Chapitre 3
- Angélique, crie Jimmy, mon coéquipier de rédaction en théâtre. Monsieur Serge veut que nous filmions aujourd'hui la pièce que nous avons écrit. Les acteurs sont déjà prêts.
Je suis assise dans le local du journal étudiant en train de manger la bouffe de la cafétéria, c'est-à-dire, une salade avec du fromage et du poulet mal cuit. Pour dessert, j'ai le muffin au bleuet que je n'ai pas mangé en allant à mon cours de français.
- Okey, dis-je en me levant. Justin, je te confie entièrement le groupe pour le reste du dîner.
- Good, ça marche, bébé, me dit-il avec un grand sourire avant de se lever pour m'embrasser sur le front, puis en faisant un jeu de main typiquement garçon avec Jimmy que mon cerveau n'enregistre jamais.
Nous sortons de la pièce et nous marchons en silence vers l'amphithéâtre. Il y a un assez large espace entre la scène et les bancs pour que nous puissions filmer du devant et non depuis l'arrière.
Je marche quelques pas en arrière de Jimmy et celui-ci ne cèsse pas de me jeter des regards en coin, comme s'il voulait me dire quelque chose. Il n'en fait rien. Il remonte ses lunettes rondes et inspire profondément. Jimmy est le meilleur ami de Justin, du moins, de ce qui semble être... Ils sont dans la même équipe sportive et tout le monde dit qu'ils se connaissent depuis qu'ils savent marcher.
Habituellement, Jim est le genre de gars qui ne se gêne pas pour dire ce qu'il pense. Il rit fort, parle fort et il est le gars le plus sociable que je connaisse. Il est toujours grand et fière, alors quand ce moment...
Nous arrivons devant l'amphithéâtre après environ cinq minutes de marche, puisque les cours "normaux" se situent au centre de l'école. Jim ouvre la porte et il me fait signe d'entrer avec un sourire hésitant. Je lui lance un regard suspicieux, mais entre tout de même.
D'un coup... sans prévenir... un flash m'apparait... aussi vite qu'un éclair. J'ai à peine eu le temps de distinguer la chevelure blonde de Justin et le visage de Dana, dans cette sorte de vision, que celle-ci disparait. Je cligne plusieurs fois des yeux, alors qu'un atroce mal de tête me gagne le cerveau. C'est presque comme si on donnait des petits coups dans un jello trop moue.
- Euh... Angélique, commence mon coéquipier de rédaction d'une voix hésitante alors qu'il se tient derrière moi. Je sais que ça ne va pas te plaire puisque tu sors avec lui, mais il y a quelques jours, j'ai surpris Justin et Danaëlle en train de s'embrasser ici. Je leur ai clairement dit que s'était honteux de leur part de te jouer dans le dos. Le pire, c'est qu'ils m'ont complètement ignorer.
Je me fige sur place.
Attend une minute. Qui a fait quoi? Dana et Justin? S'embrasser? Ici? MON endroit préférer! Comment osent-ils!
Le souvenir des mots de mon amie un peu plus tôt me reviennent en tête. « Pff, Ange n'est même pas game de le faire. »
À ce moment-là, je n'avais pas réalisé qu'elle me défiait vraiment!
Je lève la tête, le regard de feu et la rage en dedans. Je sors mon cellulaire, pour ensuite envoyer un message à Justin comme quoi nous allons voir un film, ce soir, au cinéparc, et que j'aimerais qu'il vienne avec nous.
Dana m'a sûrement devancé, mais il n'en fait pas paraitre. « Vraiment, a-t-il écrit, pas de prob, je viendrais te chercher et nous irons ensemble. »
Jim me jette un regard triste et compatissant en me tapotant l'épaule dans un geste qu'il souhaite sans doute réconfortant.
Je ne suis pas triste pour une cenne! C'est la colère qui m'anime!
Nous avançons pour rejoindre les autres alors que j'ai les yeux et l'esprit brulant de rage.
Tout est en place lorsqu'on arrive près des autres. Il ne reste plus que mon coéquipier de redaction ou moi donnions le signal de départ et d'arranger les quelques petits problèmes.
Il nous reste un peu moins de trois mois avant les vacances et avant de faire jouer les films pour les secondaires cinq. C'est devenu une habitude pour l'établissement de faire des choses pour la dernière année des plus vieux. Chaque groupe concocte un projet en lien avec leur option.
- Tout le monde est prêt, ai-je crié alors que monsieur Serge me fait un signe de la tête. Action!
† † †
Nous sommes au cinéparc et comme je m'y attends, Justin est allé chercher Dana avant moi.
Non, mais! Quel mec ne priorise pas sa copine avant les autres, hein! Quel espèce d'idiot passe les amies de sa copine avant cette dernière!
