Chapitre 21 Clara
Je me redresse sur le sofa, le souffle court, une moiteur désagréable sur le corps, mes vêtements de la veille coller contre ma peau. Je sens toujours la sensation de leur présence malgré le fait que je sais pertinemment que ce n'est qu'un rêve. Pourtant, ils semblent réellement fait d'os et de chaire lorsque je les avais serrés dans mes bras. Mes parents. Ils me manquent tellement que j'en ai mal, comme si une main invisible me serrait le cœur avec une force surhumaine. Je secoue la tête alors que les souvenirs de mon rêve s'estompent douloureusement. Je pousse un soupir, puis étire mes muscles endoloris tout en regardant l'horloge accrochée au mur, en face du sofa, juste au-dessus de la télévision.
Il est seulement sept heures...
Les autres ne se lèveront pas avant un petit bout de temps.
J'en profite donc pour aller me rafraîchir sous une bonne douche froide, mais avant de me précipiter pour enlever toute la crasse sur mon corps, je vais me chercher des vêtements propres (un t-shirt bleu et blanc avec un short de sport), une serviette et mes savons.
Ça m'aurait étonné que la sœur de Keven me permette de lui emprunter ses affaires.
J'aime bien son côté suspicieux. Comme moi, elle ne donne pas sa confiance au premier venu.
Je me serais posée des questions si s'avait été le cas. Je n'aime pas les filles sottes et simplettes. On dirait seulement qu'elles cachent leurs jeux. Qu'en secret, elles sont complètement différentes.
J'en sais quelque chose. Les seules amies que j'ai eu, lorsque j'avais dix ans, m'en ont laissé, des marques profondes.
Après une douche rapide et efficace, je vais dans la cuisine pour voir si je peux me confectionner un smoothie. Je farfouille un peu et déniche des framboises et des fraises presque sur le point d'être immangeable. Je m'empare du yogourt et regarde la date. C'est limite aujourd'hui...
Alors que je fais cuir des crêpes (avec du lait d'amande) et que je viens de partir le mélangeur pour le smoothie, Yakim entre dans la pièce. Ses cheveux ébouriffés en épi de maïs lui donnent un certain style, ajoutant une touche sauvage à son apparence déjà imposante.
Il sursaute en me voyant, me fixe un moment, comme il l'a fait, hier soir, avant de cligner plusieurs fois des yeux, puis de reprendre une expression indescriptible.
– Salut, dis-je par-dessus le bruit en tentant un sourire maladroit.
Il marmonne quelque chose en se dirigeant vers le réfrigérateur pour y prendre ce qui me semble être une pâte d'amande fourré à la crème de je ne sais pas quoi.
– Tu es un lève tôt, dit donc, dis-je en voyant sur le four qu'il est presque huit heures.
Yakim plisse les yeux en me regardant, comme s'il trouvait mon commentaire ridicule. En y pensant, ça l'est, d'une certaine manière.
Pendant une fraction de seconde, le perçant de ses yeux bruns à la lumière rouge me fait frissonner, mais je réprime rapidement les sentiments qui gonflent dans ma poitrine. Il marche doucement vers moi et pendant une fraction de seconde, je retiens mon souffle... mais c'est pour retourner la crêpe qui est sur le point de brûler, dû à mon inattention.
Je l'observe du coin de l'œil tout en surveillant le smoothie qui tire enfin sur un joli rose. Il n'est d'ordinaire pas un type très bavard, mais je le sens différent aujourd'hui, comme s'il se tenait devant moi à contre cœur. Une certaine rage monte en moi pour aucune bonne raison. Yakim a le droit de ne pas m'apprécier, même si moi, j'ai cette envie d'apprendre à le connaître.
Je vais devenir folle si ce silence pesant persiste entre nous!
– Pour quelle raison es-tu devenue policier, lui ai-je demandé car c'est la première chose qui m'est venu à l'esprit. La majorité des Forès sont des atlètes, non?
Yakim m'observe un moment et je me demande ce qui peut bien se passer dans sa tête... vu que je n'arrive pas à comprendre son expression.
Nous nous observons pendant ce qui me parait une éternité, puis il détourne ses yeux troublants et enlève la crêpe pour la mettre dans l'assiette à côté de lui, sur le comptoir. Il remet du mélange, comme s'il faisait exprès de me faire languir avant d'enfin dire quelque chose.
