Chapitre 19 Yakim
Je grogne en voyant le message de Keven après mon long shift de remplacement. Pourquoi diable veut-il que j'aille le chercher devant le motel le plus crasseux de la ville? Comme si je n'avais que ça à faire de ma vie, aller chercher ce crétin d'un bord pis de l'autre. D'ailleurs, je suis persuadé qu'il n'y vit que des cafards dans cette baraque pourrie. Je me stationne en grognant près du motel qui tombe en ruine avant de rejoindre Keven à pied. Lorsqu'il me voit, il me fait son sourire horriblement agaçant, me faisant froncer les sourcils.
– Salut, dit Keven en me saluant de la tête.
– Je peux savoir ce que tu fiches dans ce coin ustarevshiy, ai-je grogné en mettant mes mains dans mes poches.
– J'ai besoin de ton aide... pour une amie.
Mon durak de coloc fait un coup de tête vers l'entrée qui, je ne sais pas comment, tient encore debout. Je lève un sourcil, m'attendant presque à ce qu'il me demande un truc impossible du genre, retaper complètement l'immeuble en ruine pour qu'il est l'air plus vivable que l'ordure qui se dresse devant nous. Malheureusement, je n'ai pas d'argent à balancer à la fenêtre comme un p'tit con qui se croit riche. Je regarde finalement dernière Keven et reste un moment surprise en voyant la fille sortir de l'immeuble en ruine, deux valises en main et une veste de motard sur le dos que je reconnu tout de suite. Lorsqu'elle lève ses yeux bleu sombre vers moi, elle parait un instant toute aussi surprise.
– TOI, avons-nous dit simultanément en nous pointant du doigt.
Keven nous regarde tour à tour en levant un sourcil, intrigué.
– Vous vous connaissez déjà?
– Euh... pas vraiment, dis-je en détournant les yeux, puis en me passant une main dans les cheveux. Nous nous sommes rencontrées à quelques reprises... c'est tout...
Elle hoche la tête en me fixant du regard avant de reporter son attention sur Keven.
– Alors c'est lui, ton pote Yakim Cohen?
Je frissonne en l'entendant prononcer mon nom. D'ordinaire, je le haïssais, mais dans sa bouche, on aurait dit un chant. Doux et mélodieux. J'aurais presque un ronronnement de satisfaction rien qu'à l'entendre le prononcer. Je secoue la tête pour effacer ces étranges pensés de mon esprit. Je n'en ai rien à faire de cette jolie devochka, point. D'ailleurs, c'est le coup de cœur de Keven. Un sourire satisfait me tire le visage en repensant aux paroles qu'il m'a déjà dites, quelques semaines plus tôt, comme quoi cette doch se fout bien de lui. Je reprends aussitôt un visage sérieux en me demandant pourquoi ça me réjouit autant.
– Oui... mais je n'ai pas encore eu le temps de lui expliquer la situation.
Je fronce les sourcils en regardant Keven. De quoi parle-t-il? Quelle situation? Il me regarde avant de faire un coup de tête vers la fille.
– Elle a eu quelques problèmes, comme tu peux voir, dit mon durak de coloc en pointant le bâtiment délabré. Alors... je voulais te demander si tu pouvais aussi l'héberger?
Pendant une fraction de seconde, je ne compris pas ces mots, puis je réalise ce qu'il vient de me demander. C'est pire que de faire un don pour ce motel crasseux!
– Euh... quoi, dis-je en fronçant davantage les sourcils. Je ne suis pas une auberge que je sache!
Mais pour qui il se prend se p'tit molodoy celovek! Ce n'est pas parce qu'il y a une pièce vide dans mon appartement qu'il peut inviter la première doch qui lui a tapé dans l'œil!
– Ce n'est pas bien grave, dit la fille avec un léger sourire qui me semble un peu trop forcé pour être crédible.
Elle me regarde, puis regarde Keven avant de lui donner un coup de poing sur le bras.
– Merci d'avoir pensé à ça, mais je te l'ai dit... j'ai horreur de dépendre des autres... même si je suis au plus bas...
Son regard se voile un instant et elle pince ses lèvres rouges comme si elle se retenait pour ne pas pleurer. Elle baisse la tête, faisant tomber ses mèches courtes de travers.
– Qu'est-ce que tu vas faire alors, dit Keven avec une mine triste, me rappelant encore qu'il a un fort béguin pour cette fille.
Je pousse un soupir en y repensant.
– Je ne sais pas. Je vais sans doute aller d'un bord pis de l'autre... maintenant que je n'ai plus personne...
Nous restons tous un moment en silence... mais moi, pour la raison que je suis dans l'ignorance complet. Je déteste cette sensation!
– Pourquoi tu ne demanderais pas à Pamela ou à Maggie ou à Katherine pour t'héberger un certain temps... jusqu'à ce que tu trouves un autre job, un appartement ou même l'argent que tu devrais recevoir de la police.
Keven la regarde avec des yeux brillants alors que je les écoute sans comprendre de quoi ils parlent sous couverture. Je me sens clairement de trop, tel la cinquième roue du carrosse.
– Je peux savoir ce qui se passe, ai-je grogné en les regardant tour à tour.
– Oh... euh, fait Keven en jetant un regard mal à l'aise à Clara, comme s'il venait de se rappeler ma présence.
