grande et vaste, est richement meublée avec du bois couleur ambre, un peu dans le style de ceux que j'ai vu. Les murs sont peints dans un argent très brillant et des tableaux d'un temps et une histoire que je ne connais pas décorent ceux-ci. Dans un coin, un petit salon contemporain contient des tonnes de jeux électroniques. Deux sofas à trois places sont positionnés dans un angle de quatre-vingt-dix degrés et une très grande bibliothèque est incrustée dans le mur. Une table basse argenté est installée au centre du salon et une table de nuit a été placé à côté du lit. Il y a trois portes, dont deux qui doivent mener à d'autre pièce.

Je repousse les draps bleus marin, puis me lève avant de faire le lit. Trois petits coups résonnent dans la pièce et l'une des trois portes s'ouvre.

- Angélique, tu es réveillé?

C'est la voix de Nicolas... alors, je suis arrivé à bonne destination...

Il passe la tête pour me voir debout à côté du somptueux lit baldaquin. Il entre suivie de près par Kem.

- Il n'y a pas de doute, continue mon jumeau. Tu es celle qui détient le pouvoir d'ouvrir les portes, donc Angelie est celle qui peut voyager dans le temps.

- Comment en es-tu aussi sûr?

- C'est simple, dit Kem. Tu es passée à travers le lac des sangs d'argent et tes yeux ont viré de cette couleur pendant un lapse de temps... comme en ce moment, par exemple, mais habituellement, tu as seulement des paillettes argent dans tes yeux... bien qu'il faille te regarder de très près pour les voir.

Je le regarde sans comprendre.

- Le lac des sangs d'argent? Mais c'est quoi ce cirque!

- Seul Poséidon, l'un des... frères de notre père, si on peut dire, possède les yeux argentés, à l'exception de toi maintenant. Il détient le même pouvoir que toi, celui d'ouvrir les portes, les portails. C'est un pouvoir inestimable et très précieux. Si par malheur quelqu'un aux pensées sombres parvenait à utiliser ce pouvoir, se serait la fin du monde, ou plutôt, la fin des mondes. Lorsque quelqu'un veut venir dans notre monde, ils doivent passer l'épreuve du lac. Le lac les acceptés ou non. Seul ceux aillant une quelconque part du sang d'Ame, qui s'est depuis longtemps divise en douze parts des douze mondes, sont autorisés à prendre les portails, sinon... bein, ils vont finir noyés dans le lac si leur destination est ici.

Je cligne plusieurs fois des yeux, la bouche grande ouverte, avant de reprendre un peu de contenance.

- Je me souviens que les vampires voulaient que j'utilise mes pouvoirs, ai-je marmonné en fronçant les sourcils.

- Surement des alliés d'Hadès, dit Nicolas en hochant la tête. Ils veulent le sortir d'Enfers, mais pour ça, il lui faut ton pouvoir... enfin, quelqu'un qui a ce pouvoir. Et sans doute qu'Hadès leur a promis quelques choses. Sauf qu'il ne tient jamais ses promesses.

Il me regarde un instant avec une mine grave. J'ai cette impression qu'il veut me mettre en garde contre quelque chose, mais il ne dit rien.

- Je vais rejoindre Angelie à Black Moon, dit Kem en nous saluant. Tout est déjà expliqué à père.

- Bien, ça me fait une chose de moins à faire. N'oublie pas d'apprendre à Angelie de communiquer par télépathie avec nous...

- Tu devrais plus t'inquiéter pour ton élève que pour mon enseignement, dit Kem, un sourire dans la voix, alors qu'il est déjà dans le couloir.

Il sifflote une chanson que je ne connais pas avant de disparaitre au loin.

- Nous allons commencer par les bases, reprend mon jumeau avec son air sérieux. Mais avant, va prendre une douche et te mettre une tenue de combats qui sont dans la garde-robe. Je t'attends dans le couloir.

Il sort en refermant la porte et je me dirige vers l'une des deux autres portes. Je l'ouvre et constate avec étonnement à quel point la garde-robe est presque aussi grande et spacieuse que la chambre. Je prends la première combinaison que je vois, puis me dirige vers l'autre porte. Je remarque alors que dans les trois pièces, le sol semble fait d'obsidienne.

Dans la salle de bain, le bain, la douche, l'évier et même la toilette sont fait dans un matériau qui semble être du diamant. Le comptoir long et large est de la même teinte que les meubles de la chambre. Un grand miroir prend tout le mur du fond. Je me déshabille et prends une rapide douche chaude.

