Chapitre 17 Clara

– Qu'est-ce que tu as, me demande Steven envoyant ma mine affreuse.

– Je n'ai pas bien dormi, c'est tout, ai-je marmonné, le regard dans le vide.

Il me regarde avec une pitié qui mine encore plus mon moral déjà au plus bas. Je me redresse en entendant le cliquetis de la porte du café.

– Bonjour, dis-je en essayant d'être enthousiaste malgré ma fatigue mentale.

L'homme se contente de me regarder avant de s'approcher rapidement de ma caisse. Il a de magnifiques yeux verts avec une touche de jaune, semblable à ceux de Keven, mais ses traits sont plus fripés... je dirais qu'il a aux alentours de la cinquantaine.

– Que voulez-vous commander?

Il me fixe du regard alors que je l'observe en figeant un sourire sur mes lèvres. Quel drôle d'homme... son regard me met vraiment mal à l'aise.

– Bonjour Émile, dit Steven avec un sourire. Allez-vous prendre comme d'habitude?

Il ne détache pas son regard de moi alors qu'il marmonne ce qu'il veut.

– Je m'en occupe, dit Steven. Vous pouvez passer ici.

Il me jette un dernier regard en se tassant vers la caisse de mon collègue.

Mon dieu! Ce type est flippant! Est-ce une blague ou il est vraiment comme ça, à fixer les gens intensément? Je sais que Keven m'a déjà fait ce genre de blague, mais là ce n'est pas vraiment le même malaise qui m'habite.

– Tu es très jolie, marmonne-t-il en me fixant. Tu dois faire tourner les têtes.

Un étrange frisson me prend. Il y a vraiment des gens strange partout!

– Non, dis-je avec un sourire forcé. Aucuns garçons ne semblent s'intéresse à moi.

– Vraiment, dit-il comme s'il savait. Je ne crois pas.

– Voilà votre cappuccino, monsieur Émile, dit Steven en retournant enfin devant sa caisse.

– Dit moi, jeune homme. Ne trouves-tu pas que cette demoiselle ressemble à un ange descendue du ciel pour nous sauver?

Steven me regarde et je tente de secouer discrètement la tête. Il me sourit avant de regarder l'homme qui m'observe, les yeux brillants.

– C'est vrai, confirme mon collègue alors que je m'empêche difficilement de lever les yeux au ciel. Mais ce n'est qu'en surface.

– Les vilains sont toujours les meilleures, dit-il en payant avant de disparaitre enfin.

Je fixe un moment la porte avant de jeter un coup d'œil vers Steven qui sourit toujours.

– Je ne savais pas qu'il y avait des marqués aussi bizarre, ai-je marmonné en regardant mon collègue.

Celui-ci hausse les épaules.

– Émile doit être souvent jugé vu qu'il semble être quelqu'un d'un peu appart.

– Tu veux dire, beaucoup. Qui est-ce qui trouve que les méchants sont les véritables gentils, ça n'a pas de sens. À moins qu'il veuille dire que les méchants ne craignent pas de montrer leur mauvais côté, donc qu'ils sont plus gentils de ne pas faire semblant que les gentils qui peuvent faire semblant sans que nous le sachions?

Steven hausse de nouveau les épaules.

– Peut-être, qui sait.

Je grimace en me souvenant des mots d'Aya il y a déjà quatre jours... quatre jours où elle rentre très tard le soir et part très tôt le matin... elle fait surement ça pour m'éviter. Raaahhh! Ça m'énerve!

Le bruit de la porte me fait me redresser de nouveau. Mon cœur manque un battement en le voyant... mais je secoue la tête pour me calmer. Il est revenu avec le même collègue qui lui, se précipite presque pour aller parler avec Steven. Je lève un sourcil, un léger sourire aux lèvres en regardant mon collègue, puis le policier. Steven me souffle un « quoi » avant de sourire.

– Même chose?

– Oui, merci.

