Épilogue
Clara
Je suis assise dans mon lit, entourée d'une tonne de couverture comme s'il s'agissait d'un cocon de protection.
Cela fait je ne sais plus combien de jour que je suis enfermée ici, dans cette pièce noire qui est ma chambre.
Noire d'encre.
Sombre.
Sombre comme le sang... comme les yeux morts de Maggie... tué de mes mains...
Je regarde celles-ci et je vois des taches rouges alors qu'en vrai, elles sont bien propre.
Des mains qui reflètent la mort.
Comment les deux nanas venues de Terre font-elles pour ne pas flancher... pour ne pas être écraser sous le poids des remords?
Sous le poids des meurtres qu'elles commettent...
Comment font-elles pour continuer à vivre en sachant qu'elles ont tué?
Même Yakim...
Il n'avait même pas semblé regretter un instant d'avoir tué Kat.
Même maintenant.
Il continue sa vie comme si tout cela n'était rien.
Comme si ça n'était jamais arriver...
La nonchalance avec laquelle il a pris les évènements me choque.
Peut-être qu'à l'encontre de moi, avoir tuer l'a rendu plus froid et... d'une certaine manière... plus fort.
Je fixe la porte en sachant que tout le monde est sorti, parce que c'est un jour de semaine et qu'ils n'ont aucun soucie...
Et aucun cauchemar qui s'est passé dans leur vie... un cauchemar qui n'arrête pas de jouer et rejouer dans mon esprit, tellement que je n'arrive plus à dormir.
Je revois les têtes aux yeux éteints, le sang d'un rouge ténébreux. Le cri d'Élizabeth, puis celui de Maggie qui n'était même pas encore assez fort pour enterrer les autres sons répugnants lorsque les crânes étaient tranchés et tombaient au sol.
Je frissonne alors que j'aurais dû avoir chaud, étant donné que la couverture cache tout à l'exception de mon visage.
Je ferme lentement les yeux, mais les réouvre vivement en entendant un bruit étrange venir depuis le couloir. Pendant un instant, je me dis que ce dois être les sons d'autrefois, mais le bruit métallique continue plus longtemps qu'il aurait dû.
L'inquiétude me gagne et je me lève doucement pour aller chercher l'un de mes poids altères que je m'étais achetée longtemps auparavant. Je marche ensuite à pas feutrer vers ma porte. Je mets ma main libre sur la poigner et tends l'oreille, coller contre la planche de bois, mais le bruit semble s'être évaporer, comme s'il n'avait jamais été là.
Je fronce les sourcils et, encore emmitouflée dans mon épaisse couverture, je sors de ma cambre, puis trottine jusqu'à la cuisine.
Le silence règne.
Je n'entends que mon cœur qui bat inexplicablement vite contre ma cage thoracique. Un bateau qui a perdu le nord, emprisonné dans une tempête survenue soudainement.
Je ne vois pas ce qui me rend anxieuse.
Il n'y a rien ni personne ici à l'exception de moi.
Aucune raison de paniquer.
Tout va bien.
Personne ne veut me tuer.
C'est déjà fini.
C'est fini depuis des jours.
Mon estomac se tord et la panique augmente lorsque je remarque que la porte d'entrée est ouverte, pourtant Mya n'oublie jamais de la barrer. Keven est partie en même temps que Yakim, donc ce n'est pas lui... surtout qu'il s'est trouvé un job ordinaire il y a quelques jours. Il a même commencé à chercher un appartement... enfin, de ce que j'ai entendu à travers le mur qui sépare ma chambre de celle de Mya.
C'est impossible que l'un d'eux soit revenu.
Un bruit derrière moi me fait sursauter, tellement que j'en échappe le poids et l'édredon.
Je me retourne vivement, mais j'ai à peine le temps de voir le bas d'un visage caché sous une lourde capuche que quelque chose me cogne le côté de la tête.
Je sombre dans la noirceur et je me sens chuté dans un puit sans fond.
† † †
Lorsque j'ouvre les yeux, je ne vois que du noir. Une douleur lancinante me martel le crâne, comme si je recevais sans cesse des coups de marteau. Je grimace et tente de me redresser, mais mes muscles me font trop mal pour me soutenir. Après la cinquième tentative, je laisse tomber et m'étale comme une crêpe.
