Chapitre 3 Yakim

Je baille un grand coup alors que j'attends Keven depuis maintenant deux bonnes heures. Je ne sais pas pourquoi ce type demande une rencontre à une certain moment s'il arrive toujours en retard. C'est peut-être moi le con qui sait que ce mec ne tient jamais parole, à venir à l'heure prévue. En plus, cet imbécile veut que je patiente devant une école de gamins sauvages. J'ai juste l'air kovsh à attendre là, assis sur le capot de ma caisse, tel un géant idiot qui n'attend que de ramener un gars encore plus somnitelny que lui. Tsé, c'est bein normal pour un adulte de se plaire à marcher à longueur de journée dans une école secondaire qui empeste d'hormones masculines.

Au contraire, je crois que ça me rendrait fou.

Tous les minus qui sortent du vieux bâtiment lette me regardant comme si j'étais un ours et non un humain dont la composition du corps est plus impressionnante que la moyenne.

Un géant descendu du ciel.

Un Titan.

Un dieu mythologique.

Mais pas un humain.

Que des durak sans la moindre matière grise.

Ces gars-là n'ont jamais vu quelqu'un de plus de sept pieds ou quoi! Je ne suis pas venu ici pour me donner en spectacle!

Un groupe de yunoshesky s'approchent de mon char en rigolant comme les p'tits cons qu'ils sont. Comme si la seule chose à laquelle ils devaient se soucier, c'était la prochaine meuf qu'ils emmèneraient dans leur foutu lit.

Quelle perte de temps quand on y pense. Ils vont le regretter quand ils ne sauront même pas ce qu'ils veulent faire plus tard.

Je constate avec surprise que Keven est avec eux. Il porte le même uniforme dégueu que ses gamins du secondaire. Même sa veste en cuir noir, qui, d'ordinaire, aurait dû faire plus homme, semble le rendre encore plus jeune que ce qu'il parait déjà. Comme un bambin qui se noie dans les vêtements de son vieux.

Je fronce les sourcils et redresse mes lunettes fumées sur mon nez en l'entendant m'appeler son grand frère. Je faillis éclater de rire tellement c'est absurde. Keven est plus vieux que moi de deux ans... mais bon, c'est vrai qu'il se fond facilement dans la masse de la catégorie yunoshesky.

Il est tout mon contraire et c'est bein pour ça que je le support. Pour les gens "normaux", il est grand, mais pour les marqués, il est plutôt banal. Cheveux roux tirant vers un mélange cuivre et de rouille, yeux verdâtre, peau ivoire, mince. Le genre de mec qui plait bien aux nanas et qui en profite jusqu'à ce qu'il s'ennuie à mort.

– Yo, me dit Keven en hochant la tête.

– Tu m'as fait poireauter pendant deux heures, durak, ai-je grogné en sautant au sol, puis en l'attrapant par son t-shirt dégueu.

– Désolé bruder, dit-il en levant ses mains entre nous comme s'il croyait que ça allait me calmer. J'avais oublié que j'avais un entraînement de football.

Il me fait se sourire-là qui fait craquer les meufs, mais qui ne fait qu'accroître ma colère. Je grogne en le foudroyant du regard.

– Wouah, s'exclame un des autres malchik en me palpant indiscrètement et en comparant son maigre bras avec le mien. Ton frère à l'air sacrements fort!

Les deux autres durak hochent vigoureusement la tête avec une expression de fascination qui me donne envie de leur en coller une.

Ils me prennent pour une bête de foire ou quoi! Je sais que je fais le double de leur poids, voir le triple, mais je ne suis pas King Kong!

– Vous voulez mon poing dans la figure, sales deti, ai-je crié en repoussant Keven et le petit comique qui me colle comme une sangsue.

Bizarrement, ils rigolent devant mon agressivité, comme si je n'avais pas réellement envie de leur en coller une. Comme se serait tordant de voir leurs petits visages poupins se faire écraser par mon poing. Il fait exactement la grosseur de leur face de gamin.

– Il paraît que tu es dans la police, dit le plus grand des droits rigolos qui m'arrive à peine à l'épaule.

Je lève un sourcil en jetant un regard vers Keven qui sourit comme à son habitude, comme un nigaud sans cervelle.

