Chapitre 37 Clara
Je m'observe sur tous les angles, ajustant ici et là mes vêtements et mon maquillage plus léger qu'à l'ordinaire. Quelques traits de khôl et une petite couche de gloss couleur cerise luisante. Pour une fois depuis longtemps, j'ai laissé tomber l'idée de lisser mes cheveux. À cet instant, ils bouclent naturellement, comme des milliers de tire-bouchons. Ma chemise noire est déboutonnée pour laisser entrevoir la peau bronzée de mes clavicules, à la limite du commencement de ma poitrine, qui est soulignée par une large ceinture bleu nuit. Elle va de pair avec la haute jupe de cuir qui, je dois bien l'avouer, met mes longues jambes en valeur. Je jette un regard aux bottes noires montantes à talon haut léger à côté du miroir qui me renvoi mon reflet au grand complet. Je me demande un instant si je n'en ai pas trop fait, mais décide que j'irai comme ça, que ça plait ou non à Yakim.
De toute manière, il n'y a aucune garanti que celui-ci accepte mon invitation.
Je prends une grande inspiration pour me donner un peu de courage, puis regarde l'heure sur mon cellulaire. Pile sept heures et demie. Je me suis lavée, habillée et maquillée en moins d'une demi-heure.
Je remonte les manches de ma chemise jusqu'aux coudes en sachant que, d'une minute à l'autre, Yakim se lèvera pour aller déjeuner.
Je dus attendre seulement une minute avant d'entendre sa porte de chambre s'ouvrir et ses pas lourds sur les planches de bois sombre. Il avait forcé Pavel a retourné dormir dans le salon pour pouvoir garder sa chambre et moi la mienne. Pavel avait évidemment été mécontent de devoir dormir sur le sol, pour seul matelas, une grosse pile de vieilles couvertures qui sentent le renfermer. Ruslan avait eu cette chance dès son arrivée avec son frère, qui avait d'abord campé sur le divan. Pavel regrette maintenant de s'être empresser de prendre en otage la chambre de son frère ainé lorsque celui-ci était partie pour quelques jours.
Je m'approche de la porte et mets ma main sur la poigné sans pour autant ouvrir. J'inspire un grand coup en observant mes orteils, vernies de noir, dont les deuxièmes plus petites de mes deux pieds sont légèrement tordues. Un détail génétique que je retiens de mon père, qui le retenait du sien.
Après une légère hésitation, je finis par sortir de ma pièce personnelle pour rejoindre Yakim dans la salle à manger, déjà attabler à la table qui a dorénavant six chaises et non quatre, comme lors de mon arriver à son appartement. J'observe un moment celui-ci avant de tirer la chaise face à lui et de m'y laisser tomber. Yakim lève les yeux de son bol de fruit dont il avait ajouté un mélange de noix. Ses yeux bruns semblent brulés à cause du rouge sang qui les rend lumineux.
Après quelques secondes à contempler mon visage et mes habits, il hausse un sourcil avec un sourire presque imperceptible.
– Tu as un rencard, me demande-t-il en baissant les yeux vers son déjeuner à peine entamer, alors que ses narines frémissent légèrement.
Je prends une grande inspiration en croisant les doigts sous la table et lui fais un sourire que j'espère ne pas paraitre trop crisper.
– Je... ne l'ai pas encore demandé à la personne que je souhaite inviter...
Je pince les lèvres en l'observant alors que son regard intense se rive au mien. Mon cœur gonfle comme un ballon de baudruche avant d'exploser dans une frénésie de battement chaotique.
– Je... euh... est-ce que tu voudrais aller au ciné avec moi, dis-je en jouant nerveusement avec mes mains moites, alors que, d'ordinaire, j'ai beaucoup plus confiance en moi. Il y a un film que j'aimerais beaucoup aller voir, mais... peu de gens de ma connaissance aime ce genre-là... donc... euh...
Yakim penche légèrement la tête sur le côté en me regardant franchement, comme s'il voulait graver chaque détail de mon visage, à cet instant, dans sa mémoire. Il prend une longue inspiration et plonge de nouveau ses yeux troublant dans les miens.
– Et qu'est-ce que c'est, me questionne-t-il en prenant lentement une cuillère de sa salade de fruit.
– Euh... Les chevaliers d'Elkana... c'est... le troisième d'une série de film historique, dis-je après un léger silence.
À ma grande surprise, les yeux de Yakim pétillèrent, alors qu'un sourire franc se dessine sur ses lèvres charnues, faisant manquer un autre battement à mon cœur.
Je retiens mon souffle alors que son sourire s'accentue de seconde en seconde, laissant voir ses dents blanches.
– J'adorerais y aller avec toi, dit-il alors que Ruslan apparait dans ma vision périphérique, vers la cuisine. Je voulais justement aller le voir. D'ordinaire, je ne suis pas friand d'histoire, mais j'adore les films qui la reprend.
– Vous roucoulez déjà de si bon matin, golubki, nous taquine le jeune frère depuis la cuisine où il est en train de se préparer un bol de céréale à grain entier, et, comme d'habitude, il traine dans son pyjama.
