Chapitre 31 Clara
À ma grande surprise, Valier me promis de me tenir au courant des choses... soit en passant par Yakim comme messager entre nous, soit par téléphone en cas d'extrême urgence ou parce qu'il a besoin de moi pour X raison. Il dit que ce sont des moyens beaucoup plus sûrs que les textos, vu que l'anonyme semble être très doué dans son domaine. D'ailleurs, après notre petite entrevue, Yakim a décidé de retourner à son appartement... et me permet d'y rester... fait qui m'a pris au dépourvue vue les circonstances. Il ne semble même pas avoir penser à la sécurité de ses frères... ni de Keven et Mya d'ailleurs...
Je le regarde du coin de l'œil alors que nous nous dirigeons vers ma bécane rouge et noir. Je lève le banc pour prendre les casques et lui tends le bleu brillant. Il secoue la tête avec un sourire en coin qui disparait presque aussitôt alors que nous voyons très bien qu'il est trop petit pour lui.
– Tu ne mets rien alors, dis-je en le rangeant avant de prendre le mien.
– Je ne suis pas sûr que ta mototsikl puisse supporter mon poids...
Je grimace en m'imaginant la scène, mon petit bijou réduit en bouillis sous son corps robuste et imposant.
– Tu vas retourner comment à ton appart, alors, lui ai-je demandé en enfourchant mon bicycle électrique, puis en mettant mon casque. Ta caisse est toujours devant que je sache.
Yakim hausse les épaules avec indifférence, comme si l'utilisation de sa Lamborghini ne lui avait pas manqué, ces trois derniers jours.
– Je vais prendre un taxi... ou... marcher... marcher, c'est mieux.
Je le fixe un moment, me demandant pour quelle raison exactement il garde une certaine distance entre nous. Il ne veut même pas au moins être mon ami? Yakim penche légèrement la tête sur le côté tout en plissant les yeux, comme s'il cherchait à voir à travers mon casque noir qui camoufle mon visage. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais semble se raviser à la dernière seconde.
– Tu devrais aller à l'école, dit-il simplement en tournant les talons, marchant en direction de son bloc.
– Tu ne veux pas aller quelque part, vu que tu as un congé, ai-je crié en espérant qu'il accepte.
– Va te bourrer la tête comme une adolescente normal, se contente-t-il de répliquer.
Je tente de réprimer ma déception en maudissant le bahut qui n'a rien à voir là-dedans. Il a simplement trouvé la meilleure excuse pour se tenir loin de moi.
Il est injuste!
Je l'observe un moment, bougonnant contre son côté raisonnable, même s'il venait de me mettre dans la catégorie des nanas normales, alors que nous savons tous les deux que je suis loin d'être comme toutes ses postiches qui ne penses qu'à des choses normaux.
Ah lala! Je m'exaspère moi-même d'être devenu aussi exaspérante!
Je secoue la tête, puis pars vers le bahut pour écouter les "bons" conseils de monsieur Cohen.
Monsieur... rien que de pensé que le terme monsieur peut désigner Yakim me fait rire toute seule.
Je dois avouer que, malgré tout, c'est la meilleure chose que je peux faire vu que, comme me l'a très fortement recommander Cédrick Valier, je ne peux pas faire grand-chose dans l'immédiat. À part m'apitoyer sur moi-même et me dire que je pourrais être trucider n'importe quand... et presque n'importe où. En plus, je ne peux même pas voir les corps ou les lieux des meurtres.
La vie est tellement pourrie...
Je conduis jusqu'au bahut et retrouve rapidement Edwin et Salimata, installés à la même table que d'ordinaire.
– Yo, ai-je fait en me laissant tomber face à eux.
– Salut beauté, dit Edwin en me faisant un clin d'œil. T'était passé où pour manquer le cours le plus " agréable" des choix donnés.
Par "agréable", il sous-entend le cours de madame Gerton, c'est à dire, histoire et poésie d'autrefois. D'un côté, je le comprends... vu que la langue est incompréhensible... même si ça reste du français... c'est du médiéval, il fallait s'y attendre.
Edwin grimace en regardant dans mon dos alors que Salimata est en train de peindre ses ongles en rouge vif.
– Quoi, dis-je en me retournant pour suivre son regard.
Mya est assise avec Pavel, Ruslan et ses amis à quelques tables de la nôtre. Son visage noir veut tout dire. Je pousse un soupire en me retournant vers Edwin.
– Il faudrait vraiment que vous réglez ça.
