Chapitre 14 Clara

Nous réagissons enfin alors que des cris lugubres parviennent à nos oreilles, sortant en vitesse à l'extérieur tout en mettant rapidement nos souliers et nos vestes. Keven pianote à la va vite, les mains tremblantes, alors que nous courons comme des dingues. Je l'entends distinctement derrière moi expliquer avec anxiété et de manière pêle-mêle la situation à la police... puis... il raccroche et appel quelqu'un d'autre. Soudain, il nous crie avec une voix étrange de nous arrêter au dépanneur, à plusieurs mètres de nous. Aya ne se fait pas prier et sprint comme une folle vers le bâtiment, comme si elle avait un lion à ses trousses... ce qui est presque vrai. Essoufflés, nous entrons tous les trois à l'intérieur. Le caissier se contente de nous regarder bizarrement, comme si des cinglés venaient d'entrer.

Après nous être un peu remis de nos émotions, nous réalisons réellement ce qui vient de se passer. Aya éclate en sanglots alors que je la serre dans mes bras, une boule dans la gorge et le ventre noué. Même Keven, qui ne connait même pas Léo et Louisia, a larme à l'œil et le corps tremblant.

– Mince, marmonne-t-il en se passant les mains sur le visage avant de me jeter un regard inquiet. C... c'est... tu crois que c'est le même type qui a tué ta famille...

– Peut-être, ai-je grimacé, au bord des larmes. Nous verrons quand la police te rappellera... et s'ils ont rapidement fait... une autopsie...

Nous restons un long moment en silence... attendant le verdict de la police... seuls les pleurs d'Aya résonnent comme la pluie contre les carreaux des fenêtres. Keven jette de temps à autre un regard à son téléphone. Cette attente est insupportable. J'ai envie de les planter là et d'aller me battre avec cet homme... ou cette femme... ou qui que cela soit! La rage domine ma triste. Mais qu'elle idiot j'ai été de croire qu'il ou qu'elle nous laisserait enfin vivre! Et maintenant, c'est deux innocents qui en ont payé le prix! Pas question de dépendre de quelqu'un d'autre! Pas même d'un Forès! Je me battrais avec mes propres mains s'il le faut! Je deviendrais une véritable criminelle, s'il le faut aussi!

Au loin, les sirènes résonnent, puis, quelques minutes plus tard, Keven reçoit un appel. Il indique notre emplacement et nous sortons à l'extérieur pour attendre, vu que le caissier nous regarde d'un mauvais œil. Deux policiers arrivent quelques temps après. L'un d'eux est le représentant des Forès, l'autre, soit un banal humain soit un démarqué...

Le premier plisse les yeux en nous voyant, Keven et moi.

– J'ai quelques questions à vous poser... mais avant tout, nous n'avons pas trouvé de coupable... aucuns cheveux, aucune arme, aucune empreinte digitale... ce qui veut dire que vous êtes aussi suspecter du meurtre qui vient de survenir.

– Meurtre, marmonne Aya, complètement en état de choc, les larmes plein les yeux, tout en reniflant sans son élégance habituelle.

– Suspect, nous nous sommes exclamés Keven et moi à une seconde d'intervalle d'Aya.

Le représentant des Forès hoche la tête.

– Que faisiez-vous à dix-neuf heures trente?

Son acolyte tient un carnet, prêt à écrire tout en détail.

– Il me faudrait leur nom et leur âge... ou leur carte d'identité, avant, dit celui-ci en faisant un coup de tête vers nous.

– Ah, oui. Keven Westcott, vingt-quatre ans, Clara Lynch, seize ans et... euh...

– Aya Lynch, ma sœur jumelle.

– Oui... bien... euh... alors, que faisiez-vous à dix-neuf heures trente?

Je prends une grande respiration pour ne pas avoir la voix trop chevrotante. Puis regarde tour à tour les deux policiers.

