Chapitre 24 Clara

Je ne cogne pas à la porte et entre comme si j'étais chez moi dans cette école froide. À mon entrer, tous les regards curieux se tournent vers moi et même le professeur semble surpris de me voir apparaître dans son local.

– Vous êtes, me demande l'homme trapue en me regardant par en dessous tout en clignant plusieurs fois des yeux.

– Clara Lynch. Je suis nouvelle dans cette classe.

L'homme, à la peau sombre et aux yeux pétillants ouvre grand la bouche, comme si mon apparence ne concordait pas avec la nouvelle qu'il s'attendait à accueillir. Je lève un sourcil alors qu'il se reprend rapidement de sa surprise.

– Professeur Harun Oumar, dit-il en me tendant la main. Appelle-moi comme tu veux.

Je secoue sa main un court instant avant de regarder l'ensemble de la classe. Tous semblent me regarder comme si je venais d'une autre planète. Seulement deux de la trentaine d'élèves m'ignorent... deux marqués, dont une jolie noire de grande taille qui a teint ses cheveux en blond sablé et un gars moyen, avec des cheveux noirs aux reflets aussi violet que ses yeux verts en ont des oranges. La première est une Éraus, dû à la lumière bleu clair dans ses yeux noirs et le second, un Odos. Tous deux se tiennent dans un coin du fond où les autres semblent ne pas vouloir les approcher. Tous les bureaux autour d'eux sont aussi vide que les autres places sont bondées. Je me dirige donc vers le duo qui se fiche de moi. Lorsque je me laisse tomber à côté d'eux, les autres détournent le regard comme si j'étais maintenant intoxiqué par la présence des deux autres près de moi. Ceux-ci me font un signe de tête avant de se présenter.

– Edwin Smith, dit le mec juste à côté de moi avant de faire un coup de tête vers la nana à côté de lui.

– Salimata Raïsa, dit-elle avec un accent.

– Jolie nom, dis-je simplement en les regardant tour à tour.

Edwin a les oreilles percées de multiples anneaux, tandis que Salimata a un petit diamant au nez, de grosse boucle d'oreille d'un bleue cristal et d'une paire plus petite. Ses lèvres sont d'un rouge flamboyant alors qu'Edwin s'est mis des traits de khôl qui font encore plus ressortir la pâleur de sa peau et la beauté de ses yeux à long cils.

À ma grande surprise, Edwin me force à changer de place avec lui pour que je sois entre les deux à la grande consternation de notre voisin de bureau.

– Tu fais partie des rebelles maintenant, dit le gars en passant un bras sur mes épaules. Pas vrai Sali?

Celle-ci se contente d'hausser les épaules avant de m'observer de la tête aux pieds.

– C'est Clara Lynch, dit Edwin à son amie comme si mon nom voulait dire plus qu'un simple nom. C'est sûr qu'elle doit être avec nous.

Salimata hausse de nouveau les épaules. Ça se voit bien qu'elle n'en a rien à battre que je sois là ou pas. Ce simple fait me fait l'apprécie.

– On nous surnomme les détraqueurs, continue-t-il, les yeux pétillants de malice. Même les profs n'ose pas nous embêter parce que nous sommes des évincés.

Je lève un sourcil à la mention de ce dernier mot.

– Enfin... pas vraiment nous, mes nos parents l'ont été avant de crever comme des mouchards imbéciles. Faut pas chercher des noises au gouvernement... sinon.

Il fait un geste de la main vers son cou, le signe indiquant une mort certaine.

– Moi pis Sali, on s'est rencontré chez des malfaiteurs qui ont accepté nos vies de pauvres. Ils semblent cons par moment, mais une fois accepté dans le lot, on est comme une grande famille.

– Ta gueule, Edwin, grogne Salimata en lui lançant un regard noir. Elle s'en fiche de notre vie de merde.

– La mienne est pareil, dis-je en haussant les épaules tout en écoutant à moitié le prof parler de formule logarithmique.

– Elle comprend Sali, ajoute Edwin avec un hochement de tête.

Celle-ci se contente d'un signe de main pour qu'il se la boucle, mais ça n'empêche pas mon voisin de bureau de me parler de chaque élève de la classe pendant tout le long du cours, alors que je chasse son bras mince de mes épaules.

D'ailleurs, lorsqu'Edwin me vole mon horaire, il se met à le comparer avec le sien et me dit que j'ai pratiquement le même que Salimata et lui.

