Chapitre 18 Clara

Maggie me fait un sourire triste.

– Ça serait bien... vu que nous ne nous sommes presque pas vues de la semaine... à cause de ton travail pis d'Aya et tout et tout.

Je lève un sourcil en me demandant ce qu'elle sous-entend. Aya aussi?

– Tu sais que je ne suis pas idiote, me dit Maggie en me donnant un coup de poing sur le bras. Ta sœur est à première vue une gentille fifille, mais quand elle est sûr d'avoir le dessus sur toi, c'est une vraie manipulatrice. Mais moi aussi, je suis maline et alors qu'elle me croyait de son côté, elle s'est mise à blasphémer des balivernes sur toi... et franchement, elle dit qu'elle a eu le coup de foudre en voyant Keven, mais je suis presque sûr qu'elle s'est aperçue de votre intérêt mutuelle et ça la profondément énervé qu'un mec canon comme Keven tourne autour de toi. Mais Aya n'a pas vraiment compris que ce qui fait que les gens t'adorent, c'est ton côté drôlement sérieux et ta modestie sans fin. Et parfois ton côté direct aussi, mais ça, ça dépend du point de vue. Je le sais, Keven le sait, même s'il est un vrai crétin dont le seul but est de te faire réagir pour se dire qu'il a gagné contre ton petit cerveau qui ne veut pas voir et assumer ce qui s'y passe. Tu vois, Aya n'est clairement pas modeste... elle est trop avare de compliments pour ça.

Les larmes me montent aux yeux, mais pour une raison complètement différente. Je pousse un soupir de soulagement. Heureusement! Je peux compter sur ma seule véritable amie (pour les garçons, j'en es pas mal... les filles ne m'aiment pas... je ne sais pas trop pourquoi...). À son grand étonnement et au mien, je la serre vite fait dans mes bras.

– Merci, dis-je en reniflant, les mains sur ses frêles épaules. Merci d'être là pour moi.

– C'est fait pour ça, les amis, dit-elle en me tapotant les bras. Sèche-moi vite se visage inconnu et allons-y.

Je me passe vite fait la main sur le visage alors que Maggie me tire de l'autre vers les véhicules des élèves... tous des scooters à l'exception de ma bécane. Parfois, je vois des filles la lorgner de loin avec envie. Lorsque je sors les casques, Maggie grimace en voyant celui d'Aya.

– Je l'avais complètement oublié, celui-là.

Je souris devant son expression horrifiée.

– Que dirais-tu si nous allions chercher un produit pour changer cette monstruosité de couleur en plus d'aller manger un casse-croute?

Je hausse les épaules.

– Je m'en fiche. Nous pouvons bien, puisqu'Aya ne monte plus dessus.

– Puisque tu es d'accord... que dirais-tu d'un bleu sombre... un beau bleu marin, comme tes yeux?

– Fait comme ça te chante, dis-je en haussant de nouveau les épaules, avant de mettre mon casque et d'enfourcher ma moto.

Maggie met le second, puis monte à ma suite.

– Nous allons nous promener dans le centre?

– D'accord, dis-je en démarrant.

† † †

Deux heures plus tard, Maggie et moi passons discrètement par la vaste cour arrière après que Keven nous aille envoyer l'adresse. Comme il l'avait dit, la maison de Jake se situe sur la même rue que celle du maire... donc, il y a de forte chance pour qu'il soit au courant de l'endroit où nous nous réunissons... ou du moins... il doit s'en douter si ses parents y sont allés à pied.

Après plusieurs minutes de marche dans le boisé qui entoure les maisons de riche, nous rejoignons ceux qui se trouvent déjà à l'extérieur, mais qui viennent à peine de sortir (heureusement pour nous!). J'entre à l'intérieur en saluant Maggie de la tête. Elle doit se fondre avec ceux qui vont se baigner dans le jacuzzi et poser discrètement des questions autour d'elle. Keven va se concentrer sur les étages supérieurs, alors qu'Aya doit chercher au rez-de-chaussée et que moi, je reste au sous-sol.

En passant dans la spacieuse cuisine, je me prends une bouteille d'alcool aux fraises... je suis complètement sûr que ma sœur ne se gênera pas pour boire dans ce genre de soirée bidon. Je copie la démarche lente et gracieuse d'Aya tout en me dirigeants vers mon poste d'enquête, caressant au passage les épaules des garçons qui me jettent des regards, en faisant des clins d'œil ici et là et en prenant par moment des gorgés de ma bouteille.