Il se passe la main dans ses cheveux roux en se dandinant d'un pied à l'autre.
– Ma famille a tout été assassiné, dit la fille, Clara, si je me souviens bien, avec un sourire triste en baissant les yeux.
Je reste là, complètement bouche bée. Comment se fait-il qu'elle tienne encore debout? Ah... c'est vrai... l'autre fois, elle a dit que c'était sa sœur qui pleurait pour deux... Mais où est sa soi-disant sœur? Aurait-elle menti? Ça me paraît absurde.
– Euh... et ta sœur?
Clara lève ses yeux tristes vers moi et je ressens une désagréable sensation en voyant ses iris bleu nuit. Elle pince de nouveau ses lèvres tremblantes, puis sort son téléphone de la poche arrière de son jean noir, pianote dessus avant de me le tendre. Je fronce les sourcils en voyant les messages anonymes qu'elle a reçu.
– Je pense que le coupable à l'intention de s'en prendre bientôt à elle, dit doucement Keven en mettant les mains dans ses poches. C'est pour ça que je me suis dit que tu pourrais facilement la protéger... vu que t'es le seul Forès que je connaisse...
Je lui jette un regard septique tout en redonnant son cellulaire à Clara. Je ne suis pas assez idiot pour ne pas savoir que c'est qu'en partie vrai... il a omis que c'est aussi parce que ça l'arrangerait bien de vivre sous le même toit qu'elle. Il pourrait la matée pendant son sommeil. Des pensés absurde apparaissent dans mon cerveau et je secoue la tête pour les chassées. Je pousse un soupir en les regardant tour à tour.
– Très bien, ai-je fini par dire après un moment d'hésitation. Mets tes valises dans ma caisse.
Keven me fait un grand sourire, comme s'il savait ce qui vient de me traverser l'esprit. Je regrette presque ma décision. Clara lève ses yeux tristes et envoûtants vers moi. Pendant un instant, elle me fait penser à un petit chaton sans défense.
– Tu es sûr... je ne voudrais pas t'encombrer de ma piètre personne.
Je lui fais un sourire ironique. Pour dire ça, elle doit se douter de mon mécontentement.
– Une personne de plus ou de moins, ça ne change pas grand-chose, dis-je, curieux de voir comment elle va réagir.
Clara semble étrangement soulager, comme si elle s'était attendue à ce que je change d'avis. J'ai presque failli le faire d'ailleurs.
– Mais, dis-je en captant l'attention alors qu'ils se dirigent vers ma Lamborghini. J'ai quelques conditions.
Clara se tourne entièrement vers moi alors que Keven me jette un regard suspicieux.
– Yak, grogne-t-il.
– C'est bon, dit Clara en lui tapotant l'épaule avant de me regarder. Qu'est-ce que c'est.
Keven grogne, mais il part tout de même mettre ses deux valises dans ma caisse. Euh... oups... pendant une seconde, j'étais tellement troublé par les yeux saphir de Clara que j'ai complètement oublié ce que je voulais dire. Je me racle la gorge, puis enfonce mes mains dans mes poches.
– D'abord, je me fiche de ce que tu fais, t'en que tu suis mes règles, piger?
Clara hoche la tête en m'écoutant attentivement, ce qui me déconcerte légèrement.
– Ensuite... pour tes fournitures, meubles, école et autres trucs perso, tu t'en charges toi-même, c'est clair?
– Évidemment. Et après?
– Euh... c'est tout...
Elle lève un sourcil, comme si j'étais ridicule, alors que Keven revient déjà vers nous.
– C'est tout? Vraiment? Je n'ai même pas à te payer un loyer, à acheter ma part de bouffe, l'électricité, l'hydro ou même une partie du stationnement pour ma moto? Et tes règles? C'est quoi, au juste?
Clara secoue la tête en faisant un pas vers moi, me forçant à pencher la tête pour bien la regarder.
– Je ne peux pas me contenter de ça! Ce ne sont même pas des règles, mais des futurs constats, des évidences! Je vais te payer un loyer, acheter ma part de bouffe et faire ma part de ménage dans l'appartement! C'est le moins que je puisse faire pour l'hébergement, you got it!
Je cligne des yeux tout en l'observant alors qu'elle vient de mettre son index sur mon torse. Je suis trop abasourdi pour dire quoi que ce soit.
– Tu es moins intelligent que ce que tu sembles être, dit-elle avec un sourire plein de malice tout en plissant les yeux d'une manière adorable.
– Tu ne devrais pas le provoquer, Clara, dit Keven en l'éloignant de moi. Il est une bête quand il rage.
Clara hausse les épaules alors que je me sens bizarre. Alors qu'elle vient de me rabaisser, je ne me sens pas du tout en colère contre elle. Est-ce parce qu'elle me taquine? Ou est-elle réellement sérieuse, mais que je ne l'ai pas discerné? Je ne sais pas comment réagir face à elle et c'est bien une première. Je secoue la tête et passe à côté d'eux pour me diriger vers ma Lamborghini.
– Aller, ai-je marmonné en leur jetant un regard tout en ouvrant la portière conductrice. J'ai assez perdu de temps comme ça.
Poche excuse pour me sauver, je sais, je sais.
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