Après ce qui me parait des heures, quelque chose près de moi grince et de la lumière parvient douloureusement jusqu'à mon visage. Je me redresse comme je peux pour constater que la lumière vient d'une porte ouverte. Quelqu'un se tient sur le palier, un plateau en main sur lequel se trouve une assiette avec du pain, des noix, des fromages et des fruits. À côté de l'assiette, il y a une lampe à la lumière jaune qui me semble plutôt vieille et, de l'autre, trois bouquins aussi larges que mon pouce.
– Qui es-tu, ai-je demandé d'une voix roque, alors que l'individu s'approche lentement de moi. Où est-ce que je suis?
Lorsque la personne se retrouve près de moi, je constate que c'est une nana d'à peu près mon âge.
– Je ne peux rien te dire et même si on m'en avait donné le droit, je ne te dirais rien.
Elle laisse tomber le plateau à côté de moi en me fixant de ses yeux gris d'une froideur qui m'est à la fois familière et étrangère.
– Ils viendront te voir d'ici une heure ou deux. On m'a demandé de t'emmener ça pendant l'attente.
Elle sort de la pièce, puis ferme la porte, me laissant pour seule lumière celle de la lampe. Je regarde le plateau, me demandant si je prenais le risque d'être empoisonner ou non.
Mon ventre qui gargouille répond à mon hésitation.
Mourir de faim ou mourir empoisonné, peu importe, les deux seront une torture et mèneraient au même point.
Aussi bien prendre le risque.
J'attrape le pain et me mets à le grignoter du bout des dents. La faim qui me tiraille est trop forte et me pousse à croquer à pleine dent. Je prends une bouchée de fromage, puis de fraise et de raisin juteux. Je termine en avalant goulument les noix de pecan, les amandes, les arachides, les noisettes et les grands morceaux de noix de coco.
Malgré mes mains grâces, je regarde les trois volumes en me demandant par lequel je commence. Il y a longtemps que je n'avais pas pris le temps de lire un bon bouquin.
Je constate avec étonnement que ce sont exactement mes trois romans préférés... et étrangement, ceux que j'avais dans ma chambre, lorsque je vivais encore chez Léo et Louisia.
Un sentiment bizarre monte en moi, tel un vent qui se lève doucement, mais qui finit par devenir si fort qu'il en déracinerait des arbres. Les mains tremblantes, je les balance loin de moi, comme si je pouvais attraper la peste simplement en les touchant.
Il y a définitivement quelque chose qui cloche... quelque chose ne va pas avec mes ravisseurs... Comment pourraient-ils connaitre mes goûts littéraires?
Mais surtout... comment ce sont-ils procurés les miens...
Je sais que ce sont les miens.
Il y a mon nom écrit à la première page, à l'endos de la couverture.
Il ne me laisse aucun doute que c'était mon écriture que j'y avais vu.
Je me lève et, lampe en main, je me dirige vers la porte que je distingue à peine dû au peu d'éclairage, les jambes légèrement chancelantes.
Je mets ma main sur la poigner et la tourne.
Avec stupéfaction et soulagement, la porte s'ouvre.
Il n'y a personne dans le couloir.
Silence total.
Pas même le son de voix au loin.
On dirait presque que je suis seule.
Je dépose la lampe sur le sol avant de m'aventurer vers la droite. L'autre côté, c'est une impasse. J'arrive à une intersection, alors que tout ce que j'ai vu, c'étaient des portes et des murs. Il est en forme de Y... et aucune fenêtre.
Je prends un couloir au hasard et au bout de plusieurs mètres, je tombe sur un escalier en colimaçon.
Il n'y a toujours personne dans les environs.
M'a-t-on tout simplement abandonné dans cet immeuble?
Ça me parait absurde... et étrange surtout.
Qui était la donzelle?
Et de qui parlait-elle lorsqu'elle a dit qu'ils viendraient me voir?
Je secoue la tête en regardant les marches qui mènent vers d'autres étages plus haut et, bien évidemment, je descends pour aller le ou les étages plus bas.
Il n'y en a que deux.
Lorsque j'arrive à la dernière marche, une vaste pièce se dresse devant moi et, comme tous les couloirs du haut, elle est à peine éclairée de quelques lampes, clouées aux murs.
Je m'approche de la seule porte et colle mon oreille contre celle-ci. Le bourdonnement de voix est légèrement perceptible. Je ferme les yeux et tente de projeter mon esprit de l'autre côté. Je réussis, comme l'autre fois, pendant seulement une fraction de seconde avant de revenir brusquement dans mon propre corps. Je n'ai réussi qu'à voir une foule bondée, discutant en sous-groupe.