Mes talons hauts claquent sur le sol et ma robe rouge feu danse autour de mes longues jambes à chacun de mes pas. C'est Maggie qui l'a choisi pour moi en disant que la couleur rouge est synonyme de séduction, de tentation, de tape à l'œil et blablabla... alors que moi, un seul mot résonne dans ma tête quand je vois ou entends le nom de cette couleur... MORT.

En regardant un peu partout, je suis légèrement surprise du nombre hallucinant de démarqués, autant de jeune écervelé que de vieux schnock. Je me demande un moment s'il n'y a pas des humains normaux aussi... comme si Jake savait que j'allais venir pointer mon nez et fouiner dans ses affaires louches... et si c'est le cas, il doit me croire seul.

La plus grande possibilité de le trouver dans cette baraque est, soit à l'étage, soit au sous-sol pour chiller... c'est pourquoi c'est Keven et moi qui avons ces rôles. Maggie est intelligente, mais elle n'est pas aussi physiquement forte que moi (en plus d'être plus petite) pour maintenir Jake au sol si jamais il tentait de fuir.

Aya quant à elle, n'en parlons pas. Une vraie petite pouliche. De toute manière, elle a dit qu'elle préférait observer et écouter, du moins, selon le message que j'avais reçu de Keven. Il a heureusement pensé à m'envoyer une photo du type en question, vu que je me souvenais vaguement de son visage.

Je descends lentement les marches et lorsque je suis complètement en bas, je découvre une salle spacieuse avec une table de billard. Il y a un salon avec des tas et des tas de console inutile près d'un géant écran cinéma où joue un film d'horreur. La majorité des mecs et des meufs ne le regardent même pas, préférant minoucher leur voisin et leur voisine.

Je lève les yeux au ciel, puis observe plutôt les players de billard et les fifilles qui roucoulent et ricanent fortement pour attirer l'attention de leur cruch. D'où je suis, il semble n'avoir aucune trace de Jake. Je fronce les sourcils. Il doit être quelque part aux étages supérieurs pour faire ses trucs suspects. Je hausse les épaules et m'approche un peu plus des billardistes. Je peux toujours voir si je peux apprendre des petites choses. J'observe un moment leur technique en buvant, puis dis:

– Je peux jouer une partie?

Tous les players lèvent les yeux vers moi, comme si, parce je suis une nana, je ne sais pas jouer. Ils se questionnent du regard alors que je termine tranquillement ma bouteille. Même les gonzesses surexcitées semblent étonner. Leur regard veut exactement dire « pourquoi nous n'avons pas pensé à cette technique de drague! »

L'un des sept mecs, un type de taille moyenne avec des cheveux longs attachés en couette, ouvre enfin la bouche :

– Pourquoi pas, les deux équipes étaient inégale... maintenant, le problème est réglé.

Ils replacent les boules alors qu'ils n'ont même pas terminé leur partie.

– Tu veux briser, me demande l'un d'eux, les yeux pétillants de malice, un large sourire aux lèvres, comme s'il croyait que j'allais me ridiculiser dès le premier coup.

Je hausse les épaules, camouflant le sourire qui commence à naître sur mes lèvres, puis décide de lui piquer le bâton qu'il tient entre ses mains. J'y remets un peu de poudre, frottant le carré vert sur le bout. Je me déplace lentement en regardant tour à tour les garçons dans les yeux. Je me place au bout de la table de billard, plaçant le bâton puis mes doigts à la perfection. Je garde les yeux sur les boules comme si j'avais besoin de me concentrer sérieusement pour ne pas faire un coup pourri qui me ridiculiserait. Du coin de l'œil, je vois que les garçons commencent à être agacé de ma lenteur tandis que les filles semblent retenir leur souffle. Un sourire étire mes lèvres et je donne un coup précis sur la boule blanche. À la surprise de tous, deux rayés entrent du premier coup dans deux trous différents.

– Ne sous-estimez jamais les nanas, dis-je en les regardant de nouveau tour à tour. Je frappe de nouveau ou l'un de mes coéquipiers prend le relais?