– Je n'étais pas fait pour être une star de foot, dit Yakim en haussant ses larges épaules.
Je garde le silence, mais il semble avoir fini de parler.
– Pourquoi ça, dis-je, incrédule, en fronçant les sourcils.
– Je n'aime pas avoir l'attention sur moi, dit-il en passant une main dans ses cheveux brun.
– Ah, dis-je en détournant les yeux.
– Et puis, continue-t-il en me jetant un regard. Être un agent est plus utile à la société que d'être un sportif reconnu.
– Je vois, dis-je avec un léger sourire. Je pense pareil, même si j'aime bien le sport.
Yakim se contente d'hocher la tête.
Lorsque le smoothie est prêt, je chasse Yakim de la cuisine en lui disant que je prends la relève pour faire cuire les crêpes suivantes. Il ne passe aucun commentaire et me dit simplement qu'il va se laver... même s'il sent déjà irrésistiblement bon. Une odeur virile, mais subtile.
Je comprends un peu pourquoi il dit détester l'attention. Il doit couramment être aborder par les nanas. Mais... d'un côté, je les comprends aussi, il ne manque pas de charme.
L'image d'une fleur odorante entouré d'insectes me vient à l'esprit, mais je chasse bien vite cette comparaison. Yakim n'est clairement pas une fleur. C'est trop fragile d'apparence.
Je secoue la tête pour chasser mon soudain besoin de comparaison.
† † †
Keven et sa sœur arrivent vers neuf heures dans la salle à manger alors que je lave les assiettes sales que Yakim et moi avons utilisé (le déjeuner a été très long sans aucune discussion... ce qui confirme ma première pensée... il n'ait pas bavard du tout). Yakim est justement assis, le regard fixé sur son téléphone, alors que les deux autres prennent place à la table. La sœur de Keven se laisse tomber en face de Yakim et le fixe comme s'il était la plus belle œuvre d'art du monde. Keven, au contraire de sa sœur, plonge immédiatement sa main dans le tas de crêpes qui sont restées sur la table. Il l'engouffre comme s'il n'avait jamais mangé de sa vie.
– Keven, dis-je avec un rictus en le voyant faire.
– Ouais, dit-il la bouche pleine alors que sa sœur lui fait des gros yeux devant ses manières à désirer.
Moi, je m'en fiche un peu, mais bon.
– Par rapport à hier, je crois qu'il faudrait que je change de look, mais aussi d'établissement. Tu pourrais m'aider pour le dernier?
– Pourquoi, dit soudainement la copie conforme de mon ami en me lançant un regard suspect.
Je hausse les épaules. N'est-elle pas au courant?
– Bein, pour brouiller les pistes de l'assassin.
Ses yeux verts à la lumière jaune s'agrandissent de surprise et de peur. Elle n'est donc pas au courant...
– Der Mörder, s'exclame-t-elle en me regardant comme si je n'étais qu'une folle. Quel assassin!
– Bein, l'assassin de ma famille, dis-je en haussant de nouveau les épaules. J'ai cru que Yakim t'en aurait parler, hier soir.
Celui-ci lève les yeux en entendant son prénom. Il porte son regard déstabilisant sur moi en plissant légèrement les yeux.
– Ce n'était pas à moi de le dire, que je sache.
Je hoche la tête avec un sourire vacillant. Ignorant ma tentative, comme toutes les autres fois, il ne me le rend pas, se contentant de reporter son attention sur son téléphone. À ma grande surprise, l'expression de la p'tite rousse change légèrement. L'agacement et un peu de compassion traversent ses yeux apeurés.
– Notre père a disparu il y a plus de six mois, dit-elle en se prenant une crêpe avant que Keven les engouffre toutes en quelques bouchés. Depuis, nous vivons ici.
Elle me regarde de la tête aux pieds, me jugeant du regard. Lorsqu'elle plonge ses yeux verts au jaune fluorescent dans les miens, son regard semble s'attendrir.
– Désolé pour hier, j'ai été rude. Moi, c'est Mya, la sœur de Keven... et la copine de Yak.