Il va voir plus tard celui-là! Il ne sourira plus aussi bêtement lorsque mon poing lui aura raconté ma merveilleuse journée.

J'ignore le gamin et soulève Keven d'un bras. J'ouvre la portière passagère et balance celui-ci sur le siège sous le regard impressionné des trois crétins. Ce n'est pas parce que Keven mesure un mètre quatre-vingts qu'il n'est pas facile à soulever... du moins, pour les gens comme moi. C'est comme si un singe n'était pas capable de soulever une banane. C'est une poche comparaison, mais ça vient à dire que Keven ne pèse pratiquement rien pour moi.

Je ferme la porte, puis contourne ma Lamborghini rouge avant de prendre place devant le volant. Keven crie « à plus, les mecs » avant d'attaché sa ceinture comme si de rien n'était, comme s'il ne venait pas d'être pris comme une marchandise. Une boîte de carton avec un jolie emballage que je venais de récupérer. À l'intérieur, il n'y avait pas grand-chose d'intéressant. Je me contente de supporter le poids.

Je démarre et mets le cap sur mon appartement, à au moins d'une vingtaine de minutes.

– Je ne comprends vraiment pas comment tu fais pour autant aimer le secondaire. Nos années ensemble, c'était correct, mais de là à y retourner en se faisant passer pour un ado, nan.

– Pour les jolies filles, dit Keven en me faisant un clin d'œil.

– Comment ça, pour les filles, ai-je marmonné en me passant une main dans mes cheveux brun ébouriffé dans tous les sens. Tu vas à une école pour mec, je ne vois pas le rapport.

– Peut-être, mais ces gars-là savent comment faire la fête et ils invitent les filles de l'autre école privée... tu devrais venir un de ces quatre.

– Non merci... je préférerais vomir mes tripes... et je sais que tu avais l'intention de me répéter que c'est aussi dans l'une de ses soirées à la noix que t'as rencontré la meuf qui se fiche complètement de toi.

Du coin de l'œil, je vois Keven grimacer et je félicite mentalement cette devushka, un sourire aux lèvres.

– T'es vraiment un sans cœur, bruder.

– Ne m'appelle plus comme ça, ai-je grogné. Nous n'avons aucun lien de parenté.

– Tu préfères que je t'appelle par ton prénom, Yakim.

Cette fois-ci, se fut à mon tour de grimacer.

Le vent fouette nos visages pendant plusieurs minutes de silence.

– Je l'ai vu aujourd'hui, dit Keven dans un murmure qui n'est pas dans son habitude.

Je lui jette un regard en coin. Il a la tête penchée en arrière, coller au dossier et malgré ça, ses cheveux roux partent dans tous les sens, comme les miens, à cause de la vitesse et du vent.

– Qui ça?

Il pousse un soupir avant de me regarder avec lassitude.

– Clara.

– Oh... je vois, dis-je avec un sourire en me demandant ce qu'elle a bien pu faire ou dire pour le rendre tout à coup bougon.

– Elle a encore réussi à choper les enquêtes même si vous avez mis des caméras...

– C'n'est pas bein grave ça, tout a déjà été fait. C'était une perte de temps, la pauvre.

Keven secoue la tête.

– Est-ce que tu sais ce qui me rend encore plus verrückt?

– Non... et de toute manière, je ne m'intéresse pas à ta vie amoureuse déprimante.

Comme si je n'avais que ça à penser.

Quel durak.

Je me gare dans mon stationnement et nous sortons... ou plutôt, je sors et Keven saute.

– Elle m'a refilé la moitié des enquêtes comme si s'était tout à fait banale en disant que nous devrions aller plus vite chacun de son côté! Non mais! J'n'en reviens toujours pas!

– Ça n'sert à rien de toute manière, alors relaxe, dis-je en éclatant de rire devant son expression déprimé.

Il est rarement d'aussi mauvaise humeur pour un truc imbécile comme ça. C'est sans doute l'effet de cette devushka. Elle doit être plutôt bien pour qu'il continue à la voir, surtout si elle est comme je me l'imagine, c'est à dire, une fille qui arrive facilement à tourner les autres en bourrique... j'ai presque envie de la rencontrer. Je secoue la tête avant d'aller déverrouiller la porte de l'appartement, puis de rétracter la toiture de mon char. Faut dire qu'il commence à faire frisquet. Je barre les portes de ma caisse après en avoir fini avec la toiture, puis me dirige vers l'entrée et faillis m'enfarger dans le sac de Keven.