– Nous étions ensemble avec une autre amie pour discuter d'une fête à laquelle nous allons participer, vendredi, commençais-je en serrant la main tremblante de ma sœur qui reniflait toujours. Nous étions sur le point de conclure notre rencontre lorsque nous avons entendu des cris...

– Votre amie, où est-elle, c'est quoi son nom et son âge?

– Elle est partie plus tôt, car elle devait rejoindre sa grand-mère. Elle est partie à vélo avant l'événement. Elle était sans doute déjà loin. Elle s'appelle Maggie Collings et a treize ans.

Le Forès lève un sourcil et je lui fais un petit signe de tête pour confirmer son doute. Il a tout de suite dû penser à Katherine Collings, représentante des Intès et, autrement dit, Kat, la grand-mère de Maggie.

– Donc aucun de vous n'avez vu ce qui s'est passé?

– J'étais dans la salle de bain et les filles, dans le salon quand nous avons entendu des cris, dit Keven en attirant l'attention des deux hommes. Je me suis précipité pour pousser les filles à l'extérieur et courir jusqu'ici en même temps de vous appeler. Tout ce que j'ai eu le temps de voir avant de réagir, c'est un homme, enfin, je crois que c'était un homme... plutôt grand, mais à mince carrure. Je n'ai pas très bien vu de la petite fenêtre, mais ce que je sais, c'est qu'il était complètement habillé de noir... avec quelque chose dans sa main...

Le représentant des Forès hoche la tête.

– Sans doute un couteau ou une dague... à en croire les marques de plaies sur le corps des victimes.

Il y eut un court silence, mais assez longtemps pour qu'une question me démange. Mes lèvres bougèrent d'elle-même, trop curieuse de connaître la réponse.

– Est-ce que les marques faisaient un étrange symbole?

Les deux policiers se regardent, surpris, puis ils hochent la tête.

– C'est une question plutôt inattendue, dit le Forès en me fixant de ses yeux lumineux, légèrement soupçonneux. Sais-tu quelque chose que nous ignorons?

Je secoue la tête.

– Tout ce que je sais et que je peux vous dire, c'est que l'assassin est un tueur en série... qui espace ses meurtres de quelques années.

Les deux policiers se regardent de nouveau.

– Comment peux-tu en être sûr?

Je regarde Aya et Keven avant de reporter de nouveau mon regard vers les deux hommes.

– Parce qu'à cause du symbole, si c'est le même, je peux en déduire qu'il est le même assassin que mes parents et mes grands-parents... puis maintenant, des deux policiers qui nous avaient pris en charge, ma sœur et moi.

L'autre me regarde avec une pitié qui m'agace alors que le Forès se contente d'hocher la tête.

– Si vous ne me croyez pas, chercher dans vos archives incomplètes, le dossier Lynch...

En même temps, s'ils le sortent, je pourrais enfin tenter de voler ce que je cherche depuis des mois.

– Nous verrons.

– Il est impossible pour l'un d'entre nous d'avoir aussi tué ma famille. Nous étions tous bien trop jeune.

– Bien, bien... dans ce cas, nous commencerons par trouver et réouvrir se soi-disant dossier... et si tu dis vrai, nous ne vous poserons pas d'autres questions... mais en attendant, nous voulons vos numéros de téléphone. Nous vous contacterons en cas de besoin.

Aya me regarde avec inquiétude tout en secouant la tête. Je sais que nous avons le droit de refuser, mais pour notre bien à toutes les deux, je vais donner au moins le mien. L'avantage de côtoyer un policier dans ce cas-si, c'est que j'aurai sans doute plus de facilité à le voler. Je fais un petit sourire à Aya qui secoue toujours la tête, puis donne mon numéro après que Keven eut donné le sien. Après leur avoir donné de quoi nous communiquer, qu'ils nous aient raccompagner jusqu'à la maison (ils ont déjà débarrassé l'endroit où il y avait eu les corps, seul des lignes blanches nous indiquent où ils s'étaient trouvés, en arrière... et en passant malgré les banderoles jaune "danger" autour de notre terrain). Ils nous conseillèrent de prendre le nécessaire et d'aller vivre ailleurs, ils nous dirent qu'ils s'occuperont de nous donner le montant d'argent de la vente des biens de Léo et Louisia... puis ils partirent.