Je lève un sourcil alors que Yakim la foudroie du regard tout en grognant.
– Arrêt ton cinéma.
- Mais!
– Net. Nous ne sommes pas ensemble et nous ne le serons jamais.
Mya fait une baboune qui me met un sourire aux lèvres. Alors comme ça, elle s'est amourachée de lui.
D'un côté, je la comprends.
– En tout cas, dis-je en attirant l'attention de Mya sur moi. Je me fiche pas mal de la manière dont tu me traites. Tu ne sais rien de moi, donc c'est normal d'être méfiante et de me trouver chelou. Surtout si je me mettais à tourner autour des choses que tu veux posséder, pas vrai. D'ailleurs, je pourrais bien, rien que pour t'envoyer la pareille.
Je lui fais un clin d'œil alors que Mya me regarde, surprise, et que les gars lèvent les yeux au ciel. Je m'approche de Yakim et lui fait un rapide bisous sur le front qui les surpris tous. Le regard de Mya s'assombrit légèrement alors que je m'éloigne de quelques pas du trio, que Yakim me regarde en plissant les yeux et que Keven fronce les sourcils.
– Bein quoi, dis-je en haussant les épaules, puis en faisant un sourire malicieux. On ne peut pas faire confiance à quelqu'un qu'on vient de rencontrer.
Je fais un signe de tête vers Yakim sans me répartir de mon sourire.
– Ça pourrait très bien être suicidaire si jamais on tombait sur un psychopathe. D'ailleurs, je pourrais très bien en être une qui arrive à bien cacher son jeu et tout ça pour gagner haut la main votre confiance.
Du coin de l'œil, je vois Yakim sourire, mais il reprend bien trop vite son expression indescriptible. J'en suis légère déçu.
– Arrêtes de dire des blödsinn, dit Mya sans se répartir de son visage troublé et agacé. Tu vas tellement me donner la frousse et me rendre folle de rage que je vais devenir pire que ce que j'ai été jusqu'à présent et j'aurais envie de faire quelque chose qui ne me ressemble pas.
Je lui fais un sourire rusé qui la fait frissonner d'horreur.
– C'est à dire?
Je fais un pas vers elle en penchant la tête sur le côté.
– Bein... je... euh...
J'eus une certaine satisfaction en la voyant perdre ses moyens, alors que je glisse mon doigt le long de sa joue pâle tacheté de taches de rousseur. Elle semble être plutôt facile à troubler pour quelqu'un qui a un mauvais caractère. J'imagine que ce n'est qu'une façade pour ne pas paraître faible.
Je me reconnais bien là.
– J'aurais peut-être dû vous avisez que Clara aimait se moquer des gens, dit Keven en grimaçant.
Je pince les lèvres en les observant tour à tour. C'est bien la première fois que j'apprécie autant les gens. En tout cas, je sais que je ne risque pas de m'ennuyer avec eux comme coloc.
– Mya, commence Keven, la bouche pleine de crêpes en regardant sa sœur. Tu pourrais aider Clara... vu que vous êtes deux mädchen...
– Ach nein, dit-elle en le regardant avec reproche, puis en me lançant un regard alors que je prends l'assiette vide pour aller la nettoyer. Si je dois perdre mon samedi pour l'aider dans sa connerie, Yak et toi devez venir aussi!
Du coin de l'œil, je vois le premier lever les yeux vers Mya tout en fronçant les sourcils, tandis que l'autre soupire.
– Pourquoi tu m'inclues dans cette perte de temps, grogne Yakim en se levant, se préparant à disparaitre de la pièce.
– Parce que comme ça, se serait comme un double rendez-vous, dit-elle en lui agrippant le bras, les joues légèrement rougies, alors qu'elle lui fait un énorme sourire.
Je me retiens de justesse pour ne pas pouffer de rire devant cette scène absurde.
Comme si j'avais besoin d'un chaperon!
Je me rapproche tout de même d'eux dans le but d'aider la p'tite rousse à sa conquête du cœur, même si j'aime bien les troublé tous les deux. Avec Keven, je sais que ça ne marche pas toujours aussi bien. D'ailleurs, je ne serais pas contre de sortir avec ses deux beaux mecs, malgré tout.