Une heure plus tard, nous sommes à l'extérieur, dans l'arrière-cour de ce qui me semble être une forteresse inquiétante, mais aussi splendide que toutes les pierres du monde. Une grande forêt encadre l'endroit, sans doute la même que celle où je me suis assoupie. Un sentier semble fondre en elle, au point qu'il est à peine perceptible. En chemin, Nicolas m'a expliqué que chaque dieu possède son château vieux de milliards d'années et a la responsabilité de veiller sur les âmes, que ce soit celle des humains ou des surnaturels. Il arrive parfois d'y croiser des Sirius, puisque, comme ils sont déjà morts, ils peuvent librement passer de Terre à ici. On pourrait dire qu'ils sont des anges de la mort. Étrangement, avec tout ce que j'ai vécu avec la mort, je me sens comme chez moi, ici.

- Tu es prête, me demande mon frère en me tirant de la contemplation de ce monde que je découvre... ou plutôt redécouvre, puisque je suis née ici.

- Prête pour quoi, lui ai-je demandé.

- Tu n'as rien écouté de ce que je t'ai dit depuis que nous sommes sortis, pas vrai, s'exclame-t-il avec une mine insultée.

- Désolé, dis-je avec regret. J'avais la tête ailleurs.

- Ce n'est pas une surprise, soupire Nicolas. Je suis sûr que n'a même pas retenus la moitié.

Je lui souris timidement en essayant de cacher mon malaise.

- Je n'ai jamais été une forte tête.

- Je le sais, pauvre idiote, s'exaspère-t-il de nouveau. J'ai dû te suivre à la trace à partir de huit ans, ta fausse mère ne pouvait plus veiller sur toi.

Une forte tristesse me submerge en me rappelant avec horreur sa mort. À ce moment-là, elle devait tout savoir. Elle devait savoir que les monstres qui l'ont pourchassée et tuée étaient au service de quelqu'un... pour me retrouver... et ce quelqu'un, c'est Hadès.

- Elle savait tout, n'est-ce pas?

Nicolas hoche la tête, puis porte son regard au loin.

- Elle connaissait notre existence, c'est pour ça que nos parents l'ont soigneusement sélectionnés, poussant le docteur Félix à la choisir. Elle était une sorte de gardienne, même si elle était une simple humaine. Et elle s'intéressait grandement à la mythologie. Enfin bref, c'est une longue histoire et nous n'avons pas le temps de nous attarder sur des futilités.

Oh mince!

- Euh... Nico?

- Quoi encore?

- Je viens de réaliser que je n'ai rien dit à mes amis... pas même un "je reviens bientôt".

- Mais on s'en moque de ça, s'exclame mon frère en croisant les bras sur sa poitrine. Les mondes sont en danger! Ta vie est en danger... et toi, tout ce qui te traverse l'esprit, se sont tes minables amis terrestres!

- Mais pas moi, ai-je crié sur le même ton en imitant sa posture. Je n'ai pas envie d'avoir affaire à la colère de Tchad au quintuple ou la panique incontrôlable de Laurie!

Il reste un moment à me regarder avant d'éclat de rire.

Non mais! Ce n'est pas drôle! Je n'ai pas envie des faires mourir... ou moi quand ils me reverront!

- Aller viens, dit Nicolas avec un large sourire en se dirigeant vers le sentier broussailleux. Il faut d'abord que tu réussis à avoir un bon cardio et une course rapide, car la première chose à faire quand tu es en danger, c'est d'être plus rapide que ton adversaire, si tu n'as pas d'autre choix que de courir.

Je grimace. Je n'ai jamais été très rapide ni endurante, mais je suis plutôt agile.

- Nous ne pourrions pas commencer par une zone plane. Le sentier a l'air vraiment dégueulasse pour courir.

- Nanana, c'est mieux de commencer par un truc difficile jusqu'à ce que ce soit facile, pour que le vrai facile devient trop facile.

Je cligne plusieurs fois des yeux en essayant d'enregistrer ce qu'il vient de dire.

- D'accord, dis-je avec hésitation. Mais ne vas pas trop vite, j'ai des petites jambes.

- Nous n'allons pas courir comme des tortues simplement pour te faciliter la vie.

Il se penche pour prendre une corde qui, étrangement, traîne là. Mon cœur tambourine fort dans ma poitrine alors qu'il nous attache ensemble, lui en avant, moi en arrière.

- Tu es fou ou quoi! Je n'arriverais jamais à te suivre! Tu vas juste me traîner par terre tout le long!

- On va voir ça, dit-il avec un sourire diabolique.