Nous restons un moment en silence. Keven nous conseille ensuite de prendre au moins une journée ou deux avant de retourner à l'école.

Après avoir rempli plusieurs sac et valise de notre nécessaire (vêtements, téléphone, portable, brosse à dents, brosse à cheveux, shampooing, savons, etc.), nous décidons de dormir dans un motel miteux, mais au moins, pas cher, le temps de trouver une solution.

Lorsque je sors de la minuscule salle de bain, Aya est assise dans son lit et regarde par la fenêtre sans aucune expression, comme si elle avait été vidée de toutes émotions.

Je frissonne en la voyant ainsi. C'était effrayant de me dire que, là, en cet instant, elle me ressemble encore plus que d'habitude... sans se forcer à être comme moi... à être moi... comme quand nous échangions nos places à l'école, quand nous étions petites, vu que nous aimions des matières différentes.

– Qu'est-ce que je vais faire, murmure-t-elle tellement bas que j'eus du mal à l'entendre.

Elle se retourne vers moi et me regarde sans vraiment me voir.

– Qu'est-ce que nous allons devenir...

– Nous verrons avec le montant que nous allons recevoir, dis-je en me laissant tomber sur l'autre lit tout en séchant mes cheveux avec une serviette. Je demanderai plus d'heures à mon boss, alors toi, tu te concentre pour finir le secondaire avec des notes acceptables.

Aya reste un moment en silence. Elle me semble être comme un zombie avec ses yeux gonflés et vide.

– Tu ne crois pas que ces policiers vont tout simplement garder l'argent pour eux, dit ma sœur avec une soudaine amertume qui me laisse un moment perplexe.

Ne réagit-elle pas avec autant de dégoût seulement lorsque ça me concerne? Normalement, elle accepte ce qui se passe autour d'elle en se contentant de sourire. Depuis quand ressent-elle des émotions négative? Depuis sa rencontre avec Keven? Avant?

– Non. Ils n'en auraient pas le droit... et de toute manière, le gouvernement le saurait et trouverait ça louche qu'ils aillent soudainement de l'argent de plus que ce qu'ils gagnent. Et puis, l'un d'eux est un marqué. Tout devrait bien aller.

Aya me foudroie soudainement du regard.

– Pff, a-t-elle fait avec dédain. Tu dis ça comme si le synonyme de marqué était honnête.

Je fronce les sourcils. Mais bon sang! Quelle mouche l'a piqué! Pourquoi réagit-elle de cette manière! Ce n'est pas pareil comme après le décès de nos grands-parents! Qu'est-ce qui la rend aussi mesquine soudainement!

– J'en ai marre, s'exclame Aya en me foudroyant du regard alors que ces yeux deviennent légèrement humides. Pourquoi ma vie doit être autant ruiner! Je ne mérite pas ça! Tout ça parce que les marqués existent! Ils ne sont là que pour écouter le diable!

Là, elle va trop loin!

– De quoi parles-tu! Si papa et maman n'avaient pas exister, si grand-papa et grand-maman n'avaient pas exister, nous n'existerions tous simplement pas!

– Je m'en fiche! Je m'en fiche! Je m'en fiche! Laisse-moi croire ce que je veux!

– Arrête de faire l'enfant!

– Je fais ce que je veux!

– Comportes-toi comme une adulte, bon sang!

– Et toi! Tu te crois être adulte!

– Sans doute plus que toi! Oui!

– Tu crois que voler est mature!

– Je vole pour aider et chercher le dossier de nos parents et nos grands-parents!