– C'est elle qui ne me pardonne pas, grimace-t-il alors que Salimata souffle sur ses ongles.
– Je la comprend, tu sais, dit celle-ci en le regardant. Tu sors avec le mec de ta vie, puis soudain, il brise ton cœur en te disant qu'il s'intéresse aux mecs. C'est une méchante claque. Moi à sa place, il y a longtemps que j'aurais fait une crise.
Je la regarde, septique. Elle qui est toujours sereine et parfaitement maître de ses émotions, ça m'étonnerait beaucoup qu'elle explose. Edwin la regarde avec la même expression de perplexité.
– N'essaie pas de te mettre dans sa peau alors que ce que tu viens de dire est faux.
Celle-ci nous fait son sourire aux dents blanches avant de se concentrer de nouveau sur ses ongles.
– Je vais essayer de la raisonner, dis-je en me levant.
Je me faufile à travers les tables bondées en trouvant dommage que personne ne profite de la belle journée, légèrement enneigée, à l'extérieur. Le temps est agréable pour le mois de novembre.
– Salut, dis-je en m'approchant d'eux.
Ils lèvent tous leurs yeux vers moi à l'exception de Mya qui ne me lâche pas de son regard noir.
– N'avais-tu pas dit que tu allais sécher tout l'avant-midi, me demande Ruslan qui semble heureux de me voir, contrairement à Mya et Pavel (lui, il se fout simplement de tout le monde, donc je ne prends pas ça personnel).
– Je suis allée voir Cédrick Valier... et... euh... Yakim va reprendre sa chambre, Pavel. Il a congé aujourd'hui.
Mya fait la moue avant de lever un sourcil tout en observant Pavel qui grogne de mécontentement à côté d'elle. Elle eut un petit sourire en coin en voyant son attitude.
– Pauvre chou, le taquine la petite rousse en lui tapotant l'épaule un instant avant que celui-ci se dégage. Tu vas devoir dormir sur le planché comme un petit chiot vu que Ruslan dort sur le divan.
– Que dirais-tu que le petit chiot envahisse ta chambre, grogne Pavel en donnant une pichenotte sur le front de Mya. Et redis-moi une autre fois "pauvre chou" et ça va barder.
À la surprise générale, il fait un grand sourire rusé à Mya qui vire instantanément au rouge, soudainement déstabiliser par l'expression éclatante et inhabituelle de celui-ci. Moi-même d'ailleurs, j'ai été légèrement étonné par son visage qui d'ordinaire, est encore plus renfermer que Yakim.
– Arrêtez de fleurté, grimace Ruslan à côté de son frère.
– Ça va Mya, rigole Tanya alors que Mya a les yeux rivés sur la table. On dirait que tu as trempé ta face dans de la sauce tomate.
Mya tape celle-ci qui est assise face à elle, un grand sourire pas du tout crédible sur ses lèvres luisant de gloss.
Ohoh. Je crois bien qu'elle a changé de béguin. Pendant un court instant, j'en fu grandement soulagé, mais je me reprends. C'est quand même de Pavel qu'il s'agit... le pire choix qu'elle aurait pu faire... pour tomber de nouveau amoureuse. S'ils finissent par avoir une relation, je l'aurais à l'œil, ce... euh... grand gars...
– Laisse la donc tranquille, Tan, dit Liam qui a deux cahiers en main.
Il se tourne vers moi avec un énorme sourire qu'y m'aurait presque fait fuir s'il avait été un parfait inconnu. Il me tend les deux cahiers et je les prends en l'interrogent du regard.
– Le premier, ce sont les notes et le devoir pour le cours que tu as manqué, ce matin, l'autre, c'est ce que tu m'avais demandé avant-hier. Des notes et des conseils en ce qui concerne les pouvoirs des Invis... et t'en qu'à faire, j'y ai mis pour les autres marqués aussi. Ça peut toujours être utile.
– Merci, dis-je en lui donnant une bourrasque sur l'épaule.
Tommas et Jérémy se regardent avec un air conspirateur avant de tous les deux faire un clin d'œil à Liam. Celui-ci lève les yeux au ciel. J'eus un léger sourire en les voyant faire. Le couple de mec croit que tôt ou tard, parce que Liam et moi sommes tous les deux des Invis, nous finirons par être en couple. Le truc qu'ils ignorent, c'est que, pour une raison inexplicable, je m'intéresse aux hommes plus vieux.