Simple. Ceux qui les trompent.
Cat et Béa arrivent avec trois garçons un peu plus vieux que nous. Nous installons des chaises juste derrière les voitures. Sans aucune gêne, j'attends que Justin soit assis pour m'installer sur lui. Je jette un bref regard vers Dana et je la vois se mordiller les lèvres quand Justin rit de mon audace.
Je me colle à lui en ayant une vue sur ma soit-disant amie. Je lui chuchote à l'oreille à quel point je le trouve beau ce soir, parce qu'une légère lumière semble émaner de lui. Je l'embrasse sur la joue, ce qui lui fait lever un sourcil. Il me demande ce qui cloche avec moi en me repoussant légèrement pour mieux voir mon visage.
Je comprends qu'il a certain doute, puisque je n'ai jamais été entreprenante.
Je lance un regard discret vers Dana qui gigote sur sa chaise en nous lançant des coups d'œil.
- Je n'ai pas envie de voir le film, ai-je chuchoté à Justin en caressant son cou avec mes doigts.
- Pourquoi voulais-tu venir alors, dit-il sur le même ton en souriant.
- Pour faire plaisir à Cat, c'est sa fête aujourd'hui.
- Ah...
- Tais-toi, ai-je murmuré près de ses lèvres.
Je caresse sa machoire du bout des doigt, puis la courbe de ses lèvres. Je ferme les yeux et l'embrasse avec hésitation.
Il pousse un petit soupir et étonnement, il ne me repousse pas. Je décide alors de l'embrasser plus fermement. Je me colle contre lui, le cœur battant de plus en plus vite à mesure que notre baisé s'intensifie. Il me tourne complètement face à lui alors que ses mains s'attardent sur ma taille. Il grogne quand je passe mes mains dans ses cheveux.
Quelqu'un se lève d'un bon et me tire par terre. Je lève des yeux déboussolés vers Béatrice qui me lance un regard foudroyant. Je fronce les sourcils en regardant Dana qui observe notre amie s'en comprendre sa réaction.
- Pourquoi l'as-tu laissé t'embrasser, s'exclame celle-ci en regardant Justin avec des larmes dans les yeux. Je croyais que c'était moi que tu aimais!
- De quoi tu parles, crie à son tour Cat en se levant. Il m'a dit il y a quelques jours qu'il voulait sortir avec moi, mais qu'il devait d'abord s'expliquer à Ange.
Nom de dieu! Qu'est-ce qui ce passe!
- Mais vous êtes folles ou quoi, rugit Dana rouge de colère. C'est moi qu'il a embrassé, il y a une semaine!
Elles se foudroient du regard alors que je suis horriblement choqué par la tournure que prend notre soirée. Elles continuaient à se chamailler jusqu'à la fin du film comme si j'étais soudainement devenue transparente à leurs yeux.
Mais le problème ne vient pas que de leur côté. Justin vient de nous révéler sa nature de playboy et, au lieu de s'excuser, il déguerpit comme si tout cela ne le concernait pas le moins du monde.
Bien évidemment, nous partons chacune de notre côté. Moi avec Lucian qui a gentiment accepté de venir me chercher à cette heure pourtant tardive et mes ex. meilleurs amis avec je ne sais pas qui... et je m'en fous.
† † †
Nous sommes vendredi.
Vendredi...
Déjà deux semaines plus tard...
Et depuis, je n'arrête pas de faire des cauchemars sur les filles. Comme si cette cassure dans notre amitié partait de tous les problèmes.
L'une se noie en allant à la mer. L'autre se pend à cause d'une dépression et la dernière meurt brulé vive dans un incendie.
Et bien que cela se passe à des âges différents d'aujourd'hui, j'arrive facilement à reconnaitre qui est qui.
Ce sont toujours les mêmes scènes qui se répètent, tourbillonnant dans mon subconscient.
Par bonté d'âme, même si je suis encore sous le choc et en colère contre elles autant que Justin, je leur ai envoyé un message pour leur avertir de leur future mort.
Elles savent depuis quelques temps à quel point mes prédictions sont justes, bien que cela semble leur donnent des frissons d'horreur...
Ce qui est tout à fait compréhensible, car moi-même, je déteste cette part de moi.
Malgré ma grande gentillesse, aucune d'elles ne m'ont envoyé un texto en retour pour me remercier ou même pour que j'accepte de leur pardonner. Tout ça prouve que je ne suis pas faite pour être amie avec elles... comme tous les autres avants elles d'ailleurs...
Je suis dans la salle de bain et la deuxième cloche de l'après-midi a déjà sonné depuis plusieurs minutes. Il n'y a plus personne dans les couloirs.