Après les deux cours ennuyeux du matin, nous nous dirigeons tous les trois vers la cafète qui fait pratiquement le double de mon ancien établissement. Tout au long de notre parcours dans les couloirs, Edwin m'explique tout ce que je dois savoir sur le lycée selon lui, y compris chaque élève qu'il salue sans rien recevoir en retour. Salimata reste silencieuse. Le seul commentaire qu'elle a passé est qu'Edwin parle assez pour eux deux.

– Tu veux bouffer avec nous, me demande Edwin en remettant son bras sur mes épaules bien que ça le fait marché de travers, vu qu'il est plus petit que moi de plusieurs centimètres, que je chasse de nouveau.

– Une prochaine fois, peut-être, dis-je en me dégagent de lui. Je dois retrouver une amie.

Edwin me regarde un instant, surpris et curieux alors que nous pénétrons dans la vaste pièce qui sert de salle à manger étudiant. Je lui tapote l'épaule alors que Mya court vers moi en regardant d'un œil mauvais les deux qui m'accompagnent. Elle me tire sans ménagement avec elle vers une table alors que je salue de la main mes deux nouveaux potes. Edwin me fait un petit sourire avant de se diriger à la suite de Salimata qui vient de prendre place à l'une des tables du fond.

– Tu ne devrais pas trainer avec eux, me gronde Mya en les regardant. Ils ont mauvaise réputation.

J'eus un sourire ironique en entendant ses mots.

– Et alors, moi aussi, je jouis d'une mauvaise réputation.

– Peut-être, mais pas ici.

Je hausse les épaules avant de jeter un regard vers ceux-ci. Edwin me fait un petit coucou quand nos regards se croisent.

– Ils sont cools. Moi je les aime bien.

– Cool, dit Mya avec un brin de dédain en levant les yeux au ciel. De vrais störenfried oui.

Je lève un sourcil, mais elle ne me fait pas la traduction.

– Aller vient, dit-elle en me poussant à côté de Liam sans que je puisse lui préciser qu'Edwin et Salimata sont des marqués. Mange.

Elle me force presque à manger mon lunch alors que je me demande s'il n'avait pas eu une histoire quelconque entre eux trois.

† † †

– Clara, s'exclame Maggie en me serrant dans ses bras, à ma grande surprise. Tu vas bien! Heureusement!

Elle se dégage rapidement et prend un moment pour me regarder avant de faire claquer sa langue en signe de désapprobation.

– C'est quoi se style répugnant! Ça ne te ressemble tellement pas! J'ai d'abord cru que quelqu'un avait volé ta moto quand t'es arrivée!

Elle plisse les yeux et me regarde avec reproche.

– D'ailleurs, pourquoi tu n'es pas venu chez moi! Ça n'aurait pas déranger mes parents, ils t'adorent! Et tout ce temps sans te voir, c'est long! Où est-ce que tu vis maintenant?

Je la regarde avec un léger sourire tout en lui tapotant doucement l'épaule.

– Désolé de ne pas t'avoir donner des nouvelles plus tôt. J'habite chez un ami à Keven, tu sais, celui qu'il nous avait déjà parlé, Yakim Cohen.

Je ne sais pas pourquoi, mais je me plais à répéter son nom, presque comme si elle dégageait quelque chose de magique chaque fois que je le prononçais.

– Ah, a-t-elle fait en fronçant légèrement ses sourcils et en pinçant les lèvres. Le policier... c'est ça?

– Yep, ai-je répondu en essayant de comprendre son expression sans y parvenir. Keven et sa sœur vivent là, eux aussi. Elle peut être sympa, Mya. Enfin... normalement. D'ailleurs, je pense que tu l'aimerais bien. Elle ne se gêne pas pour dire le fond de sa pensée.

Maggie semble perdu dans les siennes, le regard rivé sur le sol gris près de ma bécane. Je prends le casque bleu et le lui tends.

– On y va?