Mes amis discutent de tout et de rien alors que je feuillette les cahiers. Pour un mec qui écrit de la main gauche, il a une belle écriture, presque féminine. Tout est claire et bien structurer. Même le plus imbécile des crétins aurait pu comprendre.
– Tu as vraiment une belle écriture, dis-je à Liam alors qu'il pousse doucement Tanya et Jérémy pour que je puisse m'asseoir à côté de lui, sur le bord.
– Tu trouves, dit-il en se passant une main sur son cou alors que je me laisse tomber à côté de lui.
Je lui fais un léger sourire avant de replonger dans les notes concernant les Invis:
« D'abord, le terme Invis vient du mot Invisible pour désigner un groupe de gens aillant la possibilité de s'effacer du reste du monde comme s'il n'avait jamais existé, comprenant la disparition visuelle, la disparition olfactive et la disparition du son. Les seuls qui peuvent les percevoir sous cette forme sont les autres Invis, ce qui les rend plus puissant, d'une certaine manière, que tous les autres groupes de marqué, en plus de leur rareté. »
Je relève les yeux vers Liam, curieuse de savoir dans quelle catégorie il se distingue.
– Mon odorat, dit-il en répondant à ma question silencieuse. Je peux te dire que tu sens très bon.
Je lève les yeux au ciel, un léger sourire aux lèvres alors qu'il vient de me faire un clin d'œil.
– Et toi, de demande-t-il en reprenant un peu de sérieux.
– Ma vision... même si exceptionnellement, je peux aussi entendre les esprits.
Liam me regarde avec des yeux si brillants qu'il me prend par surprise et me mets mal à l'aise.
– Tu seras puissante, ça veut dire.
Je retiens un frisson d'horreur en me rappelant le démon possesseur, comme Valier l'a nommé. Je n'ai pas uniquement vu et entendu son corps mou se frotter contre le carton... j'avais aussi senti son odeur de pourriture.
Je ne peux tout de même pas parler de ça avec Liam... même s'il est lui aussi un Invis.
– Tes parents devaient être de fort Invis à vision et à l'ouïe surdéveloppé, alors.
Je secoue la tête et il me regarde sans comprendre.
– Ne me dit pas que tes parents étaient des démarqués! Là, ça serait carrément dingue!
Je pouffe de rire alors qu'il vient de me faire penser à Keven.
– Nan nan, ce n'est pas ça, dis-je en m'essuyant le coin des yeux. Mon père avait la vision, mais ma mère c'était l'odorat.
Liam fronce les sourcils et s'apprête à me poser une question, mais la cloche le prend à court. Je me lève en vitesse pour aller rejoindre Edwin et Salimata qui s'amusent à faire des méga grosse bulle avec leur chewing gum aux fruits. Je lève un sourcil en les regardant faire et Edwin m'en propose une alors que nous marchons vers nos casiers.
† † †
Après une longue et exaspérante journée pendant laquelle je n'écoute que d'une oreille les profs ennuyant parler de divers sujets, je sors du bahut avec soulagement. Je me dirige à grande enjambée vers ma moto en sachant que Mya va marcher avec Pavel et Ruslan.
– Clara, crie la voix de Liam alors que je vais mettre mon casque noir.
Je me retourne pour le voir courir vers moi, les joues légèrement rougies par l'effort de son sprint. Les mains sur les genoux, il retrouve rapidement une respiration régulière.
– Qu'est-ce qu'il y a, lui ai-je demandé alors que les autres arrivent tranquillement derrière lui.
– Je voulais te proposer de faire un peu de pratique... à moins que tu aies quelque chose de prévu...
Je réfléchis un moment, puis jette un coup d'œil vers Ruslan, Pavel et Mya (dont les deux derniers se disputent sur une question idiote), puis vers Tania, Jérémy et Tommas qui plaisantent entre eux... et plus loin, entre une marée d'étudiant, Edwin et Salimata.
– D'accord... mais où est-ce que nous allons?
Liam semble très heureux de ma réponse, à en croire son large sourire.
– Je te le dirais si tu me laisses conduire ta moto.
Il me regarde, les yeux brillants, comme s'il cherchait à m'amadouer, ce qui est loin d'être le cas. Ses yeux gris violacés sont tellement intense que je me sens mal à l'aise.
– Désolé, dis-je en grimaçant. Je ne prête le volant de mon bijou à personne, sans exception.
Il fait une baboune exagérée.
– Bon... bein t'en pis...