Trois des mecs se regardent, puis l'un d'eux, avec des cheveux noirs punk, se rapproche de moi pour prendre le bâton que je tends. Je me rapproche lentement et le plus gracieusement que je le peux vers les nanas sans lâcher le match des yeux.

– C'est Jake Renzer qui vous a invité, ai-je demandé en les regardant discrètement du coin de l'œil.

– Pas tout à fait, dit l'une d'elles alors que les autres se contentent de secouer la tête. Nous sommes des amies d'une amie de sa copine.

Intéressant... Il est en ce moment même en couple... je croyais qu'il avait arrêté d'être le boy à Aya parce qu'il préférait aller à droite et à gauche. Serait-il plus sérieux que je le croyais?

Je les observe un moment, indécise à ce que je vais leur demander.

– Est-ce l'une de vous connait le nom de celle-ci, les ai-je questionnées en essayant de paraître désinvolte.

Mon interlocutrice sourit avant de faire un clin d'œil à l'un des players qui la mate sans discrétion. Celui-ci détourne les yeux avec un sourire aux lèvres.

– Tu es amoureuse de lui, c'est ça, me demande-t-elle en prenant une bonne gorgée de sa bouteille d'alcool. C'est vrai que, de ce que j'ai pu entendre, il est plutôt beau gosse.

Je fais un sourire que j'espère ne pas paraître trop forcer.

– Peut-être bien... mais être en couple avec lui n'arrivera que dans mes rêves les plus fous.

– Ah... ouais... il paraît qu'il est fou d'elle, mais je ne la connais pas... Tout ce que je sais, c'est que le prénom de sa copine commençait par A... enfin... il me semble... je ne l'ai entendu qu'une seule fois, je ne m'en souviens pas vraiment. Notre amie commune nous à parler d'elle qu'en lien avec ce party... J'imagine qu'elles étaient simplement des anciennes amies.

– J'ai entendu quelques mecs, tout à l'heure, dirent que Jake n'était pas très heureux de voir tout ce monde, dit une autre fille qui vient de se tourner vers nous. Si tu veux absolument connaître le nom de sa copine, tu peux toujours chercher Maya Herelle. Tiens, regarde.

Elle sort son téléphone de sa jupe, puis fouille dessus avant de me le montrer. C'est une photo de deux filles, dont l'une est celle qui se tient devant moi. Je la remercie avant de partir, ignorant le mec qui m'interpelle pour me dire que c'est mon tour de frapper. Je remonte à l'étage en sachant que la gonzesse que je cherche ne s'y trouve pas.

Je reste un moment figer devant le haut des marches, me demandant ce que je devrais faire. J'hésite à chercher la soi-disant Maya Herelle pour avoir le nom de la copine de Jake... de cette manière... je pourrais peut-être lui faire du chantage... mais... est-ce que ce ne serait pas mieux si j'allais tout de suite retrouver Keven? Il doit bien l'avoir trouvé à l'heure qu'il est.

Je suis encore dans mes réflexions quand Keven descend les marches tout en observant dans la salle. Je fronce les sourcils et me dépêche de le rejoindre. Lorsqu'il me voit seule, il eut la même réaction que moi.

– Tu ne l'as pas trouvé, avons-nous demandé en cœur. Mais j'ai une piste pour lui faire du chantage.

Nous nous sommes fait un sourire qui ne dura qu'une seconde avant que nous reprenions un visage sérieux.

– Sa copine, dis-je alors qu'il hoche la tête.

– Je n'étais même pas au courant...

– Tu connais son nom... ou quelqu'un qui la connait?

Keven secoue la tête.

– Non et non.

Je hoche la mienne.

– Maya Herelle... elle serait amie avec sa nana. Je connais son visage...

Keven pousse un long soupir avant de me regarder dans les yeux.

– D'accord... cherche la pendant que je vais avertir Maggie et Aya que nous partons. Retrouve-nous à deux maisons d'ici... que tu la trouves ou non... disons... d'ici une dizaine de minutes.

Je hoche la tête alors qu'il part à la recherche de ma sœur et notre amie. Je le suis un moment des yeux avant de scruter les visages en sueur des danseurs qui discutent sur un slow de mauvais goût. D'où je suis, je ne vois pas la nana en question. Je me faufile entre la foule en poussant les vieux qui dansent comme s'ils étaient encore jeune. Ne trouvant pas la nunuche que je cherche à cet étage, je retourne sur mes pas pour monter à ceux du haut.