Je m'efforce de respirer lentement et de rester calme, mais... les sanglots deviennent de plus en plus agressants... comme si la chose se lamente sur son sort. Un cri aigue résonne et me fait sursauter.
On aurait dit un petit animal qui souffrait atrocement, mais... en regardant sous la porte, je vois simplement des petits pieds. D'une main tremblante, j'ouvre lentement la porte de la cabine en tentant de calmer les soubresauts qui me parcourent le corps. Et quand j'ai enfin eu le courage de regarder, il n'y avait rien. Plus de petits pieds... plus de cri... plus de lamentation... plus rien...
S'il y a eu quelque chose, elle a disparu.
Je respire profondément et sors des toilettes. Je me répète que je n'ai rien vu ni entendu, que ce n'est que dans ma tête bizarre. Je marche sans enthousiasme vers l'entrée des élèves où se trouve le secrétariat, car j'ai besoin d'un billet de retard.
- Ex...excuse...moi, murmure une petite voix aigüe.
Je sursaute et me retourne lentement. Une fillette se tient devant moi. Elle porte une vieille robe grise et rose partiellement brûlée et salit de ce qui me semblait être de la sue. Ses souliers noirs, comme ses cheveux en bataille, sont crasseux de cendre. Je constate rapidement qu'elle tient une barrette pointue à la main. Ses yeux... qui n'en sont plus... ressemblent à deux trous noirs... que des orbites... que du vide... que deux gouffres béants qui me fixent sans me voir. Mon corps se met à trembler. La petite fille se met à pleurer en voyant mon expression horrifiée.
Elle n'aurait pourtant pas dû en être capable.
Un sourire forcé se dessine sur son petit visage, déformant ses traits enfantins. Lentement... très lentement... son visage se met à brûler... à fondre... se liquéfiant sur le sol comme l'eau d'une chute tombant dans un lac. Ses os commencent à paraitre ici et là, tandis que des bouts de chair restent accroché à elle. Ses tripes ne tardent pas à être visible.
C'est monstrueux! Je ne veux pas voir ce genre d'horreur!
- Aide...moi...elles...tué...ici...
Je pousse un cri affolé et commence à courir comme une folle dans l'aile gauche du quatrième étage. Une odeur de chair et d'entrailles rôtit flottent jusqu'à mes narines, me donnant la nausée. Je monte en vitesse jusqu'au cinquième palier et entre dans une classe vide. Essayant de reprendre mon souffle, j'ouvre une fenêtre pour trouver de la fraîcheur dans le fourneau soudain. L'odeur de la mort persiste, comme si elle avait imprégné mes vêtements... comme si j'étais entrée exactement à l'endroit où la fillette avait été calciné.
C'est à ce moment-là qu'un flash m'apparait et me dévoile ce qui c'était passé, voilant mes yeux vitreux comme deux épaisses vitres sales.
En 1984, l'établissement venait à peine d'être construite... c'était une école primaire et secondaire. Trois filles de secondaire cinq tenaient une fillette de cinq ans par les bras. Elle semblait mouillée de partout.
De l'huile...
L'une d'entre elle avait un briquait à la main et se mettait à brûler la fillette. Elles riaient en entendant ses lamentations en savourant l'horreur du spectacle.
Je m'agrippe la tête et la secoue pour échapper à ce cauchemar... en vain. L'odeur désagréable revient en force, me faisant perdre toute raison. Les douleurs physiques ne tardent pas à me trouver alors que je deviens la fillette... comme chaque fois que j'ai affaire aux visions de mort.
Je me tords de douleurs en me cognant contre la fenêtre. Je crie en silence, souhaitant pouvoir sortir de mon propre corps. Celui-ci surchauffe comme si on me baignait de force dans une bouilloire huileuse.
J'ai la gorge en feu. J'ai tellement mal que je peux à peine respirer. Je me tords comme un ver alors que deux professeurs entrent en vitesse avec la directrice. Je pousse un cri effrayé en voyant voleté la fillette d'un pas mort et lent, tel un zombie, alors que je redeviens partiellement moi-même.
Le souffle me manque. Mes poumons se serrent atrocement, comme si c'étaient des ballons de baudruche qu'on faisait lentement dégonfler pour le voir s'envoler dans le ciel.
Ils m'agrippent avec force, même si je me débats en criant comme une hystérique. Le simple contact de leurs mains sur moi semblent doublé la douleur qui n'est pas mienne. Quelqu'un me plaque au sol d'un geste brusque et je me cogne la tête sur le planché de marbre blanc.
† † †
En ouvrant les yeux, la première chose que je vois est le visage inquiet de mon oncle. Il a pris ma main dans les siennes et la caresse doucement. Je me redresse lentement dans le lit où je me trouve. Je regarde autour de moi et constate que je suis dans une chambre d'hôpital.