Il se dirige vers le banc toujours ouvert et en prend le casque bleu brillant avant de mettre son sac. Je lève un sourcil en le regardant.
– Tu n'es pas venu avec ta voiture aujourd'hui?
– Nan. Le temps est agréable donc j'avais décidé de marcher.
Liam fixe un moment le casque entre ses mains alors que je mets le mien. Il lève les yeux vers moi avec de nouveau son énorme sourire.
– Ça ressemble à tes yeux, dit-il avec une expression si douce que je me sens rougir.
– Ah... euh... hmmm...
Je ne sais pas trop si je dois prendre ça comme un compliment, vu la brillance du casque... mais à en croire son expression inattendue, j'en déduit qu'il s'agit de ça... même si pour moi, ça représentera toujours Aya...
– Tu connais la forêt Prismayfe, dit Liam en me tirant de mes pensées sur ma sœur alors qu'il attache le casque autour de son visage.
Je grimace en entendant ce nom. Rien que de l'entendre, j'en ai des frissons.
– Ouais... pourquoi?
Son sourire semble s'élargir encore plus que ce qui aurait été possible... comme s'il cherchait à fendre son visage pâle en deux.
– C'est là que nous allons.
Mes yeux s'écartent, puis je reste un moment-là, à le fixer, me demandant si c'était une blague et souhaitant de tout cœur avoir compris de travers. Cependant, son visage ne change pas alors qu'il attend une réaction de ma part.
– Quoi, dit Liam en voyant que je reste silencieuse. T'as la trouille de te promener en forêt en soirée? Ou se sont les esprits des arbres qui t'effrayent?
Je m'efforce de sourire alors qu'il peut très bien sentir la peur qui me noue les entrailles.
Comment puis-je être calme après avoir vu son sourire détraqué et le nom de la forêt la plus redouter du coin. Prismayfe! Pourquoi diable veut-il que nous allions sur le territoire d'une espèce de surnaturel que tous les marqués redoutes de croisé, même dans la rue. Les Hybrides... c'est être qui ne sont ni humain, ni animal, ni plante... mais un mélange d'un ou l'autre. Ils sont d'ailleurs beaucoup plus puissant que nous... c'est la raison pour laquelle personne approche de trop près cette forêt. Quelques Invis y vont parfois, mais ils ne parlent jamais de l'expérience qu'ils y vivent. Tous en ont déduit que c'est un endroit à éviter, moi y compris.
– Pas d'inquiétude, dit Liam en me tapotant l'épaule comme si ça allait me soulager. J'ai des amis là-bas... de très bons amis.
Ce fait ne me semble guère très agréable à entendre, pas plus que les cries strident d'une chouette folle ou d'une chauve-souris enragée.
– À vrai dire, dit-il en se penchant près de mon oreille au point que je sens son souffle. J'ai quelque chose d'étonnant à te montrer là-bas.
Un frisson me traverse et je fais un pas en arrière.
– Qui es-tu au juste, Liam MacFallen, dis-je en étant soudainement sur mes gardes.
Liam se dégage un peu avant de pencher légèrement la tête sur le côté, un sourire soudainement effrayant coller sur son visage poupin. En vrai... ça ressemble à une horrible grimace.
– Un Invis, pourquoi?
Je plisse les yeux en me concentrant uniquement sur ses yeux. Quelque chose cloche chez lui. Quelque chose qui me perturbe et me met mal à l'aise. Il dégage une force terrifiante. Une force que j'aurais voulu ignorer.
– Il y a autre chose...
Ses yeux brillent un instant d'une lueur étrange, peu humaine, presque comme s'il était possédé par quelque chose. En voyant mon expression, Liam éclate de rire avant de prendre ma main et de la mener à ses lèvres. Son touché n'est pas pareille à de la peau, on aurait dit la texture de feuille ou de pétale de fleur. Je l'observe, perplexe, alors qu'il sourit de plus belle.
– En plus d'être une sublime et intelligente créature, tu es perspicace, ma chère.
Je dégage rapidement ma main alors qu'il rive ses yeux étrangement troublant aux miens.
– Je suis aussi un Damné.
Je fronce les sourcils en me demandant ce qu'il sous-entend par là.
– Plus précisément... je suis un gardien des portes, dit-il avec un sérieux qui contraste avec son attitude d'il n'y a même pas une minute.
– Gardien des portes, ai-je demandé en levant un sourcil, intrigué malgré moi par son petit jeu.
Il hoche la tête avant de regarder au loin.