Elle hoche la tête et monte à ma suite après que j'aille mis mon propre casque et ranger nos sacs. Nous roulons jusque chez Kat, le brouhaha de la circulation résonnant dans nos oreilles comme des insectes battant frénétiquement de leurs ailes. Maggie va ouvrir la porte sans y avoir cogner, comme elle a l'habitude de faire et moi je cogne quelques coups avant d'entrer et de la refermée. Nous retrouvons Kat confortablement installé dans son salon, travaillant sans doute sur des documents du Conseil, à en croire toutes les piles de feuilles amoncelées sur la table basse. Elle a une tasse à la main qui penche dangereusement vers ses habits chiques. D'ordinaire, elle ne l'aurait pas tenu ainsi. Ça ne pouvait signifier qu'une chose. Notre chère Kat est perturbée.

Une assiette de biscuits au beurre d'arachide et aux pépites de chocolat est parfaitement placé au centre de la table, les piles de papier la camouflant presque.

– Qu'est-ce que c'est, tous ces documents, lui ai-je demandé alors que Maggie et moi, nous nous asseyons sur le divan en face d'elle.

– Se sont des dossiers concernant tous les marqués et les démarqués de notre ville. Je dois les classés par clan, mais j'ignore qui va où. Normalement, c'est Pamela qui s'en charge, mais elle a eu un imprévu, alors je lui ai dit que tu pourrais m'aider à les reclasser.

Je fronce les sourcils. Ils devaient déjà être classés pourtant.

– N'étaient-ce pas déjà classés dans les archives du Conseil?

– Si, me répond Kat en poussant un soupire. Ils auraient dû l'être... Cependant, nous avons découvert ressèment que la salle d'entreposage avait été saccager... ce qui est très inhabituel et inquiétant en sachant que peu de gens y ont accès... c'est pourquoi il faut reclasser tous ces papiers. Nous connaissons le nombre exact qu'il devrait avoir, mais comme je ne connaissais pas tout le monde, c'est décourageant. Et puis, comme ça, s'il manque un dossier, nous le saurons, que ce soit des marqués ou des démarqués.

Est-ce un coup des démarqués? Je ne vois pas comment ils auraient pu savoir... Comme l'a dit Kat, peu de marqué y ont accès, dont le Conseil (évidemment), les espions de ceux-ci (ce qui veut dire Keven et ses collègues) et dans de rare cas, d'autres marqués. Même moi, j'ignore où les archives se trouvent. Tout ce que je sais, c'est qu'ils contiennent tous les informations légaux ou illégaux sur la population de notre ville, comme dans chaque ville. Ça l'englobe tous les marqués, les démarqués, les hybrides, les êtres mythiques et les humains bein normaux. À chaque naissance, des dossiers sont ajoutés aux restes dans chaque catégorie. À ma connaissance, nous sommes aux alentours de dix mille habitants.

– Et bien... je suis contente de pouvoir t'aider.

– Vraiment! Merci!

Kat se lève lentement après avoir mis sa tasse sur un coin de table, puis se tourne vers moi avec un sourire fatigué.

– Tu peux commencer. J'ai déjà fait une bonne partie des Intès vu que je les connais bien. Je vais vous préparer du thé.

– Je ne serai pas d'une grande aide alors, marmonne Maggie en fermant les yeux alors que Kat sort de la pièce.

La couleur des paillettes, j'arrive à les voir même sur des photos. Je les classe rapidement, comme si j'avais fait ça toute ma vie. Je viens de classer les dernières piles de papier quand Kat revient avec deux tasses de tisane brûlante.

– Tu as déjà terminé, dit-elle, surprise par ma rapidité alors qu'elle met les tasses face à Maggie et moi.

– Oui, ce n'était pas bien compliqué, lui ai-je répondu en glissant le tout dans les grandes enveloppes beiges.

Kat s'assoit alors que Maggie et moi prenons une gorgée de notre breuvage... gingembre et pêche.

– J'ai... hmm... appris... pour les deux policiers qui s'occupait de ta sœur et toi... je suis vraiment désolée...

– Ce n'est rien, dis-je avec un sourire triste.

Il eut un court silence avant que Kat ne reprennent la parole.

– Où vis-tu maintenant?

– Chez un ami de Keven qui est aussi un marqué... Ce n'est pas très loin d'ici. Entre dix et quinze minutes, je dirais.

Kat prend une gorgée de son thé alors que Maggie grignote l'un des biscuits au beurre de cacahuète et chocolat.

– Tout ça a dû profondément affecter ta sœur, j'imagine.

Je pince les lèvres alors qu'une boule de forme dans mon ventre. Pourquoi la conversation doit se diriger sur une route plein de bombe à retardement?

