Chapitre 2 : un arrêt de bus étrange


Une chanson d'ABBA résonnait bruyamment entre les quatre murs rouge et blanc de la cuisine ouverte sur l'immense salon de la demeure. Rose Fessais sautait la crêpe dans la poêle chaude en dansant joyeusement pour mettre un peu d'ambiance dans ce taudis bien trop silencieux. La pendule à coucou sonna six heures, ce qui signifiait qu'elle devait obligatoirement réveiller sa petite marmotte brune. Elle finissait de faire cuire la douzième crêpe qu'elle déposait sur les autres tièdes dans une assiette posée sur la longue table, déjà préparée pour un délicieux petit-déjeuner avant de commencer cette nouvelle journée ensoleillée.

Elle posa ses mains sur la rambarde de l'escalier pour monter rapidement les marches une par une pour rejoindre la chambre de sa sœur, sûrement toujours profondément endormie dans le monde merveilleux des rêves. Rose s'arrêtait devant la porte avec hésitation, elle ne comprenait pas pourquoi Blanche avait choisi cette pièce dans laquelle leur grand-mère avait fait ses premiers pas jusqu'à ses derniers. Son cœur s'étreint de tristesse pour verser les larmes qui ne pouvaient couler sur ses joues.

Elle n'était pas comme Blanche à montrer aussi facilement ses émotions, hélas, beaucoup de personnes pensaient qu'elle n'était juste un glaçon aussi froid que l'hiver. Sa main se posait sur la poignée pour ouvrir la porte et pénétrait dans le nouvel environnement enchanté de sa sœur. Ses yeux brillaient d'admiration pour la bibliothèque remplie d'ouvrages de contes de tout thème.

Leur grand-mère avait su transmettre sa passion pour cet univers particulier que souvent les personnes oublient en grandissant. Son regard se posa sur sa petite marmotte enroulée chaudement dans les draps.

— Débout, la belle au bois dormant, s'écria-t-elle en sautant dans le lit double pour réveiller Blanche.

Rose prenait un coussin pour attaquer sa sœur encore emprisonnée par le brouillard du sommeil. Cependant, rapidement, Blanche peut parfaitement retourner la situation à son avantage pour virer Rose de son nid douillet. Son arme secrète était les chatouilles, car Rose craignait énormément les guilis. Cela réussit à la faire fuir pour laisser un moment de répit à Blanche déjà épuisée par cette matinée à peine commencée.

— Allée, lève-toi, petite marmotte, dans une heure, on doit prendre le bus. On n'a pas envie de louper et de devoir marcher jusqu'à pied à ce lycée, dit Rose en lançant le coussin qu'elle tenait toujours dans ses mains avant de sortir de la pièce. Elle précise bien à Blanche qu'un superbe déjeuner l'attend en bas.

Il ne fallut pas une minute de plus pour encourager sa sœur à se lever et descendre les escaliers comme une tornade. Rose ne put sourire d'amusement en la suivant pour s'installer à la table et commencer à se restaurer convenablement.

— Maman n'est pas là ? Demanda Blanche en jetant des regards pour chercher leur mère, qui était désormais leur seule famille. Rose mit ses mains dans la poche de son pantalon rose bonbon de pyjama pour sortir un bout de papier froissé. Elle le donna à Blanche sans un regard en dégustant deux crêpes enrobées de pâte à tartine au chocolat. Pourtant, ses yeux ne pouvaient s'empêcher d'observer la mine confiante de sa sœur, sûrement déçue par le petit mot de leur mère, toujours absente dans les moments importants de leurs vies.

— Je te promets que ça va bien se passer ce premier jour, je ne te lâcherai pas la main pour rien au monde, murmura-t-elle en essayant de la rassurer. Elle se léchait les bouts des doigts pour enlever le chocolat et ses mains s'activent déjà à débarrasser ses affaires pour commencer à laver avant d'être rattrapé par l'heure qui tournait malicieusement.

Blanche emmenait son bol à demi vide et sa moitié de crêpes qu'elle jetait à la poubelle avec un regard attristé et tourmenté par l'angoisse de ce premier jour qui sera un vrai nouveau départ pour elle.

Rose l'entendait monter les escaliers en appelant d'une petite voix la chatte de leur grand-mère, disparue mystérieusement peut-être, bien que celle-ci ait dû s'échapper pour s'aventurer dans les bois derrière la demeure. Elle avait peu d'espoir de retrouver cet animal comparé à sa sœur à la détermination sans faille.

Elles étaient jumelles, leur apparence parfaitement identique comme le reflet d'un miroir. Cependant, leur personnalité ne pouvait que les éloigner par la différence. Blanche rayonnait d'une douce lumière de bonté, comparée à Rose attirée par les ombres pour éviter d'être au centre de l'attention.

Ainsi, elle n'était pas obligée de côtoyer les autres personnes peu intéressantes à ses yeux.