– Tu ne pourrais pas être un peu plus propre et ne pas mettre tes ordures dans mon chemin, dis-je en envoyant son sac vers le couloir d'un petit coup de pied.

– Hey, s'exclame Keven alors qu'il est effondré sur une chaise dans la salle à manger. J'ai des bijoux là-dedans!

Je l'ignore, puis, alors que je nous sers un verre d'eau, une idée de génie me redonne un sourire aux lèvres. Pourquoi ne pas le taquiner un peu par rapport à sa nana?

– Dit, dis-je en me laissant tomber sur la chaise en face de lui, puis en lui donnant son verre. Ta petite chérie, tu as une idée de quel genre de mec elle aime bien?

Keven pousse un soupir avant de lever les yeux vers moi.

– Non... et ce n'est pas comme si elle serait aussi à l'aise de me parler de ça comme avec son amie Maggie.

Je lève un sourcil tout en prenant une gorgée d'eau.

– Je me demande si elle est l'une de ses filles qui disent qu'elles peuvent être amis avec un certain type de mec, mais qu'elles ne sortiraient jamais avec... genre, ceux d'une autre nationalité, des obèses, des maigrichons, des roux, des garçons plus jeunes... ou plus vieux...

– Nous avons que huit ans de différence, ronchonne Keven comme un jeune bambin. Et qu'est-ce que les roux ont à voir avec ça...

Je hausse les épaules, un léger sourire aux lèvres.

– Peut-être qu'elle ne s'intéresse pas aux mecs.

Keven ouvre grand la bouche comme s'il n'avait jamais envisager cette possibilité. Son expression me fait presque étouffer de rire. C'est fou comme il est tordant parfois!

– Tu crois que Clara est amoureuse de son amie Maggie?

Il frissonne comme si cette idée (qui peut bien être probable, vu le nombre d'amis que Keven m'a dit qu'elle a, donc très peu, comme moi, d'ailleurs) lui paraissait dégoûtante.

– Je ne sais pas pourquoi, mais mon cerveau me dit que c'est impossible... enfin... je ne les vois pas du tout ensemble...

– J'ai juste dit ça comme ça, ne te prends pas la tête pour quelques choses de trop complexe pour ton minuscule cerveau.

Keven me lance un regard noir, comprenant enfin que je l'ai mené en bateau.

– Enfin brefs, dis-je en me levant en calant mon verre d'eau, tout en essayant de réprimer mon sourire victorieux. Si cette devushka... Clara, c'est ça? Si elle arrive à prendre encore les dossiers sans être vu par les caméras, c'est parce qu'elle utilise peut-être involontairement son pouvoir d'invisibilité. Il me semble que c'est le premier pouvoir des Invis... du moins, si leur capacité ne se limite pas qu'à ça.

– Ils ne seraient pas les plus puissants si leurs pouvoirs ne se limitaient qu'à disparaitre.

– Ils sont au sommet de la hiérarchie des marqués parce qu'ils sont très peu, pas nécessairement parce qu'ils sont les plus puissants.

– Nous verrons jusqu'où s'étant les pouvoirs de Clara, dit Keven en haussant les épaules.

– Ça c'est si elle t'en parle, dis-je avec un sourire mesquin. Et puis, c'est sûr que je battrais facilement ton petit chou à la crème. Les Forès sont les plus forts.

– Mais aussi les plus idiot et les plus susceptibles, dit Keven alors que je le foudroie du regard, ce qui le fait légèrement reculer. Les Intès sont les plus intelligents et les Vités, les plus rapides. Si un Intès a une bonne stratégie, il pourrait battre un Forès, de même qu'un Vités peut être tellement rapide qu'un Forès n'aurait même pas le temps de donner un seul coup de poing.

Je grogne car je sais qu'il a raison, mais je ne veux en aucun cas l'admettre... mais tant que ça petite copine n'aurait pas développé autres choses que l'invisibilité, je serais porté à croire que c'est seulement pour leur rareté que les Invis se retrouvent au sommet.


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