Je m'étire en grognant, puis je me frotte les yeux avec rage. Je regarde mon cadrant en grognant encore. Six heures et vingt. Je me lève en soupirant et me traîne jusqu'à la salle de bain, mes vêtements pour la journée en main. Ça fait déjà trois jours que Yakim est partie... trois jours que je dors horriblement mal... trois jours...
Je me frotte de nouveau les yeux, puis porte mon regard vers le petit miroir au-dessus du l'évier.
Horrible. J'ai une horrible mine. Tel un zombie qui vient de sortir de terre dont les cheveux secs se dresse comme si un éclair lui avait traversé le corps... aussi peu ragoutant qu'une touffe de poussière.
Mon teint, d'ordinaire basané et mât, est maintenant d'une monstrueuse blancheur aux reflets olive et bleu. De vilaines cernes rendent mon visage encore plus médiocre que d'habitude. Mes yeux semblent avoir perdu de leur éclat naturel, ressemblant à un océan terni par la pollution. Mes cheveux bleus court et bouclés sont gras et gonflés au point de ressembler à un ballon de baudruche. Statistique y compris.
Aya aurait eu honte d'être vu avec moi en cette instant... moi-même qui, d'ordinaire, ne me préoccupe pas de l'avis des autres, j'aurais eu honte de me présenter ainsi devant mes colocs... surtout Yakim et Keven... même si je sais qu'ils se fichent complètement de quoi j'ai l'air.
Une bonne douche me fera du bien.
J'en prends une inhabituellement longue sous l'eau brûlante, réveillant ainsi mon esprit... dégageant celui-ci de toute inutilité... le mettant au point.
Je sors, une quarantaine de minutes plus tard, bien rafraîchie (autant corporelle que mental).
Je ne vais quand même pas m'apitoyer plus longtemps sur des pacotilles idiotes. J'ai bien mieux à faire. Comme trouver une bonne fois pour toute celui ou celle qui s'en prend à mon entourage. Ce qui m'intrigue surtout, c'est connaître le pourquoi. Pourquoi il ou elle fait ça? Pourquoi moi? Est-ce qu'il ou qu'elle manigance tout ça seul ou ils sont plusieurs?
Je secoue la tête, chassant bien vite toutes ces questions pour me concentrer sur mon unique but. Tuer le tueur. Peu importe si je me retrouve pour de bon dans une geôle. Ça vaudra bien la peine. Et puis, si lui, elle ou moi doit mourir, je préfère évidemment le ou la tuée avant qu'il ou qu'elle me prenne par surprise.
En plus, j'ignore ce que cette personne cherche à faire, ce qu'elle veut... mais une chose est sûre, je ne souhaite la mort de personnes... à l'exception d'elle, de lui ou d'eux.
Je me traine or de la salle de bain, puis vers la salle à manger alors que Ruslan est en train de préparer ces céréales.
– Ça va, me demande-t-il en prenant une bouchée pleine en fronçant les sourcils.
Je hoche faiblement la tête en me laissant tomber sur la chaise face à lui.
– Ouais...
Il lève un sourcil avant de faire un coup de tête vers le réfrigérateur.
– Il te reste du... smoothie aux fruits, je crois.
– Hmmm...
Je reste là, perdu dans mes pensées, essayant de trouver une tactique pour tirer les vers du nez de Cédrick Valier une fois pour toute.
– Est-ce que tu connais Cédrick Valier, ai-je demandé à Ruslan en me levant pour aller chercher le reste de smoothie.
Celui-ci lève les yeux vers moi comme si je venais de poser une question idiote.
Bein quoi? Ce n'est pas parce qu'ils sont tous les deux des Forès qu'ils se connaissent.
– Cédrick! Évidemment que je le connais! Il est le père du meilleur ami de Yak!
Je le regarde un moment, surprise par cette nouvelle information.
Comment se fait-il que le monde soit si petit. Et puis quoi! Demain, je vais apprendre que quelqu'un dans mon entourage connait le visage de l'assassin, sans même le savoir!
Et si je demande l'aide de Yakim, peut-être que je pourrais en apprendre plus?
Mais... il ne m'apprécie pas... il ne m'aidera donc pas...
Je pousse un soupir avant de boire en quelques gorgées le smoothie. Keven, Mya et Pavel arrivent dans la cuisine d'un pas traînant, encore à moitié endormi.
– Je n'irai pas au bahut en avant-midi, dis-je en mettant le verre et le couvercle (qui est sur le dessus du verre avant que je le prenne) dans l'évier.
Les trois se laissent tomber sur les chaises libres avec une demi-conscience.
– Hmmm, font-ils sans poser de question.
Sans attendre, je me dirige vers ma chambre. En prenant mon coat et ma veste de cuir, mon portefeuille et mes clés, je me demande un instant si j'appelais Valier ou si j'allais fouiner incognito en sachant que les dossiers concernant ma famille et les meurtres dernièrement se trouvent probablement au plus grand poste de la ville... et aussi, le plus difficile à trouver les dossiers. Je décide de d'abord tester l'appel, même s'il y avait peu de probabilité qu'il me divulgue quelque chose.
Je sors rapidement de l'appart en composant le numéro du policier que j'avais enregistré à sa demande au cas où j'aurais besoin de le rappeler... ou lui. Je monte sur ma moto après avoir sorti mon casque du siège alors que la sonnerie retentie une fois, deux fois, trois fois. Alors que le répondeur va embarquer, Cédrick Valier répond avec un soupir las.