Steven se retourne et je vois l'autre homme le mater avant de détourner les yeux comme s'il était fautif avant d'y reporter une seconde fois son attention. Je mets une main devant ma bouche pour dissimuler mon sourire en m'accotant sur le comptoir. Le Forès s'approche de ma caisse, les mains dans les poches de son pantalon, tout en regardant lui aussi son collègue.

– Dit, lui ai-je demandé alors qu'il s'accote lui aussi sur le comptoir. Est-ce que c'est moi ou il est homosexuel?

Je tourne mon visage vers le Forès alors qu'il tourne le sien vers moi.

– Je crois bien, oui, qu'il liubit Steven, chuchote-t-il à son tour, me regardant dans les yeux.

Je frissonne en l'entendant parler dans ce qui doit être sa langue maternelle. Une sonorité douce et rude à la fois. Nous restons un moment comme ça avant que je ne me redresse et que je recule d'un pas.

– Dit, dis-je en m'adressant au second policier qui regarde toujours Steven à la dérobée. Si tu as envie de lui sauter dessus, je peux t'aider à le séduire.

Je lui fais un clin d'œil alors qu'il rougit légèrement en détournant le regard.

– Je le connais depuis deux ans. Je sais quel genre de personne il aime bien. Tu as toujours une chance, Steven est pansexuel.

Steven revient vers nous en levant un sourcil.

– Je peux savoir ce que tu complotes encore?

– Oh, t'inquiète, lui dis-je avec un sourire. Ce n'est rien de bien méchant. Juste un peu de plaisir masculin, pas vrai.

Je fais de nouveau un clin d'œil au policier alors qu'il regarde vers le sol, soudainement mal à l'aise. Je me tourne vers le Forès avec un sourire complice.

– Bein quoi, c'est bien de se laisser aller de temps à autre, pas vrai?

Celui-ci hausse les épaules. Je le regarde avec des yeux ronds, puis je lève un sourcil en me penchant vers lui.

– Tu dois bien éprouver du plaisir, beau comme tu es. Sinon, je peux t'aider aussi si tu ne te laisse pas assez aller.

Il fronce les sourcils alors que Steven secoue la tête avec un drôle de rire.

– Est-ce l'influence d'Émile qui te fait dire ce genre de chose, dit mon collègue en plissant les yeux un sourire coquin aux lèvres qu'il pince comme s'il se retenait de rire. Où ton instinct de femme?

– Ni l'un ni l'autre, dis-je en fronçant les sourcils. Il est beau, c'est tout.

Les trois hommes me regardent, puis se regardent avant d'éclater de rire.

– Bein quoi! Qu'est-ce qu'il y a! C'est pourtant vrai! Vous aussi, vous êtes beaux! Je ne dis pas ça juste pour être flatteuse, je le pense vraiment!

– Oh la la, rigole Steven en s'essuyant le coin de l'œil. C'est fou ce que tu peux être marrante avec ton air si sérieux. Ne le prend pas mal, hein. Mais ça ressemblait à de la drague sans vraiment en être. C'était juste bizarre.

Je rougis en réalisant que la manière dont je l'ai dit était malaisante.

­– Je n'insinuais pas... enfin, je ne voudrais pas...

– T'inquiète, dit le Forès en me faisant un petit sourire alors que je me sens vraiment bête. Je me doutais que tu ne parlais pas de toi. Enfin... je ne sais pas quel genre de personne tu es... mais... je n'aurais pas sauté sur la première devochka qui en fait allusion.

– Oh mon dieu, dis-je en cachant mon visage entre mes mains alors que je sens un malaise monté en moi et que le Forès rigole légèrement. Je ne pourrais pas disparaitre pendant une seconde.

Je me retiens de justesse pour ne pas le faire réellement.

– Euh... ce ne serait pas une super idée, hein, de disparaitre comme ça, chuchote Steven à mon oreille en jetant un regard vers nos deux clients.

– Désolé, dis-je en grimaçant tout en regardant le Forès.

Là, en voyant son sourire à la fois doux et mal à l'aise, j'ai vraiment eu honte... ça ne m'est jamais autant arrivé...