Il part à courir et m'entraîne avec lui. Je pousse un cri alors que la corde de resserre sur mon ventre. Je n'eus pas le choix de suivre son rythme, me faisant fouettée ici et là par des branches de petits sapins, de saule pleureur et de chêne. Des épines me griffent le visage.

J'arrive à peine à ouvrir les yeux et à me concentrer sur ma respiration qui commence déjà à être sifflotant. La corde qui tire sur mon ventre me fait mal. On aurait dit que j'allais être scié en deux.

Je distingue à peine Nicolas devant moi tellement la forêt est broussailleuse. Je tousse alors que ma gorge est déjà en feu. Ça ne fait que quelques minutes, pourtant, j'ai l'impression qu'il me tire depuis des heures, voir des jours.

Soudain, il bifurque à gauche, me faisant presque tomber à cause d'une énorme racine. L'odeur des arbres et le bruit des petits animaux commence à me déranger. La douleur dans ma gorge devient de plus en plus insupportable. Même mes poumons sont en feu. Lorsque Nicolas s'arrête enfin à l'orée du bois, je lui fonce dans le dos.

Nous sommes tous les deux essoufflés et couverts de sueur.

A-t-il fait plus que ce qu'il est capable de faire, lui aussi?

Il se retourne vers moi avec un sourire mesquin, tout en essayant de reprendre son souffle.

- Alors, dit Nicolas avec une voix faible qui porte à croire qu'il a lui aussi mal à la gorge. Première impression?

- Atroce.

Il eut un rire en nous détachant, puis va s'asseoir près du lac des sangs d'argent qui s'étend à perte de vu devant nous, tel un magnifique miroir au reflet argent. Je m'installe à côté de lui en grognant sous le simple effort de m'asseoir. Nous restons un moment en silence, contemplant la nature si semblable et différente à la fois de la terre.

- Nico?

- Oui... quoi?

- Toi, c'est quoi le pouvoir unique que tu possèdes?

Je lui jette un regard en coin et vois une expression songeuse sur son visage.

- Je ne sais pas trop comment l'expliquer, mais en gros, je peux copier la nature d'une chose et devenir cette chose, ou semblable à cette chose. Un peu comme les Talpas (les caméléons) qui copient la nature des autres surnaturels, ou encore les métamorphes pour les différents animaux.

Je le regarde en clignant des yeux avec perplexité.

- Ne me dit pas que tu pourrais devenir un arbre si tu le voulais!

- Si, je pourrais.

Je cligne encore plusieurs fois des yeux, en le regardant à la dérobée.

Wouah, mais c'est un pouvoir trop cool!

- Je sais ce que tu penses, mais si on n'y réfléchit bien, c'est comme si j'étais tout et rien à la fois.

Je grimace devant son ton pessimiste.

- D'y pensé comme ça, c'est triste.

Nicolas hausse les épaules alors que le vent argenté fait virevolter nos cheveux blond clair.

Ah... comme c'est rafraîchissant!

- Et Kem? Il sait faire quoi?

Mon jumeau me jette un regard en coin. Il pointe sa tempe avec un sourire coquin. Je fronce les sourcils, ne comprennent pas où il veut en venir.

- Il est trop intelligent pour que quiconque comprenne comment son cerveau fonction, à par lui-même. On pourrait dire qu'il est ultra-sensible aux pensées et réaction des gens... physique, chimique, psychologique et émotionnel.

Heu... Il me fait vraiment peur là.

- Qu'est-ce que tu insinues au juste?

- En gros, personne ne peut lui mentir. Il connaît tout de toi, il analyse tout en un simple regard. Son cerveau est cent fois, voir milles fois plus rapidement qu'une personne normale. Il voit à travers nous comme un livre ouvert et ce n'est pas un jeu de mots. Il est comme une sorte d'homme ordinateur.

- Tu plaisantes! C'est beaucoup trop flippant!

Un grand sourire diabolique étire son visage angélique.

- Je suis en quelque sorte lui, je te signale, notre esprit est le même. Je ne plaisante pas. C'est pareil pour Angelie et toi. Parfois, au même moment, vos pensées ne font plus qu'un. Peut-être même que tu le ressens partout dans ton corps. Une sorte de nausées... ou l'envie de ton corps et ton esprit de ne faire plus qu'un avec Angelie... ça part de nous... cette sensation... eux, ils ne le ressentent pas, ou du moins, pas tout à fait comme nous.

Je cligne plusieurs fois des yeux en essayant de réprimer un frisson d'horreur, en vain. Je sais qu'il a tout à fait raison et c'est ça qui m'effraie.

- Qu'est-ce que je vais devenir, ai-je murmuré pour moi-même.

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