Chapitre 7 Clara
– Est-ce que tu arrivais à distinguer les marqués, toi aussi?
Elle réfléchit un moment, puis me fait un doux sourire tout en me caressant les cheveux, même si aucune de nous peut sentir le contact de l'autre.
– Comment le perçois-tu, me demande ma mère.
– Par les yeux, pourquoi? Ce n'était pas comme ça, toi?
Elle secoue doucement la tête.
– Ton père aussi distinguait les marqués de cette façon. Moi, c'était par les odeurs... du moins, une odeur que même les Odos n'arrivaient pas à distinguer.
– Vraiment, dis-je, surprise.
Elle penche légèrement la tête en levant un sourcil, un sourire aux lèvres.
– Dois-je te rappeler que nous percevons les choses que personne ne peut distinguer. C'est ce qui nous caractérise en plus d'être des êtres invisibles. Ni bruit ni odeur ni contact... comme si nous n'existions pas.
Je fronce les sourcils. Même le toucher?
– C'est bizarre d'y penser comme ça.
– C'est vrai, dit-elle avec un petit rire qui me fait penser à Aya. Au moins, nous savons que nous existons grâce au fait que les autres Invis peuvent se reconnaître, même sous camouflage.
– Ah... c'est plutôt incroyable.
Ma mère stoppe ses caresses, puis hoche la tête.
– Ton père et moi adorions explorer nos dons ensemble... j'espère que tu trouveras quelqu'un pour t'aider aussi.
– Comment il va, dans l'au-delà où je ne sais pas trop comment on appelle ça.
– Toujours aussi entêté et autoritaire, dit ma mère avec un rire cristallin.
À ce moment-là, quelqu'un frappe à ma porte. Je jette un regard à ma mère qui me fait signe d'aller ouvrir. Aya entre en coup de vent avec un oreiller et un doudou que notre grand-mère paternelle avait tricoter à notre naissance. La mienne est bien pliée sur le coin de mon lit... un rectangle gris argenté sur une douillette sombre. Celui d'Aya est d'un mauve pâle et brillant, comme si notre grand-mère savait d'avance ce qui nous caractériserait. Aya regarde partout dans la pièce, comme si elle sentait la présence de notre mère sans pouvoir la voir. Elle se tourne un moment vers moi, avant de regarder autour de nous.
– Tu ne parlais pas toute seule, si?
Je lui souris et tapote mon lit pour qu'elle s'y assoit après m'être redresser. Sans le savoir, elle est à côté de notre mère. Aya eut un frisson causé par la caresse de notre mère. Celle-ci la regarde avec tendresse, comme si Aya était un joli petit chaton endormi. Soudain, ma sœur eut les larmes aux yeux (elle en a encore!), comme la majorité des fois où notre mère vient nous rendre visite.
– Tu es là, n'est-ce pas, murmure Aya d'une voix tremblante.
– Oui, dis-je. Maman est là.
Elle se laisse de nouveau emporter par les larmes alors que je lève les yeux au ciel. Elle est vraiment trop sensible. En la voyant comme ça, notre mère pleure à son tour. Complètement pareil. Mentalement parlant, moi je ressemble à mon père.
Nous passons le reste de la soirée à bavarder, alors que je sers d'intermédiaire entre ma mère et ma sœur. Après le départ de notre mère, Aya se met à l'aise dans mon lit. Il était près de vingt-deux heures.
– Je pourrais passer mes pauses avec Maggie et toi, demain, me demande Aya tout en baillant devant sa main.
Je fronce les sourcils.
– Je ne crois pas que ça va déranger Maggie, dis-je en me couchant à côté d'elle après que nous nous soyons mis en pyjama et brossées nos dents.
– Se serait drôle qu'elle croit que je suis toi, dit Aya en souriant, puis en baillant une seconde fois.
Je la regarde avec la même expression. Pourquoi quelque chose me choque?
– Pour ça, il faudrait que tu aies l'air moins imbécile et moins frivole. Essai de ne jamais sourire pendant un certain temps, vu que moi, je ne souris pas pour rien.
Elle grimace, puis ferme les yeux en serrant son doudou comme une peluche... où comme si c'était la personne qu'elle aime le plus au monde. Mais à part elle, je ne vois pas qui elle pourrait aimer autant... notre mère? Non. Et j'espère bien que se n'ai plus ce crétin de Jake.