Quand elle finissait la vaisselle, c'est d'un pas rapide qu'elle rejoint sa sœur à l'étage pour emprunter la seconde salle de bain. Ses mains avec efficacité défaisaient son chignon qui retenait ses longs cheveux bruns ondulés.

La pique du peigne démêla les nœuds avec douceur, ensuite, avec empressement, elle se brossait ses petites dents, et pour finir ce rituel, une petite douche bien chaude qui permit de détendre ses muscles. Elle attrapait une serviette pour s'enrouler dedans et se dépêcha de se sécher avec un profond soupir.

C'était d'un geste qu'elle s'habillait d'un jean à trou et d'un pull blanc à capuche. Elle sortit pour attraper son sac dans un coin de sa chambre, mais son regard fut attiré par le livre de conte, un dernier cadeau de leur grand-mère ; avec hésitation, celui-ci rejoignit ses autres cahiers.

— Tu es prête ? Demanda Blanche en entrant dans la pièce qu'elle observait avec une petite grimace à cause du bazar qui y régnait. Rose avait toujours eu un côté bordélique, contrairement à sa sœur, qui était sans nul doute une fée de logie ; même Cendrillon ne pouvait l'égaler dans le ménage.

Elle hochait simplement la tête en mettant correctement son sac derrière son dos. C'était ensemble qu'elles descendaient, pour partie avec hâte, sans oublier de fermer à clé. D'une démarche soutenue, elles prenaient la route en direction de leurs arrêts de bus.

Le trajet se faisait dans un silence apaisant aux bruits légers du vent frais avec ses petits craquements de feuilles brisées sous leur semelle de chaussures. Rose aimait bien le mois d'octobre pour ses couleurs flamboyantes et ses paysages d'une beauté saisissante.

Sa main entourait celle de Blanche, déjà légèrement frigorifiée, pas étonnant avec son collant noir et sa jupe à carreaux, puis son chemisier qui ne devait pas tenir bien chaud. Elle avait mis sa veste, mais cela ne la protégeait pas des bourrasques. Alors Rose sortait son sac de derrière son dos pour enlever son blouson et le prenait à sa sœur avant que celle-ci n'attrape froide.

— Prochaine fois, essaie de t'habiller plus chaudement.

Je ne pouvais pas m'empêcher de la sermonner comme une petite fille, et bien sûr, cela débutait par une petite dispute qui durait jusqu'à notre arrivée à notre fameux arrêt peu accueillant. Elle observait longuement le lampadaire rouillé avec une pancarte dessus écrit le nom de l'arrêt et aucun abri n'était en vue.

Il n'y a que la route et les deux bordures avec des arbres pour seule décoration dans ce décor à l'atmosphère pesant. Rose sentait la main de Blanche broyer ses doigts et son petit corps se collait contre le sien comme pour se protéger d'un soi-disant danger.

Elles sursautaient en même instant au son d'un bruit étrange venant de derrière les arbustes. Aucune d'elles n'osait se retourner par peur de tomber sur un être étranger. Bien sûr, c'était à ce moment précis que les histoires de leur grand-mère reviennent subitement dans leurs esprits.

Elle disait que des monstres vivaient dans les forêts des alentours, que même un jour un des leurs l'avait attaqué, mais tout cela n'était que des contes. Rose essayait désespérément de s'en convaincre, mais le bruit se rapprochait de plus en plus jusqu'à ce que soudainement cet étrange bruit soit étouffé par un coup de klaxon violent.

C'était le bus qui était arrêté, les portes ouvertes, mais aucune d'elles ne l'avait vue arriver. Rose jetait un regard perplexe à sa sœur qui haussa les épaules et sans perdre une minute. C'était d'un pas décidé qu'elles montaient dedans en sécurité que d'être près de ce lampadaire.

Rose s'affala lourdement dans un des fauteuils au fond et Blanche la rejoint en poussant sa tête sur son épaule, ses cheveux longs aussi châtains clairs que les siens dissimulant son visage pensif. Elles se plongeaient toutes les deux dans leur propre monde pour fuir les regards et le chuchotement curieux des autres étudiants installés un peu plus loin dans l'habitacle, sûrement qu'ils devaient tous aller dans le même établissement.

Rose posa sa tête contre la vitre pour regarder le paysage défiler à une vitesse affolante. Sa main fouille dans son sac à moitié ouvert pour toucher de ses bouts de doigt la couverture rigide du livre, ce qui permet de calmer son petit cœur étreignait d'une angoisse pour ce transport.

Ses yeux se fermaient pesamment pour essayer de s'échapper quelques secondes de cet instant et de se réfugier dans son imagination. Elle savait parfaitement que Blanche veillerait sur son sommeil pour la réveiller une fois que ce bus soit arrivé à bon port... s'il y arrivait.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top