– Plus ou moins, dis-je en baissant les yeux vers ma tasse chaude. Elle semblait plus effrayer pendant un moment, puis après, froide et distante.

– Semblait, me demande Kat en fronçant les sourcils alors que ses deux mains ridées encerclent sa tasse.

Voyant que je ne dis rien, Maggie lui explique à ma place.

– Aya est portée disparue depuis presque deux semaine. La police la recherche toujours, je crois. Ce qui est étrange, en revanche, c'est que Jake Renzer est lui aussi porté disparu depuis le même jour.

Je fronçais les sourcils en entendant le nom de l'ex à Aya. Lui aussi? Je sais qu'il est porté disparu, mais le même jour, non. Maggie me jette un coup d'œil avant d'ajouter :

– Peut être que tout ça à un lien avec ta famille, Clara.

Je secoue la tête.

– Mais pour quelle raison, si se serait le cas? Ça ne peut pas être une chicane de longue date, sinon ses parents seraient aussi dans le coup. Il n'aurait pas besoin de se cacher.

Je secoue de nouveau la tête. Il n'y a rien de logique à tout ça.

– Il y a quelque chose qui cloche... Peut-être qu'il est seulement utilisé pour brouiller la piste vers le vrai assassin.

– C'est frustrant, approuve Maggie. Et imagine qu'il est plus près qu'on le pense!

Cette idée me fait frissonner de dégoût.

Qui pourrait bien en vouloir autant à ma famille? Quelqu'un que mon père ou ma mère connaissaient? Quelqu'un que mes grands-parents connaissaient? Tant de questions sans réponses. Tout c'est réellement agacent, mais je ne peux pas faire grand-chose à l'exception de me cacher, puis de sortir au bon moment pour trucider une bonne fois pour toute ce maudit criminel!

À moins que je m'arrange pour tirer les vers du nez de Cédrick Valier, le policier et marqué qui travaille dorénavant sur le dossier de ma famille... et après, je demande à Yakim (pour qu'il donne la trouille aux gens qui veulent s'interposer devant moi) et Keven, s'il veut bien enquêter là-dessus.

– Il n'y a rien de nouveau concernant tes pouvoirs, me demande Maggie en finissant son biscuit pour prendre une gorgée de tisane.

– Pas dans l'immédiat, mais la secrétaire de ma nouvelle école est une Invis, Luciana Worguing. Elle voit les marqués par les yeux, comme moi, et elle m'a dit qu'il y avait une possibilité pour que je puisse voir les auras, comme elle.

– Les auras, marmonne Kat avec une mine inquiète qu'elle dissimule aussitôt.

– Oui, elle dit que c'est un peu comme voir la quantité de bien et de mal chez une personne, je crois. La mienne semblerait devenir de plus en plus sombre.

– Oh, fait Maggie en me souriant, les yeux brillants. C'est chouette ça! Enfin... je ne parle pas de ton aura...

– Je sais, dis-je avec un petit sourire. D'ailleurs, Mya, la sœur de Keven, a un ami Invis aussi. J'aurais qu'à le questionné sur ses capacités.

– C'est bien, dit Kat avec un sourire triste tout en prenant une nouvelle gorgée de sa tisane. Je me souviens que Marc et moi aimions pousser notre intelligence au maximum... nous lançant toujours des défis.

– Grand-papa me manque, dit Maggie avec des larmes dans les yeux.

– À moi aussi, ma chérie.

– C'est difficile d'oublier, hein, dis-je avec une boule dans la gorge et la rage dans le cœur en pensant à ma famille. D'oublier qu'ils n'auraient jamais dû mourir.

– C'est toujours dur de perdre un être cher, souffle Maggie en reniflant, les yeux baignés de larmes. Surtout quand nous avions une certaine complicité avec cette personne.

Nous restons un moment en silence, perdu dans nos songes et le cœur lourd à s'en arracher pour nous soulager.

– Je trouverai l'assassin de ma famille et je le ferais bouffer ses entrailles, dis-je avec rage en serrant la tasse de thé à rendre mes phalanges blanches.

– Nous sommes de tout cœur avec toi, hoquète Maggie en reniflant de nouveau. J'espère seulement que l'assassin ne te tuera pas, toi aussi...

– T'inquiète, dis-je en sentant une étrange force et une confiance en mes capacités me gagné. Je peux avoir une double protection.


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