– Et en quoi, ÇA, c'est utile! Pour qui est-ce utile! Pour toi! Pour soulager ta conscience enfantine parce que tu étais trop jeune pour sauver papa, maman, grand-papa et grand-maman! Hein! C'est ça! C'est ça!

Les larmes me montent aux yeux, mais je les retiens avec difficulté. C'est pour elle que je le fais! Pour elle! Même pas pour moi! Même pas! Je peux voir papa, maman, grand-papa et grand-maman lorsqu'ils viennent me visiter! C'est pour elle! Pour soulager SA conscience douce et fragile. Pas pour la mienne!

– Tout ceci n'a aucun rapport avec les marqués, dis-je la voix légèrement tremblante. C'est tout simplement quelqu'un qui hait notre famille... se sont peut-être même des démarqués...

– Tu sais que c'est faux, dit-elle soudainement très calme, comme si nous ne nous étions pas engueulées l'une sur l'autre. Tu as simple peur de croire que tu as tort et que j'ai raison. Tu crois seulement ce que tu dis. Tu crois seulement que, parce que toi, tu as hérité du pouvoir de notre famille que moi, je ne peux pas avoir un instinct. Et je sais qu'il y a quelque chose qui se trame, du côté des marqués et non des démarqués. Vous cherchez au mauvais endroit. Keven aussi... vu qu'il travaille pour eux... il doit bien être au courant de quelque chose. Ton petit chéri est peut-être contre toi, tu fais l'idiote quand il s'agit de lui et tu lui fais trop facilement confiance... quelqu'un va bientôt te donner un coup de couteau dans le dos.

Je frissonne devant tout ce qu'elle vient de dire. Là, en ce moment, je crains pour elle et non pour moi. C'est elle qui devrait avoir peur. Elle qui est la plus fragile de nous deux. Elle qui faut continuellement consoler et guider sur la bonne voie. Alors pourquoi ai-je cette drôle d'impression que ses mots font écho en moi? Est-ce que je lui donne raison? Non. J'ai confiance en Keven. Et je ne vois pas ce que le Conseil ou les marqués ont à voir là-dedans. Dit-elle simplement ça parce que toute notre famille sont des marqués? Et Léo et Louisia alors? Pour quelle raison sont-ils morts? Ils ne connaissaient même pas l'existence des marqués et des démarqués... ni des hybrides et des autres surnaturels d'ailleurs.

Aya se lève, puis va s'enfermer dans la micro-salle de bain. Je pousse un soupir en me laissant tomber sur le dos, puis j'envoie un texto à Maggie pour lui expliquer la situation. Elle m'envoie en retour un long paragraphe de consolation, puis elle finit par m'écrire qu'elle m'aidera à trouver une solution et qu'elle en parlera à Kat, vu qu'il s'agit d'une urgence. Je soupirs en étant heureuse qu'elle soit là pour moi. Je lui dis que je la verrais sans doute mercredi, puis nous nous souhaitons une bonne nuit. Je fixe un moment mon téléphone... ne sachant pas trop quoi faire. Je me promène un moment sur les réseaux sociaux, mais je m'en lasse rapidement. Il n'y a rien d'intéressant. Comme d'habitude. Seulement la petite vie plate des autres. Je choisis plutôt une playlist de musique rock en essayant de trouver une position confortable sur le petit lit dur.

Saleté! C'est dur comme fer! Je n'arriverai pas à dormir sur cette ordure!

Mais bon. Je n'ai pas trop le choix quand on n'est pas riche. Je finis par fixé le plafond jauni autant que les murs, perdu dans mes pensées qui vagabondent étrangement vers le Forès que j'ai rencontré par pur hasard. Lorsqu'Aya sort, je sursaute légèrement.

– Nous aurions dû emmener plus de couverture, dis-je alors que ma sœur passe à côté de mon lit pour se rendre au sien.

Elle ne répond pas, se contentant de se coucher sur le matelas dur.

– Bonne nuit, dis-je même si je savais qu'Aya ne me répondra pas.

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