Je me demande un moment si j'entre pour savoir sur quoi ils conversent aussi dynamiquement ou retourner sur mes pas pour trouver la sortie.
Ma curiosité l'emporte sur le besoin de fuir. J'ouvre doucement la porte et passe la tête avec hésitation, me préparant à courir à tout moment. Je me retiens de pousser un soupir en constatant que personne ne me prête attention. J'entre et referme la porte derrière moi tout en observant la salle vibrante d'énergie.
Que font-ils tous là exactement? Qui sont tous ces gens?
Je m'approche discrètement d'un groupe de meuf d'âge mûr et tends l'oreille pour épier leur conversation.
– Parait qu'les chefs ont trouvé une piste, dit l'une avec des cheveux roux montés en chignon et des yeux brun sombre.
– La réunion d'jourd'hui, c'est bien pour nous révéler un peu plus, non, les interroge une autre avec de courts cheveux châtains et des yeux noisette.
– Moi, j'ai vu qu'ils ont ram'né que'qu'un d'l'extérieur, chuchote secrètement la troisième avec des cheveux blonds, des yeux paires et des lunettes. C't'une fille. Du genre à n'pas s'laisser marcher ces pieds, j'vous l'dit. Des ch'veux d'un bleu bizarre et une allure d'mauvaise princesse. Une vilaine. Très vilaine.
Est-ce qu'elle parle de moi, là?
– Vraiment, marmonne la châtaine avec doute, comme si elle était habituée à des mensonges venus de l'autre.
- Non, s'exclame la rousse avec exagération.
– Si, dit sur le même ton la blonde. J'l'ai vue avec mes deux yeux!
Les deux autres échanges un regard avant que la troisième me remarque et me pointe d'un doigt accusateur.
– J'n'vous mens pas! Regardez-là! C'est elle!
Les deux autres meufs se retournent vers moi et de la stupéfaction apparait sur leurs traits.
– Pourquoi son visage m'est familier, s'interroge la rousse en fronçant les sourcils, alors que le trio m'entoure comme si elles étaient des vautours et moi une carcasse.
– Toi aussi, tu trouves, ajoute la châtaine en plissant les yeux.
– Pourquoi y a-t-il un rassemblement, les ai-je questionnés, alors qu'elles me jugent de la tête aux pieds, passant de mes piercings aux oreilles et à la lèvre, jusqu'à mon t-shirt over size noir, mon short violet sombre, mon coat de cuir et mes bottes de motard (qu'on m'a gentiment mis lors de mon kidnapping).
– Nos m'neurs ont une annonce à nous faire, dit la rousse en croisant les bras sur son imposante poitrine. Sur une chose très importante.
– Ils ont surement l'intention d't'utiliser, ajoute la blonde en redressant ses lunettes vintages sur son nez long et mince. T'es une marqué, n'est-ce pas?
Je l'observe, surprise, en me demandant comment elle peut le savoir. Elles ne sont pourtant pas des marqués...
– Une Invis qui plus est, dit-elle avec un sourire sympathique qui me semble pourtant cacher un être rusé.
– Comment...
– J'ai vu juste, vous voyez, s'exclame-t-elle en regardant les deux autres qui, elles, ont les yeux grands ouverts comme des soucoupes. Y a de l'espoir pour nous tous!
– Qui... qui êtes-vous, au juste, dis-je, abasourdie par son attitude.
– Colette Lacove et voici Barbara Chandler et France Brel.
– Tous ceux qui se trouvent ici sont des démarqués, dit France, la meuf châtaine.
– Tous!
Elles hochent la tête alors que je regarde autour de nous. Il doit y avoir pas loin de mille personnes... et peut-être même plus.
– Combien de villes sont regroupé ici?
– Aucune idée, dirent-elles en cœur.
Le bruit cesse peu à peu, alors qu'une dizaine d'individu monte sur le haut podium, complètement à l'opposer d'où je me trouve. Trois des plus jeunes qui s'y trouvent s'avance en avant des autres. Je plisse les yeux en observant leur visage avant de faire un pas en arrière, incapable de croire que c'est vraiment elle... Jace et la nana qui est venu me porter de la nourriture à ses côtés.
Mais elle est vraiment là... et même si elle a teint ses longs cheveux en noir avec des mèches rouge... il m'est impossible de ne pas la reconnaitre.
Aya.
Ma sœur.
Elle est en vie...
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