– Tu sais ce qui m'énerve le plus, murmure Aya.
Mais je m'en fiche moi! Pourquoi tu ne dors pas!
– Non...
– C'est de ne pas pouvoir lire en toi comme tu lis en moi.
Mais qu'est-ce qu'elle raconte, elle dit vraiment n'importe quoi! À part sa stupidité, je ne la comprendrais jamais!
– Tu n'es pas tant que ça un livre ouvert, tu sais, dis-je en me tournant sur le côté pour l'observer.
– Apprends-moi à être comme toi, d'accord... apprends-moi à cacher mes émotions...
Aya s'endort quelques minutes plus tard (il était temps!), alors que je fixe le plafond, perdu dans mes pensées sombres... à une manière vilaine d'atteindre mon but... m'endormant sans vraiment le vouloir.
† † †
Je me réveille pour la troisième fois de la nuit.
Six heures.
Les oiseaux du boisé gazouillent et pillent avec une joie qui m'agace de si bon matin. Je jette un regard agacé vers Aya qui dort toujours profondément, les bras étalés en croix sur mon lit double, alors qu'elle a la bouche grande ouverte. Je grogne, puis sors des couvertures étouffantes en constante que l'air matinale est rafraîchissant. Dans le dernier tiroir de ma commode noir, installer dans un coin de la pièce, j'en sors l'une de mes nombreuses chemises à manches longues, d'un pull gris et d'une jupe verte, puis j'attrape mon unique boucle (sur le dessus de ma commode) en donnant un coup de pied pour fermer le tiroir. Je me dirige vers la salle de bain qu'Aya et moi partageons sans faire attention au tapage de mes pieds sur le sol.
Je m'en fous bein raide de réveiller tout le monde à cette heure-ci.
Je prends une douche rapide et glacée, puis enfile mon uniforme tout en me battant pour sécher et coiffer mon horrible touffe de cheveux. Une fois à peu près satisfaite, je descends au ré-de-chaussé pour me faire mon déjeuner... ce qui constitue en un smoothie aux fraises, kiwi, mangue et banane, ainsi qu'un pain grillé au beurre d'arachide. Après m'avoir remplie un grand verre, je sépare ensuite le reste dans quatre pots (pour les deux policiers, Aya et moi lors de notre dîner).
Pour m'occuper l'esprit (et ne pas ronchonner comme à chaque matin), je nous prépare une salade (laitues, carottes, radis, poivrons, petites tomates, concombre et épinards) avec une portion de boulettes au poulet, cuisiné hier matin. Pour dessert, une barre de chocolat noir fait maison avec de l'avoine, des canneberges secs, du miel et des noix. Pour une collation (entre le déjeuner et le dîner ou le dîner et le souper), une pomme, ainsi qu'un petit plat de raisin rouge, vert et bleu, plus des cubes de fromage... le tout, insérer dans nos plats à bento, chacun sa couleur, mis en évidence dans les tiroirs ou le réfrigérateur, comme chaque matin.
Après une petite heure, Léo et Louisia entrent dans la salle à manger, adjacente à la cuisine. Léo porte déjà son uniforme alors que Louisia traine encore dans sa robe de chambre bleu clair, semblable à ses yeux qui contrastent avec sa peau bronzée et ses cheveux noirs. C'est dû au temps que nous avions passé à la plage, cet été, car contrairement à Léo et Aya qui ne prennent que des coups de soleil, Louisia et moi étions rapidement bronzées.
– Du café, leurs ai-je demandé alors qu'ils s'installent à la table de bois noir (comme les quatre chaises installer autour).
Je leur mets leur bol, la boîte de céréale et le pichet de lait devant eux.
– Oui, merci, dit Louisia en me souriant tout en versant son lait avant ses céréales (une chose que je trouve perturbant dans ses nombreuses manies).
– Pour moi, ce sera un thé au gingembre et pêche.
Je prépare leurs boissons, puis mets des pains dans le grille-pain en entendant l'eau du bain coulée à l'étage.
– Vous allez patrouiller aujourd'hui?
– Ouais, dans la zone ouest, près de l'autoroute, dit Louisia en versant ses céréales.