– Mêles-toi de tes oignions, ai-je répliqué en tentant de retenir mon sourire et en l'observant alors qu'il se met à ricaner.
– T'inquiète, zhenikh brata, dit Ruslan avec un sourire en coin en faisant un clin d'œil à son frère ainé. Je ne m'intéresse pas le moins du monde à vos petits secrets amoureux.
Yakim et moi levons simultanément les yeux au ciel, sans pour autant nous répartir de nos sourire imbécile.
– Le film est à neuf heures, ai-je précisé à Yakim en me levant alors que Ruslan s'assoit à côté de son frère.
– Je viendrai t'avertir lorsque j'aurai fini de me préparer, me répond Yakim en m'observant repartir vers ma chambre.
Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule et souris avant de me rendre sans ma pièce personnelle. Je m'y enferme et pousse un long soupire de joie et de soulagement. J'ai presque envie de danser. Plus j'en apprends sur lui et plus je trouve que nous avons beaucoup de similitude. Comme... des courtes douches froide (oui, je le sais parce que j'ai déjà touché son bras lorsqu'il venait à peine de sortir de la douche).
Je secoue la tête pour chasser la sensation de sa peau claire contre mes paumes, comme si je pouvais encore le sentir.
Je me laisse tomber sur ma chaise de bureau et regarde ma pile de cahier sur ma table de travail. J'avais rapidement terminé mes devoirs, hier, avant d'aller voir Maggie, qui avait terminé les siens encore plus vite que moi.
Je sors une feuille lignée d'un des tiroirs de mon bureau et commence à écrire de nouveau les vers de la prophétie, dont l'encre noir imbibe magnifiquement la page de mon écriture soignée et élégante. Maggie a gardé l'autre papier pour continuer à l'analyser. Elle m'a promis de trouver un moment pour en parler avec Kat et elle m'enverra par texto le résultat de leurs hypothèses. Pendant ce temps, je vais moi-même réfléchir au sens qu'il cache.
Je viens tout juste de relire une troisième fois les vers, en murmurant, quand on cogne à ma porte de chambre. Je me lève pour aller ouvrir et vois Yakim qui se tient droit comme un piquet, les mains dans les poches de son jean noir et les narines frémissantes, comme s'il trouvait que j'avais mis trop de parfum.
Il a déjà son coat en cuir sur le dos, dézippé sur un tricot bourgogne.
Je tourne les talons pour enfiler une paire de chaussette noir, attrape ma veste que j'enfile à la va vite, pour ensuite prendre mon propre coat, mes bottes montantes et ma sacoche nouvellement achetée pour l'occasion. À l'intérieur, il y a mon portefeuille, mon cellulaire et quelques accessoires. Yakim hausse un sourcil et je lui fais un signe de tête. Nous nous dirigeons vers l'entrer, mon compagnon, sans faire le moindre effort pour marcher discrètement. Ses pas alourdis par sa taille imposante doivent être un meilleur réveille matin que les cadrans ou les alarmes de téléphone. J'enfile rapidement mes bottes et lui les siennes. Je mets mon coat et glisse la lanière de ma sacoche noire et bleu sur mon épaule avant de suivre Yakim à l'extérieur.
Quelques flocons dansent en rythme doux et lent dans l'air légèrement frisquet. La chair de poule se fait sur mes jambes nues et je tente de retenir le frisson qui veut me parcourir la colonne vertébrale. Yakim débarre les portes, puis m'ouvre courtoisement la portière de sa Lamborghini. Je réprime un sourire idiot que ce simple geste fait flotter sur mes lèvres, puis m'engouffre dans la chaleur de l'habitacle. Il contourne sa caisse et embarque à mon côté.
– Pourrais-tu me donner des cours, lui ai-je demandé en observant l'intérieur confortable. Pas tout de suite, mais quand j'aurais fini mon secondaire.
Yakim démarre en se frottant le nez, puis me jette un coup d'œil et plisse les yeux comme s'il réfléchissait très sérieusement à sa réponse.
– Tu as l'intention de rester encore un bout de temps, ça veut dire.
Je me mords la lèvre inférieure, alors qu'il fait marche arrière et s'engage sur la route.
– Si... tu me le permets, ai-je marmonné avant de continuer rapidement. Mais je te promets que je trouverai bientôt un job et que je te payerai la bouffe, le loyer et le stationnement.
Yakim eut un petit rire alors qu'il tourne pour s'engager sur une avenue.
– Il n'y a pas d'empressement, rétorque-t-il en se passant une main dans ses cheveux brun en batail. À moins que tu comptes souvent dormir dans la salle de bain avec la lumière allumer une bonne partie de la nuit.
Je grimace, ce qui lui tire un sourire léger.
– Désoler...
– Pas grave, eto nay takaya bolshaya problem, tant que tu n'en prennes pas une habitude. J'en... ai de tout manière profité pour... t'observer dormir.