† † †

Je grogne, puis soupire. Je ne suis vraiment plus motivée à aller à la fête de Jake Renzer... mais je ne gâcherai pas le plan de Keven à cause d'Aya... même si dernièrement, lui et Maggie sont devenus un peu trop ami ami avec Elisabeth, ma sœur et les autres. Aya m'ignore depuis le début de la semaine... et elle semble tout faire pour me mettre mal à l'aise... surtout depuis que Maggie est devenue copine avec ses amies et elle... je les ai vu ensemble aujourd'hui... Je fais comme si tout ça ne m'affecte pas... que manger seul, le midi, les rares fois où je suis venu au bahut, ne m'affecte pas... que la solitude ne m'affecte pas... et c'est vrai, mais je rage chaque fois que je les vois rire aux éclats... ça, j'n'y peux rien. En plus, de ce que j'ai entendu, il y a deux jours, lorsque je me suis adonnée à passer près d'elles, Aya et Elisabeth se sont donné le défi de séduire Keven comme si c'était un jeu d'enfant. Maggie s'est contentée de lever les yeux au ciel.

Ça m'énerve.

Ça m'énerve tellement que j'ai faillis frapper une fille qui m'a simplement accroché. Je n'aurai jamais cru que l'Aya que j'ai toujours connu comme une fille innocente, mais entêté, qui fallait toujours consoler est en réalité une vulgaire poufiasse et une hypocrite qui se pense mieux que les autres... je ne réalise que maintenant que lorsque nous étions jeunes et que nous faisions des bêtises, elle disait toujours en pleurant que c'était mes idées, que je l'avais incité à les faire avec moi, alors que c'était faux.

Je n'avais jamais compris qu'elle ne voulait tout simplement pas être la mauvaise fille... bien que ce soit elle, en vrai... Cet Émile a raison... les gentils sont souvent les plus méchants... Et au fond... je me croyais bien intelligente, mais je ne le suis pas autant que je le croyais... à me laisser piétiner par les autres sans réagir... ou plutôt, en réagissant avec indifférence... Est-ce que j'arrive un tant soit peu à cerner les gens autour de moi? Est-ce qu'en réalité Keven et Maggie sont contre moi? Est-ce qu'Aya va les retourner contre moi? Me sont-ils fidèles?

Était-ce au fond Aya qui, en primaire incitait les autres à me fuir comme la peste?

C'est fort probable...

Je marche à grand pas, la tête rivée au sol, les sourcils froncés, vers mon casier. En arrivant devant, je donne un grand coup de poing, faisant sursauter les filles qui trainent encore dans le couloir. Certaines me lancent des regards noirs en blasphémant des horreurs sur moi, tandis que d'autres s'éloignent, effrayer par ma mauvaise humeur. Je sors l'air par mes narines en essayant désespérément de calmer ma colère noire.

Je suis vraiment en train de perdre le contrôle de moi-même!

Je donne un nouveau coup dans mon casier avant de rager sur le cadenas.

Pourquoi tout chamboule! Je n'ai même plus de repère! Avant, tous mes moindres gestes... toutes mes pensées, c'était pour Aya! Pour ma sœur! Ma sœur qui me hait! Je ne peux que la haïr en retour parce qu'elle me hait!

Mais c'est difficile quant à chaque fois que je veux lui envoyer des ondes négatives, je revois son sourire et je l'entends encore me dire à quel point elle me trouve formidable lorsque nous étions encore jeunes. Je serre les poings en collant ma tête sur le bord de l'étagère. Mes yeux me piquent et je cligne plusieurs fois des yeux en ne souhaitant pas être vu aussi faible.

Toutes les conneries que j'ai fait pour me retrouver au poste... pour glaner des infos susceptibles de m'aider à trouver l'assassin... et lui régler son compte une bonne fois pour toute... pour qu'Aya n'ai plus peur... mais a-t-elle déjà eu peur... et si, en fait, elle connait le coupable... et qu'elle se fout du décès de nos parents et nos grands-parents... et que je meurs... parce que nous sommes des marqués...