Yakim reporte soudainement ses yeux sur moi. Il les plisse comme s'il voulait lire à travers moi. Je lui rends son regard, mon sourire partielle s'effaçant de mon visage. Je n'arrive pas à détourner le regard de ses yeux perturbant, comme si le temps avait été mis sur pause d'un simple contact visuel. J'eus cette dérangeante impression que j'aurais pu passer des heures à essayer de lire en lui, de tenter de trouver ce qu'il pense là, maintenant... alors qu'il semble lire en moi comme personne n'est capable de le faire. Le charme fût rompu lorsqu'il détourne les yeux pour les poser sur Mya qui n'a pas bouger d'un pouce.
– Ce n'est pas une bonne idée, bougonne Yakim d'un ton bourru en se dégagent vivement de l'emprise de la p'tite rousse.
Mya le regarde avec des larmes dans les yeux et je lève les miens au ciel en voyant son expression enfantine. Malgré moi, je veux lui donner un petit remontant. Surtout pour ne pas la voir brailler comme un nouveau-né.
– Pourquoi pas, dis-je en donnant un petit coup de poing sur le bras de Yakim en m'imaginant difficilement les gars faire du shopping. Ça pourrait être tordant.
– Ouais, en fait, tu veux trouver une raison de plus pour être énervante, dit Keven en s'étirant, les bras levés vers le plafond haut, puis en se levant pour s'approcher de Yakim et Mya.
– Exactement, dis-je en croisant les bras tout en observant le trio devant moi. Il faut bien être cruel pour survivre dans un monde cruel.
– D'accord, soupire théâtralement Keven comme si c'était la fin du monde. Je vais me sacrifier pour tes beaux yeux.
Je le regarde en secouant la tête, un léger sourire aux lèvres, alors qu'il m'envoie un clin d'œil. D'un accord mutuel, nous fixons tous Yakim qui nous observe tour à tour avec un rictus dédaigneux et sévère, les sourcils froncés à un tel point qu'ils semblent presque se toucher.
– Aller Yak, dit mon pote en lui donnant un coup de poing sur son autre bras. T'as rien à foutre de toute façon.
– Kommen Sie mit uns, s'il te plaît, dit Mya en papillonnant des yeux avec une expression qui me fait penser à un chat en chaleur.
Je lève un sourcil en les dévisageant tous les trois.
– Nous allons avoir besoin d'un autre chauffeur, dis-je en reprenant mon sérieux. Je ne peux pas emmener deux passagers sur ma bécane. Et comme tu es un Forès, tu pourras me sauver des potentiels assassins si mon karaté ne suffit pas.
Yakim me regarde dans les yeux pendant un moment, puis pousse un soupir avant de se passer la main dans ses cheveux brun ébouriffés.
– Juste pour cette fois, marmonne-t-il en enfonçant ses grandes mains dans les poches de son jean noir.
Un grand sourire illumine le visage de Mya, puis elle me fait un clin d'œil et un discret pouce en l'air.
Je crois bien que j'ai conquis son amitié.
Je hausse les épaules.
Au fond, je m'en fiche bein raide qu'aucun d'eux ne viennent avec moi. De toute manière, j'ai déjà ma petite idée pour un changement radical. Il ne reste qu'à trouver ce que je cherche. Ce n'est peut-être qu'un tout petit plus qu'ils m'accompagnent, pour en profiter pour les énerver un peu et tissée des liens.
– Allez, dit la p'tite rousse en essayant de pousser Yakim, en vain, alors qu'il la regarde, un sourcil levé devant sa piètre performance de non-force. Allons-nous changer.
Yakim, qui, soit dit en passant, est déjà habillé pour la journée, se tasse d'un pas, ce qui fait presque tomber Mya. Keven secoue la tête en fronçant les sourcils, puis il disparait dans sa chambre. Mya en fait autant tout en envoyant un regard boudeur à Yakim.
– Tu n'es pas obligé, si tu ne veux pas, hein, lui dis-je avec une légère tape sur le bras. Je ne veux pas t'utiliser comme bouclier.
Il m'ignore et part vers sa chambre sans un seul regard pour moi. Son attitude me fait presque grincer des dents.
Qu'est-ce que je lui ai fait, bon sang! Est-ce à cause du petit bisou! Ce serait ridicule!
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top