– Oui...
Je reste un moment silencieuse, ne sachant pas par où commencer pour l'emmener à me divulguer certaines informations top secret qu'il possède.
– Euh... est-ce que Yakim va bien, ai-je maladroitement bredouillé, alors que j'ignore s'il sait quelque chose par rapport à lui.
Il y eut un autre moment de silence, comme s'il ne savait pas s'il devait ou pouvait me fournir une réponse.
– Il va bien... enfin... aussi bien qu'il peut aller en ce moment. Est-ce que... est-ce qu'il t'a dit qu'il recevait des messages de menace... en ce qui te concernait?
J'ouvre la bouche, mais rien ne sort. Pourquoi ne m'en a-t-il jamais parlé? Il ne semble pourtant pas le moins du monde inquiet.
– Je lui ai pourtant montré que je recevais des menaces via un type anonyme que je n'ai pas réussi à retracer. Il n'en a jamais dit un mot...
– Je vois... même la police n'a pas réussi à remonter jusqu'à celui ou celle qui l'envoyait.
Il eut un temps d'arrêt, comme s'il hésitait à continuer la conversation.
– Où es-tu en ce moment?
– Euh... et bien... devant l'appartement de Yakim...
Je me demande s'il lui a dit que nous habitons ensemble...
– Tu m'appelles pour savoir comment ça l'avance, n'est pas?
– Euh...
Mince! Il m'a pris au dépourvu!
– Si c'est le cas... et bien... normalement, je ne devrais rien te divulguer... mais... vient à mon bureau et nous pourrons peut-être en discuter.
Je cligne plusieurs fois des yeux. Aussi simple que ça? A-t-il une autre intention? Me passer de nouveau un long questionnaire par rapport aux victimes et ma relation avec ceux-ci?
Sans doute... je ne vois pas d'autre explication...
– D'accord...
– Souviens toi, au plus grand poste... demande à me voir.
– Très bien... à tout à l'heure...
Il raccroche dans me saluer. Je pousse un soupir, puis je range mon cellulaire dans la poche de mon coat. Je mets mon casque avant de démarrer ma bécane. Zigzagant à travers les rues... et les chauffeurs rageurs, je me retrouve une vingtaine de minutes plus tard devant le poste de police. Je me stationne près de l'entrée principale, puis je débarque et range mon casque. Je prends une grande respiration avant de marcher rapidement vers l'entrée.
Max, un agent de police que je vois couramment lorsque je passe dans le coin, se tient justement devant le large comptoir. Il a les yeux rivés sur l'écran d'ordinateur qu'il a l'habitude d'utiliser en toute circonstance. Des piles de papier traînent un peu partout devant lui.
Je marche à pas feutrer vers lui, un sourire malicieux aux lèvres. Je le fixe un moment, puis m'assois sur le comptoir avant de pousser un cri juste à côté de son oreille. Max sursaute tellement qu'il tombe en bas de sa chaise.
– Clara, s'exclame-t-il, une main sur le cœur, tout en se levant alors que je me tords de rire. Ne me fait pas une telle frayeur! J'ai cru qu'une Banshee était dans le coin et que c'était mon arrêt de mort!
– Désolé, désolé, dis-je en retenant difficilement mon sourire.
– Je ne veux pas mourir à quarante ans!
– D'accord Max. Je ne le referais plus.
Il me regarde en plissant les yeux.
– On n'est jamais sûr avec toi.
Il prend une grande inspiration en essayant de reprendre un rythme normal.
– Pourquoi es-tu ici cette fois-ci? Tu as frappé un professeur?
Il fait un geste de la main vers l'uniforme que je porte sous mon coat et ma veste. Je fais semblant de réfléchir avant de le regarder avec un sourire en coin tout en plissant les yeux d'un air moqueur.
– Pas à ma connaissance, mais c'est une bonne idée de mauvais coup.
Max lève les yeux au ciel en ne s'attardant pas sur mon jeu de mot... ou si, mais il ne l'a pas aimé.
– Qu'es-tu venu faire ici, sinon?
Je hausse vaguement les épaules.
– Je viens voir Cédrick Valier, dis-je en descendant du comptoir. Où est son bureau déjà?
– Deuxième porte à gauche, dit Max d'un ton bourru en faisant un geste vers le couloir derrière lui, à quelques pas du comptoir.
– Merci, dis-je en marchant rapidement vers la pièce qu'il m'a indiqué alors qu'il reprend sa place.
Je cogne à la porte en question et quelqu'un vient m'ouvrir... et ce n'est pas la personne que je n'attendais à voir. Il m'observe un instant avant de tourner les talons pour aller s'asseoir sur l'une des chaises face au bureau de Valier. Celui-ci me fait signe d'entrer et je m'y aventure avec une certaine méfiance.
– Ferme la porte, tu veux, dit le policier et représentant des Forès en me regardant dans les yeux. Notre conversation ne doit pas être entendu par n'importe qui.
Je pince les lèvres en hésitant, mais je finis par faire ce qu'il me demande. Je n'ai pas trop le choix si je veux des informations.
– Pourquoi est-il ici, dis-je en me rapprochant des deux hommes.
– Ça le concerne aussi... enfin... en partie...
– Hmmm, ai-je fait en fronçant les sourcils, puis en soupirant tout en me laissant tomber sur la deuxième chaise.
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