Je redescends bredouille, sans le moindre indice de sa présence. Je me demande un instant si l'autre nana ne m'a pas raconté des bobards. Je pousse un soupir de découragement, puis me mordille l'ongle du pouce en décidant de laisser tomber. Je me dirige en trombe vers la sortie, bousculant de nouveau ceux qui me barrent le passage. En arrivant au point de rendez-vous, je constate avec une légère surprise qu'il n'y a personne. Je me demande un instant si j'étais partie du bon côté. Ne sachant pas trop quoi faire, je me mets à marcher en rond tout en me mordillant de nouveau l'ongle du pouce.

Qu'est-ce qui peut bien les retenir?

Après quelques longues minutes, une main se pose sur mon épaule. Je me retourne pour voir la mine inquiète de Keven et Maggie... aucune trace d'Aya...

– Nous n'avons pas trouvé Aya, dit Maggie d'une voix légèrement tremblante.

– Est-ce que tu l'as vu, me demande Keven en se passant une main dans ses cheveux roux, les sourcils froncés.

Je secoue la tête avec la même expression que lui.

– Je n'ai pas trouver l'autre potache... Pour ce qui est d'Aya, je ne crois pas que nous devrions nous inquiéter. Elle va surement revenir tard, comme toute la semaine.

Un bip retentit et Maggie regarde son téléphone. Elle soupire, puis nous observe tour à tour.

– Faut que je parte... ma mégère capote vu que je ne suis pas à la maison.

Keven lui tapote l'épaule et celle-ci se dégage d'un mouvement brusque, comme pour dire « J'n'ai pas besoin de ton soutien, crétin. »

– Je te raccompagne alors, lui dis-je en pointant derrière moi.

Maggie hoche la tête et nous saluons Keven en nous éloignant. Nous marchons en silence jusqu'à ma moto, stationnée à quelques rues de la baraque de Jake Renzer. Je la raccompagne jusqu'à son domicile, près de l'établissement privé, puis je me promène un peu avant de me rendre au motel crasseux. Je pars prendre une douche et enlever les vêtements qui ne me ressemblent en aucun cas.

Après m'être débarbouiller de mes couches de maquillage hideux, je me laisse tomber sur mon lit avec un t-shirt over size et un short en l'utilisant comme pyjama. La sonnerie de mon cell me fait sursauter et pendant une seconde, je me demande qui peut bien m'envoyer un texto. Keven, peut-être? Ou Maggie? Aya? Ça, ça m'étonnerait un peu...

Je me lève en grognant pour aller voir.

Je fronce les sourcils en pinçant les lèvres. C'est le même anonyme qu'au début de la semaine.

« Ne pleure pas trop en voyant les nouvelles... et réjouis-toi, tu seras bientôt la prochaine. »

Je me dépêche d'ouvrir la minuscule télé et de chercher le poste des nouvelles récentes.

Je me fige devant les images qui y défilent. La police et des enquêteurs se trouvent devant un bâtiment que je connais que trop bien.

Le café...

Des banderoles jaunes entourent l'immeuble. Je prends mon cell, ma veste de moto et mes clés en ignorant la télé restée ouverte. Je conduis comme une dingue jusqu'au café, le cœur battant à m'en faire mal. Lorsque je déboule dans la ruelle, je constate avec horreur deux corps drapé laissé de côté près du bâtiment. L'idée d'une future autopsie monte un sentiment de colère et de dégoût. J'essaie tant bien que mal de voir ce qui se passe, car, malgré le fait qu'il est déjà minuit passé, une foule de journaliste et de reporteur s'y trouve. Des policiers surveillent chaque centimètre carré autour du café pendant que les enquêteurs discutent entre eux. Je pose des questions autour de moi, mais ne reçois en retour que l'heure de la mort.

Dix-neuf heures...

Je regarde autour de moi, paniquée, en priant de voir l'un ou l'autre des deux hommes qui y travaille. Je souhaite que ce ne soit ni l'un ni l'autre alors que des larmes glissent instinctivement sur mes joues brûlantes. Je m'accroupis alors que mon corps tremble.

Un nouveau message me fait grogner de rage alors que je me doute de qui il vient. D'ailleurs, il doit être dans les parages... Je sors mon téléphone et faillis le lancer en lisant le texto anonyme.

« Ta sœur n'est déjà plus là. »

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