Je le regarde, la bouche grande ouverte, ce qui le fait éclater d'un rire doux et léger, comme s'il n'avait pas l'habitude de rire à gorge déployée.
– Juste m'observer, l'ai-je questionné, curieuse d'en savoir plus.
Il me fait un sourire carnassier qui me laisse perplexe et qui fait battre mon cœur au point qu'il en devient chaotique. Je cligne plusieurs fois des yeux en retenant mon souffle, surprise par son expression inhabituelle.
– Bon d'accord, dit-il enfin après un moment de silence en se frottant de nouveau le nez, comme si quelque chose le démangeait. Je te trouvais si belle que je n'ai pas pu résister à l'envie de toucher ton visage et... de t'embrasser sur la joue.
Je sens mes joues surchauffées alors qu'il se passe une main dans les cheveux avant de me jeter un regard en coin. Je me retourne vers la fenêtre pour qu'il ne voit pas mon sourire béat. Si une chose aussi insignifiante me rend heureuse, je n'imagine même pas comment je réagirais si nous commençons à avoir une relation sérieuse.
Je lui jette un coup d'œil, alors qu'il a repris un visage clame et neutre. À cet instant, si j'avais su bien dessiner, je l'aurais crayonné sur une toile pour ensuite le peindre. Mes mains ne possèdent malheureusement pas la grâce et la patience pour cet art. Au moins, je sais l'apprécier à sa juste valeur, quand le thème n'est pas grossier.
– Avais-tu prévus autre chose, me demande Yakim après un moment de silence. Après le ciné?
– Non.
– Si tu veux, je t'invite à diner quelque part.
Je lève un sourcil et me penche légèrement vers lui.
– Et où irions-nous?
– Où tu veux, peu m'importe.
– T'es sûr?
– Très.
– Parfait. J'y penserai plus tard.
Il me fait de nouveau un petit sourire, alors que nous arrivons déjà près du carrefour, dans lequel il y a des salles de cinéma. Yakim tourne vers la droite et se dirige à l'arrière du bâtiment, où les portes donnent sur un accès direct à l'endroit où nous allons. Mon beau coloc stationne sa Lamborghini et nous sortons avant de nous étirer et de nous dégourdir les jambes. Nous nous rejoignons, puis marchons vers les battants ouverts. À mi-chemin, je sens la main de Yakim se glisser dans la mienne. Surprise, je lève les yeux vers lui et croise ses magnifiques et terrifiantes iris à la lueur dansante. Un sourire étire mes lèvres que j'essaie, en vain, de camouflé en voyant le sien, subtil.
Je ressers mes doigts sur les siens et je vois, du coin de l'œil, que son sourire s'accentue. Nous entrons et tombons presque aussitôt sur Victor... et sans aucun doute d'autres collègues, à en croire l'expression de Yakim qui se renfrogne. Il me serre la main avant de la lâcher et d'enfoncer les siennes dans ses poches. J'observe son visage, puis ceux du groupe qui se rapproche de nous. Ils sont cinq, Victor inclus... et Brigitte, l'amie de Kat.
Je me disais bien que je l'avais vu quelque part, elle fait partie de la police.
– Un petit rencard en amoureux, nous taquine Victor avec un énorme sourire en passant un bras sur mes épaules, alors que nous faisons la même grandeur.
Avec un grognement, Yakim me tire par le bras pour me mettre à sa gauche, faisant rempart avec le fils de ma tant Pamella.
– Vous allez voir quel film, nous demande-t-il alors que son sourire s'accentue inexplicablement, aussi affreuse qu'une grimace de singe.
– Les chevalier d'Elkana, dis-je en me penchant un peu pour mieux le voir.
Victor grimace pour de vrai, comme si je venais de lui balancer au visage à quel point je le trouve moche dans ses habits tape à l'œil.
– Il n'y a pas pire qu'un film historique pour une sortie de couple!
Yakim hausse les épaules, puis glisse de nouveau sa main dans la mienne, comme si son agacement était soudainement retomber.
– Moi, j'aime ça et Clara aussi, donc il n'y a aucun problème.
– Vous n'avez aucun sens du romantisme, réplique Victor en levant les yeux au ciel. Je vous aurais plutôt conseiller « Ma douce colombe » qui est aussi à l'affiche, mais bon.
Yakim et moi grimaçons en entendant ce nom et Victor eut un petit sourire en voyant nos expressions.
– Il faut croire que vous êtes fait pour vous entendre, tous les deux.
– Il n'y a pas plus ennuyant que les histoires d'amour, dis-je alors qu'il s'éloigne de quelques pas avec son groupe.
– J'avais oublié que les pirates préféraient l'action, réplique-t-il par-dessus son épaule.
– J'avais oublié que les rats se multipliaient aussi vite qu'ils respirent, me suis-je exclamée avant de l'entendre ricaner.
Nous restons un moment-là, à les observer partir acheter leurs billets, pour je ne sais pas quel film, puis après un regard que j'échange avec Yakim, nous les suivons en nous serrant la main.
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