- J'ai contacté ton père, dit calmement mon oncle Colin. Je lui ai dit que... tu avais eu quelques problèmes à l'école. Je lui ai donc proposé de t'emmener avec moi pour la fin de semaine, mais si tu veux, je peux le rappeler pour lui dire de venir te voir.
- Non, dis-je avec un rire amer. Pas besoin...
Qu'aurait-il fait? Me répéter une fois de plus que je ne suis qu'un monstre, qu'une abomination...
- Dans ce cas, c'est parfait, s'exclame-t-il avec une joie excessive qui contraste complètement avec mon humeur sombre. Je pourrais t'emmener dans un endroit génial! Tu peux sortir tout de suite, tu n'as rien du tout à par une minuscule bosse à l'arrière de ton petit coco.
Je glisse ma main derrière ma tête et grimace en sentant mon crâne difforme.
- Où allons-nous, ai-je marmonné devant son attitude étrange en reportant mon regard vers lui tout en me levant lentement, par crainte d'avoir un vertige.
- Tu verras, dit-il avec un sourire en ignorant ma question. Nous allons nous amusez comme des fous!
Colin est le jumeau de ma mère et il n'a pas d'enfant. Du moins, pas à ma connaissance. C'est toujours insupportable pour moi de le voir... me rappelant trop ma défunte mère. C'est en quelque sorte pour cette raison que nous ne le voyons qu'occasionnellement.
Heureusement, cela ne semblait pas le déranger.
Nous sortons de l'hôpital et marchons vers le stationnement où se situe sa voiture. C'est une décapotable rouge qui date de quelques années. Aussi tape à l'œil que tout ce que possède ma famille. Nous montons à l'intérieur et mon oncle démarre.
Nous arrivons, une vingtaine de minute plus tard devant chez moi.
- J'ai déjà des choses dans ma voiture, me dit Colin en entrant dans notre stationnement. Va te préparer un sac et emmène beaucoup de vêtement.
Je lui lance un regard méfiant, mais ne dit rien. Je descends et me dirige ensuite vers la maison. J'entre à l'intérieur suivit de près par mon oncle. Je monte dans ma chambre en ignorant Jeanne qui me demande comment je vais. Mon oncle lui répond à ma place. Je prends l'un de mes nombreux sacs Adidas et entreprends de mettre mes plus beaux vêtements.
Pour une raison que j'ignore, mon instinct me dit d'emmener toutes mes économies en argent comptant et mon portefeuille où se trouvent les nombreuses cartes inutiles que mon père m'a donné l'année passée, pour noël et ma fête du même coup.
Je prends mon cellulaire et soupire en le regardant, voyant une photo de Justin et moi en fond. Je mets mon sac noir sur mon épaule et descends lentement les marches. Colin est en train d'expliquer à Jeanne qu'il m'emmène en vacances pour quelques temps, que j'ai besoin de changer d'air. Je passe à côté d'eux et ouvre l'armoire à chaussure. Je prends mes souliers de course et les mets dans mon sac. Je jette un coup d'œil à Jeanne et mon oncle, puis remets mes bottes de cowgirl avant de sortir sans lui dire bye. Colin sort rapidement à ma suite, comme s'il avait peur que je disparaisse ou que j'aille une autre crise de folie furieuse. À moins qu'il soit écœuré d'entendre Jeanne radotée sur l'importance de ma sécurité.
- Prête, me demande Colin alors que nous remontons dans sa voiture. Tu as tout ce que tu veux?
Je soupire, mais lui fais oui de la tête en mettant mon sac sur mes genoux.
Ce n'est pas comme si j'avais vraiment le choix.
- Et c'est partie, s'exclame-t-il en démarrant le véhicule.
Il met la musique au max, comme s'il voulait à tout prix être remarqué. Les notes jouent pendant une bonne partie du trajet vers je ne sais pas où. Incapable de résister au rythme des mélodie, je commence à chanter à tue-tête. Colin n'arrête pas de rire de moi en disant que je suis la fille la plus intense qu'il ait rencontré.
Je ne suis pas sûr qu'il dit ça comme un compliment.
- Nous sommes presque arrivé, dit mon oncle après presque deux longues heures de route et tout autant de temps de chant fou.
J'ai tellement hurlé que j'en ai mal à la gorge.
Au loin, on peut voir la mer et des gens s'y baigner.
- Tu as tendance à voir les choses d'un côté pratique, n'est-ce pas, lui dis-je alors que le stresse descends d'un rand.
Il rit et se contente de me donne un jus en bouteille. J'en prends une grande gorgé, rafraîchissant ma gorge sèche et quelques minutes plus tard, je m'endors d'épuisement.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top