– Comme ma grand-mère est une Dryade Damné, une Dryade qui est une gardienne des portes, si tu préfères. Elle a commencé à me montrer sa fonction avec l'accord de... euh... je ne me rappel pas comment elle les a nommés, mais ce sont eux qui ont le pouvoir sur ses portes... enfin... qui surveille ses portes à travers d'autres. Ma grand-mère se fait vieille, elle a donc décidé de me léguer sa fonction.
Je le regarde en fronçant les sourcils. Où veut-il en venir avec tout ça?
– Donc?
– Donc, je voulais que tu jettes un œil à cette porte, en même temps que de pratiquer nos pouvoirs d'Invis. La porte se trouve au cœur de Prismayfe.
Il reste un moment silencieux sans oser me regarder.
– En fait... je voulais ton avis... parce que dernièrement... il se passe des choses étranges...
Mon avis? Sur quoi exactement? La porte magique?
Je pousse un soupire.
– Très bien, dis-je en montant sur ma moto. Mais tu me devras un service.
– Ça me va comme accord, dit-il en montant derrière moi.
Nous roulons en silence jusqu'à Prismayfe qui est en bordure de la ville, au nord-ouest. Il n'y a rien du tout près de cette forêt, à l'exception d'un minuscule magasin qui est quand même à plusieurs kilomètres de là. Je me stationne devant la petite bâtisse en brique brune vieillot, puis nous devons marcher une bonne demi-heure avant d'apercevoir le début d'un sentier qui mène vers la forêt. Le coin est campagnard et pas un seul véhicule ne passe sur la longue route sinueuse et d'un gris terne, à quelques kilomètres de là.
Pas une âme qui vive...
Nous nous arrêtons un instant face aux imposants conifères vieux comme le monde. En levant la tête, je ne peux même pas y voir la fin.
– Allez, vient, me presse Liam qui s'avance déjà entre les arbres lugubres.
Je prends une grande inspiration et le suis à contre-cœur. J'aurais plutôt préféré m'enfuir... mais mon orgueil ne veut pas se la jouer trouillarde.
À peine ai-je fait quelques pas que je sens un malaise me gagner et la force de la nature oppressante autour de moi. Sombre, intense et inquiétante. J'ai l'impression que je vais être engloutis sans même m'en apercevoir. Et cette sensation ne me lâche pas, comme si, en vrai, c'était de la glue. Collante et rageante. Comme une gueule béante dégoulinant de salive épaisse qui m'emprisonnerait pour me dévorer petit à petit, me mâchonnant à chacun de mes tentatives de survie. Une lourde pression qui entoure l'endroit comme une couche de peau semble tenter de me repousser de plus en plus fort à mesure que j'essaie d'avancer. Liam ne semble pas perturber par la force qui me semble oppressante.
Naturelle, mais électrisante.
Je retiens d'échapper un sanglot alors qu'une pression de pousse contre la poitrine. La forêt m'envoie un message de plus en plus violant. Je ne suis pas la bienvenue ici.
Liam ne jette pas une seconde un regard en arrière pour voir comment je vais. Il a peut-être un laissé-passé toujours renouvelable... étant donné qu'il a des origines végétales... mais moi, je n'ai aucun droit, aucun passeport imaginaire. Je suis humaine... marqué (ou sorcière) par le sang d'un démon. Est-ce pour cette raison que la douleur est si oppressante, aussi agressante. Elle me donne l'impression de me tuer à petit feu.
– Reste près de moi, finit par dire Liam en me voyant suer à grosse goutte et presque marcher en rampant. Les esprits ne semblent pas être de bonne humeur aujourd'hui.
– Sans blague, dis-je d'une voix étouffée par l'effort et quelque chose d'invisible, même pour mes yeux. Je croyais que j'hallucinais leur présence.
Liam ralentie sa cadence pour marcher à quelques pas devant moi. Si j'avais tendu la main, j'aurais pu le toucher.
L'impression d'être épier ne me quitte pas. Pourtant, il n'y a même pas l'ombre d'une Dryade, d'un Hybride ou d'un Être Mythique. Je suis Liam de près, m'attendant à chaque pas à être dévorer par un monstre sorti de nul part. L'air humide et étouffante n'aide en rien à me sentir à l'aise dans cet endroit reculé et sombre... La transpiration des arbres me fait penser à un gaz toxique pour nous, être humain, alors que nous vivons dans un cercle éternel. Ils ont besoin de nous, nous avons besoin d'eux. Pour respirer. Tout simplement.
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