– Tu es stressé pour ça, Léo? Ce n'est pas rare que tu prennes du thé, mais celui au gingembre, si.
– Non, ce n'est pas pour ça, dit-il en secouant la tête. Ma sœur m'a téléphoné hier pour me dire qu'elle va bientôt accoucher de son premier enfant... et qu'elle voulait que Louisia et moi soyons son parrain et sa marraine.
– Ah...
– Vraiment, s'exclame Aya en entrant tout en se séchant les cheveux avec une serviette rose pâle. Alors vous allez être oncle et tante! C'est formidable!
– Ils auraient préféré être eux même parents, dis-je.
Un étrange malaise semble tous les prendre en même temps. J'ai pourtant seulement dit une vérité, il n'y a pas de quoi fouetter un chat. Après quelques secondes qui me paraissent une éternité, ils osent de nouveau respirer et vivre leur vive comme si rien n'avait semblé être mis sur pose. Léo hoche la tête en gardant son expression inquiet et songeur alors qu'Aya se dirige vers le grille-pain. Louisia pose une main sur celle de Léo en le regardant avec douceur.
Aya prend ses pains et les beurre à gros coup de beurre d'arachide. Je remonte à ma chambre, alors que la conversation se dirige vers les choix de cours de cégep pour Aya.
Je sors de mon sac les cinq petits dossiers des enquêtes. Deux d'entre eux sont des disparitions, tandis que les autres concernent des vols de bijoux ou autre objet précieux. Je réfléchis un moment, me demandant si j'allais enquêter à la place d'aller en cours. Je regarde mon téléphone et fus surprise d'y découvrir un message de Keven qui me demande de le rejoindre tout de suite à l'emplacement habituel et d'y emmener Maggie si celle-ci le souhaite. Mon cœur manque un battement, puis s'accélère d'un coup.
Nom de dieu! Il m'a juste envoyé un message et ça me fait complètement flipper!
Je lui texte en retour que ma sœur y sera aussi, pour plusieurs raisons. J'ai à peine envoyé le message qu'il me répond par un pouce en l'air. Je reste un moment à me demander si je ne lui envoie pas un autre texto, puis décide plutôt d'en envoyer un à Maggie concernant Keven et Aya. Elle me répond quelques minutes plus tard par un « pas de prob », d'un emoji qui tire la langue et d'un qui fait un clin d'œil. Je lève les yeux au ciel, puis range mon téléphone dans la petite poche avant de mon sac et de remettre les documents à la même place qu'hier.
Je sors mes trois cahier scolaire (anglais, mathématiques et français) et les remplacent par des outils d'enquête (loupe, carnet de note, carte de la ville et des alentours, walkie-talkie pour nous quatre, puis des couteaux rétractables pour nous défendre en cas de besoin... même si, moi, je sais faire du karaté) en plus de mon portefeuille. Je me change de nouveau dans la salle de bain pour mettre un jean noir, un t-shirt noir, ma casquette noire et mes lunettes fumée. Aya donne trois petits coups sur ma porte de chambre alors que je suis en train de mettre ma veste de moto et de prendre mes clés et mon sac.
– Tu es prête, dit Aya en passant sa tête dans ma chambre. Mais qu'est-ce que tu fais!
– On ne va pas à l'école, dis-je en lui donnant des vêtements noirs et en la poussant vers la salle de bain.
Elle semble hésitante, ouvrant la bouche de temps à autre comme si elle voulait dire quelque chose qu'elle n'ose pas. Je lève un sourcil, puis elle pousse un soupir avant de me faire un signe de tête.
– Bien, dis-je en me retournant pour descendre l'escalier. Au moins comme ça, tu ne seras pas seule comme une rejet. Se serait beaucoup trop la honte pour toi, hein.
Elle grogne et pioche du pied en fermant la porte, ce qui me fait de nouveau lever les yeux au ciel, un léger sourire aux lèvres. Je me dirige vers la cuisine pour prendre mon lunch et le mettre dans mon sac alors que les deux policiers ont déjà déserté la maison. Je me dirige ensuite vers le garage alors qu'Aya se dépêche de descendre et de prendre son lunch comme si elle craignait qu'en fin de compte, je la plante là... ce qui pourrait bien arriver si elle était trop lente à mon goût.
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