Mes yeux me piquent de nouveau et je les retiens difficilement en me mordillant la lèvre. Je me sens si pathétique et ridicule... je n'arrive pas à la détester autant que je le voudrais... même en sachant qu'elle pourrait souhaiter ma mort... uniquement parce que j'arrive à activer notre héritage...

J'ai mal. Mon ventre me fait mal. J'ai le cœur lourd. Je ne me sens pas bien. J'ai juste envie que tout finisse pour de bon. Que l'assassin vienne enfin me tuer... au moins, je serai avec ma famille, la vraie, celle qui m'aime. Avec tous mes ancêtres. Laisser tomber le peu de chose qui me retient encore ici-bas. L'image du Forès apparaît subitement dans ma tête comme si c'était la chose qui me retient pour ne pas faire le grand saut.

Je ne le connais même pas!

Je pousse un soupir, puis je secoue la tête en essayant, tant bien que mal, à chasser mes pensées lugubres. Je mets mon cartable de science enrichie à l'intérieur de mon casier, puis empoche mon sac après avoir enfiler ma veste de moto. D'un geste rapide, je referme mon casier et le cadenas tout en mettant mon sac sur une épaule. Je me dirige d'un pas ennuyé vers la sortie des élèves, ignorant les filles qui jacassent autour de moi comme de veille mégère, comme des folles, sur leur planning pour la fin de semaine.

Je viens à peine de sortir à l'extérieur que je les vois. Aya et Elisabeth se tiennent chacune trop près de Keven dont cette proximité ne semble pas déplaire. Leurs bras se frôlent et je dus me faire toute petite pour ne pas aller les balancer loin de lui et de sa tête de crétin joyeux. Je sens l'agacement et une jalousie énervante monter en moi tel une horrible fièvre. Je pince les lèvres en essayant de faire taire les émotions négatives.

Après une grande inspiration, je prends mon courage à deux mains et marche d'un pas tranquille vers eux. Dès que je suis près, je les entends tous éclater de rire (à l'exception de Maggie qui lève les yeux au ciel) à une blague, pas drôle du tout, de Keven. Quand celui-ci me voit, son regard s'élimine et il me fait un grand sourire, comme Maggie d'ailleurs, alors que les autres me regardent avec colère et dédain. Pas d'excuse pour la dernière fois, j'ai mieux à faire que de me faire pardonner d'Elisabeth.

– Salut, dis-je d'une voix légèrement hésitante avec un coup de tête vers eux. Vous êtes prêt à partir?

Du coin de l'œil, je vois Aya passer indiscrètement son bras sous celui de Keven. Celui-ci la regarde en levant un sourcil, mais il ne se dégage pas le moins du monde. Il m'envoie plutôt un regard... comme s'il attendait que je réagisse d'une quelconque manière. Pas question de lui montrer mon agacement. Je force un sourire à se dessiner sur mes lèvres alors qu'il fronce légèrement les sourcils.

Bam! Dans tes dents! C'est toi qui es perturbée maintenant! Bravo! Bravo! Je suis fière de toi, Clara!

Je lui souris victorieusement en plissant légèrement les yeux.

– Allons-y, dit Aya en tirant Keven par le bras tout en faisant un signe de tête en guise de salut à ses semblables, c'est à dire, les gourdes et tout ce que des filles grincheuses, godiches et crâneuses pourraient être.

Je suis surprise de voir que Keven se laisse mener par Aya, mais je camoufle bien évidemment mon désagrément, comme la majorité du temps.

– Vous y allez en marchant, ai-je crié alors qu'ils sont déjà à plusieurs mètres de nous.

Comme je n'eus aucune réponse, je me tourne vers Maggie alors que les autres godiches s'éloignent comme pour ne pas être associé à moi.

– Allons-nous mangé quelque chose vu que ça ne commence pas avant un bon bout de temps? À moto, ça ira plus vite qu'à la marche.



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